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Ce que j’en pense : Thanatos

La Forme :

Thanatos se présente sous la forme d’un cahier à spirale d’environ 170 pages. Papier glacé suffisamment épais pour ne pas en faire redouter la manipulation, noir et blanc. La grande majorité des illustrations est réalisée par l’auteur (JYP, Jean Yves Pattus¹), ce qui confère une belle unité graphique à l’ouvrage, dans un ton très gothique qui vient bien poser l’ambiance du bouquin. Personnellement, j’adore… après, ça plait ou ça ne plait pas, question de goûts, mais dans tous les cas, il y a une identité forte qui se dégage de l’ensemble. Les dernières pages de l’ouvrage proposent des marques pages à découper 😱😱😱, récapitulant sommairement l’interprétation des cartes (car oui, le jeu se pratique avec un tarot) ainsi que quelques points de mécanique utiles en jeu.

Exemple de Faucheur

Le Fond :

Le jeu est sous titré « jeu tragique de drames et d’horreurs médiévales »… et c’est exactement ça 😀 Les joueurs vont incarner des Faucheurs, des individus à priori lambdas, qui ont été marqués par l’un des visages de Thanatos après une rencontre avec un non-mort. Or donc, Thanatos est le dernier dieu ancestrale du royaume d’Haltdörf, dans lequel vont se dérouler les « aventures » des pj. C’est un dieu de colère et de justice, de création et de destruction, aux multiples facettes (il possède quatre visages pour refléter ces aspects : Borrh, Satyr, Skragg et Yul), qui n’est pas des plus commode.

Satyr, un visage de Thanatos 😍

Il a donc fait des pj ses émissaires dans le royaume, leur conférant certains pouvoirs, mais surtout des obligations, notamment chasser les non-morts… Histoire que les choses ne soient pas trop simples (ce n’est pas un dieu très communicatif), les pj auront pour seul guide un familier (qui lui, représente une autre force d’importance dans le jeu : les seigneurs bètes) et qui peut plus ou moins communiquer avec eux, ainsi que leur octroyer certains pouvoirs. Petite précision quant aux familiers… ils ne sont pas acquis d’emblée aux personnages, la relation les unissant va devoir se travailler afin d’évoluer dans le bon sens (ou pas) et sont donc là non pas juste pour aider les pj, mais avant tout pour les surveiller, les aiguiller, et rapporter au tribunal des bètes leurs agissements… Effectivement, si vos pj abusent de leur pouvoirs, ne respectent pas certaines règles tacites, ou sombrent dans la violence gratuite, ils seront jugés… et là, ça craint pour eux 😅 Ne vous attendez donc pas à vivre de grandes aventures épiques et colorées, peuplées de féérie, de joyeux repas autour d’un feu de camp ou de grandes fètes de village… vos Faucheurs ne sont et ne seront pas des héros… tout est fait pour leur conférer un destin tragique, au service d’un dieu ingrat (comme tous les dieux), et les faire évoluer dans un monde qui ne veut pas d’eux. Dans le meilleur des cas, ils seront perçu avec une sorte de crainte respectueuse, mais leur lot commun sera surtout d’être ostracisés par une population qui redoute leur venue au moins autant qu’elle l’espère… en effet, c’est une vie de vagabonds qui vous guette, guidés par votre familier vers des endroits hantés, des communautés déchirées et des situations dramatiques… Non contents de chasser les non-morts, vous devrez aussi parfois servir de passeur pour les âmes des mourants (ou du moins, ceux appelés à mourrir 😅), et bien souvent, vous devrez vous salir les mains pour « aider » les personnes désignées par votre dieu à partir, ce qui n’aidera pas à redorer votre blason auprès des familles concernées.

Yul… un autre visage…un peu moins avenant

L’ambiance :

Le monde est dark, injuste et cruel… en lisant le livre, je n’ai cessé de visualiser des soirées orageuses, des nuits profondes, de la crasse et de la misère… bien sûr, le jeu ne se résume pas à cela (la nature sauvage étant l’une des grandes forces en présence), mais quand même… Le gros de l’action tourne autour des non-morts, qui viennent hanter des communautés (vampires, revenants, nécromanciens, …), communautés qui bien souvent auront elles mêmes généré le drame qui conduit à la naissance d’un non-mort. Les personnages vont donc venir remuer tout ça pour en tirer la substantifique (ou plutôt l’horrifique) moelle et si possible régler la situation sans y passer. Le jeu se veut mature, horrifique et viscéral, ne convenant pas forcément à toutes les tables.

Le Système :

Un Seigneur Bête

Le jeu tourne autour du tarot et de sa symbolique. De la création à la résolution des actions, tout passe par les cartes. Même si la mécanique est simple (tirage de carte et comparaison de la valeur avec une compétence afin de calculer une marge de réussite), ça va demander pas mal de boulot au mj comme aux joueurs, car l’auteur étant un grand fan de « tarologie », il charge bien au niveau symbolique. Si comme moi vous n’êtes pas expert en la matière, il va falloir se pencher sérieusement sur la chose, au risque de passer à côté d’une part essentielle de l’ambiance du jeu, ce qui serait franchement dommage. Pour ce qui est des aventures, qui sont appelé ici des Drames, la recommandation de l’auteur est de générer des « zones de chasse », autrement dit, des bacs à sables dans lesquels on prévoit différents facteurs de jeu, comme un ou des non-morts, des communautés, la géographie de la zone, le seigneur bète qui chapeaute l’endroit, etc. Une fois tout ceci posé, on lâche les pj dans la zone et advienne que pourra. C’est une approche qui me plait bien car pas ou peu dirigiste et que ça permet d’éviter le sempiternel « vous êtes dans une auberge », tout en donnant l’illusion de la liberté alors que comme pour un scénario standard, les choses sont balisées (et en partie scriptées).

Conclusion :

Ben c’est très chouette, hautement évocateur en peu d’espace et original dans l’approche. Il y a des conseils pour étendre cela à d’autres périodes historiques, mais l’ambiance crasse du moyen âge convient à merveille au propos du jeu. Je ne sais trop pourquoi (enfin, si un peu quand même), mais j’y vois comme une sorte de Hurlement² bien glauque, coupé avec du Sorceleur³ (je parle exclusivement de celui des premiers livres, qui pour moi relevait bien plus du cradingue désespéré que ce qui fut proposé ensuite avec jeu vidéo et série ou jdr). Bref, un très bon jeu, une très bonne surprise que j’ai envie de faire jouer plutôt que de juste le ranger sur l’étagère 😁

Ps, le jeu coute dans les 17€ sur lulu pour l’édition 2020 (c’est celle que j’ai)

https://www.lulu.com/en/gb/shop/jean-yves-pattus/thanatos/paperback/product-78pk44.html?page=1&pageSize=4

Notes et références :

¹ Jean Yves Pattus : https://www.lulu.com/search/?adult_audience_rating=00&contributor=Jean+Yves+Pattus&page=1&pageSize=10

² Hurlements : http://www.legrog.org/jeux/hurlements

³ Le Sorceleur : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Le_Sorceleur

Focus

Focus Hong Kong – Les Chroniques de l’Étrange (article initialement publié sur le blog « Cultures de l’imaginaire »)

Chères toutes, chers tous, 

Nous allons aujourd’hui découvrir un phénomène rare pour un Focus, avec l’observation d’une entité bicéphale, responsable d’un projet de jeu de rôle baptisé « Hong Kong – les Chroniques de l’Étrange ».

Pour celles et ceux qui s’intéressent aux littératures dites « de genre », ce nom ne semblera pas tout à fait inconnu puisqu’il vient d’une série de romans nous faisant découvrir le quotidien de Johnny Kwan, exorciste de son état, dans la très exotique (du moins pour nous) ville de Hong Kong (d’où le titre 🧐… y’en a là-dedans hein ! 😁)

Sans plus attendre et sous vos yeux ébahis, après Laurel et Hardy… Behold :

Lameire-d’Huissier (rien à voir avec la Mère Miche…non, allez, j’arrête)

couverture du jdr par Xavier Colette

1 : Salut Romain (d’Huissier), salut Cédric (Lameire) 👋… bon, je déboule un peu en catastrophe pour vous passer à la question, en rapport notamment avec Hong Kong – les Chroniques de l’Étrange, qui est en financement participatif jusqu’au 4 décembre… il était temps, me direz-vous à raison !

Si l’on passe sur mon sens du timing des plus déplorable, que reste-t-il à dire sur Hong Kong – les Chroniques de l’Étrange qui ne l’ait déjà été par le FIX1 ou le podcast Ind1002 (dur d’arriver après la guerre…) ?

[Romain] Peut-être peut-on dresser un bilan de ce financement avant la dernière ligne droite ? Dans l’idée de convaincre les derniers indécis. 

C’est en plus l’occasion pour moi de rendre hommage à Antre Monde3. Récapitulons donc.

Tout d’abord, les diverses offres restent tout à fait raisonnables : un pack tout PDF, une possibilité de ne prendre que le livre de base, une offre classique permettant de se procurer ce dernier avec l’écran et enfin la dernière proposition donne en plus de cela l’opportunité d’acquérir la trilogie de romans. En parallèle, quelques options – dont certaines se révèlent bien utiles (le dice tray avec le diagramme Ng Hang, notamment). Et voilà ! Pas de surenchère inutile ou de bonus à faible intérêt ludique risquant de mettre le projet en retard. Le cœur de ce financement, c’est le jeu et rien que le jeu.

Et afin que le public puisse se familiariser avec Hong Kong – les Chroniques de l’Étrange – et décide alors s’il est tenté ou pas par le financement –, l’éditeur propose un kit de découverte très complet (quatre-vingt-dix pages, quand même) et fort illustré. Résumé de l’univers, système, scénario et cinq personnages prétirés permettent en effet de tester sur quelques séances le potentiel de l’univers, ainsi que les règles originales du jeu. Et puis la bande-annonce du jeu – avec musique, voix off, animation ! – a de quoi donner envie de découvrir tout cela.

Il n’aura échappé à personne que le financement a débuté en plein confinement et qu’Antre Monde a alors pris la mesure de l’importance du jeu de rôle en ligne, qui gagne en puissance. Aussi a-t-il été proposé successivement pour faciliter l’utilisation du kit sur internet : une macro Dice Parser pour Discord, une fiche pour Let’s Rôle et une fiche pour Roll20 – à ma connaissance, aucun éditeur n’en a jamais fait autant. Rajoutons qu’Antre Monde s’est engagé à ce que l’un des Taonet (suppléments PDF débloqués durant le financement) sorte avant la livraison du jeu, pour permettre aux rôlistes de prolonger l’utilisation du kit (dans le même ordre d’idée, une petite surprise devrait arriver durant la semaine à venir). 

Tout cela s’accompagne d’actual play et de vidéos explicatives ainsi que de la création de salons Discord dédiés pour répondre à toutes les éventuelles questions. Un effort important a donc été accompli pour que Hong Kong – les Chroniques de l’Étrange soit un projet le plus transparent possible et que son kit de découverte ait une durée de vie suffisamment longue pour faire patienter les participants jusqu’à l’arrivée du jeu ! 

2 : Cédric, aussitôt arrivé dans l’industrie du jeu de rôle professionnel (tremble, Arcelor Mittal !) avec ton boulot sur Knight4, tu enchaînes avec Romain sur rien de moins qu’une adaptation de son univers en objet ludique… Pas trop intimidant de bosser avec Monsieur Brigade chimérique5, ça se passe comment ?

[CEDRIC] Cela se fait avec beaucoup de passion, de travail et un peu d’humour aussi ! Romain et moi, nous avons une méthode de travail basée sur l’échange. Nous avons découvert au cours de ces échanges qu’il y a une réelle complémentarité entre nos différents talents. 

Effectivement, je débute en tant qu’auteur. C’est une chance de pouvoir profiter de l’expérience et de conseils de l’équipe d’Antre Monde et de travailler avec Romain. Une chance que je ne me voyais pas laisser filer ! J’ai simplement fait ce qui me plaisait, avec l’énergie et la persévérance qui me caractérisent. 

Je ne suis pas vraiment néophyte en ce qui concerne le jeu de rôle en tant que hobby. Je suis tombé dedans quand j’étais petit – et c’était il y a longtemps ! J’ai toujours eu envie d’écrire du jeu de rôle. J’avais fait quelques essais en amateur étant étudiant, mais les moyens de se faire publier n’étaient pas les mêmes à l’époque. Pouvoir le faire aujourd’hui m’enchante. 

Mais bien sûr qu’il y a de la pression, la peur de décevoir ou simplement de commettre des erreurs, en travaillant désormais parmi les pros. 

[Romain] Au départ, c’est moi qui ai demandé à Antre Monde de me trouver un coauteur un peu pointu sur la technique. Car je voulais que les règles de Hong Kong – les Chroniques de l’Étrange soient vraiment travaillées, en accord avec les concepts de l’univers. 

Et le contact avec Cédric a immédiatement été fructueux et détendu. On travaille ensemble de façon très naturelle et sa précision compense largement mes lacunes ! 

3 : Romain, ça faisait quelque temps que tu t’étais mis un peu en retrait du monde dujeu de rôle (hormis quelques participations par le biais d’articles ou de scénarios dans des recueils à droite à gauche) au profit de l’écriture de romans… et là pouf, coup sur coup on te retrouve avec Les Partisans6 (pour Hexagon Universe⁷) qui vient d’être livré et le portage des Chroniques de l’Étrange⁸… tu boudais ou c’était juste reculer pour mieux sauter ?

[Romain] Ni l’un ni l’autre ! En réalité, cette impression de « désertion » n’est que le reflet du temps éditorial. Par exemple, j’ai écrit les Partisans avec Yohan Odivart en 2019 – mais financement et livraison de ce projet ont eu lieu en 2020. Donc pendant que je bossais, on pouvait imaginer que je ne faisais rien. De même, on travaille avec Antre Monde et Cédric sur Hong Kong – les Chroniques de l’Étrange depuis septembre 2019 en réalité. 

Et si l’on remonte, on voit que j’ai produit Mythic Battles: Pantheon⁹ (2017) alors que j’écrivais encore ma trilogie de romans (écrite entre 2014 et 2018) – ainsi que les suppléments Aventuriers & Seigneurs de la Jungle (2015) et Rois des Profondeurs (2016) pour Hexagon Universe. Je n’ai pas vraiment de raisons de rougir de ma production.

Donc en réalité, je mène vraiment écriture littéraire et écriture ludique de front sans jamais mettre de côté l’une au profit de l’autre. C’est simplement qu’il faut le temps pour produire des textes et que ceux-ci ne sortent pas immédiatement après leur achèvement. 

une petite soupe d’anguille pour se requinquer ?

4 : À moins d’écrire pour un guide touristique du moustachu qui balade son sac à dos depuis maintenant une paire d’années, Hong Kong n’est pas une « ville » connue du grand public au point de la retranscrire aisément autour d’une table de jeu (je m’y suis déjà frotté avec Feng Shui¹⁰… c’était chaud 😅). Vous vous y prenez comment pour en transmettre l’ambiance si particulière et en extirper une trame ludique exploitable… disons… par moi (au pif), qui ne vais plus en ville que pour acheter le lait des petits (et quand je dis ville, je parle de cinq milles habitants 😅) ?

[CEDRIC] À mon avis c’est un faux problème. Je vais citer quelques grandes villes du monde réel telles que Seattle, Chicago ou Tokyo (qui sont utilisées dans certains jeux de rôle assez célèbres) ou quelques grandes villes de mondes imaginaires comme Mos Eisley¹¹ ou Minas Tirith¹² dont vous reconnaitrez sans doute la provenance. Puis je vous pose la question : avez-vous eu besoin d’être des « experts » de ces villes pour y faire jouer des aventures palpitantes à vos PJ ? Moi j’avoue n’avoir jamais mis les pieds à Seattle ou Chicago et ne pas être suffisamment expert de Tolkien pour prétendre connaître Minas Tirith. Et pourtant, en jeu ça fonctionne bien.

À la base, je connaissais un peu le Japon mais pas du tout la Chine quand j’ai lu les romans de Romain. Je suis loin d’être un spécialiste de Hong Kong mais j’ai lu des romans, j’ai vu des films et à moins d’avoir un PJ qui a visité Hong Kong à la table, l’illusion est possible comme elle l’est avec n’importe quel autre décor de jeu qui ne se passe ni à Lille, ni à Lens (pour citer des villes que je connais… d’ailleurs, vous avez déjà essayé de jouer dans une ville que vous connaissez vraiment bien ? Personnellement, je n’y arrive pas : le dépaysement n’y est pas…).

[Romain] Comme le dit Cédric, l’illusion ludique doit primer sur la vraisemblance pour évacuer ce souci. D’ailleurs, mon travail de documentation pour les romans m’a permis de bien connaître la ville et je me suis aperçu à la vision de plusieurs films hongkongais que leurs réalisateurs n’hésitaient pas à tordre la géographie de leur propre cité dans un but cinématographique ! Par exemple, une poursuite en voiture qui passe d’un quartier à un autre en un virage, lesdits quartiers ne se trouvant même pas sur la même île ! Si des Hongkongais n’ont aucun complexe à ce niveau, autant dire que des joueurs français ne devraient pas avoir à s’en faire à ce sujet…

Selon moi le plus important, c’est de transcrire une ambiance – l’âme de Hong Kong, en quelque sorte. Que le lecteur comprenne ses spécificités (son mélange occident / Chine, sa modernité côtoyant le traditionnel, etc.), celles qui lui donnent son identité et font qu’il s’agit d’une cité unique qui ne peut se comparer à aucune autre dans le monde. 

Une fois ceci fait, on peut se plonger d’un peu plus près dans ses rues – mais là encore, sans forcément avoir de souci de réalisme total ou de connaissance encyclopédique. Dans le livre de base, notre description de Hong Kong mêle ainsi des lieux réels et assez iconiques (le Bouddha géant de Lantau, le quartier de Mongkok, le temple de Wong Tai Sin…) à des endroits que nous avons inventés (Chez Lau, par exemple). Et tout est bien sûr passé au filtre « Chroniques de l’Étrange » : ce qui fait que même les lieux connus sembleront différents, imprégnés de magie et de mystère.

Que le meneur de jeu comprenne qu’il peut tout à fait créer ses restaurants, ses temples, ses triades, ses îles même ! S’il comprend comment y injecter l’ADN de Hong Kong – de notre Hong Kong –, alors il sera dans l’esprit.

la trilogie aux éditions Critic

5 : Quand on adapte un univers existant pour permettre à des geeks lambdas d’y faire vivre leurs propres personnages, quels sont selon vous les pièges à éviter afin de ne pas les enfermer dans le carcan du matériau originel ? (je pense notamment à des jeux comme le Trône de Fer¹³ ou, de mon point de vue très personnel, Star Wars qui ont des enjeux tellement marqués dans la fiction qu’il semble difficile d’y trouver sa place)

[CEDRIC] Nous avons pris le parti de ne pas présenter les personnages des romans sous forme de statistiques de jeu, ni de figer les évènements qui s’y déroulent comme canoniques. C’est bien le même univers, la même ambiance et les mêmes saveurs, mais les meneurs de jeu et joueurs sont invités à écrire leurs propres histoires et à décider par eux-mêmes de la place des romans dans tout cela. 

[Romain] Voilà, tout à fait. Les romans qui mettent en scène Johnny Kwan et ses amis ne constituent pas une storyline particulière. Il s’agit de l’aventure de ces personnages littéraires et elle ne change pas le cadre du jeu (là où la fin de la saga d’Elric¹⁴ voit la destruction de son monde). Un meneur de jeu peut même s’emparer de la trame de la trilogie et l’adapter en campagne pour ses joueurs (bon, il faut qu’ils n’aient pas lu les bouquins !). 

Les héros du jeu de rôle Hong Kong – les Chroniques de l’Étrange, ce sont les PJ des joueurs et personne d’autre. Peut-être croiseront-ils Ann Lung ou Helena Shiu mais uniquement pour le clin d’œil ou s’il y a besoin d’un PNJ de leur style – et ces PNJ ne résoudront pas les scénarios à leur place ! 

Au final, les romans doivent être vus comme une source d’inspiration où puiser plein de détails ou de PNJ secondaires, mais pas une chronologie contraignante. 

6 : Cédric, en terme de gamedesign, tu as (semble-t-il à mes yeux de profane) une approche assez différente de ce qu’a pu présenter Romain dans ses jeux précédents (on peut difficilement comparer les mécaniques de Knight à celles de la Brigade chimériqueou d’Hexagon Universe)… Vous avez fait comment pour trouver un terrain d’entente ? Y a-t-il eu du sang, de la sueur et des larmes ou ça s’est fait assez naturellement ?

[CEDRIC] En fait quand on a constitué l’équipe, Romain ne me connaissait pas du tout mais moi, j’avais déjà lu pas mal de jeux sur lesquels il avait travaillé ou dont il était l’auteur ou un des auteurs. Je savais donc que j’appréciais son boulot, au-delà des romans et de leur univers spécifique. Je précise aussi que je n’ai pas conçu le système COMBO de Knight : c’est le travail de Simon & Coline¹⁵-¹⁶. Je me le suis très bien approprié et j’œuvre aujourd’hui un peu en tant qu’expert dudit système, mais c’est parce que j’aime les belles mécaniques !

La toute première proposition de système que j’avais faite à Romain pour les Chroniques de l’Étrange ne l’a pas vraiment convaincu. J’étais arrivé avec quelque chose de plutôt classique. En fait, je n’avais pas osé en faire « trop ». Nous avons eu un échange à ce sujet et je me suis rendu compte qu’on ne s’était pas compris sur ce qu’il recherchait. C’était un échange un peu magique. Plus il expliquait ce qu’il voulait, plus j’avais de nouvelles idées. De fil en aiguille, les premières bases du système actuel ont été posée lors de cette très longue discussion.

Depuis, il y a eu de nombreuses autres discussions fleuves. Nous échangeons sans langue de bois dans une atmosphère agréable de co-construction, sur tous les sujets. J’interviens au-delà du système – sur des lieux, des personnages, des scénarios. Il y a une vision commune du jeu dans son ensemble, que Romain et moi partageons à présent. Tout cela se fait très naturellement. 

7 : Petite question qui s’éloigne un peu de l’univers des Chroniques de l’Étrange et du jeu en lui-même… Ça se gère comment un financement participatif, en termes d’investissement des auteurs ? Vous êtes au taquet, plutôt relax 😎 ?

[CEDRIC] Alors autant j’étais prêt à travailler dur pour devenir un auteur pro après y avoir gouté dans le cadre de Knight, en ayant une vision très claire de ce qu’il fallait faire pour m’améliorer et y parvenir, autant j’ai été surpris par la partie financement, en effet ! Je ne m’attendais pas du tout à devoir répondre à des interviews, faire des vidéos Youtube ou me poser la question de gérer des actual play

Toute la promotion et toute l’organisation du financement, c’est l’œuvre et l’expérience de notre éditeur, en fait. J’avoue être beaucoup plus à l’aise pour écrire des pages et des pages de jeu que pour passer devant une caméra. 

[Romain] Pour ma part, j’ai aussi été surpris par l’implication que cela m’a demandé. Sans même parler de construire le kit de découverte (un vrai travail !), il a fallu assurer une promotion sur un temps assez long : faire jouer un actual play filmé, répondre à pas mal d’interviews sur divers formats, mener une démo durant Octogône, répondre à de multiples questions… Et puis ce petit cœur qui s’accélère le soir quand je regarde la progression du financement, que je la compare aux paliers qui restent à débloquer, etc. 

Mais d’un autre côté, Cédric a raison : c’est Antre Monde qui a vraiment mouillé la chemise afin de promouvoir le jeu du mieux possible. Je ne pouvais pas faire moins car après tout, c’est mon univers que porte cet éditeur ! 

8 : Il reste encore quelques jours pour faire avancer les choses sur la page du financement, toutefois c’est déjà une belle réussite (312 souscripteurs à l’heure à laquelle j’écris ces lignes) – surtout quand on voit la quantité de projets sur les deux derniers mois… En dehors d’un ou deux tristes sires étalant leur amertume sur internet (blink blink 😜), l’accueil semble plutôt bon… Alors, vous êtes du genre à faire la danse du slip devant la concrétisation de la chose ou à ronger les angles de la table basse, serrant les fesses en fixant le compteur jusqu’à la dernière seconde ?

[CEDRIC] Moi, je garde un œil sur le compteur et je fais un petit hakka jouissif à chaque fois qu’un palier est franchi. 

[Romain] Ha ha, moi je suis un gros anxieux nanti d’un terrible syndrome de l’imposteur. Donc oui, je surveille le financement d’un œil angoissé. Je regarde ces gens qui nous font confiance au point de payer avec un an d’avance un produit et je redoute de les décevoir… alors je redouble d’efforts, je cherche de nouvelles idées pour les satisfaire, je relis et corrige ce qui a été fait tout en réfléchissant à ce qui reste à faire. Pas bon du tout pour mon stress, tout ça ! 

Visuel de l’écran de jeu par William Bonhotal

9 : Bon, on a parlé textes et mécanique, mais dans un jeu de rôle l’univers graphique fait également beaucoup… Pour le coup, vous êtes servis entre les couvertures de Xavier Collette¹⁷ (qui se chargeait déjà d’illustrer les romans chez Critic¹⁸) ou l’écran de William Bonhotal¹⁹ (bien connu des lecteurs de Knight)… Ça fait quoi de voir son imaginaire transcrit en image par des gens de talent ? Et quelle part de liberté ont-ils eu pour s’approprier les choses à leur tour ?

[CEDRIC] Voir nos idées et nos écrits devenir de splendides illustrations, c’est extrêmement gratifiant. 

[Romain] Xavier Collette avait réalisé les couvertures de la trilogie chez Critic et afin de bien démontrer que jeu de rôle et romans ont une égale importance à mes yeux, il me semblait important qu’il illustre aussi la couverture du jeu. Quant aux autres illustrateurs, ils sont en effet bluffants ! J’adore voir ces visions d’artistes divers sur mon univers, car elles nourrissent la perception que j’en ai à mon tour, la transforment en y ajoutant un imaginaire qui n’est par définition pas le mien mais qui l’enrichit grandement.

Pour la réalisation de ces illustrations, nous donnons des directives puis laissons les artistes se débrouiller avec ces instructions pas forcément très précises. Le but étant justement qu’ils apposent leur marque sur l’univers et l’étendent ainsi au-delà de ce qu’il est dans ma tête.

10 : Les éditions Antre Monde semblent prendre soin de leurs auteurs tout en leur laissant une belle part de liberté sur les projets portés… Alors Cédric, tu les fréquentais déjà de par ton travail sur Knight mais toi Romain, ça s’est passé comment ce premier chantier en commun ?

[Romain] Je pense que l’interview est assez claire à ce sujet : bosser avec Antre Monde est une expérience gratifiante. Comme déjà précisé, cet éditeur s’est énormément impliqué pour rendre le projet le plus accessible possible pour son potentiel public – avec un financement bien pensé et riche de cadeaux. 

Dès le départ, Antre Monde a compris le potentiel ludique de l’univers des Chroniques de l’Étrange et a mis à ma disposition tout le nécessaire (ouais, Cédric fait partie du nécessaire – mais aussi les auteurs invités comme Julien Moreau²⁰, Antoine Bauza²¹ ou Yohan Odivart²² et les illustrateurs.) pour le concrétiser à mon idée, sans pour autant me laisser sans encadrement ou soutien. On discute, on propose, on décide ensemble et je sais que je peux me fier à lui et à son expérience – en témoigne le succès rencontré sur Knight.

Je resigne avec Antre Monde quand il veut.

11 : un petit quickie sur l’imaginaire en général :– Si vous étiez un livre (roman / BD…) :

[CEDRIC] SILO de Hugh Howey²³

[Romain] Planetary de Warren Ellis²⁴- Si vous deviez cosplayer quelqu’un :

[CEDRIC] Dark Vador (il porte un masque)

[Romain] Johnny Kwan- Si vous étiez un jeu (de rôle / vidéo…) :

[CEDRIC] Exalted²⁵ (pour le côté dragonballzedesque)

[Romain] En ce moment, je me sens très Meute²⁶ (il faudra vraiment que je le mène un jour…)- Si vous étiez une période historique :

[CEDRIC] Antiquité (j’aime les jupettes)

[Romain] Dynastie Ming- Si vous étiez un univers fantastique :

[CEDRIC] celui d’Altered Carbon²⁷

[Romain] Je triche un peu, mais ce serait l’univers cinématographique de la Shaw Bros²⁸

Et pour conclure, la question vache… Selon vous, quelle est la place de l’imaginaire dans la culture (qu’elle soit populaire ou autre) et comment vous positionnez-vous dans ce vaste tableau ? 

[CEDRIC] Le monde réel est beau mais pas toujours très sympa. Pour ne pas dire souvent très dur. L’imaginaire, c’est le monde intérieur. C’est un monde infini. Je crois avoir un imaginaire très riche. Et il s’est enrichi toute ma vie avec les romans, les livres, les films, etc. que j’ai pu voir ou lire. Le jeu de rôle m’a donné le goût du fantastique, de la science-fiction, mais aussi de l’histoire, et me donne, je crois, un regard plus ouvert sur la culture en général. Savoir se mettre à la place des autres et savoir imaginer des mondes différents, c’est quelque-chose d’incroyablement enrichissant. 

Pour moi le jeu fait partie de la culture. C’est peut-être de la « pop » culture pour certains, mais pour moi c’est de l’évasion et du bonheur au quotidien. Et c’est aussi la source de nombreuses pistes de réflexions très sérieuses, utiles pour le réel. Je suis reconnaissant de tout ce que le jeu de rôle en particulier et l’imaginaire en général m’apportent dans la vie. 

[Romain] Je ne sais jamais trop quoi répondre à ce genre de questions. Je produis de l’imaginaire de façon professionnelle, cela constitue une partie de mes revenus – c’est mon métier. Impossible de faire cela si l’on n’est pas passionné (car la rémunération des auteurs…) et surtout persuadé d’avoir un impact sur le monde – même à une échelle minuscule. Les quelques milliers de personnes qui ont joué à mes jeux ou lu mes romans y ont pris du plaisir, j’espère : cela a pu les distraire, les faire réfléchir, leur faire découvrir une culture ou un genre – voire leur donner à leur tour envie de produire de l’imaginaire. Et c’est pour cela qu’on le fait : on renferme une flamme qui réchauffe l’âme et tout ce que l’on veut, c’est qu’elle se répande pour apporter aux autres cette chaleur et leur donner envie de la nourrir et de la partager à leur tour.

J’ai conscience que tout ça sonne un peu pété voire pédant mais il s’agit de ma conviction personnelle – l’art, l’imaginaire, les histoires sont des éléments essentiels de l’esprit humain et plus il y en a, mieux se porte le monde. 

Et voilà pour aujourd’hui… Merci à nos deux auteurs pour ces réponses (pas si pétées que ça 😉)  et en leur souhaitant toute la réussite possible pour ce projet (je vous mets le lien vers la page de financement dessous si tout ça vous a donné envie, comme à moi, de participer à l’effort de guerre).

Pour ma part, ayant fortement apprécié la trilogie de romans, je suis impatient de faire déguster des xialongbao à mes joueurs entre deux exorcismes (allez, en cuisine feignasse, tu as un an pour apprendre à ne pas empoisonner tes invités).

Slurp 🍜🥠

Yum… les bons dim sum

Propos recueillis par David Barthélémy

Liens utiles :

Le projet :

https://www.gameontabletop.com/cf428/hong-kong-les-chroniques-de-l-etrange.html

Romain d’Huissier

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Romain_d%27Huissier

Cédric Lameire

http://www.legrog.org/biographies/cedric-lameire

Références :

¹http://lefix.di6dent.fr/

²https://www.youtube.com/c/Ind100Podcast

³https://antre-monde.com/

http://knight-jdr.fr/

http://www.legrog.org/jeux/brigade-chimerique

https://www.unificationfrance.com/spip.php?page=pages_mobiles&squelette_mobile=mobile/article&id_article=62369&lang=fr

http://www.legrog.org/jeux/hexagon-universe

https://www.babelio.com/livres/dHuissier-Les-chroniques-de-letrange-tome-1–Les-81-freres/778322

http://www.legrog.org/jeux/mythic-battles-pantheon/mythic-battles-pantheon-fr

¹⁰http://www.legrog.org/jeux/feng-shui

¹¹https://starwars.fandom.com/fr/wiki/Mos_Eisley

¹²https://jrrtolkien.fandom.com/fr/wiki/Minas_Tirith_(Gondor)

¹³http://www.legrog.org/jeux/trone-de-fer

¹⁴https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Cycle_d%27Elric

¹⁵http://www.legrog.org/biographies/simon-gabillaud

¹⁶http://www.legrog.org/biographies/coline-pignat

¹⁷https://www.xaviercollette.com/

¹⁸https://editions.critic.fr/

¹⁹https://www.artstation.com/william-bonhotal

²⁰http://www.legrog.org/biographies/julien-moreau

²¹https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Antoine_Bauza

²²https://data.bnf.fr/fr/16595475/yohan_odivart/

²³https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Silo_(roman)

²⁴https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Planetary

²⁵http://www.legrog.org/jeux/exaltes

²⁶http://www.legrog.org/jeux/meute/meute-fr

²⁷https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Carbone_modifi%C3%A9

²⁸https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Shaw_Brothers

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Ce que j’en pense : Mork Borg

La forme :

Petit bouquin au format A5 de 90 pages (72 en papier glacé et les 18 du dernier cahier de type papier recyclé à fort grammage) , reliure cousue et signet en tissu pour ne pas se perdre.
Couverture texturée du plus bel effet et incrustation de caractères phosphorescents sur le dos du livre histoire de bien ressortir nocturnement sur vos étagères 🤩
À priori, c’est du solide qui va durer longtemps (quel apaisement pour le lecteur que de ne pas entendre de craquements à l’ouverture 😇), et tant mieux.
Tant mieux car il faudra un petit moment et de nombreuses lectures pour faire le tour de la maquette… Comment dire… Il n’y a pas deux pages identiques, que ce soit en terme de polices, de colonnes, d’alignement, d’illustrations, de… Tout.
Petit, jaune, différent (Nuprin™)
Aucun espace perdu, les pages de garde comportent (au début) une table de noms nordiques, des tables aléatoires de trésors, de pièges, de météo, de trouvailles en cas de pillage de cadavres et (à la fin) un récapitulatif des règles ainsi qu’un index.
Nous avons donc un prétendant sérieux au titre de maquette de l’année (ou pas, si vous appréciez les choses très carrées et unies) dans la catégorie Punko/Gothico/Hardcore/Doom/Métal/Fantasy sous acides, avec des tons jaune flashy, rose piquant, noir et argent (guettez les photos).
Les infos sont biens organisées, avec 16 pages de présentation de l’univers (de sa genèse à son inéluctable chute), 40 pages de règles (équipement, création de perso, résolution des actions, classes de personnages et règles optionnelles), 14 pages de bestiaire présentant toutes sortes d’antagonistes, tous plus barrés les uns que les autres, et pour finir, un donjon sur 18 pages pour jeter vos aventuriers dans le bain.

Rhooo, le vilain Basilique

Le Fond :

Mork Borg propose de jouer des aventuriers dans un monde agonisant et désespéré, tout ça par la faute d’un Basilique bicéphale dont l’une des têtes a proféré toute une série de prophéties, toutes avérées à ce jour et dont la dernière concerne l’apocalypse, la fin du monde dans des Ténèbres dévorantes et impitoyables.
Vous l’aurez compris, c’est la fête 😅
Vos joueurs seront donc amenés à évoluer dans un contexte globalement pourri et corrompu, que ce soit en la plus grande cité du monde, Galgenbeck, abritant la cathédrale du culte du Basilique bicéphale et dominée par Josilfa, archiprêtresse rendue immortelle par Nechrubel (en gros le dieu des Ténèbres qui aurait glissé les prophecies à l’oreille du Basilique) lui même, ou encore Schleswig, citadelle du roi tyran paranoïaque Fathmu IX (qui rendu fou d’angoisse par les prophéties s’est lancé dans une impitoyable quête de domination du monde), en passant par Grift, une ville-état péninsulaire uniquement reliée au continent par trois ponts cyclopéens enjambant un gouffre profond d’un millier de mètres, au fond duquel bouillonnent les eaux sombres de la Mer Sans Fin dans un déchaînement cataclysmique…


Bon, mes phrases à rallonge au champs lexical assez sombre vous auront sans doute laissé entrevoir la teinte « Dark métal » qui caractérise le jeu, et dans le cas contraire, les titres aux polices globalement illisibles devraient vous donner un solide indice thématique 😅.
De ce que j’en ai vu pour l’instant, on est positionné sur du jeu type osr (old school renaissance¹ pour ceux qui auraient un doute, à savoir du vieux dd dans l’ambiance, avec des aménagements plutôt modernes pour certaines règles), donc très orienté Donjon.
On note toutefois que le background fourni encourage largement à explorer d’autre types de scénarios (je l’écris comme ça, sinon on va me taxer de pédanterie avec l’usage de scénarii 😅) et d’aller bien au delà du simple pmt (porte/monstre/trésor…ou plutôt ici porte piégée, monstre dégueulasse et trésor maudit 😁).
Pour renforcer l’ambiance de fin du monde, nous avons en début d’ouvrage une liste de prophéties (disons, de « plaies » pour rester raccord) que le mj distillera mécaniquement sur un tirage de dés à chaque couché de soleil en jeu (suivant l’imminence souhaitée pour l’apocalypse, on tirera 1 d100/d20/d10/d6/D2 et sur un résultat de 01, on lance un d66 pour déclencher un évènement). Une fois les prophéties toutes réalisées (ou un certain nombre à définir, je n’ai pas vu de précisions à ce sujet), la fin arrive et Nechrubel engloutit le monde dans les Ténèbres.
Vos joueurs auront donc le choix entre reconnaître l’inéluctabilité des prophéties et chercher à tirer leur épingle du jeu tant que le monde durera ou au contraire tout faire pour les empêcher d’arriver (et à priori échouer 😂).

L’horloge de l’Apocalypse

Les Règles :

Alors pour cette partie, nous sommes sur du simple/efficace.
Une base de d20 + bonus/malus de caractéristique contre un seuil de difficulté échelonné de 6 (incroyablement simple) à 18 (ne devrait pas être possible), la moyenne étant située à 12.
Les 4 caractéristiques définissant les personnages sont donc :
Agilité
Présence
Force
Résistance
À la création, elle sont tirées au dés (il y a plusieurs méthodes possibles et l’option des classes de personnage en ajoute encore) et échelonnées entre 3 et 18, procurant des bonus/malus allant de -3 à +3.
Dès le personnage terminé, on ne conserve que les modificateurs, les scores initiaux (donc ceux entre 3 et 18) ne servant plus en jeu.
Nous aurons ensuite des talents de classe (si l’option est utilisée) permettant des effets spéciaux par rapport aux règles de base, la magie (qui se pratique exclusivement par l’usage de parchemins, découpés en deux catégories, les parchemins impies et les parchemins sacrés ) de type Vancien², osr oblige, avec donc un certain nombre d’usages par jour, usages déterminés aléatoirement chaque matin par un jet de D4+ Présence (bonus/malus) utilisations.
Pour utiliser ensuite le pouvoir d’un parchemin, on teste la Présence, seuil de 12. Si réussit, on perd un usage et le sort est lancé. En cas d’échec, on perds 2 points de vie et on souffre d’étourdissement pendant deux heures, sans plus pouvoir utiliser de parchemin pendant ce temps.
Pour ce qui est du combat, l’initiative est déterminée par groupe, PJ vs PNJ au d6… de 1 à 3 les PNJ agissent, de 4 à 6 se sont les PJ.
Il est à noter que le MJ ne jette pas les dés durant un combat, les joueurs font un test d’attaque et un test de défense si besoin. En cas d’échec, ils prennent des dégâts.

Quand je vous dis que c’est simple !

Le monde étant dur et profondément injuste, on peut également noter que lorsque l’on gagne de l’expérience, les points de vies peuvent augmenter et l’on teste chaque caractéristique afin de voir si elle bouge…vers le haut…comme vers le bas 😂

Conclusion :

J’adore 😍😍😍… C’est beau, c’est développé au minimum niveau background, mais suffisamment évocateur pour mettre des idées plein la tête (idéal pour les mj qui comme moi n’ont plus le temps de se manger des pavés, mais suffisamment de bouteille pour broder leur propre canevas sur un modèle simple). On a là une fantasy désespérée au possible pour coller au Doom Métal dont le jeu se revendique et tous les moyens de la mettre en scène.
Déchéance du monde, déchéance de la morale, déchéance des personnages (vu le système, ça paraît assez clair comme direction), bref déchéance quoi 😁.
À ça, on peut ajouter que les auteurs et l’éditeur (Fria Ligan) ont l’air plutôt souples sur l’exploitation de la licence vu la quantité de projets déjà sortis autour du jeu, projets comptant une campagne officielle, mais également une bande son en cours de production (la pochette du 33 tours fera office d’écran et un livret de background proposera des aventures pour coller à la musique), des fanzines compatibles, plusieurs livrets de contexte, et j’en passe.
Mais où est le piège me direz vous… ?
Ben… ce n’est pas dispo en vf pour l’instant (mais à mon humble avis, c’est une situation qui ne durera pas, devant l’engouement général autour de ce jeu) et avouons le, le parti pris esthétique et ambiant du jeu ne plaira pas à tout le monde.
Ceci étant dit, c’est d’un accès facile et se lit en une bonne heure si vous ramez en anglais, un peu moins dans le cas où vous seriez à l’aise avec la langue de Shakespeare.
Bref, foncez… Achetez le, lisez le, jouez-y et Rock’n Roll 🤘🤘🤘

28€ et des poussières sur la boutique de Fria Ligan³ (bon, plus le port 😅)

Ressources et notes :

¹Old School Renaissance mouvance de JDR dit « à l’ancienne », vous pouvez consulter le Principia Apocrypha, manuel explicatif fort sympathique en téléchargement libre pour en savoir plus. http://www.mediafire.com/file/tkkd7j9b9djjd0v/PrincipiaApocrypha_VF1_0.pdf/file

²Magie Vancienne : un classique de Donjons et Dragons, hérité du Cycle de la Terre Mourante de Jack Vance, dans lequel les magiciens mémorisent un certain nombre de sortilèges de leurs grimoires quotidiennement et les « oublient » une fois utilisés, devant ainsi recommencer le lendemain…

³Fria Ligan : éditeur suédois en pleine ascension proposant toute une variété de jeux de rôles et notemment connu pour des jeux comme Mutant Year Zéro, Tales from the Loop, Vaesen ou encore Alien

Lien vers la boutique : https://frialigan.se/en/store/

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Ce que j’en pense : Contes de Minuit

La forme :

Solide bouquin de 238 pages au format A5, dos carré/collé et couverture cartonnée en dur. On verra sur la durée si ça tient bien, pour l’instant pas de soucis malgré pas mal de manipulations (il semblerait que lulu s’améliore sur sa colle).
L’intérieur est en noir et blanc, ce qui cadre tout à fait avec l’ambiance du jeu. C’est donc l’auteur, Yno1 qui s’occupe des textes (bien sûr 😅), mais aussi des illustrations et de la mise en page, ce que je trouve toujours mieux pour être au plus proche de l’intention du texte (bon, sauf si c’est moi qui illustre, auxquels cas je dirais « fuyez pauvres fous »).
Les illustrations sont relativement peu nombreuses, mais c’est compensé par une mise en page soignée et aérée, ainsi que les très nombreux culs de lampe qui parsèment le texte.
Niveau mise en page, le texte est sur une large colonne centrale et est émaillé tout du long de petits « encarts » (je mets entre guillemets car se sont des encarts sans cadre 😁) précisant certains points du texte adjacent, apportant des notes d’ambiances, ou encore des pistes/rumeurs utiles pour le jeu.

les fameux encadrés sans cadre 😀


Là où la maquette et pour moi très réussie (on sent bien tout le boulot qu’il y a eu derrière), c’est qu’à six exceptions près (oui oui, j’ai compté), vous n’aurez pas à tourner de page pour finir une phrase, les textes étant répartis pour apparaître entier sur chaque double page… Cela ne parait pas grand chose énoncé comme ça, mais c’est vraiment hyper confortable à la lecture 👍
Clairement, les textes ont été usinés et poncés pour un résultat assez irréprochable (je n’ai relevé que deux ou trois coquilles sur l’ensemble, ce qui est une belle performance pour 240 pages), à croire que l’auteur a passé de nombreuses années dessus (on me glisse à l’oreille que c’est le cas et que l’ensemble fut enfanté dans la douleur, en dépit de l’amour pour le projet).

Le Fond :

La ville de Minuit s’élève sur l’île de Sèche noire, perdue au milieu d’un océan infini (ou du moins présumé comme tel) et dont elle recouvre l’entière superficie (une douzaine de kilomètres de diamètre), s’étendant verticalement du fait de la place limité.
L’autre particularité de l’endroit, c’est qu’il existe dans une nuit permanente, le soleil et les étoiles ayant disparus depuis plus longtemps que l’on ne peux s’en souvenir. Seule une Lune perpétuellement pleine habite les cieux, baignant l’île d’une lumière diaphane et observant la ville de son visage souriant (les reliefs observables à sa surface composant sa figure), sans jamais se déplacer.
La mer est peuplée de créatures étranges et parfois titanesque, que les habitants de l’île pêchent/chassent régulièrement pour se nourrir ou certaines propriétés étranges que leur consommation procure.
Les habitants en question, les Nocturnes, sont divisés en deux catégories, à savoir les « humains » et les Comtes et Comtesses, dont le corps présentent des aspects que l’on peut qualifier sans hésiter, de fantastique (hommes scarabés, loup-garous et vampires, cerveau flottant dans un bocal, femme araignée, …), toutes les fantaisies étant permises (voir encouragées).
Une troisième frange de la population serait les Fées, dont la poudre est très prisée par le reste des Nocturnes, leur permettant des effets magiques tous plus improbables les uns que les autres ou encore de masquer leurs traits de Comtes et Comtesses pour apparaître »humains » (car une certaine discrimination sévit, entre la noblesse humaine et le reste de la population). L’obtention de cette poudre nommée l’Ether, se fait bien sûr au détriment de la santé des fées, les amenant à vivre cachées de tous afin de perdurer.
L’ambiance générale se place quelque part entre fantastique Victorien et révolution industrielle sale, le tout vécu part le prisme d’une agence de détectives privés sise au 221b Baker Street2, ce qui a le mérite d’être parlant quant à la tonalité des parties.
Toutes les fantaisies sont permises au niveau des intrigues et la Directrice (mj incarnant l’invisible directrice du 221 Baker Street) est encouragée par l’auteur à ne pas toujours se soucier de vraisemblance afin d’insister sur l’aspect fantastique et baroque des Affaires (les scénarios) ce qui est bienvenu considérant la richesse de l’univers et la variété possible des décors et intrigues.
La ville et ses quartiers, comme les factions qui l’animent, sont abondamment décrits dans le livre, mais fort heureusement, pas sous une forme encyclopédique.
Chaque quartier (il y en a 13 plus le monde sous terrain) est traité dans un chapitre dédié, nous présentant l’ambiance générale y régnant, quelques bâtiments notables et des habitants marquants de l’endroit. Ce n’est pas un guide à proprement parler, mais plutôt une boîte à outil géante, tant chaque paragraphe recèle un scénario potentiel et des idées pour le moins dépaysantes, aussi n’espérez pas saisir la ville dans son ensemble en une seule lecture, c’est tout bonnement trop riche (et c’est tant mieux).

Minuit, dans le jardin du bien et du mal

Le système :

Alors, évacuons tout de suite les angoisses éventuelles, la mécanique du jeu est très simple. Nous sommes sur la base d’un pool de dés 6 dont les résultats affichant 4, 5 ou 6 sont comptabilisés comme des succès (1, 2 et 3 étant bien entendu…des… échecs, il y en a qui suivent).
Le rôle de la Directrice se borne donc à établir des difficultés en fonction du nombre de succès nécessaires à la réussite de l’action entreprise (que j’aime les jeux où le mj ne jette pas de dés).
Par là dessus, les joueurs peuvent utiliser différentes ressources pour modifier leurs résultats, comme l’Adrénaline ou l’Ether.
Les personnages seront donc tous des détectives du 221 Baker Street et seront typés par leurs Particularités (sont ils humains ou Comtes et Comtesses), leurs Motivation (l’argent, le pouvoir, la vengeance, la curiosité, …), leur Quête (retrouver un parent disparu, faire tomber un réseau de criminel, …), leurs Aspects (force, perception, puissance, réflexion) et leurs Expertises (sociales, académiques, pratiques et de combat).
Les scores d’Expertise sont liés à une forme d’attrition lorsque utilisés pour résoudre une action et vont donc diminuant au long de la partie. Pour en récupérer l’usage, les joueurs vont devoir définir une recharge (concept familier aux joueurs de Dying Earth3), qui variera selon les domaines (par exemple, pour recharger une expertise sociale utilisée pour obtenir des informations, le PJ devra passer une soirée dans un salon à discuter des dernières nouvelles de la citée en bonne compagnie ou pour une Expertise de combat, s’entraîner pendant trois heures avec un partenaire dans une salle d’exercice).
Cela crée du jeu de manière simple et élégante, en forçant à mettre en scène la vie des PJ en dehors des affaires, ce qui est toujours bien vu.

Sobre, efficace et lisible, que demande le peuple ?


Reste ensuite le lieu de vie des PJ et leur relations, qui vont à nouveau permettre d’enrichir les personnages tout en leur donnant des billes pour faire vivre l’univers.
La Directrice de son côté bénéficie de points de tension à investir dans les actions qu’elle souhaite corser. Le pool de départ correspond au nombre de joueurs x6, mais une fois cette réserve épuisée, elle peut tout de même continuer à en distiller. Les points excédentaires ainsi utilisés vont venir s’ajouter aux « points d’expérience » qui seront ensuite répartis entre les PJ à la fin du scénario (une fois de plus, c’est bien vu et reflète bien la dangerosité des évènements vécus par les personnages).
Là dessus vient se rajouter le 221 Baker Street, qui dispose de sa propre fiche, que vous allez faire vivre et évoluer au même titre qu’un personnage commun au groupe. C’est très sympa dans l’idée et vous octroiera des ressources supplémentaires exploitables durant les enquêtes ainsi qu’un point de chute commun au groupe.

Conclusion :

Hé bien voilà encore un très bon jeu, avec une ambiance riche en dépaysement, farfelue à souhait, mais permettant de flirter aussi bien avec la féerie que l’enquête traditionnelle, voir l’horreur ou le drame.
Niveau couleur du jeu, ça m’a beaucoup évoqué des décors à la Cités des enfants perdus4, ce qui n’est pas un mal tant l’identité de ce flim permettra à vos joueurs les moins imaginatifs de se représenter le décor… entrecoupez tout ça de références à De cape et de crocs5 ou à certaines illustrations de Florence Magnin6, sur fond de révolution industrielle et le tour est joué.
Le bouquin se conclu sur trois Affaires prêtes à jouer qui vous guideront bien dans la prise en main de l’univers.
Enfin, un petit conseil… Ne cherchez pas à tout exposer trop vite, ce n’est pas possible. Voyez vraiment ce livre comme une super boite à outils pour poser les choses par petites touches.
À mon sens, le meilleur moyen de découvrir Minuit est de choisir un quartier, si possible celui où se trouve le 221 Baker Street (ou un quartier adjacent) et de l’explorer tranquillement avant de chercher à voir ailleurs.
Donc si vous aimez les ambiances décalées, Sherlock Holmes ou une féérie parfois un peu crade (Le labyrinthe de Pan7 est cité dans les inspirations) et ne souhaitez pas un jeu aux mécaniques lourdes et encombrantes, ce livre est fait pour vous.

25€ en couverture dure, 20€ en couverture souple ou 10€ en pdf sur Lulu https://www.lulu.com/en/en/shop/anthony-combrexelle/contes-de-minuit-couverture-dure/hardcover/product-58rrd7.html?page=1&pageSize=4

Notes et Références :

1 Yno : Anthony « yno » Combrexelle, auteur de Jdr/Roman, vous pouvez trouver son travail par là : http://www.misterfrankenstein.com/wordpress/

2 221 Baker street : l’adresse  « historique » du légendaire Sherlock Holmes

3 Dying Earth : adaptation en jeu de l’univers de Jack Vance par Robin D. Laws chez Pelgrane Press http://www.legrog.org/jeux/dying-earth-la-vieille-terre

4 La cité des enfants perdu : film fantastique (ou fantastique film, c’est selon) de Caro/Jeunet https://youtu.be/XZUkwd2a0s8

5 De cape et de Crocs : superbe série de bande dessinée par le duo Ayroles/Masbou https://www.bedetheque.com/serie-3-BD-De-Cape-et-de-Crocs.html

6 Florence Magnin : illustratrice française, notamment connue pour sa mise en image du cycle d’Ambre de Roger Zelazny chez Denoel https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Florence_Magnin

7 Le labyrinthe de Pan : film fantastique de Guillermo Del Toro https://youtu.be/ZRDzfPFIsDE

Focus

Focus sur Julien Heylbroeck (article initialement publié sur le blog « Cultures de l’imaginaire »)

Fans de littératures de genre ou de jeu de rôle, amateurs de catch mexicain et de totalitarisme rouge, le tout sur fond d’afro beat des 70’s et avec toujours une pointe d’humour, ce focus est pour vous.

« This is ground control to major Tom »… c’est parti.

1 : Bonjour mon grand, alors dis moi, comment tu t’appelles ?

Julien Heylbroeck. J’ai pas mal sévi sur les forums de jeux de rôles sous le pseudo de Wyatt Scurlock (un mélange de deux légendes de l’Ouest car j’aime bien les westerns). Et il m’est aussi arrivé d’écrire avec les alias : Green Tiburon, Degüellus et Julian C Hellbroke. Voilà, voilà. Je crois que c’est bon, j’ai tout dit sur les noms.

2 : C’est un joli prénom ça…et lorsque tu étais en âge qu’on te pose la question, tu savais ce que tu voudrais faire quand tu serais grand ?

Pas vraiment, mais j’ai toujours aimé l’histoire, alors je pense que ça explique un peu pas mal de choses. Donc du coup, j’ai embrayé sur des études d’histoire, logique. Et puis en cours de route, je me suis dit que j’allais faire coller mes études avec mes engagements politiques donc je suis allé du côté de la socio, j’ai fait un stage dans une asso à thématique sociale pour les besoins de mon mémoire de recherches et j’ai abandonné l’université pour le travail social.

3 : Allé, j’arrête les « Martineries » pour attaquer les choses sérieuses.

La première fois que j’ai croisé ton nom dans des bouquins, c’était en lisant le jeu de rôle WarsaW¹, peu de temps après sa sortie… ce n’était pas une thématique « facile » pour un début (je sais je sais, il y a eu Kuro² avant, mais WarsaW m’a toujours parût plus « personnel ») …en général on démarre par des elfes un peu fachos et des nains bourrus qui s’engueulent avec des paladins non ?

WarsaW aux éditions John Doe

Alors avant même Kuro, il y a eu Humanydyne³, toujours en compagnie de Willy Favre⁴. Et même avant ça, des productions en amateur. WarsaW était effectivement mon premier vrai projet perso, qui a germé pendant un long moment dans ma cervelle. Toujours avec Willy, j’ai pu développer cet univers et John Doe⁵ a permis de le proposer sous une forme idéale. Résultat : j’ai pu travailler sur tout ce que j’aime : un jeu court, qui laisse de la place au MJ, avec un système de règles adapté à la tension de cet univers, sur mes obsessions du moment et avec un rendu graphique somptueux.

4 : On a vu, au titre de tes obsessions, un Staline ressuscité dans WarsaW, après quoi tu as abordé avec Luchadores⁶ le monde coloré de la Lucha Libre, joyeusement mêlé à beaucoup de pulp et une grosse touche de fantastique… il ne manquerait pas un jeu sur les rats et un autre sur Bowie pour faire bonne mesure ?

C’est vrai que j’ai quelques thématiques de référence auxquelles je m’accroche et que j’aime à caser un peu partout. C’est parfois un peu comme un défi. Après je ne force pas si je vois que c’est vraiment incongru. Mais ouais, j’adore caser des rats, c’est une bestiole que j’adore. L’univers de la lucha libre, je suis tombé dedans il y a une dizaine d’années, c’est un monde passionnant et très proche de ce que j’aime dans la culture populaire. Et l’horrible totalitarisme stalinien, c’est assez fascinant, dans le sens presque morbide du terme, une telle emprise sur l’ensemble de la société, à l’échelle d’un continent (voire davantage). 

David Bowie, bon, j’évite d’en parler, sinon, je vais avoir la larme à l’œil et je ne veux pas que tu me vois pleurer, cher lecteur.

5 : Snif, je comprends…passons prudemment à autre chose.

C’est en 2012 au Utopiales de Nantes que j’ai découvert que tu étais passé du jeu de rôle à l’écriture de romans, en me faisant dédicacer « Stoner Road »⁷ (bon collectionneur que je suis), un Road Trip sous acides que j’ai beaucoup apprécié… qu’est ce qui t’as fait basculer dans cet autre pan de l’imaginaire en délaissant le jeu de rôle ?

Stoner Road aux éditions actusf

Le fait de bosser sur l’adaptation en jeu de rôle de l’univers de la Brigade Chimérique⁸ a été déterminant. Je ne peux que remercier Romain d’Huissier⁹ de m’avoir embrigadé (huhu) dans ce projet. J’y ai découvert tout un pan de notre littérature populaire avec des personnages plus grands que nature, des monstres, des voyages spatiaux, des pouvoirs psy, tout un univers décomplexé, inventif, d’une richesse impressionnante. Moi qui avais déjà un peu envie de me lancer dans un récit un peu pulp, ça m’a conforté dans cette voie en nourrissant mon imaginaire comme jamais.

Ça et également le fait d’avoir l’impression d’un cheminement inconscient qui se faisait petit à petit dans ma tête, en me goinfrant de films de série B, de romans de fantastique. A un moment, comme quand tu mets de l’essence, le pistolet de la pompe remonte pour te dire que c’est bon, le plein est fait. Ça a été pareil avec la volonté d’écrire. Je me suis enfin senti prêt d’un coup et ensuite, j’ai écrit une douzaine de romans d’affilé en quelques années. Et puis, un dernier truc : j’avais envie que mes scénarios amoureusement concoctés se passent comme j’aimerais qu’ils se passent. En gros, j’en avais assez de prêter mes jouets à d’autres pour qu’ils s’amusent avec et je voulais en profiter moi !  C’est purement égoïste, en fait.

6 : Sur la liste de tes passions (fort nombreuses au demeurant),on peut ajouter la musique et le gore… Dis moi un peu, comment tout ça alimente ton écriture ? Car quand je te lis, je ne peux m’empêcher de sentir la musique derrière chaque paragraphe (après, je projette surement beaucoup de mes attentes… mais quand même 😅)

C’est vrai que dès que j’aime quelque chose, je farfouille à fond dans le truc, parce que je veux tout savoir ou presque. Alors la musique, c’est simple, je peux difficilement écrire sans. En gros, j’ai toujours une sorte de sélection d’albums pour chaque projet, qui s’affine au fur et à mesure de l’écriture. D’ailleurs, je cite systématiquement ces inspis musicales désormais.

7 : Tu as publié quelques fascicules au Carnoplaste¹⁰, tous plus barrés les uns que les autres et notamment les Green Tiburon, très étroitement liés à Luchadores, de même que « Cartel de sang »¹¹ (qui initie ta série El hijo del Hierofante)…en fait,tu as du sang mexicain qui coule dans tes veines, non ?

Alors effectivement, et c’était pas prémédité. Je veux dire : je ne me sentais pas vraiment attiré par ce pays en particulier avant d’y découvrir la lucha libre et tout le folklore et la culture associées. Désormais, je suis un peu tombé amoureux du Mexique et j’aimerais y aller un jour. Mais je sais bien que j’en ai une vision très formatée par le prisme de mes passions.

8 : Dans « Le dernier Vodianoï »¹¹ (qui chronologiquement serait ton premier roman 🧐), on embarque pour une URSS sous Staline, mélangeant créatures étranges, grandes figures historiques et agence gouvernementale à la Hellboy¹². Au delà de l’aspect littérature de genre, ça sent bon l’amour de l’Histoire et du folklore, alors…une passion de plus ?

Le Dernier Vodianoï aux éditions OVNI

Oui, c’est bien mon tout premier roman, fascicules de Green Tiburon exceptés. Alors, le folklore, pour être honnête, pas vraiment, même si le folklore slave regorge de créatures cheloues, velues et plutôt effrayantes et donc intéressantes. L’histoire, par contre, à fond ! En fait, je n’y connaissais pas grand-chose à l’URSS avant de bosser WarsaW. A l’époque, je me suis documenté et j’ai découvert cette période, que j’évoque brièvement plus haut et là, paf, je me suis dit : c’est, par certains côtés, une espèce d’enfer bureaucratique, anonyme et flippant (attention, je généralise pas sur l’époque, mais disons qu’il y a de quoi piocher pour dépeindre des temps plutôt difficiles à vivre quand même), qui fera un pendant « merveilleux » à un monde féérique bien glauque. Je voulais faire mon labyrinthe de Pan à moi, je suis rien qu’un gros copieur, en fait. Après, quand j’ai commencé à reconnaître tous les gens dans les photos autour de Staline, dans les bouquins, je me suis un peu fait peur et je suis passé au Mexique !!

9 : J’ai surpris sur ta page Facebook plusieurs « teaser » de ton prochain livre à paraître (dont le WIP de la couverture figurant des rats qui m’ont l’air plutôt teigneux… Haha !)… Tu peux nous en dire un peu plus ou c’est top secret ?

Garbage Rampage aux éditions OGMIOS

Alors en fait, c’est une réédition d’un roman édité chez Trash¹³. J’ai voulu écrire une sorte de série B comme on pouvait en trouver dans les vidéoclubs de mon enfance, entre Bad Taste et Hellraiser. Avec ce New York bien craspec des eighties, des rats (ben oui, forcément), des mutations, un duo de flics antagonistes, un clochard qui sait… Du cliché mais en respectant le genre. Du coup, ce roman, c’est comme si vous vous aventurez dans un vidéoclub désaffecté et qu’il reste une pauvre cassette dans un rayon vide et poussiéreux et qu’il y a la petite jaquette cartonnée glissée dans le plastique pour signaler qu’elle est dispo. Normalement, c’est aussi le premier volume d’une espèce de trilogie « Rampage » dont je ne veux pas trop parler pour garder une certaine aura mystérieuse.

10 : Je te soupçonne d’avoir des projets plein les tiroirs pour les années à venir, tu comptes nous surprendre avec de nouvelles thématiques ( de nouveaux supports peut être ) ou creuser plus avant tes univers déjà établis ?

Je me lasse très vite. A mon grand dam, comme on dit. Du coup, des suites, pour moi, c’est compliqué, vu que je pars de suite sur un projet totalement différent. Sauf pour Hierofante, dont j’aimerais proposer le dernier épisode dans pas longtemps. Là, je suis sur un très gros projet SF-médiévalo-craspeco-lovecrafto-futuristo-apocalyptique. Je veux moi aussi écrire un pavé SF dans lequel j’évoque tout plein de thématiques qui me donneront l’air intelligent en dédicaces !

11 : un petit quickie sur l’imaginaire en général :

  • Si tu étais un livre (roman/bd,…) :

C’est pas vraiment un roman mais Hommage à la Catalogne¹⁴ de George Orwell, mon idole (avec David).

  • Si tu devais cosplayer quelqu’un :

Je ne suis pas assez beau pour cosplayer Ziggy Stardust. Trop vieux, trop gras, je serais ridicule. Même si j’aime le look post apo, je crois pour autant que je choisirais The Dude. Ce serait l’occasion de faire sa feignasse en sirotant des white russians et l’idée est séduisante. Et puis c’est physiquement moins exigeant.

  • Si tu étais un jeu (de rôle/vidéo,…) : 

Alors là, forcément, ça fait prétentieux, mais j’aimerais bien être Luchadores car j’aimerais franchement pouvoir y jouer une petite campagne en tant que PJ. Sinon, j’aime beaucoup Miles Christi¹⁵ (vous connaissez pas, gamins ?).

  • Si tu étais une période historique : 

Le Moyen Âge m’a toujours terrifié, les années 30 aussi. Alors je les adore mais j’aimerais pas les « être ». Par contre, les années 70, c’était vraiment spécial : c’est le moment où la musique, les voitures, les films, tout est le plus mieux. Y’a aussi des aspects difficiles à cette époque, c’est sûr mais voilà, je choisis les années 1970. 

  • Si tu étais un univers fantastique : 

Star Wars. J’aime les jawa, l’idée d’aller sur des planètes différentes, l’esprit d’aventure qu’il y a dans chaque plan.

Et pour conclure, selon toi, quelle serait la place de l’imaginaire dans la culture (qu’elle soit populaire ou autre) et comment te positionnes tu dans ce vaste tableau ? (rhaaa, elle est vache celle là hein ?) 

La place de l’imaginaire dans la culture ? Pour moi, elle est plus que prépondérante, elle est la base, en quelque sorte. Comme disait l’autre, à la base de toute création, il y a une négation. Et c’est cette négation qui est comme la mèche de l’imaginaire. Et j’ai construit ma culture autour de piliers de l’imaginaire. Du coup, tout ce qui est littérature blanche, ciné d’auteur rive gauche, tout ça, m’est totalement étranger et ne m’attire guère. 

Ma place dans tout ça, elle est plutôt claire pour moi. Je me vois comme un artisan. Je n’aime pas parler d’écrivain, encore moins d’artiste. Artisan, ça me va, vu que perso, ma démarche est de recycler mes obsessions du moment en les mélangeant pour en tirer des histoires que j’essaie de produire comme les plus efficaces possibles. Je me vois comme un gars qui fait une commode qui sera la plus belle et la plus pratique possible mais moi, je ponce des pages, pas des tiroirs.

Et voilà pour aujourd’hui, n’hésitez pas à jeter un oeil sur les « commodes » de Julien, artisan passionné (qui va jusqu’à utiliser de jolis tampons thématiques pour ses dédicaces) et passionnant des littératures de genre.

Merci à toi pour toutes ces réponses et ton amour des « freaks »…

… … Scary monsters, super creeps

Keeps me running, running scared… …

Propos recueillis par David Barthélémy

Liens utiles :

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https://www.moutons-electriques.fr/julien-heylbroeck

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Références :

¹http://www.legrog.org/jeux/warsaw

²http://www.legrog.org/jeux/kuro

³http://www.legrog.org/jeux/humanydyne

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https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Romain_d%27Huissier

¹⁰https://www.lecarnoplaste.fr/

¹¹https://www.actusf.com/detail-d-un-article/le-dernier-vodianoi

¹²https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Hellboy_(comics)

¹³http://trasheditions.blogspot.com/?m=1

¹⁴https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Hommage_%C3%A0_la_Catalogne

¹⁵http://www.legrog.org/jeux/miles-christi