Salut tout le monde. Comme vous avez sans doute pu le constater, le rythme de publication sur le site a pris un petit coup dans l’aile depuis quelques semaines (non pas que ce fut une véritable déferlante en temps normal, mais quand même)…
Et pour cause, ce sont les vacances (enfin… pour les enfants surtout).
Donc pause lectures Jdr jusqu’à la rentrée et rattrapage sur la littérature sf/fantasy/fantastique.
J’en ai profité également pour découvrir un petit truc sympa sur Discord, nommé Midjourney. Pour celles et ceux qui ne connaitraient pas encore, il s’agit d’une IA dont la fonction est de mettre en image vos idées les plus folles, balancées sous la forme de petits textes, mots clés, références, … Puis à vous d’affiner vos « prompt », créer des variations et passer des heures à vous prendre pour un artiste en pleine forme. Les images ainsi produites sont libres de droits et vous pouvez les exploiter à votre guise, tout comme les autres utilisateurs de Midjourney, qui y ont également accès.
C’est plutôt cool et m’a complètement happé le temps de quelques heures (au bout d’un moment, ça fonctionne sur abonnement et peut vite devenir un gouffre financier si l’on ne prend pas garde à maintenir une certaine vigilance). Résultat, j’ai des pages et des pages d’illustrations « originales » et réfléchissais à l’usage que je pourrais en faire. Du Jdr, bien sûr… quant à pondre un truc dans la journée… mouais…
Alors j’ai changé mon fusil d’épaule et me suis dit en mon fort intérieur « Mais c’est bien sûr, de la musique !!! »… vous ne l’aviez pas vu venir celle-là hein ? En effet, avant d’être rôliste, j’étais déjà musicien (en fait, j’en ai même fait mon métier fut un temps, en enseignant la guitare aux plus jeunes, comme aux moins jeunes). Mais l’arrivée des enfants il y a quelques années (couplée à une obscure embrouille avec mes anciens associés autour de la liquidation de notre école de musique) m’a éloigné de l’instrument au profit d’activités disons plus silencieuses (en clair, mon plus grand hurlait à la mort dès qu’il apercevait la guitare ou tout autre instrument de musique, et ce dès ses premiers mois).
Moralité, je peux aujourd’hui mettre à profit le centre de loisir du mois de juillet pour m’en donner à coeur joie et m’user à nouveau le bout des doigts sur ma guitare folk (heureusement, la corne revient vite). C’est pourquoi je me suis mis au défit de créer des vignettes audio autour de certaines images générées à l’aide de Midjourney. Le principe étant de se mettre devant une image et d’empoigner la guitare pour voir ce que cela m’inspire. Ne vous attendez pas à l’album de l’année, je passe 10 minutes max par image, réflexion, tâtonnements et enregistrement compris… il y a donc des pains en veux-tu en voilà, tout étant réalisé en une seule prise, sans traitement logiciel ni montage d’aucune sorte, en direct de ma cuisine.
Mon petit enregistreur et la Folk qui m’accompagne depuis une trentaine d’années… sur fond de cuisine
Chaque piste est un instantané, parfois (un peu) inspiré, parfois non, mais toujours honnête dans la forme.
Ce n’est pas un exercice aisé que d’envoyer en ligne un « morceau » (c’est un grand mot) sans l’avoir auparavant usiné, poncé, poli et répété des dizaines de fois afin qu’il soit propre, mais Osef… si je ne m’y astreint pas, je ne les posterai jamais.
Donc voilà, je vous mets ci-dessous les quelques vignettes déjà réalisées (diffusées uniquement sur facebook jusqu’à maintenant), puisqu’après tout, ça reste lié aux mondes imaginaires que j’affectionne. Bonne écoute, et surtout, si vous avez des retours à faire, sur les illustrations, la musique ou les deux, n’hésitez pas.
Et bien sûr, bonnes vacances à toutes et à tous.
Le lien vers la page de Midjourney pour plus d’infos
Samedi matin, j’ai eu la grande joie de recevoir Oméga¹, un jeu des éditions Odonata² dans lequel vous êtes des Machines. C’est donc avec bonheur que je me suis plongé dans la lecture de cet univers de S.F qui pousse le transhumanisme dans ses derniers retranchements en abordant la question du transmachinisme (WHATTTT !?!) Hé oui, fini la découverte du cyberunivers par des sens humains, ici les machines s’ouvrent non pas à la conscience, mais à la morale, l’humour, la peur, bref tout ce qui peut caractériser les « organiques » que nous sommes. Avant de poursuivre ma lecture des deux (très) imposants ouvrages qui constituent l’entrée de la gamme, je me suis dit « mais au fait, j’ai interviewé Florent³ (Moragas, le papa de Odonata) à l’occasion du financement des campagnes pour Insectopia⁴, en Octobre de l’année dernière… révisons un peu ce qu’il m’avait confié alors, histoire de ne rien rater et ne pas enfoncer de portes ouvertes dans mon retour de lecture » (malin le type). J’ouvre donc la page du site, remonte mes quelques entretiens et là, stupeur absolue (et tremblements)… pas d’entretien en vue. Damned, que passa ? Je retourne vérifier mes brouillons (cette fois) et constate avec un certain effarement qu’il est confortablement niché entre une amorce d’article sur les jeux pour les plus jeunes et un entretien avec Sebastien Grenier⁵ (re damned, encore un oubli de publication… vilain garçon) le talentueux dessinateur de Arawn⁶, La Cathédrale des Abymes⁷ ou encore dernièrement Orcs & Gobelins⁸. Après cinq minutes d’autoflagellation, je me dis que nous allons corriger cette affreuse négligence et éditer l’entretien avec Florent pour vous préparer au prochain retour de lecture (promis, ensuite j’attaque celui de Seb) de Oméga. C’est donc avec neuf bons mois de retard (Arghlllll) que je vous propose de lire cet entretien, au travers duquel nous parlons de création, de bugs et de machines (entre autre)… My Bad.
Salut Florent. Pour celles et ceux qui ne te connaitraient pas encore, tu es le fondateur des Editions Odonata, créateur des jeux Insectopia et Oméga, mais également Blatteman, figure bien connue des salons et conventions de Jdr.
je vous laisse deviner lequel des trois est Florent
De l’eau a coulé sous les ponts depuis la sortie de Insectopia, dont la gamme s’est bien étoffée et continue de le faire à ce jour avec le lancement d’un financement visant à produire trois nouveaux ouvrages ainsi qu’une édition révisée du livre de base. Dis-moi, ça en fait des bouquins en six ans, c’est pas un peu chronophage tout ça ?
Effectivement, assez chronophage ! Mais depuis les débuts d’Insectopia je me suis entourés d’auteurs, de testeurs, de correcteurs et de passionnés. Odonata éditions suit actuellement de nombreux projets en gestation, dont vous avez pu voir certaines annonces. Sapa Inca⁹, écrit par Eric Dubourg¹⁰ et Nurthor le Noir¹¹, où l’on incarne des agents de l’empire Inca chargé d’enquêter sur les manifestaions occultes, des civilisations perdues et de défendre l’empire contre les assaillants espagnols. (Actuellement en cours de financement et ce jusqu’au 05/07/22 par ici) Les Chroniques de Vaelran¹², écrit par Téo Chailloux¹³, où il s’agit d’interpréter des influenceurs, des illuminatis dans un univers d’époque moderne fantasy. Ou Résilience, le retour des saisons¹⁴ écrit par Jean-Khalil Attalah¹⁵, où là il faut jouer en coopération pour rééquilibrer un monde où la nature subit la rupture.
Ca déconne moins que dans le Aztec Dansant de Donald Westlake¹⁶
De nombreux univers sont également à venir.
Alors, mettons un peu les mains dans le cambouis. Les jeux que tu proposes, Insectopia et Oméga en tête, sont des propositions ludiques qui s’éloignent fortement de ce à quoi l’on est habitué… Point d’anthropocentrisme ici, tu nous fais incarner des insectes (pardon, des Întres) et des I.A (sous de multiples formes). C’est très chouette comme idée, mais c’est également un pari risqué. Comment tu procèdes pour aider les gens à s’approprier des modes de pensée ou des perceptions aux antipodes des nôtres ?
L’idée est de sortir des sentiers battus en ne jouant plus des humains, mais en gardant des sujets et des modes de jeux qui intéressent les joueurs. Insectopia et Oméga jouent également avec les particularités de ces univers pour donner du gameplay. Ces expériences reviennent à jouer des super héros ou des extra terrestres avec des super pouvoirs, mais en traitant des sujets de conflits idéologiques, d’occultisme, ou qui touchent à la personnalité humaine. Insectopia se rapproche assez du seigneur des anneaux dans son traitement des conflits inter races et territoires par exemple.
Rhaaaaa les lézards !!!
Idem en terme d’univers. Pour Insectopia, le continent d’Entoma nous plonge dans un monde du très petit au sein duquel le dépaysement est au rendez-vous. En bon quadra débordé par sa vie de tous les jours et l’éducation des enfants j’ai eu, je le confesse, un mouvement instinctif de recul à la première lecture du livre de base tant il me semblait vaste à assimiler (genre les cinq pages de glossaire consacrées au vocabulaire spécifique) en vue de le faire jouer… Quels conseils donnerais-tu aux futurs Deus pour le prendre en main, le faire leur et expliquer que “Non non, n’ayez pas peur, c’est tout à fait faisable” ?
Il faut prendre des scénarios édités et se plonger dedans, se limiter aux règles de bases qui sont assez simples et suivre le scénario proposé. Insectopia propose de jouer des super héros, foncez à fond dedans, on vole, on pique on mord, on a des ravisseuses ou des antennes ramifiées. Les parties sont épiques. Jouer aussi les particularités des phéromones et les conflits entre espèces. Après, c’est un medfan classique. Voilà les conseils simples que je peux donner.
Je n’ai hélas pas encore eu l’opportunité de me pencher sérieusement sur Oméga (il y a vraiment trop de jeux à lire et découvrir aujourd’hui pour ma petite capacité de traitement), mais spontanément, je ne peux m’empêcher de le placer dans la continuité d’Insectopia. Tous deux partagent le même système de jeu (avec des aménagements bien sûr), mais également cette volonté de jouer différemment. Avec Insectopia tu as poussé le concept de Post-Apo à son paroxysme en évacuant les humains au profit de ceux qui leur ont survécu… Avec Oméga, tu évoques carrément l’annihilation de la Terre par les Synthétiques. En bon rôliste, je m’interroge… Oméga signe t-il la fin de son aîné dans un univers commun ou en est-il au contraire complètement dégagé pour proposer une lecture différente de ce que pourrait être l’avenir de l’humanité ?
Oméga vs Insectopia ?
Oméga est une autre façon de traiter la science fiction, l’avenir de l’humanité. Clairement ce n’est pas une version différente d’Insectopia. Il s’agit d’un jeu ou les personnages ont des missions de conflits et de découverte dans l’espace avec pour toile de fond l’asservissement des organiques, dont les humains. On incarne des synthétiques doués d’humanité au milieu d’autres machines qui n’en ont pas. Ce sont des intermédiaires entre les deux mondes. Les scénarios sont construit pour traiter les sujets d’asservissement des organiques, de la supériorité des synthétiques, de la collaboration de ces derniers et pour tenter les joueurs à pirater son prochain. Oméga questionne l’identité des Intelligences Artificielles, mais on joue des super machines avec des gros flingues !
En 2013 fut fondé Somni Semen¹⁷, collectif d’auteurs dont le but premier était de consolider Insectopia en vue de la production du livret de découverte ainsi que d’une édition future du jeu. En 2015 apparaissent les éditions Odonata, ta boîte dédiée à Insectopia. Aujourd’hui, Odonata nous présente donc un nouveau financement pour Insectopia, mais va grandissant en éditant aussi cette fois des jeux d’auteurs tiers tels que Sapa Inca (Eric Dubourg et Nurthor le Noir), les Chroniques de Vaelran (Teo Chailloux) ou encore Micro Méga (Stéphan Van Herpen¹⁸ et Genseric Alexandre Delpâture¹⁹). Ça y est, tu as pris goût au métier d’éditeur et ne peux plus t’arrêter ?
Ho les belles bannières !!!
Comment on bascule d’auteur à “mais en fait c’est bien sûr, je vais aussi publier les jeux des autres” ? Une boîte d’édition ne fonctionne pas avec quelques titres, il faut proposer différents univers et différents jeux. C’est l’élément déclencheur de cette reconversion. Mais ce qui motive l’éditeur que je suis devenu c’est aujourd’hui le travail éditorial que j’accomplis. A mon sens, ce travail est un suivi des auteurs pour les amener à magnifier leur travail. Je travaille avec eux en amont sur les fondements de l’univers, les règles, le contexte et beaucoup d’autres éléments. C’est vraiment très enrichissant et captivant d’être baigné dans cette création. Puis, il y a aussi le travail graphique qui est vraiment captivant : concevoir et amener un univers avec des illustrateurs, c’est réelle passionnant.
Du coup pour Odonata en deux mots, c’est quoi la ligne éditoriale ?
Créativité ludique,
Les jeux proposés ont un propos fort et un système qui le porte.
Pour en revenir à Insectopia, ça te fais quoi de voir ton bébé grandir et s’envoler de ses propres ailes (huhuhu) ? Parce qu’au fil des années, l’équipe s’est tout de même bien agrandie, tant au niveau rédactionnel que pour les illustrations… T’arrive t-il d’avoir la sensation que tout ça t’échappe un peu ou pas du tout ?
Ben ouais, ça commence à faire du monde
Je suis très heureux de partager cela. Le partage de ces travaux de création est vraiment enrichissant pour moi. Nous sommes nombreux désormais autour des projets et je crois que c’est la force d’Odonata. Les auteurs apprennent, partagent, moi je coordonne, je lie des gens dans la création, je reçois de la créativité et des échanges humains. Quoi de mieux ?
Fatalement, sur les deux années passées, cette histoire de Covid a bouleversé pas mal de choses dans notre quotidien. Concrètement, en tant qu’éditeur ça a eu quel impact sur ton travail, et comment as-tu ajusté les choses (si besoin il y avait) pour que la vie poursuive son chemin sans trop menacer les projets en cours ?
Oui, ça a été un peu dur, mais personnellement, je l’ai assez bien vécu. Sur le plan éditorial paradoxalement ce fut assez riche puisque j’ai pris en charge de nombreux projets avec de nombreux auteurs. Si en terme d’édition il y a eu une baisse, en terme de construction de projet ça m’a été bénéfique. Donc, je dirais que le bilan est bon.
Je suis assez curieux (comme beaucoup) des rouages derrière la production d’un jeu et du coup m’interroge fréquemment sur l’aspect organisationnel ou la somme de travail que cela représente en termes de temps de rédaction, illustration, mise en page… Vous fonctionnez comment chez Odonata quand vous menez un projet d’édition concernant un nouveau jeu ?
Il y a d’abord le suivi du projet, son concept profond et ses règles. Il faut caler cela avec des échanges. Parfois il faut agrandir le cercle des auteurs pour donner du corps à une idée. Un long travail d’organisation et de rédaction se met en place. Je peux être chef de projet, comme pour Oméga, ou dans le suivi des idées et des textes comme sur Sapa Inca. La période de test des règles et du gameplay est importante. Le jeu doit être testé et retesté, par le cercle restreint des auteurs, mais surtout par des personnes lambda que nous rencontrons en convention. Il faut comprendre les envies des joueurs pour y répondre. Puis nous décidons avec les auteurs de formaliser leur travail en faisant un livre missions initiales qui va dire l’essentiel du jeu, donner envie aux joueurs de venir à ce jeu. Sur Sapa Inca, le directeur artistique, Gabriel Pardon²⁰, se charge de donner une patte graphique à l’univers avec les illustrations et la mise en page. Puis vient le temps de la correction, moment important qui est réalisé par une ou des personnes extérieures au projet, donc critique. Et finalement la mise en page et la production qui vient derrière et la communication. Un long processus semé d’embûches et de passion !
Quand on voit les postulats de Insectopia et Oméga par rapport à l’humanité, on ne peut manquer de se faire la réflexion (ou alors c’est juste moi qui ai l’esprit mal tourné) qu’il y a comme un “très léger” fond de misanthropie (peut-être de pessimisme à la rigueur) chez l’auteur… Alors, simple posture intellectuelle/ludique de créateur ou il y a effectivement quelque chose d’un peu plus profond derrière tout ça ?
Ca revient souvent quand même non ?
Sur Insectopia et Oméga, je me sens humblement un auteur de science fiction. Cette science qui est utilisée pour prévenir nos contemporains des travers de notre société. C’est vraiment dans cette optique là que j’ai fait ces jeux. Je ne suis pas misanthrope, mais plutôt philanthrope. Il y a des sujets qui me heurtent dans notre société qu’il me semble pertinent d’évoquer de manière légère, comme beaucoup d’auteurs de SF l’ont fait avant moi.
Enfin, si tu as quelque chose à ajouter, fais-toi plaisir on t’écoute (enfin… on te lis…)
Actuellement, il y a la souscription pour Insectopia les deux mondes. Comme la précédente souscription, c’est un projet ambitieux qui va apporter trois nouveaux ouvrages à la gamme ; un recueil de scénarios, une extension sur les Lézards et la fin de la campagne. Nous avons aussi décidé de remanier le livre de base, sur l’aspect magie et compétences de caste notamment, pour les rendre plus équilibrés et plus clairs. Le jeu reste le même, avec les mêmes magies et compétences, mais c’est plus clair. Vous pourrez donc jouer à Insectopia avec les anciens et nouveaux suppléments avec des règles affinées. Et puis, il y aura sans doute une nouvelle couverture à cet ouvrage réalisée par un grand nom du jdr français.
Et voilà pour cet entretien (qui finalement reste d’actualité) tardif. Encore une fois, je suis désolé du délai entre sa réalisation et sa publication, mais vous promets de faire un effort afin que cela ne se reproduise plus à l’avenir (honte sur moi). Un grand merci à Florent pour ses réponses et les jeux qu’il nous propose et à très bientôt pour le retour de lecture d’Oméga (et l’entretien avec Sebastien, non je n’ai pas déjà oublié).
P.S. Pensez à aller jeter un œil sur Sapa Inca, ça va être chouette…
Propos de Florent MORAGAS recueillis par David BARTHELEMY
Vous aussi, faites comme François-Regis, Pierre-Henry et Marie-Anselmes, venez tester le SERUM contre les parties de jdr qui tombent à l’eau.
Les règles avancent gentiment. Quelques precisions et ajustements sont à apporter (utilisation specifique de la chance, précision sur les Figures, expérience, …), mais pour l’essentiel, c’est là et praticable.
Depuis trois jours maintenant,la Grande Dame Bleueest d’un calme inquiétant. Pas une once de vent pour venir gonfler nos voiles et enfin nous permettre de rejoindre les côtes en vue d’un ravitaillement qui se fait désirer. Nos deux plus jeunes mousses, Kraken et Metz la Joie ont accompagné le maître coq La Tambouille en chaloupe pour essayer de ramer jusqu’à une petite île que notre vigie a repéré, à quelques encablures de notre position. Si La Carapace pouvait profiter du vent, même d’une simple brise, nous y serions déjà… En l’état, cela représente quelques heures à transpirer pour eux, mais la possibilité de tomber sur un cours d’eau potable et quelques noix de coco. Les deux sont débrouillards, Kraken apportant les muscles là où Metz a la connaissance des plantes et animaux comestibles. Non pas que nous ayons déjà un besoin crucial de vivres, mais cela permettra de les occuper à autre chose que jouer des tours pendables à l’équipage pour évacuer leur stress. Dans tous les cas, j’ai confiance en La Tambouille pour les canaliser et veiller à ce que tout se passe bien durant cette excursion. Je croise les doigts pour que le vent revienne (c’est tout de même étrange et commence à m’inquiéter un peu) et que nous puissions les rejoindre sur cette île non répertoriée avec La Carapace…
Bon, je suis une quiche en dessin, mais mes enfants adhèrent, c’est l’essentiel !
La Forme
Issu d’un financement participatif mené tambour battant par La Loutre Rôliste¹, Petits Pirates est une traduction d’un jeu espagnol de David Diaz² qui se voit doter pour la vf d’un livre de base (128 pages couleurs au format A5, couverture souple), d’un écran de jeu illustré par la carte de la Grande Dame Bleue d’un côté et de tables utiles de l’autre, ainsi que de tout un tas d’aides de jeu sous la forme de plans, cartes illustrant les différentes traversées (les scénarios proposés dans le livre de base), grand poster détaillant les îles… C’est coloré, c’est foisonnant et tout à fait indiqué pour plonger les plus jeunes dans l’ambiance du jeu. Les heureux souscripteurs ont également pu recevoir une bourse en toile ainsi que des dés (d8, dé de météo, dé smiley) histoire d’être équipés pour leurs aventures.
Alors, c’est pas chouette tout ça ?
Le livre de base, sous titré Jeu de rôle pour enfants intrépides nous présente au dos les mentions suivantes (sur lesquelles nous reviendrons plus loin) : – Âge des Moussaillons : 6+ – Âge du Capitaine : 10+ – Nombre de joueurs : 2-6 – Durée d’une partie : 45 min/1h
Le contenu intérieur est découpé en 5 grands chapitres :
– Introduction (20 pages) : qui présente les grands classiques que sont la définition du jeu de rôle, la présentation de ce qu’est Petits Pirates, les règles à l’attention des Moussaillons (les joueurs), dont la création de personnage, les règles à l’attention du Capitaine (le MJ), quelques conseils pour mener une partie, et les règles optionnelles.
– Exemple de Partie (10 pages) : mettant en situation par l’exemple le contenu de la première traversée, à savoir l’embarquement à bord du Lointain. Vous êtes pris par la main pour poser votre première partie et si vous n’avez jamais pratiqué le Jeu de Rôle, cela vous donnera une idée un peu plus précise de ce en quoi peut consister une partie.
– Le Monde de Petits Pirates (38 pages) : Ici seront présentés les grandes traditions de la piraterie, l’équipage du Lointain, ainsi que les grandes régions de laGrande Dame Bleue, les mythes et légendes, les possessions, trésors et reliques…
De chouettes recoins à visiter pour vos Moussaillons
– Traversées (40 pages) : Que serait un jeu permettant de découvrir le Jdr sans scénarios… Là vous êtes gâtés, avec pas moins de 10 d’entre eux. Chacun est tout d’abord présenté de manière synthétique dans un encart précisant la Région, l’île concernée, le type de traversée, l’équipage (nombre de joueurs prévu), l’objectif, les éléments de l’aventure (en gros les grandes scènes), les récompenses et enfin les connaissances pouvant être utiles durant la partie. Passé ce premier encart, des textes d’ambiances sont à lire directement aux joueurs afin de poser le contexte et les dialogues de certains PNJ apparaissent en gras s’ils ont des interventions à faire dans la partie. Les principaux jets de dés à réaliser sont indiqués aux couleurs des caractéristiques dont ils dépendent et des plans viennent illustrer le tout.
– Annexes (8 pages) : Quelques petites choses utiles comme un générateur de traversées, les contrats du Moussaillon et du Capitaine (les feuilles de personnages), un journal de bord du Capitaine (une fiche synthétique de création de traversées), quelques aides de jeu (fond de carte, plan d’auberge…) et enfin, une table chiffrée héritée des livres dont vous êtes le héros pour remplacer les dés en cas de pénurie. Nous avons donc ici un joli bouquin, fonctionnel et avec des lignes directrices bien marquées, comme la lisibilité (beaucoup de codes couleurs, d’encadrés pour retrouver l’information, une maquette claire et aérée), un univers aisé à prendre en main (la piraterie) et du matériel de jeu pensé pour être facilement acquis (les 10 Traversées vous mettent directement le pied à l’étrier).
Quelques annexes et les contrats de mes deux Pirates
Le Fond
Bienvenue sur la Grande Dame Bleue, vaste étendue d’eau salée parsemée de nombreuses îles aux climats et ambiances variées. Comme vous n’aurez pas manqué de le noter, nous sommes ici pour jouer des Pirates… plus exactement, des Petits Pirates. Le jeu s’adresse en effet avant tout aux plus jeunes d’entre nous (de par mon expérience dès 5 ans en tant que joueurs) sous la houlette d’un parent bienveillant. Le système de jeu (très simple) va également dans ce sens, mais nous y reviendrons plus loin. Pour ce qui est de l’univers du jeu, nous sommes dans une piraterie tout ce qu’il y a de plus aimable, teintée de fantastique, mais toujours de loin, par ouï-dire et légendes interposées. Pas de magie au programme et s’il devait y en avoir, elle se manifesterait sous la forme de créatures fantastiques, d’apparitions ou autre équipage maudit. Cela renforce l’aspect enfantin, où tout peut être possible, sans pour autant relever d’une justification cherchant à crédibiliser le phénomène. Les différentes îles et régions de la Grande Dame Bleue sont décrites succinctement, posant à chaque fois une ambiance ou un thème particulier que nos Moussaillons pourront explorer à loisir. Pour ce qui est de la piraterie en elle même, il ne s’agit pas de jouer à Pavillon Noir³ ou de vivre un épisode de Black Sails⁴, mais bel et bien de découvrir des équipages colorés et bon enfant.
Non non non, vos pirates à vous auront l’air beaucoup plus aimables
A titre d’exemple, l’image d’Epinal du pirate est toujours associée à un crochet ou une jambe de bois… Hé bien dans Petits Pirates, on ne manque pas de nous indiquer qu’il s’agit avant tout d’accessoires utilisés pour renforcer une image de gros durs et que le soir venu, au moment de rejoindre son hamac, l’estropié retire sa « fausse prothèse » et secoue ses petits doigts pour en chasser les fourmis avant d’enquiller sur une nouvelle journée. Tout ici est très positif et totalement en adéquation avec l’Imaginaire qu’un enfant de 5 à 10 ans peut déployer. Pour ce qui est de cet imaginaire, il sera stimulé tout au long des 10 traversées proposées qui, mises bout à bout, permettront de développer une véritable saga à l’intention de vos chères têtes blondes (ou pas d’ailleurs).
Les Règles
Aborder les règles de Petits Pirates dans cette présentation n’est pas simple… je risque d’en écrire plus qu’il n’en n’est dit dans le livre. C’est très épuré et pensé pour les plus petits. Les Moussaillons sont définis par trois caractéristiques : – Coco, pour tout ce qui relève de l’intellect et du social – Musclo, pour l’activité physique, qu’il s’agisse de porter des choses, nager ou faire des cascades – Bricolo, concernant l’inventivité, la réparation, la pose de pièges… Ces trois caractéristiques sont échelonnées de -3 à +3 et ces valeurs correspondent à un modificateur à ajouter/soustraire au résultat du jet d’un D8, contre une difficulté allant de 2 (facile) à 12 (improbable).
À la création d’un nouveau moussaillon, on répartira simplement les valeurs suivantes entre les 3 caractéristiques : +2, +1, -1 Reste à trouver un nom au jeune pirate, signer le contrat d’une croix (comme tout bon pirate), et le tour est joué.
On notera la présence de règles optionnelles, dont l’usage est fortement recommandé (tout du moins par moi), vu qu’elles n’alourdissent en rien le système et permettent de typer un peu les personnages. Il s’agit notamment de l’usage d’Objets (conférant des bonus) et Connaissances (Affiliées aux caractéristiques), qui lorsqu’utilisées dans le bon contexte, permettront d’ajouter 1 point bonus au résultat du D8.
Un test pour suivre une piste dans la jungle pourrait donc se résoudre de la manière suivante :
Difficulté 6 (compliqué) Kraken, le jeune moussaillon lance le D8 et obtient 5. Il ajoute son score de Coco au résultat, soit +1 Avec un total de 6, il parvient à suivre les traces de l’équipage du Capitaine Trotte au travers de la jungle dense. – S’il avait possédé la ConnaissancePapatte, permettant d’être un expert en pistage, il aurait encore pu ajouter 1 point à son résultat.
L’intérieur de l’écran… tout est là… simple non ?
Pour pimenter un peu tout ceci, il existe deux résultats dit spéciaux sur les jets de dés : – Le Tout Puissant 8, qui implique une réussite automatique de l’action entreprise (quelque soit le niveau de Coco, Musclo ou Bricolo, ou la difficulté de l’action). – Le Terrible 1, dont l’apparition sur le dé garantit l’échec de l’action ET de passer un Sale Quart d’Heure.
Le Sale Quart d’Heure est la manifestation du sort qui s’acharne sur les personnages. En effet, sur un résultat de 1 au dé (ou un score final inférieur à 2), non seulement l’action est ratée, mais en plus, durant une durée laissée à l’approbation du Capitaine, toutes les Capacités (Coco, Musclo, Bricolo) du Moussaillon sont diminuées de 1 point. C’est la lose. Voilà, vous savez tout et pouvez commencer à jouer.
Nous aurons bien sûr là dessus de rapides règles concernant l’expérience qui se résument en deux points : – En fin d’aventure, le Capitaine peut octroyer de 1 à 3 doublons à chaque Moussaillons, doublons qui pourront être utilisés lors d’une escale pour acheter du matériel à un marchand (matériel conférant des bonus, rappelons-le).
Quelques-uns des objets qu’un Moussaillon peut se procurer contre des doublons
– À force d’être confronté à certaines situations, un Moussaillon peut gagner une Connaissance en lien avec les évènements vécu. Par exemple, après avoir survécu plusieurs jours seul sur une île déserte, un Moussaillon pourra gagner la ConnaissancePro de la Survie, qui lui conférera un bonus de +1 en Bricolo dès qu’il s’agira de trouver de l’eau, de la nourriture, construire un abri…).
Les Connaissances, toujours bien pratiques
Par rapport à ces règles, le seul bémol que j’ai pu noter concerne le Sale Quart d’Heure. Ayant fait l’expérience de plusieurs parties avec mes enfants, les premières fois où leurs dés ont affichés des résultats de 1 lors d’un test, ils ont très mal digéré le fait que leurs score diminuent… Entre 4 et 7 ans, souvent les enfants n’aiment pas se sentir « diminués » ou la sensation que l’on leur prend quelque chose qui semblait acqui (trop apparentée à une punition, même dans un jeu). Lors des parties suivantes, j’y avais un peu réfléchis et m’étais dit qu’il n’y avait presque rien à changer pour que le phénomène s’efface… J’ai donc simplement remplacé la diminution de leurs Capacités par une augmentation des seuils de difficultés de 1 point. La Poisse venait de faire son apparition à notre table de jeu, et ils ont tout de suite beaucoup mieux réagit à ce manque de chance ponctuel, en partant du principe que c’était quelque chose qui ne venait pas d’eux finalement, mais d’un monde un peu peau de vache qui pouvait s’avérer difficile en enchaînant les malheurs. Je vois d’ici les rigoristes de l’éducation d’un autre âge qui vont hurler aux « fragiles » qui ne supportent rien… Grand bien leur fasse, de mon côté, j’estime simplement que générer de la frustration avec un jeu chez les très jeunes est le meilleur moyen de les en dégoûter, aussi dans ma cuisine resterons-nous sourds à leurs imprécations (smiley qui tire la langue).
Ce que j’en pense
Bon, n’y allons pas par quatre chemins, de tous les jdr que j’ai pu tester aujourd’hui avec mes coba… Heuu… mes enfants, Petits Pirates est celui qui a eu le plus de succès. Des règles simples et très accessibles, un univers très aisé à appréhender (et enrichir de ses apports personnels selon les envies), et surtout, l’Imaginaire de la piraterie étonnamment déjà très ancré chez mes petits. Il faut dire que les histoires de pirates et autres vidéos sont légions et le monde de la mer bien exploité dans les programmes jeunesse. En vrac, mes enfants ont pratiqué Les Octonauts⁵, Pirata et Capitano⁶, les playmobils sur le thème (le bateaux pirate de la marque est d’ailleurs une aide de jeu que nous utilisons à chaque partie), les contes et docu pour la jeunesse… bref, ils sont au point.
Vue du sol de la chambre de mon plus jeune
Le jeu se prête donc tout particulièrement à l’initiation en famille, de préférence avec un parent à la barre du capitaine (qu’il ou elle ait pratiqué le jdr auparavant importe peu tant la prise en main est aisée/guidée). Par contre, cela me paraît compliqué en l’état pour un enfant d’attaquer directement la maîtrise dessus (tout du moins guère avant une douzaine d’années), l’idéal étant d’avoir pu pratiquer en tant que joueur sur une dizaines de parties avant de basculer de l’autre côté de l’écran. En résumé, un très bon jeu pour amener vos enfants au jdr. C’est beau, c’est frais, vous ne vous ruinerez pas sur la gamme et les sources d’inspiration (si les moultes traversées disponibles et à venir ne vous suffisent pas) sont hyper abondantes. De très loin, nous avons là (à mon sens) le meilleur jeu disponible en vf (non traduit pour l’instant, No Thank You Evil⁷ est un très sérieux compétiteur) pour les enfants (à mon sens, une encâblure devant Petits Detectives de Monstres⁸, chez le même éditeur)… Foncez à l’abordage.
Oubliez les poneys, voilà un autre vrai jeu pour enfant… un jour peut-être en français
Ca y est, le vent est de retour, étrangement accompagné d’une forte odeur de noix de coco. La Tambouille, Kraken et Metz la Joie sont partis ce matin et je regrette presque de les avoir envoyé sur cette île alors que l’attente forcée à laquelle nous étions réduits depuis plusieurs jours touchait à sa fin. Les voiles de La Carapace se gonflent à nouveau et nous allons pouvoir rejoindre l’île afin de leur épargner un nouveau trajet à la rame. J’espère que tout ce sera bien passsé pour eux et qu’ils n’auront pas eu de mauvaise surprise durant leur exploration de l’île. J’ai beau avoir toute confiance en La Tambouille et en la débrouillardise des deux moussaillons, cette abscence de vent et l’odeur qui accompagne son retour, alors qu’ils ont mis pied à terre il y a seulement quelques heures, ne me dit rien qui vaille. La Grande Dame Bleue regorge de surprises et ce ne serait pas la première fois qu’elles s’avéreraient désagréables pour notre équipage. Tiens, j’entends Marcello me crier qu’il a la chaloupe en vue, ainsi que nos trois amis à son bord. Quel soulagement. Il semblerait que la plage soit envahie de Dodos excités et que les trois compères s’en éloignent rapidement… Je me demande ce qui a bien pu se passer durant ces quelques heures. Enfin, nous serons vite fixés. Il est temps de réunir l’équipage et de poursuivre notre route, car après tout c’est pour cela que nous avons tous embarqué… Une vie d’aventures et de mystères sous le sceau de l’air salin et de la piraterie.
Aujourd’hui, une fois n’est pas coutume, nous accueillons un collaborateur qui a souhaité se pencher sur le phénomène des Maîtres de jeu payants… Pour, contre, ulcérés ou en demande, chacun a son idée sur la chose et les débats sur les réseaux autour de ce phénomène tendent vite à devenir le cauchemar des modérateurs. Petit topo de la situation en compagnie de Iago Larue, sous la supervision de Mike Pops. À toiMike.
Cédons la place à nos invités
Dans le petit monde des rôlistes, ce débat suscite de nombreuses réactions. Payer pour jouer, se faire rémunérer pour maîtriser. Le groupe Facebook Les MJ mercenaires milite afin de populariser cette pratique. Son administrateur, Iago Larue, ne se prive d’ailleurs pas d’en faire la publicité sur les réseaux sociaux. Culture JDR s’est longuement entretenu avec lui afin de comprendre cet engagement.
– J’ai commencé très jeune le JDR, et oui, j’estime avoir une certaine expertise sur cette activité.
Artiste de formation, le quadragénaire travaille dans un cirque non loin de Paris ( LE CHAPITEAU D’ADRIENNE ). Sur le côté, il a créé plusieurs associations loi 1901 consacrées au JDR dont, précisons-le, il ne tire aucun bénéfice.
Et il l’accepte sans détour:
– Effectivement, dans le milieu rôliste francophone, si il existait un top 20 des personnes les plus détestées sur les réseaux sociaux, je devrais figurer dans le top 10.
Et tu t’en vas le Banni…
Parfois virulent dans ses commentaires, cet artiste de 42 ans n’hésite jamais à rentrer dans les polémiques, quitte à se faire d’anciens et de nouveaux ennemis. Précisons d’ailleurs qu’il a été banni de certains groupes Facebook dédiés à notre passion.
– En fait, ce que les gens ne comprennent pas ou peu, c’est que je ne fais pas Ma publicité, mais la promotion d’une pratique commerciale pour laquelle je suis client. En automne 2021, avec un groupe de vieux amis rôlistes quadra qui n’avaient plus autant de temps qu’ avant à cause du boulot et des enfants, et qui souhaitaient tester des nouveautés ou retrouver les sensations des parties de JDR de notre jeunesse, on recherchait des MJ pour jouer ensemble. Nous avons donc eu l’idée de rémunérer un animateur qui viendrait nous proposer ses services et nous faire passer une soirée JDR. Il lui arrive de maîtriser en conventions, notamment pour le moment dans le but de présenter le jeu InCarnatis. Toutefois, dans ce cas là, il le fait de manière bénévole.
Iago dans ses oeuvres pour InCarnatis
Les Premiers Mercenaires
Le groupe fondé par Iago, les MJ Mercenaires, compte un peu plus de 900 membres. Ce sont des MJ spécialisés dans le déplacement en conventions, parties de 2H, parties d’initiations etc. Et la majorité sont bénévoles. C’est à partir de ce noyau que certains ont commencé à s’intéresser aux MJ payants, qui restent une minorité sur la totalité des membres du groupe Facebook. Beaucoup de curieux, d’autres en quête de renseignements. Et au final, peu de MJ pro.
Beaucoup d’appelés pour peu d’élus
– Cela demande beaucoup de préparation pour se lancer dans cette aventure, explique Iago, et nécessite de connaître son scénario sur le bout des doigts. Souvent, ce sont des scénarios que le MJ a fait jouer des dizaines de fois. Il connaît ou arrive à prévoir les possibles réactions des joueurs selon les scènes décrites, il a travaillé ses PNJ dans le détail. Cette préparation en amont se révèle conséquente.
Il avoue avoir eu des déceptions. Devenir MJ pro n’est pas donné à tout le monde. – Par contre j’ai eu des parties magistrales, dont une de l’Appel de Cthulhu qui se déroulait dans la France des années 30. Le MJ avait travaillé ses accents de manière surprenante. C’était immersif et ça nous a plongés dans une ambiance unique.
En bref, ne s’improvise pas MJ pro celui qui veut.
D’un point de vue technique, le MJ pro est tout d’abord choisi selon les jeux qu’il propose. Ce dernier annonce ses tarifs ( souvent entre 20 et 25 euros par joueur pour une session de 4-5h en one shot). Confinement obligeait, les premières parties que Iago a jouées se sont déroulées via internet. Cependant, alors que les règles sanitaires s’assouplissent, le présentiel revient en force.
– Via son association, le MJ me facture sa prestation. Ensuite, il ou elle déclare ses revenus selon son mode de fonctionnement ( activité complémentaire, auto-entrepreneur, ou autre, ndlr). En conventions, on parle généralement de défraiement, qui se justifie par les frais de déplacements et de nourriture.
Il insiste sur le fait que toute partie payante à laquelle il participe reste en accord avec le droit du travail, et ajoute néanmoins que si le prestataire n’assume pas ses obligations légales, le client n’est en rien responsable.
Une pilule difficile à avaler
Youtube quand tu nous tiens
Fin janvier de cette année, Iago a participé à un débat sur la chaîne Youtube Pilule Rouge. Dans cette vidéo au thème provocateur mais traitée de manière sérieuse, il a défendu son opinion, toujours avec un accent militant. Il se félicite d’ailleurs du buzz que cette intervention a suscité ( notons que Pilule Rouge a favorisé la viralité de son interview en la partageant sur de nombreux groupes liés au JDR ndlr). Très vite, les commentaires ont abondé. Les plus gentils refusaient l’idée de payer pour jouer, insistant sur la passion et la convivialité. D’autres, plus légalistes, s’interrogeaient sur le droit du travail et le droit d’auteur que cette pratique rémunérée impliquait. Et enfin, le camp des opposants à cette activité (et aussi ceux qui ont une dent contre l’artiste, et ils se comptent plus que sur les doigts d’une main) s’insurgeaient contre les MJ pro et le devenir de cette pratique, n’hésitant pas à traiter Iago d’escroc dans les plus polis des cas.
Concernant les insultes, on remarque très vite que ça lui en touche une sans faire bouger l’autre, voire que cela l’amuse. Passons. Sur l’aspect légal, il précise tout d’abord qu’il ne se considère pas MJ pro mais, comme il le répète, client. – Je joue deux à trois fois par mois en payant. Tout est facturé. Les lois françaises permettent ce type de service, sous le statut d’animation ou même d’intermittent du spectacle. Sous l’aspect du droit du travail, rémunérer un MJ ne pose aucun souci si celui-ci déclare ses prestations à l’Etat et paye ses impôts.
Par contre sur le droit d’auteur, Iago reste assez volage: – Tout d’abord, je n’ai jamais eu échos de plaintes ou d’actions judiciaires. Donc pour moi, aucun juge n’a déclaré cette pratique illégale. Ce qui clôt pour le moment le débat. De plus, il faudrait un plaignant. Les maisons d’édition ne s’y risqueront pas. Quand des joueurs découvrent un jeu à travers une table payante, ça fait de la pub. Ils auront peut-être envie d’acheter le jeu, ou en discuteront avec leurs amis qui eux iront se le procurer.
Enfin…
Selon le rôliste, c’est du win-win. Rappelons toutefois que l’utilisation d’une marque protégée dans un cadre commercial reste déconseillée, voire à éviter.
MJ Analytics
Quand je vais au resto italien avec mon ami italien pour manger des carbonara, et que l’on nous sert des spaghettis lardons crème, oui, il est fort probable que ça risque de gueuler, plaisante-t-il. Si tout travail mérite salaire, le client reste roi.
– Afin d’objectiver la prestation, nous avons élaboré, avec mon ami Lucio Orlando, une grille d’évaluation, explique Iago. Celle-ci regroupe de nombreux critères. Certains se focalisent purement sur le service (ponctualité, respect des attentes joueurs), d’autres sur des aspects plus narratifs et immersifs.
Suite à certaines critiques comparant cette grille à un permis de masteriser, Iago rassure : – Cet outil n’a pas vocation d’être utilisé pour vos parties entre amis. Il vise un double objectif. Premièrement, évaluer la prestation, selon des critères fixes, du MJ qui ambitionne de se professionnaliser. Dans un second temps, et si le MJ pro le désire et le demande, consulter son évaluation afin de voir les points qu’il pourrait améliorer lors de ses prochaines parties.
Si rémunérer un MJ devient une pratique assez répandue aux Etats-Unis, surtout en ligne, elle reste assez marginale en Europe. Certes, animer une partie demande de la préparation. La rendre ludique de l’expérience. Et défrayer un(e) rôliste pour présenter un jeu en convention ne choque personne, on pourrait même dire que c’est la moindre des choses. De là à vouloir la professionnaliser, il n’y a qu’un pas, et il a été franchi.
En conclusion, entre passion et bifton, la rémunération suscite et suscitera encore de nombreuses réactions.