Retour de lecture

Ce que j’en pense : Imperium 5 Rebuild 0 chez Obhéa Editions

Ma pauv’ dame, aujourd’hui tout augmente !

Fort de ce triste constat réalisé en cherchant à équilibrer mon budget, entre plein de la voiture, achat de fioul pour l’hiver, maintient de l’accès à l’électricité et préparation de Noël, je suis arrivé à cette triste conclusion :
C’est la fin de l’abondance… et par là, la fin des achats impulsifs/compulsifs de tous les jdr qui sortent, que ce fut par curiosité, réel intérêt ou soutien à l’édition de ce petit milieu fragile (je n’ai pas dit « de fragiles », attention).
Barf, en bon philosophe formé par les Monty Python¹ , mâtiné d’un nihilisme/j’m’enfoutisme de bon aloi, c’est en sifflotant « always look on the bright side of life » que je me suis campé devant mes étagères, me faisant la réflexion que j’avais malgré tout quelques années de lectures en retard devant moi pour tromper ma frustration.
Tout naturellement, mon premier choix s’est porté sur le kit d’introduction d’Imperium 5 (chez Obhéa Editions²), histoire de me changer les idées du marasme actuel en plongeant dans des intrigues cyberpunkesque entre Nobles nantis, Corpos-états toutes puissantes, crises idéologiques et technologiques teintées de survivalisme, dans un monde où tout n’est plus qu’artifices.
Malin le type 😃

Ce retour de lecture sera un peu plus court et moins structuré que les précédents, et ce pour plusieurs raisons. La première, à moins de les tester en jeu (ce qui n’est pas trop possible dans l’immédiat, ayant déjà pas mal de choses sur le feu), je ne suis pas sûr de comprendre tout ce que j’ai lu des règles, donc pour vous les présenter efficacement, ce n’est pas gagné. La deuxième, c’est un jeu qui s’annonce très riche au niveau de sa toile de fond, et surtout, il s’agit de la première pièce d’un multivers promettant de fort belles choses…
J’ai donc récupéré le kit l’année dernière à Octogones³, profitant du début du salon pour discuter avec une partie l’équipe derrière le jeu (Patrick Massaad⁴ l’auteur, ainsi que deux illustratrices bourrées de talent, Naïki et Mélanie Ret) qui m’a convaincu de tout le potentiel de cet univers.

Vive les salons… ce fut pour moi l’occasion de faire son baptême de dédicace à Patrick 😃

Dans Imperium 5, le monde se remet peu à peu d’un cataclysme qui a provoqué l’effacement de la mémoire d’à peu près tout le monde, à une ère où la technologie confinait au divin, permettant entre autre de sauvegarder des individus et les recréer « à l’identique » en cas d’accident tragique, de les « augmenter » au besoin ou encore de parcourir le monde en quelques minutes. Après le Crash Quantique qui a en quelque sorte rebooté l’humanité, quelques grandes organisations ont repris les choses en main. L’ADM, les Imperiums, les Nobilis et quelques autres factions plus confidentielles dirigent le monde au plus proche de leurs intérêts respectifs, nous proposant un joli panier de crabe de puissantes corpos et de riches individus, au sein duquel tous les coups sont permis (en restant discret bien sûr) pour assoir sa supériorité.
Les joueurs devront évoluer au milieu de ce gloubiboulga d’intérêts conflictuels en se serrant les coudes (ou pas) pour faire progresser leur Entente et avoir un impact sur le monde au travers de leurs agissements. Comme les choses sont présentées dans le kit, leurs peaux ne vaudront guère plus pour leurs commanditaires que celle du runner moyen pour son Johnson à Shadowrun⁵, à la différence près qu’ici, la mort n’est pas forcément définitive grâce au Rebuild, la fameuse technologie permettant de recréer les individus.

Niveau paysage, j’espère que vous aimez le béton, car la surface de la terre n’est plus recouverte que de constructions s’empilant les unes sur les autres au fil des âges. La nature a disparu, remplacée par de vastes structures métalliques (souvent pyramidales), certaines abritant des complexes industrielles, d’autres des cités ou des palaces (les capitales des différents Imperium, les états de ce monde) dont quelques-unes totalement closes, protégeant des mystères oubliés qui ne demandent qu’à être re-découverts par cette « nouvelle » humanité.

Vous le sentez le bon air champêtre ?

Vous l’aurez compris, les maîtres mots de cet univers sont donc : bienveillance, espoir, entraide et amour… Non ?
Côté mécaniques, Imperium 5 prend le parti de proposer un jeu encourageant la narration et dispose d’un système qui lui est propre, utilisant des dés 8 que seuls les joueurs seront amenés à manipuler, le MJ se concentrant sur ses propres outils narratifs et l’ambiance autour de la table.
C’est un postulat très louable auquel j’adhère complètement, mais que je trouve (en attendant d’avoir pu tester) en l’état, desservi par le système. Comme je n’aime pas balancer gratuitement des saloperies à la face de celles et ceux qui font vivre le jdr, je vais essayer de m’expliquer, surtout que cela tient sans doute pour beaucoup à ma propre pratique et au niveau d’investissement que je suis prêt à fournir pour un nouveau jeu aujourd’hui.

Premier point à soulever, à l’instar d’un Insectopia⁶ par exemple, il y a ici énormément de vocabulaire spécifique au jeu. Alors niveau immersion, c’est sûr que ça fonctionne. Par contre, il faut l’intégrer, le digérer, puis le transmettre ensuite aux joueurs, ce qui n’est pas forcément mon étape favorite dans la découverte d’un jeu… pour la simple raison évoquée plus haut : je n’en ai plus le temps. Car oui, Imperium 5 nécessite que l’on lui consacre du temps et de l’attention.

Deuxième point, le système à proprement parler.
Donc, encourager la narration dans un jdr, c’est très honorable. Pourtant ici, j’ai le sentiment (très personnel) que cela est desservi par un corpus de règles assez touffu.
Au final, beaucoup de choses sont régies par une gestion de points que les joueurs obtiennent en résultats de leurs lancés de dés.
La dépense de ces points va ensuite conditionner les actions de la scène en cours, englobant ainsi les actions « génériques », les dégâts en cas de combat, l’utilisation de capacités/matériel des personnages etc.
Selon moi, un jeu encourageant la narration devrait idéalement se dégager au maximum de ces différents aspects d’un point de vue mécanique (par exemple, je ne visualise pas en quoi l’utilisation du pistolet que j’ai effectivement dans ma poche, devrait être soumise à une dépense de points quelconque pour être effective…?) et miser autant que faire se peut sur les descriptions des participants.

Troisième point, l’univers est très intriguant (ce qui est une fois de plus, une bonne chose), remplit de factions, de mystères, d’enjeux et de possibilités pour les personnages.
Ceci étant dit, comme il s’agit d’un kit d’introduction, tous ces points ne sont que survolés (voire évoqués) et ne donnent pas les clés permettant à mon sens à un maître de jeu d’en tirer quelque chose à sa table sans prendre le risque de partir complètement à l’opposé de la vision de l’auteur. Je me trouve donc devant un paradoxe consistant à disposer d’une multitude d’éléments… sans pouvoir m’appuyer réellement dessus pour jouer.
C’est à ça que sert le scénario me direz-vous fort à propos.
Hé bien oui et non. Le scénario proposé est (toujours à mon sens) plutôt une grande scène d’action, dont le but serait de tester le système, qu’une réelle porte d’entrée dans l’univers.
J’en reviens au manque d’infos « utiles » dans la présentation du monde, car il me paraît terriblement hasardeux de tenter de développer un avant ou un après sur la base des connaissances à disposition.
Donc, j’ai sous la main une scène… et voilà.
Autant dire que si je me lance comme ça, mes joueurs vont chercher à me trucider, à coup sûr.

Le sommaire du livret scénario

Comme bien souvent (hélas), ma lecture du système fut entrecoupée de multiples interventions auprès de mes enfants, ce qui a certainement joué dans la confusion que j’ai ressenti entre l’intention de l’auteur et la mise en application dans le jeu… d’avance, toutes mes confuses si c’est bien le cas 😅
Il ne faut pas perdre de vue non plus qu’il s’agit d’un kit d’introduction, d’une version beta et non d’un jeu « finit », dont les textes seraient gravés dans le marbre.
En effet, ce kit est destiné à confronter le jeu au public, afin d’en poursuivre le développement suite aux différents retours de celles et ceux qui l’auront pratiqué.
Une fois de plus, une bonne idée (et pour le coup très participative).
Je confesse ne pas avoir fouillé intensivement internet pour dénicher la fameuse section dédiée au retours (que je n’ai hélas pas trouvée sur le site de l’éditeur) et ne saurait, par conséquent, attester de l’efficacité de la démarche.

Maintenant, il faut tout de même souligner (car à me lire jusqu’ici on peut se dire « à quoi bon ? ») que ce qui est proposé dans les pages du kit m’a particulièrement accroché.
Nous avons un univers très typé, possédant une identité forte, qui permet enfin d’aborder le cyberpunk sous un angle différent de ce que l’on trouve sur le marché actuel (et passé) du Jdr.
Les possibilités paraissent assez énormes, tant au niveau action, politique ou mystique que philosophique (je me comprends, vos joueurs ne vous pondront vraisemblablement pas une thèse sur l’existentialisme, mais il y a largement de quoi les faire reflechir). Tout ce qui concerne l’aspect visuel est particulièrement léché, qu’il s’agisse de la maquette ou des illustrations, et fonctionnel… bref, c’est beau et on sent clairement la passion qui est derrière cet univers.

Pour conlure, un financement participatif de la version « finale » d’Imperium 5 est prévu pour mars 2023, aussi je surveillerai attentivement ce qui sera proposé à cette occasion, car je reste intrigué par ce jeu dont l’univers me vend du rêve.
Le kit souffre à mon sens avant tout d’un défaut de positionnement clair quant à ce qu’il propose, naviguant quelque part entre le teaser et le format découverte, sans toutefois pleinement cocher les cases de l’un ou de l’autre, et il n’est pas facile pour moi d’écrire dessus tellement j’ai envie d’aimer ce jeu, mais estime ne pas avoir encore ce qu’il faut à me mettre sous la dent (dure parfois) pour le faire en pleine connaissance de cause.
Enfin, pour clarifier tout ça (tant pour moi que pour vous), je vais solliciter le principal maître d’œuvre derrière Imperium 5 pour qu’il nous expose ses intentions et projets (et me mette bien le nez dedans si j’ai tout compris de travers 😅) dans un très prochain entretien…

Affaire à suivre.

Rédigé par David BARTHÉLÉMY

Notes et Références :

¹ Monthy Python
² Obhéa Editions
³ Octogônes
Patrick Massaad
Shadowrun
Insectopia

Avant la sortie, Dossier, Retour de lecture

Abstract, qu’est-ce que c’est ?

Aujourd’hui, les propositions de jeu sont pléthores et touchent à vraiment tous les domaines. Il suffit d’aller faire un tour sur le Grog1 ou dans les rayons de Philibert2 pour s’en apercevoir et tout un chacun peut aisément trouver son bonheur, quelque soit l’univers recherché. Au milieu de tout ça, les systèmes de jeu ne sont pas en reste et toutes les variantes se promènent dans la nature, entre ludisme, simulationisme, narrativisme, et tout les mots en isme qui peuvent vous venir à l’esprit (en restant pertinent dans le contexte, tout de même)… Dés, compétences, caractéristiques, carrières, apsects, cartes, jenga, shifumi, tout y passe.
Pour autant, les systèmes, tout originaux qu’ils soient, tendent à ne pas bousculer des fondamentaux qui seraient globalement :
– description du contexte de la scène jouée
– description de la volonté d’action des personnages
– résolution des actions par le biais des mécaniques du jeu
– description de la scène en fonction des résultats et rebelote.
Alors, ça fonctionne sans problèmes (enfin, la plupart du temps) autres que générer parfois de la frustration face à une mécanique imprécise (ou trop précise), un hasard qui s’acharne dans le mauvais sens, pour donner au final et en dépit des râleries incessantes sur tel ou tel point de rêgle ou lancé de dés rageux à travers la pièce, les parties que l’on aime tant mener en soirée depuis l’adolescence.
Sauf que voilà… quand une vraie approche différente émerge, elle a souvent du mal à s’imposer (le rôliste, comme tout un chacun me direz-vous, est un animal d’habitudes).
Parmis ces propositions « nouvelles » qui ont fait surface ses dernières années, les deux plus connues sont sans doute FATE3 et les jeux motorisés par l’ Apocalypse4.
Tout deux ont leur fans, mais aussi leurs grands détracteurs, ce qui est bien normal… et pourtant, quand on regarde bien, ils ne sont finalement pas si différents de ce qui se pratique couramment depuis des années… les fondamentaux restent sensiblement les mêmes.
C’est là qu’arrive Abstract Donjon5 et son système radicalement différent (si si!).

Alors Abstract, qu’est-ce que c’est ?

Publié originellement en 2014, Abstract Dungeon venait chambouler les habitudes et les codes de notre petit milieu.
En 150 pages, c’était un petit bouquin ne payant pas de mine, et pourtant…
Les XII Singes6 ne s’y sont pas trompés et quelques années plus tard, nous ont proposé la V.F de cet ouvrage. Plus qu’une simple traduction (206 pages pour la v.f), c’est une véritable gamme qui a vu le jour chez nous en 2018, avec de nombreux ajouts destinés à faire vivre le jeu :
Abstract Donjon (la base)
Abstract Universe (adaptation Super-Heros, S-F, Weird West…)
Drakonheim (Cadre de jeu générique Med-Fan, sans données chiffrées)
Abstract Al-Taraka (campagne 1001 nuits)

L’Abstract family française

Dans un second temps (et une seconde campagne de financement), les mêmes Singes ont fait le pari du Steampunk pour cette gamme, en y adjoignant trois ouvrages supplémentaires :
Criminels, Mercenaires & Comploteurs (galerie de persos et organisations)
Abstract Aventures Steampunk (grande campagne de jeu)
Guide de survie du Mj Steampunk (supplément générique et aides de jeu)

Les cousins cousines à vapeur

Alors, tout ça c’est très bien, mais qu’est-ce qu’on en fait et en quoi ça change des autres jeux ?
Un personnage est défini par quatre caractéristiques, quelques traits, son équipement, des trésors et une réserve bonus. Chacun de ces éléments se verra attribué un certain nombre de dés (d6), en fonction de son niveau.
Là où le jeu diffère des autres, c’est qu’à chaque début de partie, les dés sont lancés dans leur ensemble et posés sur la fiche afin d’être dépensés en cours de jeu, lors des différentes scènes qui seront proposées.

Exemple de feuille de personnage

Toute la partie sera ensuite articulée autour de la gestion de ces ressources par les joueurs pour faire face aux différentes situations auxquelles ils seront confrontés et la tension viendra de leur inexorable épuisement, plutôt que de la part de hasard dûe aux jets de dés.
Présenté comme ça, il n’est pas encore évident de visualiser ce qui change… développons un peu au travers d’un exemple comparatif :

Les pj sont des super héros faisant face à une horde de robots tueurs créés par l’infâme Docteur Flatulis afin de conquérir Plougastel, puis le monde :
Une trentaine de robots équipés de bras mécaniques au bout desquels s’agitent d’affreuses scies circulaires à l’aspect menaçant, fonce dans votre direction, détruisant tout sur son passage. Le soleil se reflète sur leur blindage, produisant mille éclairs lumineux du plus bel effet, qui donneraient à la scène des airs de parade festive si l’heure n’était pas aussi grave. Que faites-vous ?

Jeu de rôle traditionnel Abstract Donjon
– Jet d’initiative pour tout le monde
Queen-Amann, la speedster de l’équipe,
tire le resultat le plus bas de l’histoire du
jeu de rôle et agira à la fin du tour,
se faisant la reflexion que la
prochaine fois elle vérifiera ses lacets avant le début du combat.
Chu Chen, le spécialiste en arts-martiaux agit le premier.
Il se jette dans la mêlée, accompagné du flamboyant
King Hafarz et de son fidèle épagneul mutant Zig Zag,
– Bon, ben je refais mes lacets.
Chu Chen tente un balayage sur le premier rang de robots
histoire de géner la progression des suivants ».
– Jet d’arts-martiaux avec une réussite normale, par contre
les dégats sont faibles, seuls trois robots se retrouvent à
terre, tentant péniblement de se redresser pendant que
les autres les contournent.
– Le King va vous cramer tout ça les enfants, pas de panique.
J’utilise mon pouvoir de flammes
niveau 2 pour faire des dégats de zone et en toucher le plus possible.
– Tu en touches 5. Toutefois il leur reste des points de vie,
seuls 2 se figent, tu as dû fondre leurs batteries.
C’est à eux d’agir.
Ils foncent sur vous en agitant leurs bras télescopiques meurtriers.
Réussite partielle, seul Chu Chen est touché et prend
3 points de dommages.
– Attends, action de réaction, je tente une esquive !
– Jette tes dés.
– Réussi ! Chu Chen fait un triple salto arrière et évite de
justesse les scies circulaires qui sifflent à ses oreilles.
– C’est au tour de Queen Amann qui, pour on ne sait
quelle raison, a passé un tour complet à refaire ses lacets
alors qu’elle court plus vite que le son.
– Oui ben j’ai toujours eu du mal avec les noeuds, pfffff.
Donc, je fonce et cours en cercle à fond autour du groupe
de robots afin d’attiser les flammes du King et les empêcher d’avancer.
– Ok, je vérifie les règles sur le feu page 238 et te dis
tout de suite si ça fonctionne…
(4 minutes plus tard)
Bon ! C’est une action combinée, donc tu n’auras qu’un
déplacement au tour suivant et pas d’action simple.
Tu cours, ta silouhette se trouble à cause de la vitesse et
bientôt, c’est une véritable tornade de flammes qui
s’élève au centre de la rue. Tu fais 3 points de dégats à l’ensemble du groupe
de robots et en voit tomber 4 de plus.
Plus que 21 robots.
Deuxième round, Initiative pour tout le monde.
… … …
… …
Le groupe de robots représente une
menace de 6 dés.
Je les lance devant vous pour un résultat de : 4-2-5-1-2 et 6, soit
20 points.
Que faites-vous ?
– Allé, je suis la speedster du groupe,
je commence.
J’utilise mon 3 en Déxtérité pour la course,
mon trait héroïque « Vive comme l’éclair »
à 2 et commence à courir en cercle
autour d’eux tellement vite qu’une mini tornade les maintient groupés, gênant leur avancée.
– Ok, reste 15 points de menace, les
autres vous faites quoi ?
Chu Chen court, bondit sur le capot
d’une voiture pour sauter dans la
tornade et infliger une déferlante
de coups, veritable vent meurtrier aux poings durs comme l’acier,
avant de faire un
triple salto pour ressortir de la zone.
Je dépense mon 6 en Force ainsi que
le 4 de mon trait héroïque « Poing du Tonnerre de Brest ».
– Bien, reste 5 points de menace.
King, tu fais quoi ?
– Hmmmm… Une fois que Chu Chen
est ressorti, j’envoie Zig Zag arracher
des membres de ses crocs puissants
et dès qu’il revient, je tir en cloche
une boule de flammes qui va s’abattre
sur les survivants pour les finir.
J’utilise donc mon 3 de « Zig Zag,
fidèle épagneul mutant »
et un 3 de mon trait héroïque
« Maître des flammes au sang chaud »
pour un total de 6 contre les 5 points
restant.
– Super, en un éclair, vous vous êtes
débarassés des troupes du
Docteur Flatulis.
Il vous jette un regard haineux,
avant de plonger dans son Autogyre, vous lançant un ultime
« Je reviendrai, et ma vengeance sera TERRIIIIIBLE !!! »
On présente Abstract Donjon et l’exemple porte sur des Super Héros… Ben bravo !

Certes, mon exemple peut paraître un tout petit peu orienté, n’empêche qu’il devrait évoquer quelques souvenirs de parties chez les joueuses et les joueurs s’étant déjà frottés au genre Super Héroïque.
Ce qu’il va néanmoins nous permettre de constater, en plus du gain de temps certain dans la narration, c’est que les postulats de résolution de scènes sont vraiment différents avec Abstract.
En effet, d’un côté, nous avons les désirs des joueurs confrontés aux aléas des systèmes de résolution puis une ré-écriture des dîtes intentions pour refléter l’impact de la mécanique, et de l’autre, les personnages se contentant d’énoncer ce qui se passe concrètement, puisqu’ils choisissent eux-mêmes quels scores de dés utiliser afin de s’approcher au mieux du résultat désiré.
Pour l’avoir testé en situation réelle, la plus grosse difficulté lors de l’explication des règles aux personnes présentes pour la partie est de faire passer le message que toute action décrite se produit telle quelle.
Pas de « J’essaie de crocheter la serrure » ou « Je tente un saut par dessus le gouffre » suivi d’un test qui viendrait confirmer ou non l’intention… Seule l’intention sera retenue « Je crochette la serrure du coffre » ou « Je prends mon élan et d’un bond magistral franchit le gouffre avant d’atterrir avec classe de l’autre côté ».
Autrement dit, si un personnage échoue à une action, c’est parce que son interprète à décidé qu’il en serait ainsi. Les raisons d’échouer peuvent bien sûr être multiples, qu’il s’agisse d’épargner sa réserve de dés en vue d’une confrontation ultérieure ou de servir l’histoire en y ajoutant des rebondissements, une faiblesse passagère du personnage, un moment dramatique… l’important est de comprendre que cela viendra du joueur au lieu d’être simplement subi.

Cette méthode de gestion n’implique pas des changements que pour les joueuses et joueurs présents. Les MJ vont également devoir repenser leur manière de dérouler un scénario, car leur outil principal pour gérer la tension autour de la table, va être la manière d’épuiser les ressources des PJ. Lorsqu’il prépare son scénario, le MJ va calculer les dés alloués à l’opposition en fonction du nombre de dés des personnages (cf photo), afin de proposer une partie équilibrée.

En effet, si l’opposition est sous-estimée par le MJ, les joueurs et joueuses vont se contenter de pousser leurs dés pour triompher des obstacles, sans réelle tension autour de la table. Dans le cas contraire, on va se retrouver avec un sentiment d’écrasement très rapidement, si par exemple à moitié de la partie les joueurs ont déjà quasiment consommés toutes leurs réserves.
Le MJ va donc devoir jongler avec ça et trouver son propre équilibre. C’est là que va résider la difficulté à s’approprier le jeu.
Bien sûr, des outils sont fournis pour palier à ce type d’écueils, comme les restaurations.
Les personnages peuvent décider de relancer tout ou partie des dés de leurs réserves si celles-ci viennent à s’épuiser trop rapidement, toutefois au prix d’une diminution des points d’expérience distribués en fin de partie.
Si la restauration est proposée par le MJ, c’est cadeau et n’impactera pas les PX.

La meilleure approche pour dompter la bète est sans doute de commencer par faire jouer quelques-uns des nombreux scénarios disponibles et voir ainsi comment répartir l’adversité en fonction des scènes, avant de passer à ses propres créations.

Ce que j’en pense

On ne va pas tortiller pendant des heures, Abstract a tout pour me plaire.
C’est vite lu, les règles sont archi simples et unifiées, ça peut se hacker en un rien de temps pour jouer dans à peu près nimporte quel univers et ça permet enfin de jouer un truc vraiment héroïque décomplexé (ça m’a tellement plus que j’en ai pondu un petit hack, très fortement inspiré pour mener des parties sur le pouce. C’est ici).
Pour certains, il manquera d’intérêt ludique de par l’abscence de moult mécaniques, de hasard et pourra paraître dirigiste, voir trop scripté.
À la première lecture, c’est ce que je m’étais dis… et finalement, une fois l’habitude prise de penser les choses différemment, ce jeu est vraiment fun.
La seule vraie difficulté va se résumer à doser les choses pour faire sentir la menace à vos joueurs, à grignoter petit à petit leurs ressources en vue de la confrontation finale du scénario, sans ni les écraser, ni leur faciliter trop la vie.
Bref, j’adore ce jeu et c’est tant mieux, car l’année dernière est tombée la news que j’attendais tant depuis des années… Une nouvelle édition de Thoan7 allait enfin voir le jour.

Bim, je vous ai bien feinté n’est-ce pas ?
Vous vous disiez que « ça y est, il a finit son laïus, on va pouvoir passer à autre chose »…
Hé bien non jeunes naïfs que vous êtes, car figurez vous que la nouvelle version de Thoan est motorisée par Abstract.
Youhouhou, je suis joie et pour féter ça, je vais vous parler un peu de Thoan et de pourquoi Abstract + cet univers = le bien.

Hop, Partie 2 surprise : Thoan

Thoan se base sur la saga des Hommes Dieux de Philip Jose Farmer8 (les 7 romans qui la composent furent publiés entre 1965 et 1993). Le premier roman met en scène Robert Wolf, un homme dans la soixantaine qui se retrouve projeté sur un monde alternatif qu’il va apprendre à connaître, pour le meilleur et pour le pire.
Ce monde est construit comme une gigantesque tour de Babel dont les différents étages sont séparés par des montagnes abruptes, hautes de plusieurs kilomètres, censées garantir l’absence de circulation des peuplades d’un étage à l’autre.

Que voilà un joli terrain de jeu !

On y croisera en fonction des étages aussi bien des dryades, des faunes, des aigles géants, des peuplades amérindiennes, vicking, teutones, atlantes, que des gorilles géants pacifiques et hedonistes (les zébrilles ) ou des dragons végétariens (oui oui). Au fil du roman, on en apprendra plus sur cette étrange planète,  notamment qu’elle fut créée par un être tout puissant, le Seigneur Jadawin, qui la peupla en prélevant des habitants de la terre à différentes époques pour les implanter sur son monde dans de nouveaux corps (Zebrille, Dryades, Faunes, Silènes…), afin de satisfaire ses lubies et fantaisies. S’ensuivront de grandes aventures au travers du monde à étages, de sa Lune, ou encore d’autres univers, toutes plus pulp les unes que les autres. En deux mots, c’est un cycle foisonnant, peuplé de mondes et de personnages plus grands que nature, qui mérite sans aucun soucis d’être inscrit au panthéon de la S.F et du Pulp (comment ça je suis fan depuis que j’ai 12 ans ?)

C’est par un beau jour de l’année 1995 que j’ai pu jeter mon dévolu sur le livre de base de Thoan (à l’époque édité par Jeux Descartes9), magnifique pavé de 432 pages décrivant par le détail le Monde à étages et les tenants de cet univers haut en couleur. Écrit en grande partie par les frères Vesperini (Orso et Leonidas10) et reposant principalement sur les tomes 1 et 3 du cycle, le jeu se vit doté d’un écran et du premier volet d’une campagne au long court (Arwoor) dont la seconde partie fut diffusée sur internet après l’arrêt de la gamme, concordant avec l’abandon de l’édition de jdr par Descartes. Mauvais timing pour un très bon jeu qui aurait mérité d’être plus développé à l’époque.

Les années 90 ont vu naître et disparaître nombreux de jeux dont les systèmes se voulaient novateurs. En effet tout était en train de se construire et la recherche de nouveauté était le maître mot de pas mal d’éditeurs (Multisim11 en tête par chez nous… info pas si anodine que ça, vous verrez).
Thoan n’a pas fait exception à la règle et reste encore aujourd’hui réputé pour son système particulier, reposant sur une mécanique d’échelle de valeurs assez unique en son genre, qui en a déconcerté plus d’un.
Les combats également expérimentaient une méthode de découpage du round plutôt novatrice en Jdr. Chaque personnage disposait d’un certain nombre d’unités d’action (U.A) à dépenser pour agir dans le tour. La planification du tour se faisait « en aveugle » et l’on confrontait les choix des PJ et des PNJ une fois que tout le monde avait décidé du placement de ses U.A.
Ajoutez par là-dessus une réserve de points d’héroïsme, 9 caractéristiques, une vingtaine de compétences, deux types de vitesse de deplacement et vous aurez un joyeux amas de statistiques qui n’a pas participé à ce que le jeu trouve son public (bien que tout soit au final fonctionnel et pas si compliqué que ça).
Après une préface de Philip Jose Farmer himself, excusez du peu, quelques généralités, un glossaire et une aventure solo pour se mettre dans le bain, ces rêgles réputées si particulières tenaient au final sur seulement 60 pages à la maquette bien aérée.
Autant dire que comparé à quelques mastodons plus modernes, ça ne pèse finalement pas si lourd que ça.

Tout le reste du bouquin englobait la création de personnages (sur 50 pages, avec 20 types de personnages jouables, présentés chacun sur une double page et agrémentés d’une belle illustration), une présentation rapide de la cosmogonie Thoane, une superbe partie encyclopédique sur le monde à étage de 150 pages, des conseils pour mener le jeu, un résumé de chaque tome de la saga, un catalogue de la technologie des Seigneurs, un bestiaire et deux scénarios (tout ça sur les 110 pages restantes).
Le moins que l’on puisse dire de ce bouquin, c’est qu’il est généreux et dresse un parfait tableau du Monde à étages (merci Alexis Santucci12 pour ces superbes illustrations) dans lequel pourront s’esbaudir ensuite les joueurs pendant de longues heures/semaines/années.

Le parti pris pour approcher le cycle de manière ludique était donc ici de jouer des habitants du Monde à étage et d’y situer la majeure partie de leurs aventures.

Thoan nouvelle version

Tout ça nous amène gentiment à la version du jeu qui fut financée l’année dernière et pour laquelle j’avais passé Frédéric Weil13 et Stéphane Arnier14 à la question (ici).
Hé bien, l’eau a coulé sous les ponts depuis et aujourd’hui, les livres sont (presque) prêts à partir chez les souscripteurs.
Ô joie !
Le mois d’octobre sera donc le mois de Thoan.
Et cette nouvelle version du jeu, car il ne s’agit pas d’une simple réédition, va changer la donne par rapport à la première du nom en nous proposant d’incarner un groupe de Seigneurs, et ce dans de nombreux mondes de poche.

Petite pause l’Histoire du Jdr français :
A titre de rappel, Thoan est labellisé chez Ludika15, l’alliance de Mnémos et des XII Singes, qui s’occupe déjà de la publication de Nephilim Légende16. Vous vous rappelez toute à l’heure quand je vous parlais de Multisim ? Ni vu ni vu, je fais mon lien, puisque je vous le donne en mille, qui donc avait co-fondé la boîte, puis les éditions Mnémos… ? Tatata… Frédéric Weil bien sûr… et Frédéric est un fan de Farmer devant l’éternel, moralité ce jeu taillé à l’époque pour figurer au catalogue de Multisim (selon moi) retrouve aujourd’hui une place bien mérité chez son descendant Ludika.

Reprenons

Le choix fut donc fait de motoriser cette nouvelle édition grâce à Abstract. C’est tant mieux, car synonyme d’actions flamboyantes, en plus de garantir un système simple d’accès qui ne demandera pas à être lu, relu et digéré avant de pouvoir vous plonger dans le feu de l’action.

C’est en grande partie Franck des XII Singes qui a réalisé l’adaptation à cet univers des rêgles déjà existantes. Rassurez-vous, si vous connaissez Abstract, vous ne serez pas perdus et j’irais même jusqu’à dire qu’une certaine harmonisation du cortex de base à été effectuée, rendant cette version encore plus accessible. A ses côtés, Stéphane Arnier, l’auteur principal du jeu sera secondé par les illustrations (magnifiques) de Dogan Oztel17, dont vous aurez peut-être déjà pu admirer le travail dans Tschaï, retour sur la planète de l’aventure18, également au Editions Mnémos dans la collection Ourobores19.


Le cycle des Hommes-Dieux étant fortement axé autour des relations familliales chez les Thoan, l’une des premières étapes sera de décider des relations entre vos différents personnages, des liens qui les unissent, ainsi que de leur génération au sein de ce peuple. Ici pas d’impact purement mécanique, mais une aide à la narration bienvenue pour situer l’ambiance à votre table.
Viendront ensuite les motivations, dans le but de donner une orientation à vos parties.
Pour finir, la partie chiffrée des personnages incluant les Caractéristiques, les Traits, l’Ego et l’équipement consistera à répartir des scores entre les différents éléments cités pour dresser un portrait aussi fidèle que possible de ce que vous souhaitez jouer.

Parlons Chiffres

Pour coller à l’ambiance, les caractéristiques « génériques » de Abstract deviendront donc :
Puissance, Elégance, Raison et Emotions, auxquelles viendront s’ajouter 3 traits définis lors de la création du personnage, de l’équipement, le Zoa et un Ego.
L’Ego aura toute son importance dans la mesure où il va marquer profondément ce qui caractérise votre Seigneur Thoan, ce qui le rend supérieur aux autres dans un domaine particulier où il excèle. L’Ego sera donc une réserve supplémentaire de 2 dés dans laquelle le joueur pourra piocher lorsqu’elle s’appliquera à la situation.
Le Zoa quand à lui vient remplacer le Dé bonus habituel d’Abstract et repésente la flamme qui anime les Seigneurs, cette étincelle de volonté qui les poussent à ne jamais renoncer. En tant que réserve bonus, le Dé aura donc une valeur de 6 au début de chaque partie et pourra être déplacé dans n’importe quelle réserve en cours de partie, suivant les besoins.

L’opposition en cours de jeu pourra prendre plusieurs formes, selon les situations, se résumant à trois grands cas de figure :
Les obstacles, Les combats, Les défis.

Les obstacles recouvrent la plupart des situations ponctuelles que l’on peut rencontrer lors d’une partie et qui viennent entraver la route de vos personnages.
Un garde en faction devant une porte, un cadenas empêchant d’ouvrir une grille, un pont écroulé au dessus d’une rivière alors que la destination est de l’autre côté, un mot de passe bloquant l’accès d’un ordinateur… vous avez saisi.
L’obstacle ne représente pas une menace, mais gêne un but à atteindre.
Pour le vaincre, un personnage n’est pas limité dans l’usage de ses réserves de dés (tout en restant cohérent avec l’action bien sûr) et peut en piocher autant qu’il veut.

Les combats sont un grand classique du jdr et sont traités de la même manière que le reste à Abstract, c’est à dire par un score à éliminer. Une ou deux petites contraintes viennent toutefois pimenter la résolution.
Tout d’abord, chaque personnage n’a le droit d’utiliser qu’un dé de chacune de ses réserve (une caractéristique, un trait, un équipement et l’égo), soit 4 dés maximum par round de combat. Si la menace n’est pas entièrement éliminée à la fin d’un round, le/les personnages impliqué(s) dans l’affrontement subit(ssent) des dégats.
ex : Un adversaire représentant 10 points de menace ne subit que 5 points de dégats par les joueurs durant le round.
N’étant pas éliminé à la fin du tour, il inflige donc des dégats.
Il occasionne 3 points de dommages en Puissance avec une rafale de coups dévastateurs, ce qui veut dire que la réserve de Puissance d’un personnage va diminuer de 3 points (et je dis bien 3 points, pas 3 dés).
Ainsi, un personnage pourra diminuer un dé affichant un 6 et le placer sur la face 3, ou encore éliminer un dé affichant un 3 de sa réserve de puissance.
Et on repart pour un round, jusqu’à élimination de la menace.

Simple, efficace, ça fait des combats qui tournent vite et bien, tout en obligeant les personnages à collaborer un minimum afin que la menace soit éliminée rapidement.

Les défis quant à eux vont représenter tous les autres types de menaces qui pourraient peser sur les personnages et seront gérés de la même manière que les combats.
Traverser une rivière en crue à la nage, éviter des pièges en remontant un couloir de 20 mêtres de long, réaliser une joute oratoire lors d’un procès sous peine d’être lynché… des défis.

Si vous avez compris ça, c’est simple, vous êtes prêts à jouer.

Bon, qui dit jeu de rôle dit bien souvent progression des personnages, et c’est ici le cas, avec une petite spécificité pour coller à l’univers du jeu.
En effet, vos Seigneurs ne pourront progresser QUE s’ils sont maîtres d’un Cosmos Privé et de sa forteresse. Sans ça, ils seront des errants condamnés à la fuite et à l’oubli, complètement coupés de leur statut Divin.
C’est en effet au sein de sa forteresse qu’un Seigneur créé, manipule, modifie les formes de vie ou les paysages de son monde personnel. Et c’est par ces modifications qu’il pourra justifier l’augmentation de ses caractéristiques, traits, ou encore une nouvelle ligne d’égo.
ex :
– Afin d’augmenter sa caractéristique de Puissance, un Seigneur se rendra dans son laboratoire pour s’administrer une greffe de maillage musculaire…
– Pour acquérir le Trait « Pilote casse cou mais toujours premier lors d’une course », votre Seigneur aura créé une arène de courses au sein de son Univers de poche.
etc…
Enfin, en complément de tout cela, il faut bien sûr une fiche de suivi de votre monde qui servira à noter ses principales caractéristiques (peuples, particularités physiques/géographique, culture …), ainsi que les évolutions que vous y aurez apporté au fil de vos aventures.

Pour conclure

Vous l’aurez sans doute deviné, je suis plutôt emballé par ce grand retour et le fait qu’il tourne sous ce qui, pour moi, est l’un des systèmes les plus novateurs (et léger) de ces dernières années, tout en étant encore sous-représenté sur la scène actuelle.
Les livres vont ainsi pouvoir développer à loisir les différents mondes de poche à disposition qui faisaient défaut à la première version du jeu, faute de suivi de la gamme.
J’attends donc avec impatience la livraison du projet qui ne devrait plus tarder à l’heure où j’écris ces quelques lignes.
Je tiens à remercier tous les différents acteurs au sein de ce projet pour lui avoir permis de voir le jour, permettant ainsi à une nouvelle génération de joueurs d’arpenter cet univers riche en possibilités, qui aura participé activement au développement de mon imaginaire.
Thoan Forever !!!

Rédigé par David BARTHELEMY

Notes & Références :

1 Le Grog
2 Philibert
3 Fate
4 Apocalypse
5 Abstract Donjon
6 Les XII Singes
7 Thoan
8 Philip Jose Farmer
9 Jeux Descartes
10 Leonidas et Orso Vesperini
11 Multisim
12 Alexis Santucci
13 Frédéric Weil
14 Stéphane Arnier
15 Ludika
16 Nephilim Légende
17 Dogan Oztel
18 Tschaï retour sur la planète de l’aventure
19 Ourobores



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Ce que j’en pense : Petits Pirates

Journal de bord du Capitaine Crabs.

Depuis trois jours maintenant, la Grande Dame Bleue est d’un calme inquiétant. Pas une once de vent pour venir gonfler nos voiles et enfin nous permettre de rejoindre les côtes en vue d’un ravitaillement qui se fait désirer. Nos deux plus jeunes mousses, Kraken et Metz la Joie ont accompagné le maître coq La Tambouille en chaloupe pour essayer de ramer jusqu’à une petite île que notre vigie a repéré, à quelques encablures de notre position. Si La Carapace pouvait profiter du vent, même d’une simple brise, nous y serions déjà… En l’état, cela représente quelques heures à transpirer pour eux, mais la possibilité de tomber sur un cours d’eau potable et quelques noix de coco. Les deux sont débrouillards, Kraken apportant les muscles là où Metz a la connaissance des plantes et animaux comestibles. Non pas que nous ayons déjà un besoin crucial de vivres, mais cela permettra de les occuper à autre chose que jouer des tours pendables à l’équipage pour évacuer leur stress. Dans tous les cas, j’ai confiance en La Tambouille pour les canaliser et veiller à ce que tout se passe bien durant cette excursion. Je croise les doigts pour que le vent revienne (c’est tout de même étrange et commence à m’inquiéter un peu) et que nous puissions les rejoindre sur cette île non répertoriée avec La Carapace

Bon, je suis une quiche en dessin, mais mes enfants adhèrent, c’est l’essentiel !

La Forme

Issu d’un financement participatif mené tambour battant par La Loutre Rôliste¹, Petits Pirates est une traduction d’un jeu espagnol de David Diaz² qui se voit doter pour la vf d’un livre de base (128 pages couleurs au format A5, couverture souple), d’un écran de jeu illustré par la carte de la Grande Dame Bleue d’un côté et de tables utiles de l’autre, ainsi que de tout un tas d’aides de jeu sous la forme de plans, cartes illustrant les différentes traversées (les scénarios proposés dans le livre de base), grand poster détaillant les îles… C’est coloré, c’est foisonnant et tout à fait indiqué pour plonger les plus jeunes dans l’ambiance du jeu. Les heureux souscripteurs ont également pu recevoir une bourse en toile ainsi que des dés (d8, dé de météo, dé smiley) histoire d’être équipés pour leurs aventures.

Le livre de base, sous titré Jeu de rôle pour enfants intrépides nous présente au dos les mentions suivantes (sur lesquelles nous reviendrons plus loin) :
– Âge des Moussaillons : 6+
– Âge du Capitaine : 10+
– Nombre de joueurs : 2-6
– Durée d’une partie : 45 min/1h

Le contenu intérieur est découpé en 5 grands chapitres :

Introduction (20 pages) : qui présente les grands classiques que sont la définition du jeu de rôle, la présentation de ce qu’est Petits Pirates, les règles à l’attention des Moussaillons (les joueurs), dont la création de personnage, les règles à l’attention du Capitaine (le MJ), quelques conseils pour mener une partie, et les règles optionnelles.

Exemple de Partie (10 pages) : mettant en situation par l’exemple le contenu de la première traversée, à savoir l’embarquement à bord du Lointain. Vous êtes pris par la main pour poser votre première partie et si vous n’avez jamais pratiqué le Jeu de Rôle, cela vous donnera une idée un peu plus précise de ce en quoi peut consister une partie.

Le Monde de Petits Pirates (38 pages) : Ici seront présentés les grandes traditions de la piraterie, l’équipage du Lointain, ainsi que les grandes régions de la Grande Dame Bleue, les mythes et légendes, les possessions, trésors et reliques…

Traversées (40 pages) : Que serait un jeu permettant de découvrir le Jdr sans scénarios… Là vous êtes gâtés, avec pas moins de 10 d’entre eux. Chacun est tout d’abord présenté de manière synthétique dans un encart précisant la Région, l’île concernée, le type de traversée, l’équipage (nombre de joueurs prévu), l’objectif, les éléments de l’aventure (en gros les grandes scènes), les récompenses et enfin les connaissances pouvant être utiles durant la partie.
Passé ce premier encart, des textes d’ambiances sont à lire directement aux joueurs afin de poser le contexte et les dialogues de certains PNJ apparaissent en gras s’ils ont des interventions à faire dans la partie. Les principaux jets de dés à réaliser sont indiqués aux couleurs des caractéristiques dont ils dépendent et des plans viennent illustrer le tout.

Annexes (8 pages) : Quelques petites choses utiles comme un générateur de traversées, les contrats du Moussaillon et du Capitaine (les feuilles de personnages), un journal de bord du Capitaine (une fiche synthétique de création de traversées), quelques aides de jeu (fond de carte, plan d’auberge…) et enfin, une table chiffrée héritée des livres dont vous êtes le héros pour remplacer les dés en cas de pénurie.
Nous avons donc ici un joli bouquin, fonctionnel et avec des lignes directrices bien marquées, comme la lisibilité (beaucoup de codes couleurs, d’encadrés pour retrouver l’information, une maquette claire et aérée), un univers aisé à prendre en main (la piraterie) et du matériel de jeu pensé pour être facilement acquis (les 10 Traversées vous mettent directement le pied à l’étrier).

Le Fond

Bienvenue sur la Grande Dame Bleue, vaste étendue d’eau salée parsemée de nombreuses îles aux climats et ambiances variées. Comme vous n’aurez pas manqué de le noter, nous sommes ici pour jouer des Pirates… plus exactement, des Petits Pirates. Le jeu s’adresse en effet avant tout aux plus jeunes d’entre nous (de par mon expérience dès 5 ans en tant que joueurs) sous la houlette d’un parent bienveillant. Le système de jeu (très simple) va également dans ce sens, mais nous y reviendrons plus loin.
Pour ce qui est de l’univers du jeu, nous sommes dans une piraterie tout ce qu’il y a de plus aimable, teintée de fantastique, mais toujours de loin, par ouï-dire et légendes interposées.
Pas de magie au programme et s’il devait y en avoir, elle se manifesterait sous la forme de créatures fantastiques, d’apparitions ou autre équipage maudit. Cela renforce l’aspect enfantin, où tout peut être possible, sans pour autant relever d’une justification cherchant à crédibiliser le phénomène.
Les différentes îles et régions de la Grande Dame Bleue sont décrites succinctement, posant à chaque fois une ambiance ou un thème particulier que nos Moussaillons pourront explorer à loisir. Pour ce qui est de la piraterie en elle même, il ne s’agit pas de jouer à Pavillon Noir³ ou de vivre un épisode de Black Sails⁴, mais bel et bien de découvrir des équipages colorés et bon enfant.

Non non non, vos pirates à vous auront l’air beaucoup plus aimables

A titre d’exemple, l’image d’Epinal du pirate est toujours associée à un crochet ou une jambe de bois… Hé bien dans Petits Pirates, on ne manque pas de nous indiquer qu’il s’agit avant tout d’accessoires utilisés pour renforcer une image de gros durs et que le soir venu, au moment de rejoindre son hamac, l’estropié retire sa « fausse prothèse » et secoue ses petits doigts pour en chasser les fourmis avant d’enquiller sur une nouvelle journée.
Tout ici est très positif et totalement en adéquation avec l’Imaginaire qu’un enfant de 5 à 10 ans peut déployer.
Pour ce qui est de cet imaginaire, il sera stimulé tout au long des 10 traversées proposées qui, mises bout à bout, permettront de développer une véritable saga à l’intention de vos chères têtes blondes (ou pas d’ailleurs).

Les Règles

Aborder les règles de Petits Pirates dans cette présentation n’est pas simple… je risque d’en écrire plus qu’il n’en n’est dit dans le livre.
C’est très épuré et pensé pour les plus petits.
Les Moussaillons sont définis par trois caractéristiques :
Coco, pour tout ce qui relève de l’intellect et du social
Musclo, pour l’activité physique, qu’il s’agisse de porter des choses, nager ou faire des cascades
Bricolo, concernant l’inventivité, la réparation, la pose de pièges…
Ces trois caractéristiques sont échelonnées de -3 à +3 et ces valeurs correspondent à un modificateur à ajouter/soustraire au résultat du jet d’un D8, contre une difficulté allant de 2 (facile) à 12 (improbable).

À la création d’un nouveau moussaillon, on répartira simplement les valeurs suivantes entre les 3 caractéristiques : +2, +1, -1
Reste à trouver un nom au jeune pirate, signer le contrat d’une croix (comme tout bon pirate), et le tour est joué.

On notera la présence de règles optionnelles, dont l’usage est fortement recommandé (tout du moins par moi), vu qu’elles n’alourdissent en rien le système et permettent de typer un peu les personnages. Il s’agit notamment de l’usage d’Objets (conférant des bonus) et Connaissances (Affiliées aux caractéristiques), qui lorsqu’utilisées dans le bon contexte, permettront d’ajouter 1 point bonus au résultat du D8.

Un test pour suivre une piste dans la jungle pourrait donc se résoudre de la manière suivante :

Difficulté 6 (compliqué)
Kraken, le jeune moussaillon lance le D8 et obtient 5.
Il ajoute son score de Coco au résultat, soit +1
Avec un total de 6, il parvient à suivre les traces de l’équipage du Capitaine Trotte au travers de la jungle dense.
– S’il avait possédé la Connaissance Papatte, permettant d’être un expert en pistage, il aurait encore pu ajouter 1 point à son résultat.

L’intérieur de l’écran… tout est là… simple non ?

Pour pimenter un peu tout ceci, il existe deux résultats dit spéciaux sur les jets de dés :
– Le Tout Puissant 8, qui implique une réussite automatique de l’action entreprise (quelque soit le niveau de Coco, Musclo ou Bricolo, ou la difficulté de l’action).
– Le Terrible 1, dont l’apparition sur le dé garantit l’échec de l’action ET de passer un Sale Quart d’Heure.

Le Sale Quart d’Heure est la manifestation du sort qui s’acharne sur les personnages. En effet, sur un résultat de 1 au dé (ou un score final inférieur à 2), non seulement l’action est ratée, mais en plus, durant une durée laissée à l’approbation du Capitaine, toutes les Capacités (Coco, Musclo, Bricolo) du Moussaillon sont diminuées de 1 point. C’est la lose.
Voilà, vous savez tout et pouvez commencer à jouer.

Nous aurons bien sûr là dessus de rapides règles concernant l’expérience qui se résument en deux points :
– En fin d’aventure, le Capitaine peut octroyer de 1 à 3 doublons à chaque Moussaillons, doublons qui pourront être utilisés lors d’une escale pour acheter du matériel à un marchand (matériel conférant des bonus, rappelons-le).

– À force d’être confronté à certaines situations, un Moussaillon peut gagner une Connaissance en lien avec les évènements vécu.
Par exemple, après avoir survécu plusieurs jours seul sur une île déserte, un Moussaillon pourra gagner la Connaissance Pro de la Survie, qui lui conférera un bonus de +1 en Bricolo dès qu’il s’agira de trouver de l’eau, de la nourriture, construire un abri…).

Par rapport à ces règles, le seul bémol que j’ai pu noter concerne le Sale Quart d’Heure.
Ayant fait l’expérience de plusieurs parties avec mes enfants, les premières fois où leurs dés ont affichés des résultats de 1 lors d’un test, ils ont très mal digéré le fait que leurs score diminuent…
Entre 4 et 7 ans, souvent les enfants n’aiment pas se sentir « diminués » ou la sensation que l’on leur prend quelque chose qui semblait acqui (trop apparentée à une punition, même dans un jeu).
Lors des parties suivantes, j’y avais un peu réfléchis et m’étais dit qu’il n’y avait presque rien à changer pour que le phénomène s’efface… J’ai donc simplement remplacé la diminution de leurs Capacités par une augmentation des seuils de difficultés de 1 point.
La Poisse venait de faire son apparition à notre table de jeu, et ils ont tout de suite beaucoup mieux réagit à ce manque de chance ponctuel, en partant du principe que c’était quelque chose qui ne venait pas d’eux finalement, mais d’un monde un peu peau de vache qui pouvait s’avérer difficile en enchaînant les malheurs.
Je vois d’ici les rigoristes de l’éducation d’un autre âge qui vont hurler aux « fragiles » qui ne supportent rien… Grand bien leur fasse, de mon côté, j’estime simplement que générer de la frustration avec un jeu chez les très jeunes est le meilleur moyen de les en dégoûter, aussi dans ma cuisine resterons-nous sourds à leurs imprécations (smiley qui tire la langue).

Ce que j’en pense

Bon, n’y allons pas par quatre chemins, de tous les jdr que j’ai pu tester aujourd’hui avec mes coba… Heuu… mes enfants, Petits Pirates est celui qui a eu le plus de succès. Des règles simples et très accessibles, un univers très aisé à appréhender (et enrichir de ses apports personnels selon les envies), et surtout, l’Imaginaire de la piraterie étonnamment déjà très ancré chez mes petits.
Il faut dire que les histoires de pirates et autres vidéos sont légions et le monde de la mer bien exploité dans les programmes jeunesse. En vrac, mes enfants ont pratiqué Les Octonauts⁵, Pirata et Capitano⁶, les playmobils sur le thème (le bateaux pirate de la marque est d’ailleurs une aide de jeu que nous utilisons à chaque partie), les contes et docu pour la jeunesse… bref, ils sont au point.

Vue du sol de la chambre de mon plus jeune


Le jeu se prête donc tout particulièrement à l’initiation en famille, de préférence avec un parent à la barre du capitaine (qu’il ou elle ait pratiqué le jdr auparavant importe peu tant la prise en main est aisée/guidée).
Par contre, cela me paraît compliqué en l’état pour un enfant d’attaquer directement la maîtrise dessus (tout du moins guère avant une douzaine d’années), l’idéal étant d’avoir pu pratiquer en tant que joueur sur une dizaines de parties avant de basculer de l’autre côté de l’écran.
En résumé, un très bon jeu pour amener vos enfants au jdr.
C’est beau, c’est frais, vous ne vous ruinerez pas sur la gamme et les sources d’inspiration (si les moultes traversées disponibles et à venir ne vous suffisent pas) sont hyper abondantes. De très loin, nous avons là (à mon sens) le meilleur jeu disponible en vf (non traduit pour l’instant, No Thank You Evil⁷ est un très sérieux compétiteur) pour les enfants (à mon sens, une encâblure devant Petits Detectives de Monstres⁸, chez le même éditeur)… Foncez à l’abordage.

Oubliez les poneys, voilà un autre vrai jeu pour enfant… un jour peut-être en français

Ca y est, le vent est de retour, étrangement accompagné d’une forte odeur de noix de coco.
La Tambouille, Kraken et Metz la Joie sont partis ce matin et je regrette presque de les avoir envoyé sur cette île alors que l’attente forcée à laquelle nous étions réduits depuis plusieurs jours touchait à sa fin.
Les voiles de La Carapace se gonflent à nouveau et nous allons pouvoir rejoindre l’île afin de leur épargner un nouveau trajet à la rame.
J’espère que tout ce sera bien passsé pour eux et qu’ils n’auront pas eu de mauvaise surprise durant leur exploration de l’île. J’ai beau avoir toute confiance en La Tambouille et en la débrouillardise des deux moussaillons, cette abscence de vent et l’odeur qui accompagne son retour, alors qu’ils ont mis pied à terre il y a seulement quelques heures, ne me dit rien qui vaille. La Grande Dame Bleue regorge de surprises et ce ne serait pas la première fois qu’elles s’avéreraient désagréables pour notre équipage.
Tiens, j’entends Marcello me crier qu’il a la chaloupe en vue, ainsi que nos trois amis à son bord.
Quel soulagement.
Il semblerait que la plage soit envahie de Dodos excités et que les trois compères s’en éloignent rapidement… Je me demande ce qui a bien pu se passer durant ces quelques heures.
Enfin, nous serons vite fixés. Il est temps de réunir l’équipage et de poursuivre notre route, car après tout c’est pour cela que nous avons tous embarqué… Une vie d’aventures et de mystères sous le sceau de l’air salin et de la piraterie.

Notes et Références :
¹ La Loutre Rôliste
² David Diaz
³ Pavillon Noir
Black Sails
Les Octonauts
Pirata et Capitano
No Thank You Evil
Petits Détectives de Monstres

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Ce que j’en pense : Dungeon Crawl Classics

Fulbert avançait dans le couloir sombre avec une torche en main et une pique de rôtissoire dans l’autre… Les sept autres villageois coincés ici avec lui le suivaient et l’encourageaient à continuer en dépit des toiles d’araignées et des bruits inquiétants qui se répercutaient dans la galerie, lui glaçant les sangs.

Tout avait commencé en rentrant de la foire du bourg voisin, par une belle nuit de printemps, aussi incroyable que cela puisse paraître, il y avait seulement quelques heures de cela.
Maître Fulbert y avait tenu son comptoir de rôtisserie comme chaque année, fier de vendre ses poulets comme des petits pains. Il faut dire qu’il en prenait soin de ses bestioles… Point d’élevage en batteries comme pouvait le pratiquer son principal concurrent dans la région, l’odieux père Rodel vers qui il avait pourtant fait son apprentissage étant jeune.
Ses poulets étaient des poulets heureux, oui monsieur… Ils vivaient au grand air, étaient nourris avec les meilleures graines de la région et il prenait le temps chaque jour de les visiter personnellement afin de s’assurer de leur bonne santé.
S’il portait autant d’attention à son élevage, c’est aussi parce qu’il fallait bien l’avouer, Fulbert avait toujours préféré la compagnie des bêtes à celle de ses congénères, qu’il trouvait bien souvent prétentieux et méprisants à son égard. Il ne brillait peut-être pas par son intelligence, mais il avait finit par trouver sa place dans le village et avait su mettre à profit son talent pour se faire apprécier des animaux, à défauts des villageois.
C’est avec une certaine satisfaction qu’il réfléchissait à cela tout en menant son char à bœufs sur le chemin du retour vers sa petite ferme, accompagné par Pezzo, son jeune apprenti à la carrure impressionnante malgré ses quatorze ans, ainsi que Mirabelle, la cousine de ce dernier qui avait aidé à la vente de volailles en échange du trajet à la foire.
Les deux adolescents discutaient paisiblement des merveilles qu’ils avaient vu ce soir, comme le troubadour un brin sorcier qui faisait apparaître et disparaître des pièces d’un sou des oreilles des badauds ou encore la première épée forgée par Rimuld l’apprenti du forgeron, dont il avait démontré le tranchant en pourfendant tout de même deux des trois épouvantails apprêtés pour l’occasion (le troisième ayant fini par avoir le dessus en mettant traitreusement à profit l’allergie aux foins de Rimuld, ainsi que son inaptitude flagrante au maniement de l’épée qu’il avait forgée).
Troubadour comme apprenti forgeron cheminaient à dos de mule juste derrière le char de Fulbert, qui les avait invité à souper et dormir chez lui ce soir en remerciement de la foule qu’ils avaient attiré autour de son étal durant la soirée.
Tout était donc pour le mieux… Jusqu’à ce qu’ils traversent la nappe de brouillard aux abords de la mare aux Salamandres.
Déjà, du brouillard en cette saison ce n’était pas banal, mais ce qui  fit courir un frisson le long de l’échine de Fulbert, ce fut l’absence totale de bruit pendant qu’il suivait la route au sein de la brume. La température avait bien chuté de dix degrés et il n’entendait plus claquer les sabots de son bœuf, pourtant à moins de deux mètres de lui.
Quand la brume se dissipa, il ouvrit grand les yeux de stupéfaction à la vue de l’allée pavée qui s’étendait devant lui, en lieu et place du chemin de terre conduisant au village.
Une neige à moitié fondue tombait en gros rideaux derrière lesquels on pouvait deviner la silhouette d’un imposant château qui bouchait l’horizon. Stupéfait, Fulbert mit quelques secondes à réaliser que ses compagnons s’adressaient à lui, tantôt depuis l’arrière du char, tantôt depuis leurs mules…
« Boudiou mais c’est quoi qu’c’t’histoire ? » Lâcha t’il en guise de réponse aux interrogations qu’il n’avait pas saisi.
Des hurlements de loups (ainsi que les exhortations de ses compagnons) le poussèrent à faire avancer la cariole dans la cour du château, où il remarqua bien vite la présence de trois autres personnes, l’air tout aussi déboussolés que lui.
Ferlis le boulanger, Marinette son épouse, ainsi que Martel leur fils aîné. Tous trois avaient quitté la foire une bonne heure avant lui, ayant vendu tout leur stock de pain au maïs, grande spécialité de la famille.
Tout naturellement, chacun s’était tourné vers Fulbert (celui-ci étant le plus âgé d’une bonne dizaine d’années) afin de savoir quoi faire, et c’est avec une certaine angoisse qu’il avait pris sur lui de faire rentrer tout ce petit monde dans le château mystérieux, après un long moment d’hésitation à laisser son pauvre boeuf seul dehors dans le froid.
S’étant équipés de bric et de brocs avant de partir affronter l’inconnu, ils cheminaient depuis dans les couloirs abandonnés de l’inquiétante demeure, en quête d’un endroit sûr où passer la nuit et faire le point sur leur situation…

La Forme

Dungeon Crawl Classics (DCC pour les intimes) se présente sous la forme d’un bon gros pavé format A4 de plus de 480 pages à couverture rigide, reliure cousue, agrémenté de trois signets en tissu respectivement couleur crème, bleu azur et parme (oui oui je sais… mais j’ai bossé dans le tissu, alors autant utiliser les bons coloris). Faisant partie de ceux qui ont craqué pour l’édition collector, je ne saurais me prononcer quant à la qualité du livre « standard », mais en tout cas ici, c’est du beau et du solide (vu le poids du bouzin, il valait mieux assurer le coup de ce côté, c’est chose faite), qui devrait encaisser sans broncher les nombreuses manipulations qu’il sera amené à subir au fil des années.
Vu l’épaisseur de la bête, je ne vous ferai pas la présentation chapitre par chapitre (j’en aurais pour six mois), mais vous parlerai plus de la forme générale de la gamme après un « bref » survol du livre de base.
Car oui, sitôt livré, DCC a déjà tout d’une véritable gamme en vf.
Nous avons donc un très épais livre de base, un écran, un petit livret de référence contenant tous les tableaux du jeu, un portefolio des illustrations (magnifiques) de Peter Mullen¹, des pochettes de rangement pour les feuilles de perso, des feuilles de perso, des stickers à coller au dos des pochettes pour indiquer les modules joués, un décapsuleur aimanté (présentement collé sur mon frigo), un tampon destiné à stigmatiser les feuilles de personnages décédés (que je n’ai hélas pas pris pendant la souscription… mouhouhou), des set de dés, et non pas un, ni deux, ni trois, ni… Mais treize modules de scénarios… Oui Madame, vous m’avez bien entendu, TREIZE MODULES !!!

Autant vous dire que le facteur était plutôt soulagé lorsqu’il a enfin pu déposer tout ça sur le pas de ma porte

Toute cette masse de matériel correspond donc au premier financement de la gamme, conduit par les éditions Akileos² qui déboulent en force sur le marché du Jdr avec ce projet pharaonique.
Le jeu est à l’origine édité par la maison américaine Goodman Games³ et aura donc été excellemment traduit chez nous par Emmanuel Bouteille⁴ (gérant et fondateur d’Akileos), Guillaume Meistermann⁵ (également co-auteur du jeu Terres de Matnak) et Sandy Julien⁶ (ou l’un de ses clones, chef de fil du S.S.L.I.P). J’insiste sur la qualité de la traduction tant la lecture s’est avérée fluide et cohérente (entre les 480 pages et les treize modules, il y avait pourtant matière à écueils), ce qui est pour le moins rafraichissant quand on sort d’une gamme comme celle de Symbaroum⁷, par exemple…
La maquette est sobre et efficace (sur deux colonnes pour la majeure partie du texte et une seule pour les présentations de sortilèges) et parsemée d’illustrations toutes plus redoutables et old school les unes que les autres (même si j’apprécie beaucoup moins les petites scénettes de Chuck Whelon⁸ que, au hasard, les pleines pages de Jeff Easley⁹, Jim Holloway¹⁰, Doug Kovacs¹¹, Peter Mullen… et j’en passe).
Pour le contenu du livre, on notera que sur les 480 et quelques pages, environ 280 sont consacrées à la Magie, les règles en elles-mêmes occupant environ 90 pages, création de perso, combat, classes de personnages et compétences comprises. Le bestiaire tient en 86 pages et vous donne largement de quoi inquiéter vos « héros en devenir » sur de longues sessions de jeu. Viendront ensuite une douzaine de pages d’annexes fournissant des détails supplémentaires sur diverses sujets tels que les malédictions, les langues, les inspirations, les poisons, les sobriquets et les titres pour les différentes classe de perso.
Avant de conclure sur un récapitulatif de certains tableaux et la présentation de la gamme (présente et à venir), deux scénarios vous permettront de mettre le pied à l’étrier, et ce même si vous avez décidé de vous contenter du livre de base.

L’écran est un trois volet classique au format portrait présentant côté joueurs trois illustrations qui jouent bien leur rôle de mise en ambiance… On aime ou pas le côté old school (moi j’adore), mais on ne pourra en tout cas pas leur reprocher de ne pas coller au thème du jeu. Côté MJ, les principaux tableaux utiles en cours de partie sont présent.
Seul bémol à mon avis, l’absence des procédures impliquant les jets de base pour ceux d’entre nous qui auraient une mémoire de poisson rouge… (mais qui dit old school dit post-it, donc ça passe). C’est du gros carton bien épais et devrait encaisser les multiples projectiles que vos joueurs tenteront sans nul doute de vous envoyer passé leur quatrième personnage coupé en deux par inadvertance au détour d’une ruelle mal famée.

Le livret de référence est un petit bouquin au format A5, d’une soixantaine de page qui a la bonne idée de reprendre absolument tous les tableaux éparpillés dans le livre de base de DCC. Donc si vous n’êtes pas branché écrans de jeu, vous pouvez très bien faire le choix de vous en passer et opter à la place pour ce fascicule. Pas grand chose à en dire de plus, si ce n’est qu’il est vraiment fort pratique.

Vient ensuite le porte-folio de Peter Mullen qui est vraiment très chouette. Si vous aimez son style, vous serez gâté avec la sélection d’illustrations proposée. Après cela, nous avons trois blocs de feuilles de personnages, un pour les persos niveau zéro et deux pour les persos de niveaux supérieurs. L’une des particularité de DCC est son taux de mortalité très élevé. Ici, point de complaisance envers vos joueurs afin de ménager leurs sensibilité. Il est recommandé de réaliser vos jets de dés à la vue de tous, non seulement pour assurer votre probité à la table, mais également pour amener de la tension dans l’aventure. Pour coller à cette ambiance, DCC part du principe que chaque joueur créé quatre personnages de niveau zéro pour la première partie et qu’au terme de celle-ci, le ou les éventuel(s) survivant(s) pourra(ront…) passer niveau 1. Attendez-vous donc à voir les persos débutants tomber comme des mouches (lors de ma partie d’intro, sur 16 personnages, seuls 8 ont survécu… et j’étais pourtant bien pourri sur mes jets de dés 😅).

Avant d’attaquer les modules, nous passerons rapidement sur les goodies restant, à savoir marques pages, posters, crayons de papier DCC, calepin, le fameux décapsuleur ou encore la pochette en tissu pour ranger les dés. Ça, c’est fait… Maintenant les modules.

Histoire de bien installer une gamme, rien de tel que de la doter de scénarios. Ça c’est un truc que Goodman Games (et incidemment Akileos) a bien compris. Pour cette vf sont donc disponibles en même temps que le livre de base treize modules de scénarios courant du niveau 0 au niveau 8 (avec une majorité de niveaux 0, 1 et 2), histoire d’être sûr. Je n’en ferai pas le détail (sinon une fois de plus nous y sommes encore dans deux semaines), mais sachez qu’ils proposent toute une variété d’aventures qui sous couvert de poncifs du genre, vous promettent de belles parties de rigolade (et de morts atroces). Pour ma part, je n’ai encore fait jouer que Le rouge vous va si bien Brandonlyne¹² qui a rencontré un beau succès auprès de mes joueurs. C’est fun, ça se met très vite en place et les situations proposées sont propices à de beaux moments d’interprétation. Pour info, nous avons dû jouer le module en deux séances d’approximativement quatre heures (hé oui, on vieillit… Elles sont loin les folles parties de 8/10 heures d’affilée), incluant explication du système et création de 16 personnages. Si en dépit de tout cela vous avez peur de manquer de matière, sachez qu’Akileos a proposé en début d’année une formule d’abonnement pour de futurs modules (six, dont la traduction est en court, voir bouclée pour certains). Il est possible de s’abonner pour des pdf ou des ouvrages physiques qui seront envoyés une fois tous les pdf mis à disposition. Chaque module contient une aventure complète, avec cartes, aides de jeu éventuelles, PNJ… Tout ça en une trentaine de pages en moyenne et toujours dans cette esthétique old school de bon aloi.

Et si vraiment vous êtes en demande de plus ou avez peur des étagères vides, Akileos va proposer très prochainement la version DCC de Lankhmar¹³ ou encore Péril sur la planète violette¹⁴ (évidemment tous deux présentés au format boîte 🤩), ce qui positionne clairement ce jeu dans les gammes extrêmement vivantes et fournies.

Les règles

Alors, nous ne nous éterniserons pas des heures sur les règles de DCC.

Nous sommes sur une base extrêmement simple et efficace, à base de grand ancêtre… Six caractéristiques, trois sauvegardes, une CA (classe d’armure) et tout se règle par défaut au D20 contre une difficulté. Là où les choses vont différer de l’habitude, c’est sur la gestion des bonus/malus. Effectivement, vous aurez vos classiques +-1/2/3 résultants des caractéristiques, mais également des changements de classe de dés pour le moins exotiques, à base de D14, D16, D24… Ça paraît tordu énoncé comme ça, mais à l’usage c’est très fluide, à condition toutefois de posséder un set de dés adéquat (les fameux dés Zocchi ou une application dédiée).

Dîtes donc, ils sont quand même chelous vos dés non ?

Pour ce qui relève de l’utilisation de compétences, basez-vous sur la cohérence avec la profession de votre personnage. S’il paraît justifié qu’il ait une quelconque expertise en matière de cuisine par exemple, oui vous pourrez lancer un D20 (test qualifié) pour essayer de reconnaître une odeur suspecte émanant du breuvage que l’on vient de vous servir. Sinon, lancez un D10 (test non qualifié). Simple, efficace. Seuls les voleurs bénéficieront d’une liste plus spécifique de compétences, toutes affiliées à leur classe de personnage (déplacement silencieux, déguisement, crochetage…). Les guerriers disposeront quant à eux de hauts faits d’armes, des manœuvres de combat du type désarmement, immobilisation, posture défensive… En bref, chaque classe de personnages aura ses particularités la rendant attrayante.

Là où les choses vont se corser un peu, c’est avec la magie.

Il existe en tout et pour tout 716 sorts dans le monde (rassurez vous, ils ne seront pas tous présentés dans le livre), ni plus, ni moins. Comme un article entier pourrait être consacré à la magie de DCC, on va faire au plus court.
Le livre de base en propose une bonne centaine sur l’ensemble, en incluant les sorts de Mages, les sorts de Patrons (j’y viendrai) et les sorts de Clercs. Avec les sorts présentés, on reste sur du classique (comme l’indique si bien le nom du jeu), mais… car oui, il y a un mais… avec des twists rigolos. Déjà, ce n’est pas parce que le nombre de sorts disponibles est fini que ce seront tous les mêmes. Je m’explique.
Les Projectiles Magiques de Bernart l’Inconsistant (avec un t, c’est de la Fantasy) le sorcier du village de Permut les Ouilles se manifesteront différemment de ceux de Falzar le Terrible, sorcier Elfe connu et reconnu, car dans DCC, la magie est bordéli… pardon, Chaotique. Ce sera traduit en jeu par ce que l’on appelle la magie Mercuriale, un joli tableau qui vous permettra, à l’acquisition de chaque sort d’un magicien, de déterminer une conséquence au lancé du dit sort (je vous mets une photo du tableau, sinon mon rôle va se résumer à celui de bête moine copiste et j’ai d’autres chats à fouetter… Enfin… notez que je n’ai rien contre les chats), mais également par une Manifestation (qui sera elle aussi permanente et déterminée à l’obtention du sort) spécifique à chaque sort.


Autre truc à noter, comme tout le reste dans le jeu (hormis le choix de la classe de personnage  au passage du niveau 1), les sorts de votre Mage seront déterminés aléatoirement à chaque niveau (ben ouais)… et que si vous voulez obtenir quelque chose de vraiment spécifique, ben il faudra le faire en jeu, avec probablement une longue quête périlleuse à mener pour ce faire.
Une autre forme de Magie est celle liée aux Patrons (je vous avais bien dis que j’en reparlerais). Toutes celles et ceux qui ont lu le cycle d’Elric¹⁵ verront où ça nous mène.
Or donc, Il existe deux sortilèges nécessaires à la pratique de cette forme de Magie : Invoquer un Patron et Lier un Patron.
Par l’usage de ces sorts, vous permettrez donc à votre magicien de faire appel à une entité supérieure, qu’il s’agisse d’élémentaires, de démons, d’anges ou quoique ce soit d’autre qui traverse votre esprit tordu de MJ ou de Joueur (mais ceci dit, pas un Dieu ou une Déesse, ça c’est pour les Clercs) avec laquelle vous essaierai d’établir une relation de confiance en vue de vous faire prêter une fraction de ses pouvoirs contre menus services (gniark gniark gniark).
Les Clercs eux, ont à disposition un catalogue spécifique de sorts (36 répartis sur cinq niveaux), au fonctionnement légèrement différent des Mages concernant les échecs critiques notamment.


Avant de parler concrètement des choses qui fâchent, il me faut évoquer le principe d’un lancé de sort à DCC.
Pour incanter, vous lancerez un D20 auquel vous ajoutez votre niveau d’incantateur ainsi que votre modificateur de Présence (si vous êtes un Clerc) ou votre modificateur d’Intelligence (si vous êtes un Mage) contre une difficulté généralement de 10 + deux fois le niveau du sort incanté.
Exemple pour un sort de niveau 2 :  difficulté = 10 + 2×2 = 14
Vous comparez ensuite le résultat du jet à la table d’incantation du sort concerné et hop, vous avez votre effet… Car oui, un même sortilège n’aura pas les mêmes effets suivant si vous réussissez de beaucoup ou pas (cf photos).

Un grand classique dont les effets pourront en surprendre plus d’un


Les Magiciens (et dans une moindre mesure les Clercs) disposent d’une ressource supplémentaire pour modifier leur résultat d’incantation… Le Brûlesort.
Il s’agit ni plus ni moins d’une forme de sacrifice au moment de l’incantation, afin de limiter les chances d’échec, voir d’assurer la réussite du sort.
Ce sacrifice consiste en la perte de points de caractéristiques (1 point pour un bonus de 1) qui pourront fort heureusement être régénérés par la suite (un point par jour passé sans utiliser de Brûlesort) et une manifestation concrète du dit sacrifice (voir tableau en photo).

Les effets du Brûlesort

Alors oui, ça fait chier de perdre (même temporairement) des points de caractéristique, mais si ça vous permet d’éviter la Corruption ou les Revers Arcaniques, voir d’arriver à lancer un sort très puissant dans ses effets, ben c’est pas si mal.
Corruption… Revers Arcaniques… mais qu’est-ce que c’est encore que ça me direz-vous à raison ?
Comme vous m’êtes sympathiques, je vous explique.
La Corruption est un truc très cool qui pend au nez de chaque Magicien… Naaaaaan, je déconne, c’est tout pourri.
La magie étant quelque chose de très instable dirons-nous, si vous vous vautrez à un test d’incantation et faites 1 sur le dé, vous risquez d’être corrompu et de subir diverses mutations ou autres désagréments bien bien handicapants dans la vie de tous les jours de votre personnage. Il existe des formes de Corruption directement liées aux sorts, mais également des tables de Corruption Mineures, Majeures et Supérieures génériques. L’utilisation de l’une ou l’autre forme dépendra des sorts utilisés.
Il sera toutefois toujours possible pour un personnage magicien victime de Corruption d’en ignorer les conséquences en brulant un point de chance permanent (on est dur dans DCC, mais on n’est quand même pas des chiens… Enfin… notez que je n’ai rien contre les chiens).
Si la Corruption ne vous suffisait pas, vilains MJ sadiques que vous êtes, sur le même 1 au test d’incantation, il y a possibilité de générer un Revers Arcanique, sur le même principe, à savoir des revers spécifiques aux sorts, ou parfois sur une table d’effets génériques (pour les monstres, les objets magiques ou circonstances particulières).
Si avec ça vous voulez devenir Magicien malgré tout, ne venez pas vous plaindre qu’on ne vous aura pas prévenu (mais en vrai c’est super fun).
Les Clercs quant à eux ne souffrent pas de Corruption ou de Revers Arcaniques, mais de Défaveurs Divines et je vous rassure tout de suite, ce n’est pas cool non plus.
Voilà voilà pour ce qui relève de la Magie à DCC.
Il reste après cela quelques menus points de règles, mais quand vous avez ça, vous avez l’essentiel pour jouer (et il faut bien que je vous laisse quelques trucs à découvrir en lisant le bouquin hein).

Mon avis

Je ne vous jouerai pas la carte du suspens insoutenable, j’ai beaucoup aimé. DCC fait indiscutablement partie de ces jeux faciles à prendre en main (surtout si vous avez un tant soit peu pratiqué Donjon & Dragons¹⁶), tout en ayant un fort caractère. Vous avez dix minutes pour lire les règles, un module de scénario sous la main, hé bien roulez jeunesse, vous pouvez jouer en moins d’une heure, création de persos niveau zéro comprise. C’en est presque magique.
Les règles sont simples et cohérentes et le départ niveau zéro des personnages vous permet de commencer à jouer de suite, même si vous n’avez pas lu les règles sur la magie. C’est là le seul point qui pourrait paraître compliqué dans DCC… Et je dis bien « pourrait ».
En effet, même si ça paraît velu à la première lecture, il n’y a au final rien de bien méchant. Mécaniquement, pour lancer un sort on jette un dé plus le modificateur après avoir décidé si on payait de sa personne pour augmenter ses chances. Le reste étant prédéfini à la création des sorts, on évacue une bonne partie de ce qui parait compliqué et c’est seulement sur un 1 naturel que les choses pourront à nouveau se gâter vraiment.
J’apprécie tout particulièrement la création de plusieurs personnages de niveau zéro par joueur pour la première partie et son scénario « Funnel ». Le fait de vraiment avoir des personnages niveau « paysans » apporte beaucoup de fraicheur à la table et de grands moments d’interprétation pour les joueurs, le moindre obstacle prenant tout à coup des proportions démesurées par rapport au traditionnel Dungeon & Dragons. Un Loup de base ou une serrure piégée se transforment soudain en armes de destruction massive pour des persos qui navigueront bien souvent entre 1 et 5 points de vie et n’auront d’autre équipement qu’un chausse pied et un sac d’excréments (véridique) pour y faire face.
J’ai été formé au jdr (en tant que maître de jeu) à l’école Rêve de Dragon¹⁷, du coup j’ai développé un goût prononcé pour les jeux dont l’univers transparait au travers des mécaniques ou par petites touches au gré des chapitres, plutôt que par une masse d’informations géopolitiques, historiques ou mythologiques balancées au gré de 120 pages de contexte… DCC adhère à ce principe également et se contente de plaquer son propre verni sur un univers Fantasy « générique » par le biais de noms de divinités, de principes de magie, de créatures du bestiaire ou d’une quantité déjà impressionnante de modules de scénarios.
Ceux-ci, sous leurs dehors très « classiques » (une fois de plus), permettent de revisiter les grands clichés du genre, avec cette magie propre à DCC qui veut que à la lecture on se dise « ouais…rien de neuf sous le soleil », mais qu’une fois en jeu, les situations s’enchainent de manière toujours surprenante en dépit de se classicisme apparent.
La meilleur image qui me vient à l’esprit pour illustrer ce sentiment serait d’appliquer une sorte de filtre « films des frères Cohen¹⁸ » avec leurs « épopées ordinaires » à une partie de Dungeon & Dragons.

Va falloir être tenace pour se farcir celui-là


Voici donc une gamme de jeu qui à mon avis va frapper un grand coup dans le « petit » monde du Med Fan en en décrassant les poncifs avec son approche décomplexée et exubérante. Bravo Goodman Games pour cette création et bravo Akileos pour avoir choisi DCC comme premier jeu au catalogue, c’était osé mais pose tout de suite une belle crédibilité tant par la qualité du jeu que par le matériel mis à disposition (fraichement sortie, la gamme fait déjà peur par son ampleur et vous n’êtes pas près de tomber en panne de matériel jouable).
DCC est donc selon moi la grosse bonne surprise de l’été 2021 et mérite amplement que l’on jette un œil dessus si l’on est un tant soi peu amateur de Donjoneries.

Enfin, les premiers rayons du soleil pointaient au travers des vitres brisées de la pièce dans laquelle s’étaient barricadés les survivants. Des traces de sang maculaient le sol autrement recouvert de poussière et seules les respirations chuintantes des trois personnes présentent venaient perturber le silence.
Soudainement, un choc violent fit vibrer l’assemblage  de meubles entassés contre la porte de la pièce. Fulbert se jeta contre l’empilement pour éviter qu’il ne s’écroule, signant ainsi leur arrêt de mort à tous. La chose qui encore quelques heures auparavant répondait au nom de Martel, poussa un hurlement de frustration. Mirabelle, pâle et tremblante tentait d’endiguer le flot de sang qui s’écoulait de la blessure de Filos, le troubadour. La morsure cruelle que lui avait infligé celui qui avait été le fils du boulanger l’empêcherait certainement de jouer du luth à nouveau un jour… Enfin… Dans l’hypothèse où ils réussiraient à s’échapper de ce lieux maudit. Fulbert ramassa l’épée souillée de feu Rimuld et avec un regard vide d’émotions, expliqua à ses compagnons qu’il allait tenter de distraire la bête pendant qu’ils prendraient la fuite. La porte fut à nouveau mise à rude épreuve tandis que la créature, rendue folle par l’odeur du sang projetait sa masse déchaînée dans une nouvelle tentative pour défoncer l’ultime obstacle la séparant encore de son repas.
Fulbert n’avait jamais été quelqu’un de courageux, aussi était-il le premier surpris de sa décision. Toutefois au cours de la nuit passée, quelque chose avait changé en lui. Peut-être était-ce dû aux morts violentes dont il avait été témoin, au fait que la petite troupe s’en était remis à lui pour les sortir de cet endroit ou simplement au choc d’être tiré si brutalement de sa petite vie tranquille. Toujours est-il qu’il avait changé.
Se rapprochant de la fenêtre qui donnait sur la cour, deux étages plus bas, il constata avec une certaine satisfaction qu’il avait au moins réussi à trouver la pièce qu’il cherchait depuis qu’ils étaient poursuivi par la créature de cauchemar.
Quelques mètres en contrebas, juste à l’aplomb de leur position, était parquée sa cariole, à laquelle était miraculeusement toujours attelé Otto, son bœuf favori. Celui-ci au moins avait été épargné par les évènements et broutait placidement la paille que Fulbert lui avait trouvé juste avant de pénétrer dans le château.
« Bon, vous allez sauter par la fenêtre pendant que je bloque la bête ici et filer le plus loin possible sans vous retourner ».
Mirabelle, en larmes, lui lança un dernier regard chargé de gratitude après avoir aidé Filos à enjamber la traverse. L’hésitation à abandonner Fulbert la mettait au supplice.
Elle était toujours à cheval sur le rebord lorsque la porte explosa soudain.
Fulbert se précipita vers elle pour la pousser.
La dernière chose qu’elle vit avant de tomber fut la masse de poils, de crocs et de griffes sanguinolentes qui se jetait dans la petite chambre, une lueur sauvage éclairant son regard de braise, puis la main de Fulbert disparaissant de l’embrasure de la fenêtre, comme happée par le château lui-même.
..

Lorsque Mirabelle ouvrit les yeux, elle fut ébloui par un grand soleil qui brillait haut dans le ciel. Une horreur glaçante la saisi tandis que les souvenirs de la nuit l’assaillaient soudain. Elle se redressa vivement et un éclair de douleur lui traversa la jambe droite.
Elle était dans la cariole de maître Fulbert, au même endroit où elle devisait tranquillement avec Pezzo il y avait seulement quelques heures de cela.
Comme la douleur refluait, elle vit le dos de Filos à l’avant, tenant les rennes du bœuf et dodelinant du chef au gré des cahots de la route.
Alors qu’elle allait lui adresser la parole, il se retourna dans sa direction.
Deux yeux rouges et brillant de folie, surplombant une mâchoire déformée d’où jaillissaient des crocs menaçants se posèrent sur elle tandis qu’un cri déchirant d’angoisse s’échappait de sa gorge.
Cependant qu’elle se rejetait en arrière, tâtonnant instinctivement à la recherche d’une arme, la chose qui n’était plus tout à fait le troubadour se dressa dans une posture menaçante, prête à bondir sur elle.
Sa main saisit un objet dur et pesant qu’elle réussit à interposer entre elle et son assaillant in extremis.
Filos lui tomba dessus de tout son poids et la pique de rôtissoire qu’elle brandissait désespérément lui transperça la poitrine.
Le sang gicla et Mirabelle fut aspergée de l’épais liquide sombre rendant glissante sa prise sur la pique.
Le monstre continuait à griffer l’air dans sa direction, s’embrochant plus avant pour l’atteindre et son hurlement sauvage perça les oreilles de la jeune fille, se mêlant dans une harmonie lugubre à celui de la future victime.
A bout de forces, Mirabelle ferma les yeux et de toute son âme, implora Ildavir, la déesse de la Nature, de lui venir en aide.
Attendant la mort, elle se sentait étrangement sereine et une chaleur différente de celle procurée par le sang brulant de la chose l’envahit peu à peu.
Quand ses paupières acceptèrent enfin de se soulever, après de longues secondes, elle eut un moment d’incompréhension devant le spectacle qui s’offrait à elle.
La pointe d’une lame dépassait de la gueule de Filos penché sur elle, et celui-ci n’était désormais plus agité que de spasmes d’agonie.
Derrière lui, Fulbert comme entouré d’une sorte de halo de lumière verte, souriait à la jeune fille tout en tirant sur le cadavre pour la dégager de son emprise.
« Par les couilles de Gorhan, comment qu’c’est donc que ch’uis arrivé là ? »
Le temps suspendit son court pendant un moment.

Leurs rires sonores (un tantinet hystériques il faut bien l’avouer) firent soudain éclater la bulle de silence qui semblait les englober et le monde se mit à revivre autour d’eux. Leurs oreilles perçurent à nouveau les chants des oiseaux et celui, moins gracieux de Otto qui meuglait bruyamment, comme pour saluer le retour de son maître.

Plus tard, Fulbert expliqua à Mirabelle qu’il avait combattu le monstre du château de toutes ses forces déclinantes et avait finit par le tuer sur un coup de chance.
Alors qu’il errait dans les couloirs en quête d’une sortie, il avait perçu une étrange mélodie évoquant en lui le bruissement du vent dans les arbres et le renouveau de la nature. La seconde suivante, il était debout dans la carriole et contemplait la lutte opposant Mirabelle à la créature qu’était devenu Filos…

Les années passèrent et jamais ils ne retrouvèrent le chemin de leur village natal, mais c’est ainsi que débutèrent les carrières de Mirabelle de la Dague, Clerc de Ildavir et du grand guerrier Fulbert le Tenace, qui forment l’un des plus grand duo de chasseurs d’abominations arpentant encore à ce jour les chemins de l’aventure en compagnie de leur fidèle Otto.

Rédigé par David Barthélémy

Notes et Références :

¹ Peter Mullen
² Editions Akileos
³ Goodman Games
Emmanuel Bouteille
Guillaume Meistermann
Sandy Julien
Symbaroum
Chuck Whelon
Jeff Easley
¹⁰ Jim Holloway
¹¹ Doug Kovacs
¹² Le rouge vous va si bien Brandolyne
¹³ Lankhmar
¹⁴ Péril sur la Planète Violette
¹⁵ Cycle d’Elric
¹⁶ Dungeons & Dragons
¹⁷ Rêve de Dragon
¹⁸ Les Frères Cohen

Retour de lecture

Ce que j’en pense, Vermine 2047 : Kit de Survie

Saloperie de Rouge-Feu

Scrttt… crrr… crcrcr… Scrtttttt…
La fièvre semble retomber un peu.
Ça fait quoi… deux … trois… peut-être quatre jours que je suis coincé ici.
Saloperie de rouge-feu… Non, soyons honnête… saloperie de fatigue.
Si j’avais été reposé, j’y aurais pensé et ne me serais pas étendu à même le sol comme le premier bleu venu, au risque de me faire mordre par un rampant.
Allé, je ne suis pas encore mort, j’en prends bonne note et ne me ferai plus avoir.
J’ai soif… la gourde… Merde… vide.
J’ai dû tout boire pendant que je délirais… Merde !!!
Bon, arrête de râler, tu n’aurais pas bu, tu serais mort…
N’empêche, j’ai soif…
Allez, trouver de l’eau…
Haaa… merde… ma jambe… put’… cette saloperie ne m’a pas raté… l’eau attendra, il faut que je m’occupe de l’infection… Et j’ai faim… Monde de merde…

Salut à vous, amateurs de fin du monde… enfin, non, pas du monde, de la civilisation (car oui, le monde se passe très bien de nous quand il s’agit de poursuivre sa route).
Nous allons donc parler aujourd’hui de Vermine 2047, la nouvelle édition de ce jeu post-apo de Julien Blondel1.

Vous l’aurez sûrement vu fleurir sur vos réseaux sociaux favoris ces derniers temps, le financement est en cours jusqu’au 15 avril et connaît d’ores et déjà un très beau succès (on a passé les 115 000€ tout récemment).

Alors, Vermine 2047, c’est quoi ?

La Forme

Déjà, c’est une fort jolie boîte (je parle de la version « collector ») contenant un livre de 128 pages à couverture souple, un écran à trois volets format paysage (un vrai, tout beau tout dur, pas un bout de carton souple plié en quatre), six fiches cartonnées présentant chacune, sur une double page, l’un des persos prétirés, ainsi qu’une fiche vierge.

Du beau matériel pour une boite bien remplie

Après une double page contenant les crédits du jeu et un sommaire détaillé, Vermine va nous présenter la traditionnelle définition du jeu de rôle, quelques indications quant aux thèmes, types d’ambiances… et surtout, les trois différents modes de jeu qui sont proposés pour animer vos parties (survie, cauchemar et apocalypse).
Le livre détaille ensuite l’univers de jeu sur 25 pages au travers du récit d’Iza, une survivante des grands chamboulements qui auront mené au monde de 2047. Plus qu’un univers, c’est réellement l’ambiance du jeu qui nous est dépeinte au travers de ces pages et c’est très bien ainsi.
Le monde de Vermine est fait d’incertitude, l’ère de l’information étant révolue depuis maintenant longtemps. Tout n’est dorénavant plus que rumeurs et colportages…
La société telle qu’on la connaît a cessé d’exister, elle s’est effondrée au fil du temps, des changements climatiques et des épidémies.
Ce qui reste d’humanité s’est bien entendu déchiré, s’arrachant les dernières miettes d’un confort en déclin jusqu’à ce qu’il n’en reste plus une once. Les villes se sont transformées en tombeaux à ciel ouvert servant de repère aux prédateurs comme aux charognards et les campagnes ont fini de reprendre leur sauvage liberté, oubliant au passage d’y conserver une place pour l’homme qui lui, tend à redevenir ce qu’il était au départ… un simple maillon perdu au milieu d’une vaste chaîne alimentaire.

Les pages 25 à 71 vont nous présenter l’ossature du système de jeu (le système Totem) de manière simple et complète, décortiquant les composantes du personnage, la mécanique de résolution des actions, l’équipement, les soins, le combat, et conclure sur les spécificités des différents Totems.
Au nombre de dix (dont deux un peu particuliers), ils sont autant des guides de roleplay définissant la manière d’appréhender le monde qu’une option de personnalisation supplémentaire du personnage. Nous avons donc le Prédateur, le Symbiote, le Charognard, le Parasite, le Bâtisseur, la Ruche, la Horde et le Solitaire.
Ils sont tous caractérisés par des instincts (triompher, affaiblir, voler, partager, créer, survivre …), des interdits (fuir, s’apitoyer, négocier, saboter …) et un caractère (déterminé, calculateur, manipulateur …) qui serviront à poser des bases solides pour l’interprétation de vos alter égo. Chacun d’entre eux fournit également une liste de capacités spéciales, en fonction du mode de jeu retenu, capacités conférant des bonus pour résoudre des actions ciblées (seules celles concernant les personnages prétirés du kit sont ici décrites).

Quelques exemples de Totems

Les deux Totems particuliers sont l’Humain et l’Adapté. Ils se placent à part dans le sens où ils vont se greffer au Totem de prédilection de votre personnage, représentant le conflit permanent existant entre la part d’humanité en tout un chacun et la nécessité d’adopter certains comportements pour survivre et évoluer dans ce nouveau monde.
En plus des Totems individuels, Vermines propose de choisir un Totem de groupe, qui fixera les grandes tendances de votre équipe de Pjs et fonctionnera sur les mêmes principes.
Le groupe a toute son importance dans un jeu où la survie est l’un des enjeux principaux (si ce n’est l’enjeu principal tout court) et bénéficie d’une double page dédiée détaillant son fonctionnement et les capacités qu’il accorde aux personnages (bonus, réserves de dés, moral …), de manière assez succincte, format kit de découverte oblige.

Les pages 72 à 87 renferment les fiches des personnages prétirés ainsi que des conseils sur les derniers réglages à opérer avant de lancer votre partie (présenter Vermine, groupe, utilité des réserves de dés, objectifs, customisation des persos …).

La dernière partie du livre (pages 90 à 128) propose trois scénarios (le Village 14 pages, les Eoliens 8 pages et les Silencieux 8 pages), des règles d’expérience (individuelle et de groupe) et enfin, les règles de création de Pnj (humains ou créatures) avant de se conclure sur une page d’index.

Ne reste plus qu’à évoquer la qualité d’écriture du jeu (il y a quelques jolis noms qui participent au projet, allez voir sur la page de financement), qui permet de s’enfiler ça comme du petit lait, la mise en page soignée ou les illustrations toutes plus malaisantes les unes que les autres et hop, vous aurez une bonne idée de ce que contiennent les pages de ce livre.

Les règles

Le système Totem, sous des airs touffus est assez simple. On lance une poignée de dés à 10 faces contre une difficulté (de 3 évidente, à 10 impossible), un succès suffisant à accomplir l’action et les succès excédentaires servent à améliorer la réussite.
Les caractéristiques de vos persos sont à la base de votre pool de dés. Vous ajouterez ensuite éventuellement un à deux dés si vous possédez la compétence adéquate et suivant le niveau de cette dernière, vous pourrez même relancer un à deux résultats qui vous auraient déplu.
Il y a bien sûr des subtilités, comme les Handicaps qui rendent nécessaire l’obtention de succès supplémentaires à la réussite d’une action, l’utilisation des réserves (effort, sang-froid, de groupe), les dés conférés par l’usage des Totems, le Moral, le Matériel … Alors certes, ça parait chargé énoncé comme ça, mais c’est cohérent et ne nécessite qu’un peu de pratique pour être acquis, de plus, tout est bien résumé dans l’écran de jeu (ça c’est appréciable, vous n’aurez pas à faire des allers-retours permanents dans le livre de règles).

Le panneau central de l’écran reprenant clairement des règles utiles en jeu

Pour ce qui est du combat et des blessures, là vous allez souffrir !
En effet, le jeu se veut dur (lire punitif) et par conséquent, il ne sera pas anodin de se prendre un coup de machette ou une balle de fusil. Les soins seront d’autant plus importants qu’en cas d’infection des blessures, vos personnages ne vaudront rapidement plus grand chose. Si l’on ajoute à cela les conditions météorologiques, les chocs et les éventuelles morsures de bestioles, vous comprendrez aisément pourquoi on insiste tant sur la notion de Groupe dans le jeu.
Il parait très compliqué de jouer un héros solitaire à la Mad Max (forcément, quand on dit post-apo on pense à lui), si ce n’est suicidaire.
Le groupe est donc votre salut (au moins temporaire), avec tous les avantages/inconvénients que cela suppose. En cela, les règles fournissent tout ce qu’il faut pour amener des tensions à la Walking Dead2 par le biais des différents Totems des personnages qui devront cohabiter avec celui du groupe, au risque de le rendre dysfonctionnel et source d’ennuis.

Le Fond

Comme disait l’autre, « noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir » (damned, je ne pensais pas un jour citer ça en référence… !?!).
Comme je vous le disais plus haut, la civilisation n’est plus et ça, quand on doit survivre dans une nature redevenue globalement hostile… ben… ce n’est pas simple.
Les villes se sont transformées en pièges à rat (et maintenant, le rat… c’est vous), véritables mannes de cadavres, abris et terrains de chasse pour toutes sortes de bestioles. Les campagnes ne valent finalement guère mieux, offrant toutefois l’avantage de disperser les dangers potentiels sur une vaste zone, ce qui au final vous permettra (peut-être) de passer entre les gouttes.
Les seules menaces ne sont bien sûr pas qu’animales (ou insectoïdes) mais également très humaines.
Quand il est question de Survie (oui oui, avec un grand S), l’être humain n’est pas forcément très très enclin à la charité et à la bienveillance (surprenant n’est-ce pas ?) et bien souvent, tendra naturellement à prioriser sa propre personne face aux intérêts d’une autre.
Tribus cannibales, pillards organisés, familles dégénérées ou juste égoïstes survivalistes seront au programme, composant ainsi le quotidien de vos chers petits personnages (qui d’ailleurs pourront très bien appartenir à l’une des catégories susmentionnées), le tout entre fourmilières géantes, hordes de rats et autres joyeusetés offertes gracieusement par Dame Nature.

Ca donne bien le ton, on n’est pas là pour faire la fète !

Le système va donc vous proposer trois modes de jeu, qui définiront en grande partie la teneur de vos aventures.
Le mode Survie : ici, pas de mutants, de créatures gigantesques ou de pouvoirs hors du commun conférés par les Totems. Le monde se veut réaliste et dur, proposant déjà bien assez de difficultés pour tout individu désireux de mener une petite vie tranquille (hahaha), au travers de petits plaisirs simples comme la maladie, la faim, la soif, les infections diverses et les voisins un peu trop envahissants.
Le mode Cauchemar : Les bestioles deviennent soudainement plus grosses (et teigneuses), les gens plus sauvages (au moins certains), et les personnages ont accès à un panel plus fantaisiste de « pouvoirs ». Clairement, ici le fantastique vient interférer dans le récit, et rarement pour le bien de tous.
Le mode Apocalypse : Zombies mutants, scarabées de la taille d’une voiture, colonies de rats intelligents et malveillants… Tout devient possible, surtout le pire et là, le post-apo dark prend véritablement de l’ampleur, afin de maltraiter vos personnages de toutes les manières possibles et imaginables.

A vous de bien choisir ce vers quoi vous voulez tendre, sachant qu’il sera toujours possible d’aller dans le sens de l’escalade, passant du mode survie au mode cauchemar, voir apocalypse au gré des révélations survenant durant vos parties.
Il est à noter que Vermine n’est pas un jeu à secrets, l’un de ses gros points forts étant les rumeurs.
Ce sont les joueurs, qui par un système de vote, vont trancher sur la véracité ou non des rumeurs que le Mj fera courir durant ses scénarios. C’est malin, permet d’impliquer les joueurs et devrait apporter de jolies choses à vos tables selon comme vous choisirez de gérer la chose.

Conclusion

Vermine est un jeu que j’affectionne, par nostalgie (la première édition3 était déjà très chouette), mais aussi de par la liberté qu’il procure. Le choix de se placer dans un contexte familier (la France que vous connaissez presque, le village d’à côté…) mais en faisant un pas de côté vers l’effondrement consommé, permet de se placer tout de suite dans l’ambiance du jeu… à savoir… que c’est la dèche.
Vos personnages manqueront de ressources, de vivres, de confort, d’entrain parfois (souvent), de chaleur, bref… ils manqueront de tout. Je trouve cela intéressant, car ici on ne nous promet pas de grands héros dépourvus de défauts (… massacrant néanmoins leur prochain à tour de bras, et ce sans sourciller), mais des gens en situation de survie dans un monde qui ne veut clairement plus d’eux et luttant (ou pas) pour préserver une petite part d’humanité tout en évitant de sombrer dans la barbarie la plus profonde.
Bien sûr, en fonction du mode de jeu que vous choisirez, vous pourrez vous éloigner de la réalité pour aller vers des récits plus fantastiques, mais je trouve (très personnellement) que c’est passer à côté de ce qui fait la force du jeu.
Là où un Kult4 (dont la dernière mouture est également en cours de financement) vous proposera une horreur malsaine, fantastique et finalement très « romancée », Vermine tape là où ça fait mal, dans l’humain et l’absence de repères civilisationnels.

Kult, un excellent jeu d’horreur au demeurant, mais pas dans la même veine que Vermine

Que reste-t’il de nous une fois le vernis de la vie en société enlevé ?
Nous réduisons-nous à une somme d’instincts ou au contraire, allons-nous lutter pour rester « humains » et faire perdurer un vivre ensemble rendu fragile par un environnement hostile ?
Je pense que Vermine nécessite des joueurs matures afin d’en tirer la substantifique moelle et privilégierai pour ma part le mode survie, l’horreur étant à mon sens bien plus marquée (et marquante) lorsqu’elle vient principalement de nous.
Si vous êtes d’un naturel angoissé ou ne supportez pas la violence psychologique, passez votre chemin (ou misez à fond la carte du fantastique), mais sachez qu’une fois que vous aurez lu Vermine et réfléchi cinq minutes sur la portée éventuelle du retour au sauvage tel qu’il est décrit dans le livre, vous risquez de ne plus dormir sur vos deux oreilles pendant quelques jours avant de revenir à votre confortable quotidien.
Quant au kit en lui même, vous noterez que je n’ai pas évoqué les scénarios (à dessein) car ce serait gâcher la surprise pour celles et ceux qui liraient ce retour sans compter maitriser le jeu, mais qu’ils sont de très bonne facture et vous permettront de découvrir ce que la bête a dans le ventre en attendant la suite de la gamme (en financement jusqu’à demain soir, puis dans vos boutiques jusqu’à effondrement).
Bref, Vermine, ça pique et ça gratte, pas toujours de manière confortable, mais qu’est-ce que c’est bon (mangez-en avant que les petites bêtes ne vous mangent).

Notes et Références :

1 : Julien Blondel
2 : The Walking Dead
3 : Vermine v1
4 : Kult