Focus

Focus sur Frédéric Meurin autour de l’élevage des huitres

Pour beaucoup de rôlistes, au delà des parties plus ou moins régulières, il est une aspiration qui revient souvent… Travailler dans le Jdr.
Tout le monde en parle à un moment ou un autre, mais « relativement » peu y parviennent.
Comment, qui, pourquoi eux et pas nous ?
Mais quelle injustice criante nous frappe au point que les 124 concepts révolutionnaires qui sont dans les tiroirs… restent dans les tiroirs ?
Souvent, la réponse tient en peu de mots… IL FAUT BOSSER !
Ok, bosser donc. Par là dessus, il faut également guetter les opportunités et se jeter dessus quand elles se présentent, ce que j’ai bien intégré puisque je profite honteusement de l’arrivée imminente du prochain financement des suppléments pour la V2 de Vampire : Le Requiem pour arracher une interview à Frédéric Meurin, responsable de la com’ autour du projet et auteur de Jdr…
Prenez en de la graine et aiguisez vos canines, ça va saigner.


Salut Frédéric et merci de prendre un peu de ton temps pour répondre à mes quelques questions.
Bon alors, j’ai cru comprendre que depuis quelque temps, ton activité dans l’édition de Jdr s’était pas mal intensifiée… Entre 7e Mer¹, Vermine 2047², Valérian³ ou encore Tiny⁴, tu as de quoi t’occuper.
Tu peux nous en dire un peu plus sur ton parcours pro dans le Jdr et comment les choses se sont mises en place ?

Salut Barthus et bonjour à toutes celles et ceux qui nous lisent !
Tu as pas mal résumé la situation, ça bouge de tous les côtés.
J’ai découvert le JdR comme beaucoup dans les années 90, au lycée. Certains ont persisté et sont passés pro, pour ma part c’est à la fin des années 2010 que j’ai mis le pied de l’autre côté. Le Studio Agate⁵ cherchait des relecteurs pour la toute fraîche 2e édition de 7e Mer, et de là les choses se sont enchaînées. Relecture pour Vampire : Le Requiem 2e Edition⁶, toujours chez Agate, rédaction des suppléments Le Coffre à jouets et du Bestiaire des cauchemars pour Tiny chez Jdr Editions⁷, de scénarios pour 7e Mer, participation à Valérian chez LETO⁸, au premier supplément pour Oreste⁹ chez Elder Craft¹⁰… 2020 a été très riche en rencontres et en opportunités, chaque travail ouvrant presque la porte d’un autre !

Et 2021 promet de ne pas être en reste avec comme tu l’as dit, de gros morceaux de rédaction et de coordination éditoriale sur Vermine 2047, plus d’autres projets donc je ne peux pour le moment pas parler.

Toutes ces participations à droite à gauche semblent faire de toi une sorte de mercenaire de l’édition. C’est un choix délibéré, une question d’opportunités, un réel besoin de se diversifier ? Dans tous les cas, ça te permet de “voir” le fonctionnement de différents éditeurs et leurs méthodes de travail. Tu dois t’ajuster aux différentes exigences de chacun ou telle une rock star tu poses tes conditions et advienne que pourra ? 

Ouh là, c’est me faire trop d’honneurs ! Et je ne crois pas que quiconque ait les moyens d’imposer ses conditions dans le petit milieu du JdR, les budgets n’ont rien à voir avec une tournée de Beyoncé.
Quant au mercenariat, cela reste finalement très limité : je n’ai travaillé qu’avec quatre éditeurs entre 2019 et 2020. J’ai des copains qui bossent pour bien plus de monde (d’ailleurs, je me demande quand ils dorment) ! Là encore, c’est pour beaucoup une réalité économique. Cette passion – de l’écriture, du jeu de rôles ou des deux – peine à faire vivre les auteurs et les autrices en France, par manque d’un statut et d’une meilleure reconnaissance dans la chaîne du livre.
Donc cette relative diversité visait clairement un objectif : celui de me professionnaliser, ce que je viens de concrétiser. J’ai pas mal décroché mon téléphone ou mes mails, rencontré du monde sur des salons, répondu à des annonces – ça existe ! Il fallait franchir un certain volume pour oser abandonner mon boulot en CDI et devenir saltimbanque option écriture.
Des opportunités, un peu d’insistance pour “mettre le pied dans la porte” et beaucoup de chance m’ont donc permis de travailler sur des projets très divers dans les circonstances très particulières que nous avons tous connues avec les confinements à répétition. C’est parfois compliqué de switcher entre la SF space-opera-réaliste d’Oreste, celle beaucoup plus pulp de Valérian ou celle encore différente de Projet-secret-je-ne-dirai-rien. D’autant qu’au-delà de l’ambiance, le cahier des charges change du tout au tout : Sébastien Moricard¹¹ a une vision très précise de son univers, et il t’invite à l’enrichir tout en gardant un cap aussi bien pour son jeu que pour les joueurs qui vont l’explorer. Pour Valérian, les albums constituent une bible incontournable. C’est une mine d’informations, donc tu ne veux rien oublier sans trop pouvoir broder, de peur d’exploser le signage ou pire, de voir les ayants-droits retoquer ta copie. Le vide intersidéral n’offre pas toujours la même marge de manœuvre !
Après, c’est un lieu commun, et pourtant une réalité : “de la contrainte nait la créativité”.
Ces cadres permettent justement de travailler l’imaginaire et d’explorer des voies très variées avec comme tu le dis, des méthodes de travail très différentes.
Cela reste très enrichissant d’un point de vue créatif et méthodologique : le niveau d’exigence s’en trouve souvent relevé et on prend le meilleur de chaque méthode pour l’appliquer à chaque commande. S’inspirer et améliorer, mhm, ouais, j’ai peut-être encore quelques réflexes de ma vie d’informaticien d’avant ! 

Ton travail au sein du Studio Agate ne s’arrête pas à la rédaction et à la coordination puisque tu es aussi chargé de la com autour de la gamme Vampire le Requiem. C’est une part de l’édition souvent problématique pour pas mal de monde, du coup comment tu gères ça et en quoi ce travail consiste exactement ?

Tel que je le vois du petit bout de ma lorgnette, et de ce que j’entends de mes collègues d’ici et d’ailleurs, le petit monde du JdR français arrive à un moment charnière. Les difficultés qui ont frappé le secteur, avec les confinements, les boutiques qui ont dû fermer, les clubs qui ont interrompu leurs activités et une année ou plus de conventions et salons annulés, obligent un peu tout le monde à se réinventer. La concurrence reste cordiale mais elle existe bien évidemment, donc il faut sortir son épingle du jeu (pun intended). Les concours de circonstances, encore eux, font que l’essentiel de mon activité se fait désormais sous les couleurs d’Agate – avec encore un peu de temps pour les jouets de Tiny.
Cela comporte pour le Studio la mise en œuvre de (progressivement) tous les aspects communication. L’actualité du Studio pour 2021 est très dense, avec beaucoup de très gros projets qui arrivent à leur conclusion à la rentrée – ou plutôt qui arrivent à la fin de leur phase une, un peu comme le MCU¹². Je pense bien sûr à la Tétralogie Dragons¹³, à Melwan¹⁴ et Romantisme Noir¹⁵ pour Esteren¹⁶, dont les livraisons vont avoir lieu si tout se passe bien à l’automne. C’est une très grosse étape et les pôles logistique et fabrication du studio mettent les bouchées doubles pour conclure ces projets très attendus (avec en plus Démon : La Damnation¹⁷, Sociétés secrètes pour 7e Mer, et la prochaine précommande de Vampire : Le Requiem qui se tiendra du 5 au 19 juillet 2021).
Nous nous devons de tenir nos souscripteurs au courant de l’avancée de ces travaux, et surtout de préparer la suite.


Parce qu’il n’y pas de phase une sans une belle phase deux, et celle-ci promet d’être extrêmement riche. Les gammes Dragons et Esteren vont poursuivre leur développement, Vermine 2047 va perdre son E final pour traverser l’Atlantique, d’autres projets sont en cours de réalisation, et nous préparons d’ores et déjà deux beaux projets pour la rentrée.
Le premier consistera en une grande campagne originale pour 7e Mer, de création 100% française, afin de compléter notre offre de scénarios pour ce jeu. Et si les aficionados de la V1 regrettaient n’avoir “que” quatre nouveaux scénarios à se mettre sous la dent en plus de ceux repris de la première édition, cette fois, ils auront de quoi emmener leurs Héros de la Théah aux quatre coins du monde ! Les textes sont intégralement rédigés, les illustrations prêtes à 80%, et l’été promet d’être très studieux pour ceux qui bossent sur ce projet pour qu’il arrive sur Ulule¹⁸ le plus finalisé possible.
Le deuxième concrétisera une annonce faite par le Studio il y a bientôt un an et concerne Brancalonia¹⁹. Il s’agit d’un jeu indépendant motorisé par la 5e, édité en Italie par Acheron Games²⁰. Plutôt que de sauver le monde, ce cadre original propose aux joueurs de réaliser rapines, escroqueries et autres coups pendables : ici pas de Héros, juste des Canailles, dans le plus pur esprit des westerns spaghettis. Si vous avez toujours rêvé de jouer Tuco plutôt que Blondin dans Le Bon, La Brute et Le Truand²¹, ce jeu est pour vous ! Par contre, il se peut qu’à un moment, on vous rappelle que le monde se divise en deux, ceux qui savent lancer Boule de feu, et ceux qui creusent… et que vous, vous creusiez !  La traduction est finalisée – autant pour le livre de base que le kit d’initiation et plein de belles surprises sont là aussi en cours de préparation pour un Ulule haut en couleurs dans le courant de l’automne.
Et pour répondre à ta question : voilà en quoi consiste mon travail de communication pour le studio. Donner envie et teaser ! Blague à part, cela comporte beaucoup d’échanges avec la presse, les chaînes Youtube et plus encore avec les passionnés comme toi. Sans flagornerie, votre enthousiasme et votre soutien nous aident beaucoup à faire connaître nos créations, parce que malgré leur puissance, les rézosociaux ne font pas tout !

Comme beaucoup dans ce milieu, tu as également un job en dehors de l’édition.
C’est une question de confort, de sécurité, une réelle nécessité ?

A vrai dire, ce n’est plus une question ! J’ai franchi le pas en juin 2021. Cela reste un pari un peu osé, cependant assez calculé pour me dire que je ne devrai pas vendre un rein pour manger à la fin de l’année.

Alors, écriture de scénarios, relecture, roman, coordination, com… ça c’est fait.
Pour la suite, tu nous as prévu quoi ? Charleston, ébénisterie, élevage d’huîtres ?

Si je te dis que je m’essaye à la lutherie de guitare quand je n’en joue pas, tu me crois ? Bon ok c’est plus de la bricole, mais c’est pourtant vrai. Et j’essaye de remplir mon potager, mais là non plus c’est pas encore ça.

Et du coup, c’est quelle tâche parmi tout ça qui a ta préférence ? (et ne me dis pas l’élevage d’huîtres hein, c’est une catégorie à part)

C’est très injuste pour les huîtres qui sont des créatures sensibles, souvent incomprises parce que dépourvues de caractéristiques permettant l’identification anthropomorphique. Les Shoggoth²² souffrent du même problème.

Frédéric dans ses œuvres de crustaço-thérapie entre deux scénars

Le soin psychologique des mollusques à part, ma préférence demeure à l’écriture créative au sens large du terme. D’ailleurs en ce moment, il me tarde de retrouver un peu de temps pour me retourner à l’écriture de mon troisième roman.

Pour en revenir à Requiem, comme il s’agit d’une traduction, les apports du studio sur la gamme sont fatalement plus limités que sur d’autres jeux (comme Vermine 2047 par exemple)… Pour le coup, tu y trouves quand même ton compte ? 

Requiem reste un projet très intéressant parce qu’il s’inscrit dans une même volonté du studio de faire vivre des histoires aux gens. Ce que vivront les joueurs et leurs personnages de Vampire : Le Requiem se déroulera dans un contexte très différent de Vermine 2047 ou de Dragons, mais le dénominateur commun demeure les personnages. Ce qu’ils vivent, ce qu’ils ressentent, pourquoi ils font ces choix. Bien sûr dans Dragons, la dimension “tourment intérieur” est moins marquée mais un cadre épique pose aussi des questions sur la nature humaine (vous vous souvenez d’un certain roi du Gondor qui doit choisir ou non de prendre un petit bijou ?).
Alors, oui, nous sommes plus limités dans l’aspect créatif. Cela ne nous empêche pas d’apprécier pourquoi nous avons voulu traduire cette gamme et l’offrir au public français : pour offrir une proposition de jeu qui nous semblait pertinente et riche de possibilités.

Tu peux nous teaser un peu sur le financement à venir, ce qui est prévu, les délais approximatifs de livraison ?

Très volontiers, je suis venu ici pour ça !
Cette précommande se déroule sur Ulule du 5 au 19 juillet 2021. Elle permettra d’acquérir les versions papier du Guide de la Nuit et de Semi-Damnés, pour Vampire : Le Requiem 2e Edition
C’est une précommande, et pas un financement participatif : la traduction, le maquettage et les relectures ont déjà été réalisés. D’ailleurs les PDF correspondants ont été envoyés ou sont en passe de l’être pour les souscripteurs du précédent financement de la gamme (qui portait sur Un millénaire de nuit et Le Secret des Ligues). Il n’y a donc pas de paliers à débloquer, de bonus à obtenir : une fois que la précommande aura atteint cinquante ouvrages de chaque, nous pourrons lancer l’impression.
Plusieurs raisons nous ont poussé à ce choix : d’abord, nous souhaitons aller vite. Là, avec les ouvrages prêts en numérique, il ne reste que les délais d’impression – – et connaître les volumes à commander auprès de notre partenaire situé en Europe. Cela nous permet de viser une livraison à l’automne. Nous ne voulions pas compromettre cette rapidité avec des bonus qui auraient peut-être retardé le moment où les gens tiendront le livre en main.
Ensuite, ces deux ouvrages font partie pour les Chroniques des Ténèbres de la phase une évoquée plus tôt. Quand celle-ci sera terminée, notamment avec la livraison des souscriptions Démon : La Damnation, du Guide de la Nuit, de Semi-Damnés et des autres gammes évoquées auparavant, le Studio pourra se poser et évoquer la suite des Chroniques des Ténèbres.
Mener une précommande courte et rapide, pour assurer les impressions au meilleur coût comporte cela dit plusieurs avantages pour les souscripteurs. S’ils ont participé à l’un des précédents financements participatifs du Studio, parmi Démon, Dragons, 7e Mer – Sociétés secrètes, EsterenMelwan ou Romantisme noir, l’envoi du Guide de la Nuit ou de Semi-Damnés n’occasionnera pas de frais de port supplémentaires. Nous combinerons les envois pour une livraison à la rentrée scolaire 2021.
Sachant que durant cette précommande, vous pourrez aussi acquérir n’importe quel ouvrage des Chroniques des Ténèbres (donc oui, aussi des intégrales Démon ou des intégrales Vampire voire les deux !), la ristourne peut devenir conséquente.
D’ailleurs, autre petit bonus de cette précommande, achetées ensemble, les versions collector du Guide de la Nuit et de Semi-Damnés seront au même tarif que la version standard. C’est donc vraiment l’occasion pour compléter sa gamme à moindre coût.

Ok, alors précommande et délais courts c’est parfait comme démarche (d’ailleurs de plus en plus d’éditeurs tendent à fonctionner comme ça, n’est-ce-pas Arkhane Asylum23), mais au-delà de ça, le Guide de la Nuit et Semi-Damnés, c’est quoi exactement ?

Le Guide de la Nuit pourrait presque s’intituler : 138 pages d’idées pour Conteurs de Vampire. Ce livre regorge d’inspirations et de conseils sur comment mener sa Chronique, à quelle époque, comment faire intervenir les Ligues, comment complexifier les rapports au sein et entre coteries, et comment mélanger tout ça pour trouver le cocktail qui vous convient. Il y a bien sûr quelques mécaniques supplémentaires : des Styles, des Dévotions et même un système de joute verbale qui permettra d’enrichir le roleplay et de restituer cet aspect primordial pour beaucoup de Vampire qu’est la réputation.
Bien sûr tout cela reste très libre : ce ne sont que des suggestions. Chaque Conteur, chaque joueur, pourra venir y piocher pour enrichir sa Chronique ou son Requiem. À titre personnel, c’est un de mes aspects préférés de ce jeu : il affirme haut et fort quelque chose qui est trop souvent passé sous silence. “Vous avez acheté ces livres, désormais c’est votre jeu et vous en faites ce que vous voulez !” Cela laisse une grande latitude aux Conteurs pour animer leur Chronique : si un aspect leur déplaît, ils peuvent le laisser de côté.
Semi-Damnés va aller lorgner du côté des goules, des revenants et des dhampirs. Les premiers sont généralement bien connus. Ce sont des humains drogués à la Vitae, généralement par un Vampire qui va s’en servir pour faire quelque chose dont il est incapable : marcher en plein soleil. Ils ont en VO leur propre supplément, pour mettre en scène des serviteurs PNJ et des antagonistes. Ici, ils seront jouables en tant que personnages. Les défis d’une telle interprétation sont multiples. Incarner un serviteur totalement soumis n’a que peu d’intérêt, mais imaginez un peu jouer une goule dont le Vampire a été éliminé. Comment trouvez-vous votre dose de Vitae ? Une autre idée : vous jouez dans le Monde des Ténèbres, mais au lieu d’incarner un Vampire ou un Démon, et de profiter de l’arsenal de pouvoirs qui va avec… vous êtes une goule. Pas aussi faible qu’un bête humain, mais quand même, pas au même niveau de puissance. Pas du tout au même niveau. Quels trésors d’inventivité allez-vous déployer pour accomplir la mission que vous a donnée votre maître ? De quoi bien réinventer le jeu, surtout que la goule a sa propre vie, ses propres relations avec des vivants et donc ses propres tourments – et cette soif, bon sang, cette soif !
Les revenants étaient jusque là présentés comme des accidents regrettables, des négligences de vampires peu précautionneux, qui compromettaient par leur soif inextinguible la mascarade. Et si vous en jouiez un ? Un résidu d’Étreinte ratée, un infant non-désiré, un buveur de sang inachevé qui subit tous les inconvénients de l’immortalité, sans aucun avantage – pas de clan, pas de ligue, juste la solitude d’un être condamné à la nuit… et à la compagnie de ses semblables. Sentez-vous cette colère ? Cette puissance ? La bête ? Mais qu’elle vienne, si votre “sire” peut y goûter, ça lui apprendra peut-être à assumer !
Les dhampirs enfin, sont bien souvent les moins connus des Semi-Damnés. Pourtant eux aussi ont leur supplément en VO, où ils sont là encore présentés comme PNJ et comme adversaires. Les dhampirs sont nés d’un parent humain et d’un autre vampire. Il y en existe un très connu dans le monde de la BD qui a même eu son adaptation au cinéma. Alors autant vous prévenir tout de suite : les dhampirs sont moins badass que le daywalker24 et leur existence beaucoup plus dramatique. Vampire le Requiem oblige, les personnages dhampirs devront composer avec une ascendance mystérieuse et condamnable, et leurs pouvoirs les feront passer par des hauts et des bas. D’ailleurs, êtes-vous un humain avec des pouvoirs de vampire, ou un presque vampire avec des résidus d’humanité ? Là encore, dans le Cercle du bout de la Nuit, peu de chance que votre place soit très enviable par son côté bâtard.

Je t’avouerai que j’avais beaucoup hésité à me lancer dans Requiem… Échaudé par la politique éditoriale du White Wolf25 des années 90, je redoutais une énième gamme à rallonge qui s’empilerait jusqu’au plafond, enchaînant les rumeurs contradictoires jusqu’à plus soif (comment ça Mascarade j’écris ton nom ?).
Tu peux me rassurer là-dessus parce qu’il commence à y avoir quelques bouquins déjà et j’aimerais continuer à croire à un contexte maîtrisé pour ce jeu (du style un ou deux suppléments de plus et basta) ?

Nous, chez White Wolf, on aime bien aller à l’essentiel !

C’est amusant que tu parles de ça, parce que nous venons de publier sur notre blog dédié aux Chroniques des Ténèbres une explication du comment et pourquoi White Wolf a édité Requiem après avoir arrêté Mascarade. (ici)
Je ne vais pas ré-écrire ce long article ici, mais en résumé, Mascarade était un jeu à storyline, à l’époque où le Vampire était LA figure de pop-culture dominante. Aujourd’hui ce serait peut-être le zombie (encore que ça me parait déjà passé de mode), mais c’est moins fun de jouer un cadavre qui grogne “cerveau” qu’un prédateur aux dents longues. Le succès de Mascarade était tel que White Wolf publiait quasi un supplément par mois à partir 1995, avec les soucis de coordination que ça peut impliquer : rapidement, celle-ci était… bon, on sait tous ce que ça a donné – et perso, je trouve que ça a plus dérapé du côté des garous que de Vampire.
Quand ils sortent Gehenna, qui est à la fois un très bon et très mauvais supplément, ils appuient clairement sur le bouton “Self destruct” de leur monde, au moins pour les Vampires.
Et ils décident de sortir Requiem, qui ne comprendra pas de storyline : un souci de moins ! Le fait que le jeu sorte en 2004, à une époque où le JdR peine face aux MMORPG et aux jeux de cartes, ralentit le rythme de publication. Ces problèmes deviennent au final des avantages pour les joueurs : la gamme reste plus ramassée, et les suppléments sont mieux coordonnés. De plus Requiem est envisagé comme un jeu-bac à sable. Pas dans le sens jardin d’enfants, au contraire, ses thématiques sont beaucoup plus sombres et tourmentés que son prédécesseur. Bac à sable dans le sens “construisez votre Chronique”. Chaque table explore les aspects qu’elle veut de cette version plus intimiste et plus désespérée de Vampire. Là où le jeu de 1991 explorait une conspiration de créatures surnaturelles qui cherchent à dominer le monde pendant qu’une super-menace risque de leur tomber dessus (la fameuse Géhenne), Vampire : Le Requiem parle de deuil, de mort et de sacrifice, dans un cadre très politique. L’immortalité c’est long, surtout vers la fin, alors que faire pour repousser la Torpeur ?
Les jeux ne s’adressent pas aux mêmes publics et c’est très bien comme ça. En terme technique, la puissance brute des personnages de Requiem l’emporte quand on les crée… mais plus le jeu avance, plus cette force de frappe passe au second plan derrière le rapport à l’humanité, la lutte contre la Bête et les relations entre Clans et Ligues.
Pour répondre donc à ta question : la gamme Requiem s’enrichit en France (le Guide de la Nuit et Semi-Damnés seront les quatrième et cinquième suppléments) sans devenir “indéchiffrable”. Il en existe d’autres en VO, cependant ces suppléments ne sont pas près de se contredire. Il y a par contre de fortes chances que l’interprétation du Monde des Ténèbres change d’une table à l’autre avec Vampire : Le Requiem. Comme dans n’importe quel JdR, me diras-tu; certes, juste, c’est ici dans l’ADN du jeu.

Bon, finalement mes étagères ne me maudiront pas sous le poids d’une gamme interminable, c’est cool

Et une fois tout ça bouclé, c’est quoi tes projets à plus ou moins long terme en matière d’écriture ?

Actuellement, je mets la main à la pâte sur deux scénarios pour Tiny, qui devraient être publiés pour la fin d’année – je laisse les collègues de JdR Editions vous en dire plus à l’occasion.
Après Vampire, nous avons “quelques” projets avec le Studio Agate, pour lesquels j’ai aussi bien de la rédaction que la coordination éditoriale à assurer. Mais je ne peux rien dire avant la rentrée.
Bon, allez, quand même : il se pourrait que je sois chargé de rédiger des aventures supplémentaires enrichissant la campagne 7e mer, en mode “l’aventure en plus”. Ok, vous allez me dire que ça j’en ai presque déjà parlé, et c’est pas faux.
Le reste… le reste, non, vraiment je ne peux rien dire. Sauf que j’espère bien réussir à reprendre mon roman !
D’ici là, je retourne préparer la précommande pour Le Guide de la Nuit et Semi-Damnés !

Hé bien voilà, comme quoi on peut à la fois jardiner, faire de la musique, se soucier du bien-être de nos amis les mollusques et travailler dans le monde du jeu de rôle… La morale de cette histoire semble être qu’il faut savoir enfoncer les portes et ne rien lâcher être polyvalent pour y arriver et surtout, faire preuve d’une belle motivation.
Merci Frédéric pour cet entretien et bonne chance pour la suite (même si à priori, quand on bosse, la chance n’a plus grand chose à voir là dedans).
De mon côté, je vais filer relire Requiem pour me remettre dans le bain avant la précommande et compter les jours qui me séparent encore des livraisons de Dragons et Melwan 🙂

Propos de Frédéric Meurin recueillis par David Barthélémy

Notes et Références :

le site de Frédéric : https://www.frederic-meurin.com

1 7ème Mer
2 Vermine 2047
3 Valérian
4 Tiny
5 Studio Agate
6 Vampire : Le Requiem
7 Jdr Editions
8 LETO : Les Editions du Troisième Œil
9 Oreste
10 Elder Craft
11 Sébastien Moricard
12 MCU
13 Dragons
14 Melwan
15 Romantisme Noir
16 Esteren
17 Demon : La Damnation
18 Ulule
19 Brancalonia
20 Acheron Games
21 Le Bon, la Brute et le Truand
22 Shoggoth
23 Arkhane Asylum
24 Daywalker : Référence au Personnage principal dans Blade
25 White Wolf


Avant la sortie

Entretien avec Frédéric Weil et Stéphane Arnier à propos de Thoan, par le label Ludika

Depuis tout jeune, mes lectures favorites ont toujours très largement été orientées vers la S-F, le fantastique et dans une moindre mesure l’horreur (je ne remercierai jamais assez ma bibliothèque municipale de l’époque d’avoir proposé un rayon peuplé de noms comme Leiber¹, Zelazny², Farmer³, Lovecraft⁴, Van Vogt⁵ et tant d’autres encore)… 
Mes premiers achats en tant que MJ allaient également dans ce sens, avec Ambre⁶ et Thoan⁷. Tous deux m’ont procuré un moyen de prolonger mon exploration de ces univers passionnants, à la différence de l’Appel de Cthulhu⁸, qui pour moi ne parvenait au final absolument pas à rendre la saveur des nouvelles de l’homme de Providence
Depuis plusieurs années, l’annonce d’une nouvelle version de Thoan circulait chez les gens bien informés (ou pas) et je trépignais d’impatience à chaque retour de la rumeur, allant jusqu’à passer Léonidas Vesperini⁹ à la question et lui arrachant de fait un énigmatique « c’est dans les tuyaux ».
Je vous laisse imaginer ma surprise l’année dernière, à l’annonce d’un partenariat entre les Éditions Mnémos¹⁰ et les XII Singes¹¹ pour éditer des jeux sous le tout frais label Ludika¹², label qui proposerait dans son catalogue, je vous le donne en mille : Thoan

Un label à surveiller de près

Pensez donc ! Avec une alliance comme celle-ci, impossible pour moi de rester de marbre, voire simplement d’attendre le lancement du projet pour en savoir plus.
Je me suis donc saisi de la Trompe de Shambarimen¹³ qui trainait dans mon placard depuis quelques années, et après y avoir soufflé quelques notes mélodieuses, me suis faufilé au travers du portail ouvert sur la grande salle où devisaient paisiblement les Seigneurs Frédéric Weil¹⁴ (directeur éditorial de Mnémos, auteur du JDR Nephilim) et Stéphane Arnier¹⁵ (auteur, animateur de l’équipe rédactionnelle sur THOAN), afin d’obtenir de précieux renseignements sur toute cette affaire.

Bonjour Frédéric, bonjour Stéphane, et un très grand merci d’avoir accepté de m’accorder un peu de votre temps.
Alors Frédéric, ça y est… Jusqu’ici, les Éditions Mnemos s’étaient cantonnées, d’un point de vue ludique, à perpétuer l’héritage de Multisim¹⁶ au travers de Nephilim¹⁷, tout d’abord grâce à une V4 en 2012, puis une v5 dont les saisons 1 et 2 furent financées respectivement en 2017 et 2020, pour être à ce jour toutes deux livrées.
C’est d’avoir remis le nez dans Nephilim qui t’as donné envie d’en faire plus ou ça te travaillait depuis plus longtemps ?

Nephilim Légende Saison 1… c’est beauuuuu !

Frédéric : Un peu des deux ! Thoan a une place particulière dans mon histoire de concepteur de JDR car j’en avais beaucoup discuté avec mon ami Léonidas Vesperini, à l’époque de la première édition, lorsqu’il travaillait dessus avec son frère. Nous avions échangé sur les concepts innovants et les choix ludiques effectués. Et lorsque, en 2018, nous avons édité l’intégrale des 7 romans du cycle de La Saga des Hommes-Dieux¹⁸ dans notre collection d’intégrales SF prestige, je me suis surpris à repenser à une nouvelle adaptation ludique. Le monde n’étant peut-être pas si mal fichu que cela, j’ai été contacté à l’époque par une partie de l’équipe du nouveau projet dont les membres étaient des anciens joueurs de la première mouture, membres éminents (ils le sont tous !) de l’asso des fans de Thoan, chaudement recommandée par Léonidas pour un projet d’un tout nouveau JDR d’après Thoan ! Coïncidence heureuse, synchronicité ou autre, que sais-je…
Nous avons beaucoup discuté sur le concept, les règles. Cela a pris du temps avant d’aboutir à une proposition ludique forte, singulière, aboutissement qui d’ailleurs n’a trouvé véritablement sa réalisation que lorsque Franck¹⁹ des XII Singes lors de nos discussions pour monter LudiKa a vu tout de suite le potentiel et nous a proposé une adaptation du système Abstract Donjon²⁰ dont la philosophie colle parfaitement à l’esprit du nouveau Thoan.

Thoan, c’est un choix osé non ?
Alors, je ne dis pas… Personnellement je signe des deux mains pour trois exemplaires, mais pour les nouvelles générations de rôlistes, ce n’est pas forcément une référence très parlante… 
Qu’est-ce qui a permis de se dire que le projet trouverait son public, en dehors du potentiel aventureux énorme de l’œuvre de Farmer (non je ne suis pas fan, nan mais) ?

Eh bien, en premier lieu le potentiel aventureux énorme de l’œuvre de Farmer ! Ainsi que le défi de le faire vivre en JDR de manière simple et parlante ! On n’écrit plus de JDR aujourd’hui, je crois, comme nous le faisions dans les années 80 et 90.
Mais surtout, devant la thématique de jouer un sorte d’homme et de femme-dieu, presque immortel, utilisant une science si avancée qu’elle est presque devenue de la magie mais frappé de défauts importants, hanté par une part sombre et des secrets de famille et ceci au travers de milliers de cosmos privés, de mondes-aventures souvent conçus comme des terrains de jeu géants, quel rôliste peut résister à cette proposition ? en tout cas, clairement pas moi 🙂
Ça a été d’ailleurs assez lumineux, une fois que l’équipe avait mis au point cette idée centrale, les idées fortes du projet se sont enchaînées les unes derrière les autres à la vitesse de l’éclair. 

Si j’ai bien compris, on parle ici d’une gamme composée d’un livre de base d’environ 200 pages, d’un supplément décrivant différents univers de poche et d’un éventuel troisième ouvrage apportant des univers maisons par des créateurs bien connus… Quant au système de jeu, il m’avait semblé entendre dire que Abstract était retenu pour motoriser la bête. J’aime beaucoup cette mécanique, mais m’interrogeais tout de même sur son application à cet univers, Abstract n’étant pas forcément très « adapté » à l’improvisation narrative, mais plus à un déroulé très scripté… 
Alors, info, intox ? 
Et si c’est bien Abstract qui a été retenu, vous avez prévu des aménagements afin de l’assouplir un peu ? 
Enfin, pas d’écran de jeu au programme ?

Abstract Donjon, un jeu que je l’aime

Stéphane : Au niveau système, THOAN est bel et bien une adaptation Abstract. D’abord, parce que sur le fond cela correspond particulièrement bien à l’état d’esprit des Seigneurs : anticiper, réfléchir, ne rien laisser au hasard, faire ou ne pas faire (“il n’y a pas d’essai”, comme dirait Yoda). Les mécanismes du système redonnent les rênes des personnages aux joueurs, et cela donne cette sensation de puissance et de contrôle que nous voulions faire ressentir. Ensuite, le système est bien adapté pour refléter le côté pulp de l’univers, et permet de mettre en scène très simplement (au niveau règles) des scènes très grandioses et complexes (au niveau narratif). Enfin, c’est un système très souple, ce qui était indispensable pour qu’il puisse fonctionner dans tous les mondes, avec toutes les créatures et au travers de toutes les bizarreries des mondes thoans (celles que nous proposons, mais aussi celles que les meneurs de jeu pourront inventer à loisir).
Par leur nature, les scénarios rédigés pour ce système ont un aspect scripté, c’est vrai. Mais en réalité, le système fonctionne très bien et très simplement en improvisation totale : le meneur de jeu n’a qu’une seule et unique chose à gérer (outre son histoire), à savoir le nombre de dés qu’il lui reste à opposer à ses joueurs dans sa réserve. Le livre de règles de THOAN propose, dans une partie dédiée au meneur, des guides et des idées, aussi bien pour celles et ceux qui aiment préparer des coups tordus que pour celles et ceux qui préfèrent se lancer en improvisation.

Frédéric : Si, si, il y a un écran 4 volets de prévu, illustré par le très talentueux Dogan Oztel²¹ et qui sera accompagné de son livret de scénario.

La proposition ludique de cette nouvelle version sera d’interpréter des Seigneurs Thoan, soit une belle bande de tordus, tous plus mégalomaniaques et névrosés les uns que les autres.
On a pu constater dans Les portes de la création²² que cohabitation et fonctionnement en bonne intelligence ne sont pas nécessairement les points forts des Hommes (et Femmes) Dieux, aussi je m’interroge sur l’aspect jeu à campagne d’un tel setting… 
Ça ne risque pas de virer au jeu de massacre à chaque partie ?

Stéphane : Certes, Philip José Farmer a beaucoup plus utilisé les Seigneurs comme des antagonistes de ses romans que comme des héros, mais il a aussi montré qu’il s’agissait d’un peuple très hétérogène. Jadawin²³ et Anania²⁴ étaient des enfoirés par le passé mais ont suivi un arc de rédemption. Luvah²⁵ ou Manathu Vorcyon²⁶, eux, sont montrés comme loyaux et honnêtes tout du long. Il n’y a donc pas qu’une seule façon de jouer à THOAN, et à la constitution du groupe de PJ, les joueurs devront d’abord se demander quels types de Seigneurs ils souhaitent incarner (tout le monde n’est pas à l’aise avec les parties de jeu de rôle où les joueurs se tirent dans les pattes). Les Thoans sont tous des humains qui se prennent pour des dieux… mais tous ne dominent pas comme des tyrans sanguinaires.
Ceci étant dit, oui, il est tout à fait possible de créer un groupe de Seigneurs tordus qui se détestent (c’est quand même la base), mais des outils sont mis à disposition du meneur : premièrement, qu’ils se détestent ou pas, il est recommandé aux PJ de former une cellule familiale thoanne, et cela crée des liens ; deuxièmement, un scénario du livre de base fournis un contexte sur-mesure et une raison très valables à des PJ de s’allier sur la durée même s’ils se méprisent ; et troisièmement, le système Abstract vient aussi en renfort dans cette situation, et ce de façon très naturelle : des joueurs qui dépensent des dés de leurs fiches pour nuire à leurs camarades se mettent dans la panade pour la suite. Si vous voulez trahir un compagnon, choisissez bien votre moment pour que cela ne vous retombe pas dessus (mon conseil : attendez les dernières scènes d’une aventure… comme dans les romans).

Au niveau de la timeline de l’univers et vu le nombre très réduit de survivants Thoans à la guerre des Cloches Noires²⁷ ou aux vendettas familiales, je vous soupçonne de vous placer avant l’époque de Robert Wolf²⁸… 
J’ai tout bon ou vous êtes vraiment joueurs et avez rusé pour nous proposer autre chose ?

Stéphane : La volonté de départ de ce jeu de rôle THOAN est d’adapter les romans de Farmer (tous les romans), or ils s’étalent sur quinze à vingt ans environ. De plus, en proposant d’incarner des Seigneurs, l’idée était aussi de lâcher la bride aux personnages : nous ne voulions pas que les joueurs et meneurs se sentent bridés, que leurs actions ne puissent influencer l’Histoire (avec un grand H). En conséquence, le parti pris est le suivant : le jeu se positionne à l’exacte fin de la saga.

Si vous n’avez pas encore lu le Cycle de Hommes-Dieux, jetez vous dessus bande de petits veinards

Pour les fans, cela permet de jouer avec toutes les conséquences des romans (les campagnes proposées s’amusent beaucoup avec cela) ; pour celles et ceux qui n’ont pas lu la série, cela permet de ne pas être frustrés par le manque de références ; et pour tous, cela permet d’avoir une véritable influence sur le multivers. Si les PJ croisent les héros de la saga, ils peuvent s’en faire des alliés ou des ennemis. S’ils veulent s’attaquer au monde à étages pour en prendre possession ou pour voler la trompe de Shambarimen, ils le peuvent vraiment sans que ça ne contredise les romans. Etc.

Si la souscription fonctionne pour Thoan (ce dont je ne doute pas), on serait en droit d’espérer d’autres adaptations d’univers littéraires emblématiques, au hasard disons… de Zelazny, toujours Farmer, Vance (Geste des Princes Démons²⁹ si tu m’entends), ou encore Steven Brust³⁰ (bon, je sais que Brust est plus confidentiel en France, mais je ne peux m’empêcher de rêver d’arpenter un jour les rues d’Adrilanka, siroter un klava brûlant en terrasse ou encore, d’aller régaler mon personnage d’un bon repas chez Valabar et fils³¹ à l’occasion) ?

Celle-là est purement gratuite, mais si vous en avez l’occasion, plongez-vous dedans, je vous promets que vous ne le regretterez pas

Frédéric : Oh, un projet à la fois ! 
En revanche c’est certain qu’il y a plusieurs univers littéraires qui pourraient faire d’excellents JDR pour peu que l’on ne se contente pas d’une « exploitation » à la papa, soit une créa de perso, une encyclopédie longue comme le bras et au final indigeste et surtout inutilisable par les joueurs et les joueuses des années 2020 dont le temps est autrement utilisé et réparti. 
En tout cas, pour moi, il me semble important de trouver à chaque fois un angle éditorial et ludique très fort qui donne envie à des groupes de passer des heures autour de la table afin de vivre ces expériences qui, trente ans après, continuent à nous faire rêver avec beaucoup d’émotions. D’ailleurs, si l’on y regarde bien, il n’y a pas tant de créations artistiques et culturelles qui marquent aussi fortement leur spectateurs (et dans le cadre du JDR, leurs acteurs). Comme je l’ai toujours pensé depuis la première édition de Nephilim, je crois, qu’à côté des concepteurs, des designers et des écrivains, il y a les praticiens, qui, en jouant et en improvisant pendant des heures, enrichissent et font vivre ces créations imaginaires. Je les considèrent comme aussi des co-auteurs et co-autrices à part entière d’un JDR

D’un point de vue éditorial, ça se passe comment cette association avec les XII Singes et plus exactement, qui va faire quoi au niveau des différents jeux que vous comptez proposer ?

Frédéric : Nous avons fondé LudiKa parce que déjà nous nous connaissons et fréquentons depuis de nombreuses années. Nous avons décidé de passer à la vitesse supérieure tout simplement dans l’idée de proposer ensemble des projets ambitieux, hors normes qui nous passionnent et SURTOUT qui nous permettent de réunir nos expertises et nos visions créatrices.
Pour le dire autrement, Avec LudiKa, notre engagement est simple et entier : vous proposer des expériences ludiques fortes, singulières, des JDR ambitieux et qui ont de la personnalité ! Des expériences qui ont emballé et convaincu les équipes des deux éditeurs et pour lesquels, elles pourront apporter et mutualiser leurs savoirs-faire et leurs expériences ludiques. 
In concreto, nous passons beaucoup de temps en pré-production à partager et mettre en commun nos idées, puis dans la production, en fonction des projets et des appétences personnelles, nous nous répartissons les différentes tâches de chaque projet afin d’avoir une démarche budgétairement solide et une efficacité réelle.

Il y a maintenant quelques années, Mnemos avait publié le superbe livre-univers Jadis³², brillamment illustré par Nicolas Fructus³³, avec Charlotte Bousquet³⁴, Mathieu Gaborit³⁵, Régis Antoine Jaulin³⁶ et Raphaël Granier de Cassagnac³⁷ à l’écriture, provoquant ainsi l’émoi chez beaucoup de geeks et de rôlistes, dont moi, notamment lorsqu’un possible développement sous forme de jdr avait été évoqué…
Je te laisse, sur cette base deviner qu’elle peut bien être ma question non formulée…

Jadis… promis je vous mettrai une photo de la carte géante dès que j’aurai libéré un mur de la maison

Frédéric : Question que l’on me pose très souvent 🙂 Je suis très heureux que Jadis suscite autant d’envie et d’enthousiasme. C’est un univers qui me tient autant à cœur que celui de Nephilim, c’est dire ! Je continue patiemment à travailler sur le projet. Je suis dans une phase de mise au point du système de jeu. J’avais trouvé quelque chose qui me plaisait bien il y a 3 ans, mais j’ai presque tout jeté à la poubelle et je repars sur une nouvelle piste qui m’excite bien !

Bon fatalement, on va se demander si la possibilité d’exhumer quelques jeux du catalogue de Multisim vous a traversé l’esprit… Et même si de mon point de vue de nouvelles créations sont toujours plus souhaitables que des retours de grands anciens, je dois avouer que voir des jeux comme Guildes³⁸, Agone³⁹ ou Dark Earth⁴⁰ faire peau neuve ne serait pas forcément une mauvaise chose (notamment pour en faciliter l’accès aux « jeunes » rôlistes)… Vous en pensez quoi chez Ludika ?

Frédéric : Là aussi, je suis très souvent sollicité pour les jeux que tu pointes ainsi que pour RétroFutur⁴¹ ! Certains de ces projets sont difficiles car il y a des problèmes de droit, d’autres peuvent se faire ! On verra bien 🙂

RétroFutur… Si seulement, voilà un jeu qui gagne à être connu

Quelque chose à ajouter, que ce soit à propos de Ludika, Mnémos ou d’une manière plus générale ?

Frédéric : Je dirai juste qu’après 30 ans, faire du JDR (le lire, le pratiquer, le concevoir, l’éditer) reste pour moi une expérience personnelle comme professionnelle extraordinaire ! Plus nous avançons dans le temps, plus je pense que ce média a véritablement changé et anticipé une partie de nos cultures contemporaines. Bien sûr, pour le jeu vidéo c’est flagrant mais dans l’écriture romanesque, sérielle, cinématographique, voire jusque dans l’art contemporain, on peut sentir l’influence forte des concepts de base du JDR.
Quand je vois l’incroyable créativité de nos jours, la multitude de super idées, concepts, designs, R&D ludiques, tant dans les jeux narratifs, dans l’OSR que dans les grosses machines « classiques » sans compter le retour en grâce du média en tant que tel depuis la sortie de la 5e de D&D, je trouve tout cela vraiment magique. Je suis un peu comme un gamin dans un magasin de confiserie…

Voilà voilà… Je ne sais pas pour vous, mais moi je vais foncer mercredi dès le démarrage du projet. Abstract a été pour moi la plus belle découverte de 2020 au niveau des systèmes de jeu, tant par sa simplicité que par la liberté qu’il accorde (vraiment, pour une fois) aux joueuses et aux joueurs quant aux actions de leurs personnages (si vous ratez une action, c’est que vous l’avez choisi, et lorsque vous la réussissez, c’est selon vos termes) et mon amour inconditionnel pour les grands cycles de Farmer ne saurait tolérer que je passe à côté de ce jeu.
La première mouture chez Descartes m’avait totalement séduit et ce nouveau jeu (car oui, définitivement il s’agit bel et bien d’un nouveau jeu, pour celles et ceux qui douteraient encore à cause du nom) me vend déjà du rêve, de part son positionnement, sa mécanique et son esthétique.
Avec ce projet, Ludika va frapper fort et je souhaite de tout cœur que ce démarrage explosif (selon mes goûts) ne soit que l’amorce d’une longue et fructueuse collaboration entre les XII Singes et Mnemos, afin de nous proposer nombre de beaux projets dans les prochaines années (pauvre de mon portefeuille), ce qui semble bien être le plan des machiavéliques Seigneurs aux commandes de cette belle machine de création.
Vivement mercredi 😁

Pour le plaisir des yeux, tout de même la première adaptation parue chez Descartes

Propos de Frédéric Weil et de Stéphane Arnier recueillis par David Barthélémy

En bonus, quelques documents pour découvrir le jeu :
Exemple de personnage
Kit de présentation
Sommaires
Présentation des mondes-aventures

Notes et références :

1 Fritz Leiber
2 Roger Zelazny
3 Philip José Farmer
4 H.P. Lovecraft
5 A.E. van Vogt
6 Le Cycle d’Ambre
7 Thoan
8 L’Appel de Cthulhu
9 Léonidas Vesperini
10 Editions Mnemos
11 Les XII Singes
12 Ludika
13 La trompe de Shambarimen : ancien artefact Thoan permettant d’ouvrir n’importe quel portail, à condition de jouer la bonne série de notes
14 Frédéric Weil
15 Stéphane Arnier
16 Multisim
17 Néphilim
18 La Saga des Hommes-Dieux
19 Franck Plasse
20 Abstract Donjon
21 Dogan Oztel
22 Les Portes de la Création
23 Jadawin : Seigneur d’Alophbethmin, le Monde à étage
24 Anania : Soeur de Jadawin
25 Luvah : Frère de Jadawin
26 Manathu Vorcyon : Grande scientifique Thoan
27 Les Cloches Noires : Invention Thoan destinée au transfert d’esprit et ayant accédé à la conscience, elles représentent la plus grande menace que leurs créateurs aient jamais eu à affronter.
28 Robert Wolf : Terrien protagoniste du premier roman du cycle et entouré de mystère
29 La Geste des Princes Démons
30 Steven Brust
31 Valabar & Fils : Meilleur restaurant de tout Adrilanka
32 Jadis
33 Nicolas Fructus
34 Charlotte Bousquet
35 Mathieu Gaborit
36 Régis Antoine Jaulin
37 Raphaël Granier de Chassagnac
38 Guildes
39 Agone
40 Dark Earth
41 Rétrofutur



Avant la sortie

Entretien avec Xavier “Tikokh” Brault autour de Okimba : Le Jeu de Rôle

Qu’on se le dise, le monde du jeu de rôle français est assez petit, en dépit d’un essor certain ces dernières années. Comme dans tout bon microcosme, tout se sait, tout se discute et quand les informations ne filtrent pas sur les différents réseaux (sociaux, amis, collègues ou connaissances), on peut toujours compter sur la rumeur pour apprendre l’existence de projets insoupçonnés… Sauf que dès fois, on arrive quand même à avoir des surprises. L’une des dernières remonte à quelques mois avec Ocelo1 (l’horreur mythologique) qui a poppé du jour au lendemain, comme ça, sans prévenir… et aujourd’hui (enfin… hier), ce fut au tour de Okimba. Alors Okimba, qu’est-ce que c’est, et comment se fait-il que l’on n’en n’ait jamais entendu parler avant ?

1 : Bon, déjà Bonjour Xavier. Dis-moi, tu es un petit cachottier pour avoir réussi à garder secret ton jeu tout ce temps (on me chuchote que tu as tout de même planché quatre ans dessus avant de nous présenter ton projet), du coup je m’interroge… Tu l’as développé dans une grotte isolée au fin fond du Vercors où tu as menacé des pires sévices tout ton entourage en cas de divulgation ?

Bonjour David ! Alors déjà, tu es un putain de voyant lvl 20 parce que je me suis en effet isolé plusieurs fois à la campagne ou à la montagne pour me focus en mode moine sur les illustrations. Des fois, je donnais tellement plus de nouvelles que les copains croyaient qu’il m’était arrivé quelque chose. La seconde raison, c’est que je suis une brêle des réseaux sociaux et du marketing. Un putain d’ermite, j’te dis ! Du coup, je n’ai pas communiqué et je n’ai pas créé de communauté en amont. Et quand y’a des gars ultra gentils comme vous qui m’aident à diffuser le crowdfunding, ça me touche énormément parce que c’est vraiment mon talon d’Achille.

2 : Du peu que j’ai vu sur ta page Ulule, ça m’a tout l’air d’être un chouette projet, étroitement lié à tes illustrations. Tu pourrais nous en dire un peu plus sur le pitch du jeu (même si ta vidéo de présentation fournit pas mal d’infos) ainsi que sur l’ambiance que tu souhaitais faire passer ?

Paie ton Shaman !

« Dans un monde fait de survie, de shamans et de voyages, vous jouerez des bêtes ayant acquis la conscience et qui vivent en craignant le réveil du grand cornu, de l’aplatisseur de montagne, du père des géants…OKIMBA« 

On peut vraiment résumer ce jeu de rôle en 3 mots. La survie, la tribu et le mystère.
Survie, parce que c’est un monde sans pitié et épique qu’il faudra affronter avec nos crocs et nos griffes.
Tribu, parce qu’ensemble, il est plus facile de survivre et la tribu devient tout pour l’individu même si tout semble vouloir séparer les gens entre eux, différentes races, différentes religions, différents modes de vie, etc… Il faudra donc apprendre à vivre ensemble.
Enfin, les secrets, le manque d’information dû à une tradition orale et surtout le monde des esprits apportent cette brume qui noie le tout dans le mystère !

3 : Les illustrations, parlons-en. En me promenant sur ton profil instagram (haaaan quel vilain curieux), je me suis plusieurs fois surpris à penser à Caza2… Si je te dis ça, tu penses en premier à une chaîne de magasins de décoration d’intérieur ou ça ne te surprend pas et tu vois où je veux en venir ? 

Je ne connaissais pas Caza, du coup j’ai regardé et certaines illustrations me font un peu penser à Moebius, dont j’adore le travail. Mais si tu veux avoir mes influences, c’est extrêmement simple. J’ai appris à dessiner sur le tas, en regardant des vidéos YouTube ou des BDs. Etant un gigaaaaaa fan de la quête de l’oiseau du temps3, j’ai cherché comment Lencot4 à la couleur et Loisel5 au dessin avaient fait, quels pinceaux ils avaient utilisés et tout ! Je l’ai longtemps imité, mais jamais égalé… ahaha… Après, j’ai pris d’autres codes graphiques, j’ai trouvé un peu le style propre d’Okimba, mais il y a une grosse base qui vient de l’imitation de Loisel

Quand j’ai commencé Okimba, le style BD traditionnel est devenu vite une évidence parce qu’il y avait deux choses qui m’intéressaient. Déjà l’efficacité. En BD Tu as 4 à 7 cases par page, tu ne peux pas passer une semaine sur une case, il faut aller vite, trouver des codes efficaces, jouer sur la mise en scène et les effets graphiques. Mon deuxième intérêt, était l’âme qu’il y avait dans les dessins. C’est dur à expliquer comme concept, mais j’en avais marre des peintures digitales dans les bouquins de jeu de rôle. Plus rapides à faire, plus facilement impressionnantes, mais pour ma part, souvent froides. Je pense que c’est dû à la perfection de ces dessins, qui en vient à faire oublier qu’il y a un humain, un artisan derrière, qui les a fabriqués avec ses mains et son cœur !

4 : J’ai de plus en plus au fil des années, un goût prononcé pour les jeux indépendants ou les maisons d’éditions qui prennent des risques (même si en soi, se lancer dans l’édition est à la base une entreprise des plus hasardeuses). Dans le cas présent, tu as monté ta propre structure (Galion Sauvage6) pour t’éditer. C’est le résultat d’une volonté affirmée de garder le contrôle sur ton bouquin ou c’est parce que tu vois plus loin une fois Okimba paru ?

Okimba, le jeu de rôle, est le 4ème projet que je fais sur le même univers. J’en ai raté trois avant. Projets trop gros, éditeurs qui veulent rajouter des elfes, des zombies et des nanas à poils dans le projet (j’exagère à peine), équipe qui perd en motivation et m’abandonne… Je me suis dit pour celui-là, je le finis et je le sors ! Personne ne veut m’aider, je me démerde. Personne ne veut m’éditer, je vais créer ma boite ! Ça donne un projet hautement perfectible mais au moins, il existe !

Galion Sauvage est une boîte crossmédia. En gros, on prend un univers et on le développe sur plusieurs supports. Un jeu de rôle, un roman, une série audio, un jeu vidéo… Les projets sont complémentaires entre eux et révèlent chacun des clés de l’intrigue global de l’univers. C’est là où le crowdfunding est important, car s’il cartonne, ça va motiver les investisseurs pour les projets futurs dans le même univers !

5 : Quatre ans dans une vie, ce n’est pas rien. Est-ce que tu as eu des coups de mou, des élans d’enthousiasme à propos de ton projet ? Et si oui, qu’est-ce qui t’as motivé à continuer jusqu’au bout là où au final, beaucoup finissent par baisser les bras et passer à autre chose ?

Je vais pas te mentir, à la fin, j’en venais à détester mon projet, je me trainais pour travailler dessus. Les illustrations qui n’en finissent plus. Tu as une nouvelle idée de gameplay, il faut refaire toute une partie du livre. Les relectures qu’on sous-estime tous ! Et la fatigue physique et mentale. Le livre que vous voyez en crowdfunding est la version 7 du jeu. J’ai recommencé énoooormément de fois. Ça a été particulièrement dur parce que c’était 4 ans de mon temps libre. Donc, Déjà fatigué d’un 40h / semaine sous pression, je devais aller sur ma table à dessin pour faire les 60 illustrations qu’il y a dans le livre. Et je suis un connard de perfectionniste, donc quand je ne suis pas satisfait, je refais encore et encore les dessins. Je venais plus au fête avec les copains, parce que j’aurais perdu une soirée de dessins et que le lendemain j’aurais été fatigué. Ça a aussi été dur parce que je ne savais pas dessiner quand j’ai commencé, j’ai donc dû apprendre en même temps que produire, ce qui est extrêmement compliqué ! 

Voyons, faut pas déprimer, une vue comme ça, ça remonte le moral

J’avais beau être un battant, j’ai eu de sacrés moments de déprime. Ce qui revenait comme pensée le plus souvent c’était “mais pourquoi je me fais autant chier, tout le monde s’en fout de mon projet”. Mais heureusement, heureusement, qu’il y a eu les parties de tests. A chaque version du jeu, on testait avec des nouveaux joueurs qui ne connaissaient pas le projet, voir même le jeu de rôle et les retours étaient très encourageants. Les rôlistes y jouaient comme si c’était un “vrai” jeu de rôle. En plus de ça, il y a eu les copains. Prenez soin de vos amis, parce que franchement sans eux, je n’aurais ni poussé autant le projet, ni fini tout simplement.

6 : Pour en revenir au monde d’Okimba, tu as choisi de faire jouer des animains plutôt que des nains ou des elfes (déjà rien que pour ça, bravo)… Comment tu as prévu de transmettre le caractère spécifique de tes personnages aux futurs joueurs et MJ, parce que, soyons francs, tout le monde ne maîtrise pas forcément la psychologie du furet, de la mante religieuse ou du scarabée ?

Okimba s’inspire beaucoup de l’Afrique. Les noms sonnent africains, les inspirations d’animaux qu’on joue viennent souvent d’afrique (hyène, lion, etc…), il y a des masques, des shamans, etc…Si L’Afrique est à la mode aujourd’hui après Black Panther7 ou Spider Man into the Spider Verse8, à l’époque ça ne l’était pas. Quand je voulais trouver des financeurs ou éditeurs, on voulait toujours me changer des trucs pour le mettre plus “vibe” mythologie nordique ou celtique. On aime tous Tolkien mais arrêtons de l’essorer le pauvre xD. J’ai vu des projets de jdr super intéressants avec des univers arabes ou asiatiques et arrivé à la création de perso je voyais les éternelles humains, elfes, nains, guerriers, rôdeur, magicien…
Je comprends la démarche. C’est rassurant et économiquement plus intelligent de rester dans ce que les joueurs connaissent déjà pour récupérer une partie de la communauté déjà créé par les jeux de rôle connus, pour ne citer que D&D par exemple. Alors je me suis dit : “Tant pis, tu ne feras pas d’argent avec Okimba mais au moins portes tes couilles jusqu’au bout, Tikokh !”
Pour ce qui est des personnages jouables. On joue des animaux ayant acquis la conscience d’eux-mêmes, la parole et l’organisation en tribu. On peut vraiment faire le rapprochement avec l’odyssée humaine et les hommes de cro magnon qui deviennent de plus en plus intelligents et empathiques, mais aussi plus rusés et manipulateurs.
Dans le jeu, un des thèmes est le progrès qui développe le confort des animains mais déséquilibre la nature. Ce conflit est dans chaque animain, certaines races sont plus évoluées que d’autres mais toutes ont ces deux facettes en elles. Les joueurs pourront donc choisir s’ils parlent correctement, comme un gankou (des genres de troqueurs / baratineurs) ou avec des cliquetis comme les kizaalis (des insectes fraîchement arrivés dans la liste des animains).

7 : Tu nous parles d’une technologie du niveau de l’âge de pierre (Pierre ? … non non, Guy… bon, je sors !) et d’un monde hostile dans lequel la tribu est un gage de survie pour les personnages. Du coup, tu as prévu des mécaniques dédiées autour de ce thème de la cohabitation ?

Oui, tout tourne autour du “apprendre à vivre ensemble”, ce qui est intéressant métaphoriquement parce que, dans une partie de jeu de rôle, on est aussi un groupe de joueurs qui doivent apprendre à jouer ensemble. Même si tu as un pote qui ne veut que de la castagne, l’autre qui ne veut que roleplay, un qui veut respecter à la lettre les règles du jeu et enfin un dernier qui est sur son téléphone, tu dois trouver le moyen de fédérer tout le monde autour d’une quête. Dans Okimba, ta quête, c’est de survivre.

Ca va être tout noir ! Ta gueule !!!


En termes de système, le jeu prévoit mécaniquement les principes de survie. On tombe malade quand on ne mange pas assez ou qu’on ne soigne pas une plaie. Un accent particulier a aussi été mit sur les besoins physiologiques ; carnivore, herbivore, sang froid ayant besoin de chaleur, nyctalopie, méthode de reproduction, etc…
Concernant la cohabitation, tu trouveras avec chaque lignée (les races) une description précise de son système hiérarchique : patriarcale ? matriarcale ? Individualiste ? Communautaire ?
Il n’y a pas de mécanique à proprement dite pour gérer cet aspect là, hormis la caractéristique de Coeur qui est un mélange entre le courage et l’empathie, mais l’univers fournit au MJ un max de leviers moraux (préparez vous aux dilemmes ! ahahaha ) qui vont booster son scénario et ces interactions entre personnages.

8 : Maintenant que la boîte de Pandore des systèmes de jeu est ouverte (Hahaha !), tu ne vas pas y couper… des dés à douze faces… Mais dis moi qu’est-ce qui t’as pris ? Tu as des stocks à écouler ? Et au-delà de ça, tu peux développer un peu à l’intention des passionnés de belles mécaniques ? 

Ahahahah, tu vas rire, mais j’ai fait beaucoup de tests de labo, genre ultra sérieusement avec du code et tout, ahahah ! Et les D12, en termes de probabilités et d’équilibrage, étaient nettement supérieurs. Cumulé au fait que dans mon univers le chiffre 12 est lié au lore, c’était tout trouvé. Mais je sais que beaucoup d’entre vous vont me détester parce qu’ils vont devoir se reprendre tout un set de dés ahahaha. Désolé les gars ! Sinon, prenez le pack “SHAMAN”, il y a des dés avec ! (#vendeurDeTapis)

9 : En l’état, le financement concerne un livre que tu nous dis être complet, ainsi qu’un carnet de voyage présentant la conception de cinq illustrations. Pas d’écran ? Pas de campagne prête à jouer ou de scénarios dans le livre de base afin d’aider les gens à prendre ton univers en main ? Tu ne nous préparerais pas un second financement qui débarque du jour au lendemain par hasard ?

Alors, c’est très simple, j’ai dû faire un choix. à un moment, le livre faisait 300 pages, il y avait un bestiaire, une campagne, etc…Si je voulais tout faire avec mon exigence de psychopathe, ça m’aurait pris 2 ans de plus. AU MOINS !

Miam… vivement que tout ça arrive !

Je voulais pas faire un crowdfunding où les gens payent et attendent l’infini pour avoir leur livre. J’ai donc décidé de sortir d’abord le bouquin de base, avec univers, création de perso et règles du jeu. Commencer à me connecter avec des gens comme toi, avoir des retours des joueurs, créer une communauté Okimbesque. Et de prendre mon temps pour faire ces livres complémentaires, afin de les sortir plus tard. Bien sûr, en crowdfunding !

10 : De ce que j’ai cru comprendre, c’est un petit tirage qui est envisagé pour Okimba et en conséquence tu as fait des choix très tranchés en terme de qualité du livre. Alors, c’est très bien pour celles et ceux qui vont te suivre pour le financement, mais comment tu comptes gérer la demande une fois le ulule terminé (je trouve dommage, même si je comprends tout à fait les raisons économiques d’un petit tirage, de ne pas être présent activement dans les boutiques pour toucher un plus grand nombre de personnes) ?

Le tirage, je peux en sortir autant que je veux, donc si demain, le crowdfunding explose, il n’y aura aucun souci pour sortir une masse de bouquins. En vrai, les prix des impressions étant dégressifs par rapport à la quantité, plus j’ai une grosse demande, mieux c’est pour moi. D’où le fait de faire d’abord un crowdfunding, au lieu de juste ouvrir une boutique en ligne, j’ai l’argent en avance. 

C’est vraiment juste une question de rein. M’éditant moi-même, je ne peux pas sortir 25000€ pour imprimer 1500 bouquins en avance.

Voilà voilà… Si comme moi vous êtes sous le charme de ce jeu aux délicats parfums d’exotisme, de mystère et de promesses d’aventure, n’hésitez pas à soutenir le projet sur la page Ulule.
Nous avons ici à peu près tout ce qui me plait en terme de création : un auteur sympa et disponible, vraiment passionné par son propos, un réel talent d’illustrateur et un engagement personnel fort pour concrétiser sa vision de ce que doit être son jeu…
Môssieur Tikokh, je vous dis bravo et espère sincèrement que ces quelques lignes pourront aider Okimba à se concrétiser.
Mes petites mains de rôliste sont toutes fébriles à l’idée de parcourir le livre de base ainsi que le carnet de voyage dans un futur très proche (car oui, on ne vous l’a pas dit, mais si tout va bien, le jeu devrait être disponible dès cette année… à priori sous 1d3 mois + malus structurel de Covid).
Donc, foncez et soutenez la création indépendante (sans vouloir vous commander hein, mais SHAME !!!! si ça ne vous parle pas un minimum)

Hop hop hop ! On donne des sioux au monsieur qui fait des beaux dessins

Le lien vers la page Ulule :

https://www.ulule.com/okimba-le-jeu-de-role/

Propos recueillis auprès de Xavier « Tikokh » Brault par David Barthélémy

Notes et Références :

1 Ocelo
2 Caza
3 La Quête de l’Oiseau du Temps
4 Yves Lencot
5 Régis Loisel
6 Galion Sauvage
7 Black Panther
8 Spider Man into the Spider Verse


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Ce que j’en pense, Vermine 2047 : Kit de Survie

Saloperie de Rouge-Feu

Scrttt… crrr… crcrcr… Scrtttttt…
La fièvre semble retomber un peu.
Ça fait quoi… deux … trois… peut-être quatre jours que je suis coincé ici.
Saloperie de rouge-feu… Non, soyons honnête… saloperie de fatigue.
Si j’avais été reposé, j’y aurais pensé et ne me serais pas étendu à même le sol comme le premier bleu venu, au risque de me faire mordre par un rampant.
Allé, je ne suis pas encore mort, j’en prends bonne note et ne me ferai plus avoir.
J’ai soif… la gourde… Merde… vide.
J’ai dû tout boire pendant que je délirais… Merde !!!
Bon, arrête de râler, tu n’aurais pas bu, tu serais mort…
N’empêche, j’ai soif…
Allez, trouver de l’eau…
Haaa… merde… ma jambe… put’… cette saloperie ne m’a pas raté… l’eau attendra, il faut que je m’occupe de l’infection… Et j’ai faim… Monde de merde…

Salut à vous, amateurs de fin du monde… enfin, non, pas du monde, de la civilisation (car oui, le monde se passe très bien de nous quand il s’agit de poursuivre sa route).
Nous allons donc parler aujourd’hui de Vermine 2047, la nouvelle édition de ce jeu post-apo de Julien Blondel1.

Vous l’aurez sûrement vu fleurir sur vos réseaux sociaux favoris ces derniers temps, le financement est en cours jusqu’au 15 avril et connaît d’ores et déjà un très beau succès (on a passé les 115 000€ tout récemment).

Alors, Vermine 2047, c’est quoi ?

La Forme

Déjà, c’est une fort jolie boîte (je parle de la version « collector ») contenant un livre de 128 pages à couverture souple, un écran à trois volets format paysage (un vrai, tout beau tout dur, pas un bout de carton souple plié en quatre), six fiches cartonnées présentant chacune, sur une double page, l’un des persos prétirés, ainsi qu’une fiche vierge.

Du beau matériel pour une boite bien remplie

Après une double page contenant les crédits du jeu et un sommaire détaillé, Vermine va nous présenter la traditionnelle définition du jeu de rôle, quelques indications quant aux thèmes, types d’ambiances… et surtout, les trois différents modes de jeu qui sont proposés pour animer vos parties (survie, cauchemar et apocalypse).
Le livre détaille ensuite l’univers de jeu sur 25 pages au travers du récit d’Iza, une survivante des grands chamboulements qui auront mené au monde de 2047. Plus qu’un univers, c’est réellement l’ambiance du jeu qui nous est dépeinte au travers de ces pages et c’est très bien ainsi.
Le monde de Vermine est fait d’incertitude, l’ère de l’information étant révolue depuis maintenant longtemps. Tout n’est dorénavant plus que rumeurs et colportages…
La société telle qu’on la connaît a cessé d’exister, elle s’est effondrée au fil du temps, des changements climatiques et des épidémies.
Ce qui reste d’humanité s’est bien entendu déchiré, s’arrachant les dernières miettes d’un confort en déclin jusqu’à ce qu’il n’en reste plus une once. Les villes se sont transformées en tombeaux à ciel ouvert servant de repère aux prédateurs comme aux charognards et les campagnes ont fini de reprendre leur sauvage liberté, oubliant au passage d’y conserver une place pour l’homme qui lui, tend à redevenir ce qu’il était au départ… un simple maillon perdu au milieu d’une vaste chaîne alimentaire.

Les pages 25 à 71 vont nous présenter l’ossature du système de jeu (le système Totem) de manière simple et complète, décortiquant les composantes du personnage, la mécanique de résolution des actions, l’équipement, les soins, le combat, et conclure sur les spécificités des différents Totems.
Au nombre de dix (dont deux un peu particuliers), ils sont autant des guides de roleplay définissant la manière d’appréhender le monde qu’une option de personnalisation supplémentaire du personnage. Nous avons donc le Prédateur, le Symbiote, le Charognard, le Parasite, le Bâtisseur, la Ruche, la Horde et le Solitaire.
Ils sont tous caractérisés par des instincts (triompher, affaiblir, voler, partager, créer, survivre …), des interdits (fuir, s’apitoyer, négocier, saboter …) et un caractère (déterminé, calculateur, manipulateur …) qui serviront à poser des bases solides pour l’interprétation de vos alter égo. Chacun d’entre eux fournit également une liste de capacités spéciales, en fonction du mode de jeu retenu, capacités conférant des bonus pour résoudre des actions ciblées (seules celles concernant les personnages prétirés du kit sont ici décrites).

Quelques exemples de Totems

Les deux Totems particuliers sont l’Humain et l’Adapté. Ils se placent à part dans le sens où ils vont se greffer au Totem de prédilection de votre personnage, représentant le conflit permanent existant entre la part d’humanité en tout un chacun et la nécessité d’adopter certains comportements pour survivre et évoluer dans ce nouveau monde.
En plus des Totems individuels, Vermines propose de choisir un Totem de groupe, qui fixera les grandes tendances de votre équipe de Pjs et fonctionnera sur les mêmes principes.
Le groupe a toute son importance dans un jeu où la survie est l’un des enjeux principaux (si ce n’est l’enjeu principal tout court) et bénéficie d’une double page dédiée détaillant son fonctionnement et les capacités qu’il accorde aux personnages (bonus, réserves de dés, moral …), de manière assez succincte, format kit de découverte oblige.

Les pages 72 à 87 renferment les fiches des personnages prétirés ainsi que des conseils sur les derniers réglages à opérer avant de lancer votre partie (présenter Vermine, groupe, utilité des réserves de dés, objectifs, customisation des persos …).

La dernière partie du livre (pages 90 à 128) propose trois scénarios (le Village 14 pages, les Eoliens 8 pages et les Silencieux 8 pages), des règles d’expérience (individuelle et de groupe) et enfin, les règles de création de Pnj (humains ou créatures) avant de se conclure sur une page d’index.

Ne reste plus qu’à évoquer la qualité d’écriture du jeu (il y a quelques jolis noms qui participent au projet, allez voir sur la page de financement), qui permet de s’enfiler ça comme du petit lait, la mise en page soignée ou les illustrations toutes plus malaisantes les unes que les autres et hop, vous aurez une bonne idée de ce que contiennent les pages de ce livre.

Les règles

Le système Totem, sous des airs touffus est assez simple. On lance une poignée de dés à 10 faces contre une difficulté (de 3 évidente, à 10 impossible), un succès suffisant à accomplir l’action et les succès excédentaires servent à améliorer la réussite.
Les caractéristiques de vos persos sont à la base de votre pool de dés. Vous ajouterez ensuite éventuellement un à deux dés si vous possédez la compétence adéquate et suivant le niveau de cette dernière, vous pourrez même relancer un à deux résultats qui vous auraient déplu.
Il y a bien sûr des subtilités, comme les Handicaps qui rendent nécessaire l’obtention de succès supplémentaires à la réussite d’une action, l’utilisation des réserves (effort, sang-froid, de groupe), les dés conférés par l’usage des Totems, le Moral, le Matériel … Alors certes, ça parait chargé énoncé comme ça, mais c’est cohérent et ne nécessite qu’un peu de pratique pour être acquis, de plus, tout est bien résumé dans l’écran de jeu (ça c’est appréciable, vous n’aurez pas à faire des allers-retours permanents dans le livre de règles).

Le panneau central de l’écran reprenant clairement des règles utiles en jeu

Pour ce qui est du combat et des blessures, là vous allez souffrir !
En effet, le jeu se veut dur (lire punitif) et par conséquent, il ne sera pas anodin de se prendre un coup de machette ou une balle de fusil. Les soins seront d’autant plus importants qu’en cas d’infection des blessures, vos personnages ne vaudront rapidement plus grand chose. Si l’on ajoute à cela les conditions météorologiques, les chocs et les éventuelles morsures de bestioles, vous comprendrez aisément pourquoi on insiste tant sur la notion de Groupe dans le jeu.
Il parait très compliqué de jouer un héros solitaire à la Mad Max (forcément, quand on dit post-apo on pense à lui), si ce n’est suicidaire.
Le groupe est donc votre salut (au moins temporaire), avec tous les avantages/inconvénients que cela suppose. En cela, les règles fournissent tout ce qu’il faut pour amener des tensions à la Walking Dead2 par le biais des différents Totems des personnages qui devront cohabiter avec celui du groupe, au risque de le rendre dysfonctionnel et source d’ennuis.

Le Fond

Comme disait l’autre, « noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir » (damned, je ne pensais pas un jour citer ça en référence… !?!).
Comme je vous le disais plus haut, la civilisation n’est plus et ça, quand on doit survivre dans une nature redevenue globalement hostile… ben… ce n’est pas simple.
Les villes se sont transformées en pièges à rat (et maintenant, le rat… c’est vous), véritables mannes de cadavres, abris et terrains de chasse pour toutes sortes de bestioles. Les campagnes ne valent finalement guère mieux, offrant toutefois l’avantage de disperser les dangers potentiels sur une vaste zone, ce qui au final vous permettra (peut-être) de passer entre les gouttes.
Les seules menaces ne sont bien sûr pas qu’animales (ou insectoïdes) mais également très humaines.
Quand il est question de Survie (oui oui, avec un grand S), l’être humain n’est pas forcément très très enclin à la charité et à la bienveillance (surprenant n’est-ce pas ?) et bien souvent, tendra naturellement à prioriser sa propre personne face aux intérêts d’une autre.
Tribus cannibales, pillards organisés, familles dégénérées ou juste égoïstes survivalistes seront au programme, composant ainsi le quotidien de vos chers petits personnages (qui d’ailleurs pourront très bien appartenir à l’une des catégories susmentionnées), le tout entre fourmilières géantes, hordes de rats et autres joyeusetés offertes gracieusement par Dame Nature.

Ca donne bien le ton, on n’est pas là pour faire la fète !

Le système va donc vous proposer trois modes de jeu, qui définiront en grande partie la teneur de vos aventures.
Le mode Survie : ici, pas de mutants, de créatures gigantesques ou de pouvoirs hors du commun conférés par les Totems. Le monde se veut réaliste et dur, proposant déjà bien assez de difficultés pour tout individu désireux de mener une petite vie tranquille (hahaha), au travers de petits plaisirs simples comme la maladie, la faim, la soif, les infections diverses et les voisins un peu trop envahissants.
Le mode Cauchemar : Les bestioles deviennent soudainement plus grosses (et teigneuses), les gens plus sauvages (au moins certains), et les personnages ont accès à un panel plus fantaisiste de « pouvoirs ». Clairement, ici le fantastique vient interférer dans le récit, et rarement pour le bien de tous.
Le mode Apocalypse : Zombies mutants, scarabées de la taille d’une voiture, colonies de rats intelligents et malveillants… Tout devient possible, surtout le pire et là, le post-apo dark prend véritablement de l’ampleur, afin de maltraiter vos personnages de toutes les manières possibles et imaginables.

A vous de bien choisir ce vers quoi vous voulez tendre, sachant qu’il sera toujours possible d’aller dans le sens de l’escalade, passant du mode survie au mode cauchemar, voir apocalypse au gré des révélations survenant durant vos parties.
Il est à noter que Vermine n’est pas un jeu à secrets, l’un de ses gros points forts étant les rumeurs.
Ce sont les joueurs, qui par un système de vote, vont trancher sur la véracité ou non des rumeurs que le Mj fera courir durant ses scénarios. C’est malin, permet d’impliquer les joueurs et devrait apporter de jolies choses à vos tables selon comme vous choisirez de gérer la chose.

Conclusion

Vermine est un jeu que j’affectionne, par nostalgie (la première édition3 était déjà très chouette), mais aussi de par la liberté qu’il procure. Le choix de se placer dans un contexte familier (la France que vous connaissez presque, le village d’à côté…) mais en faisant un pas de côté vers l’effondrement consommé, permet de se placer tout de suite dans l’ambiance du jeu… à savoir… que c’est la dèche.
Vos personnages manqueront de ressources, de vivres, de confort, d’entrain parfois (souvent), de chaleur, bref… ils manqueront de tout. Je trouve cela intéressant, car ici on ne nous promet pas de grands héros dépourvus de défauts (… massacrant néanmoins leur prochain à tour de bras, et ce sans sourciller), mais des gens en situation de survie dans un monde qui ne veut clairement plus d’eux et luttant (ou pas) pour préserver une petite part d’humanité tout en évitant de sombrer dans la barbarie la plus profonde.
Bien sûr, en fonction du mode de jeu que vous choisirez, vous pourrez vous éloigner de la réalité pour aller vers des récits plus fantastiques, mais je trouve (très personnellement) que c’est passer à côté de ce qui fait la force du jeu.
Là où un Kult4 (dont la dernière mouture est également en cours de financement) vous proposera une horreur malsaine, fantastique et finalement très « romancée », Vermine tape là où ça fait mal, dans l’humain et l’absence de repères civilisationnels.

Kult, un excellent jeu d’horreur au demeurant, mais pas dans la même veine que Vermine

Que reste-t’il de nous une fois le vernis de la vie en société enlevé ?
Nous réduisons-nous à une somme d’instincts ou au contraire, allons-nous lutter pour rester « humains » et faire perdurer un vivre ensemble rendu fragile par un environnement hostile ?
Je pense que Vermine nécessite des joueurs matures afin d’en tirer la substantifique moelle et privilégierai pour ma part le mode survie, l’horreur étant à mon sens bien plus marquée (et marquante) lorsqu’elle vient principalement de nous.
Si vous êtes d’un naturel angoissé ou ne supportez pas la violence psychologique, passez votre chemin (ou misez à fond la carte du fantastique), mais sachez qu’une fois que vous aurez lu Vermine et réfléchi cinq minutes sur la portée éventuelle du retour au sauvage tel qu’il est décrit dans le livre, vous risquez de ne plus dormir sur vos deux oreilles pendant quelques jours avant de revenir à votre confortable quotidien.
Quant au kit en lui même, vous noterez que je n’ai pas évoqué les scénarios (à dessein) car ce serait gâcher la surprise pour celles et ceux qui liraient ce retour sans compter maitriser le jeu, mais qu’ils sont de très bonne facture et vous permettront de découvrir ce que la bête a dans le ventre en attendant la suite de la gamme (en financement jusqu’à demain soir, puis dans vos boutiques jusqu’à effondrement).
Bref, Vermine, ça pique et ça gratte, pas toujours de manière confortable, mais qu’est-ce que c’est bon (mangez-en avant que les petites bêtes ne vous mangent).

Notes et Références :

1 : Julien Blondel
2 : The Walking Dead
3 : Vermine v1
4 : Kult

Focus

Entretien avec Nicolas « Gulix » Ronvel

Nous poursuivons notre tour des indépendants du jdr avec aujourd’hui Nicolas “Gulix” Ronvel1, auteur de nombreux jeux au format court, traducteur et papa du tout récent Face au Titan2, un jeu sans meneur de son cru, disponible en pdf et en impression à la demande sur DrivethruRPG3.

Voilà, ça c’est un auteur heureux

Bonjour Nicolas. Attaquons avec ton actualité …
Jusqu’ici ta grande spécialité c’était plutôt les jeux courts (en une page, pour trop long ; pas lu4), les cadres de jeu pour Fiasco5 et Monster of the Week6 ou encore des traductions comme Mausritter7 ou Dino Island8.
Alors dis-moi, qu’est-ce qui a fini par te pousser à te jeter dans la création de Face au Titan (qui, rappelons-le, pèse tout de même ses 372 pages) ?

Alors, commençons par rétablir la chronologie de tout ça. Parce que si Face au Titan ne sort que maintenant, il a en fait émergé à l’été 2018. Et a pris forme et consistance autour de l’automne et l’hiver suivants. Alors que les traductions de Escape from Dino Island et Mausritter ne sont intervenues que plus tard, quand la grosse machinerie était lancée.

L’envie, elle est venue en créant justement des suppléments (pour Monster of the Week, Fiasco ou Dungeon World9) et aussi en traduisant des jeux (notamment pour la Caravelle10, comme A Single Moment11 ou Death of Legends12). J’avais cette envie de porter un projet, de porter ma vision et d’en faire un ouvrage complet. Pas juste un supplément.

J’aime l’exercice de création, et j’avais participé à des concours de création (GameChef13, 200-word RPG14, Trois fois forgé15 …) qui m’avaient mis l’eau à la bouche. J’avais un autre projet (sur lequel je reviendrai un jour) qui avait toute mon attention, sur lequel je réalisais des playtests, pour lequel j’avais même contacté des éditeurs. 

Et puis Face au Titan a débarqué sans prévenir. Une écriture estivale au camping, suite à des idées qui ont émergé de souvenirs lointains à propos d’une nouvelle dans un vieux supplément de Necromunda16. J’ai écrit pleins de trucs, trouvé cette idée de phases, et tout s’est enchaîné rapidement.

Les tests étaient concluants, et je me suis lancé dans cette aventure sans forcément bien savoir où cela allait me mener.

Pour celui-ci, tu as eu recours au financement participatif par la plateforme Kickstarter17, tu pourrais nous parler un peu de ce que ça a changé pour toi en tant qu’auteur (et du coup éditeur), dans la méthode, la conception du projet, ainsi que les avantages/inconvénients de la chose ?

Plus je travaillais sur le brouillon du jeu, plus je voulais en voir une version complète. Avec notamment des illustrations. Et comme je ne sais pas dessiner, il me fallait un illustrateur. Et donc le rémunérer. Je n’avais à l’époque pas les fonds, et aussi une volonté de ne pas perdre d’argent (autre que celui de mon temps) sur le projet. Donc, l’idée de monter une campagne de financement a germé très vite. Et puis j’étais curieux de l’envers du décor.

A côté de ça, Face au Titan est un jeu de rôle particulier, parce qu’il s’agit d’un jeu sans meneur, avec un système où la narration l’emporte sur le ludique. Pour traîner un peu dans les conventions et sur les réseaux rôlistes, je ne voyais pas comment le financer avec le seul marché francophone. Je me suis posé la question de la viabilité d’une traduction, et j’ai fait des tests. Ça m’a convaincu de me lancer dans la chose.

Et voilà un beau bébé de 372 pages arrivé bien à terme, félicitations aux heureux parents

Je pensais avoir bouclé une bonne partie du texte. Me restait la mise en page, ainsi que les quelques bonus. Je voyais ça bouclé en quelques mois. J’étais naïf. 

Déjà, j’étais tout seul. Grossière erreur. Une campagne, bien menée, c’est éprouvant. Une à deux heures quotidienne de suivi, pour répondre aux questions, rédiger les news, relancer la communication, faire le tour des réseaux. Pas mon métier. Pas ma passion. Mais nécessaire. Ça m’a vidé.

Et je n’ai pu reprendre le travail sur le brouillon que fin août, quand la campagne s’était terminée en mai. Parce que je n’arrivais plus à encadrer le jeu. Donc retard. Et des tests supplémentaires m’ont amené à réviser des choses, qui ont entraîné des réécritures. Bref, encore plus de retard. 

Par contre, de l’autre côté, j’ai pu touché plein de monde que je n’aurai même pas effleuré sans ça. Parce que Kickstarter lui-même est une grosse vitrine. J’ai pu entrer en contact avec des gens de communautés que je ne connaissais pas, et j’ai pu intégrer dans le jeu des gens dont les productions m’avaient influencé. J’ai aussi pu constater que Face au Titan attirait l’intérêt. Et c’est quand même bon pour l’ego. 

La page de financement a tout de même réuni 448 souscripteurs, ce qui est très honorable pour un premier projet de cette envergure, et t’as permis de toucher le marché anglo-saxon. Tu aurais des chiffres à nous donner quant à la proportion de souscripteurs version française/version anglaise ?

J’ai environ 40% de backers francophones. Ce qui est normal parce que c’est là que j’ai communiqué le plus. J’avais déjà une présence dans certaines communautés, je connaissais les médias à qui m’adresser, et j’avais des gens qui avaient testé le jeu qui en parlaient.

J’ai eu la bonne surprise d’avoir des contacts italiens et finlandais, en fin de campagne, qui m’ont demandé s’il était possible d’avoir le jeu en anglais et en français, pour raviver un français qu’ils avaient étudié et qu’ils souhaitaient rafraîchir.

Tu t’es donc fortement inspiré du système de Sword Without Master18 de Epidiah Ravachol19 pour motoriser ton jeu. C’est un choix qui s’est imposé de quelle manière ? Et surtout, comment t’y es-tu pris pour te l’approprier et lui faire servir le propos de ton jeu ?

La couverture de la vf de Swords Without Master par Guillaume Tavernier

Je suis un grand fan de Swords Without Master. C’est pour moi un des meilleurs jeux de rôle qu’il m’ait été donné de pratiquer. Et j’étais à fond dans la customisation du système sur un autre projet (les Orphelins du RadX20) quand l’idée de Face au Titan a débarqué. J’avais aussi lu Sorceress Bloody Sorceress21, qui reprend des mécaniques dans un jeu sans meneur. Et Face au Titan était au départ un hack de ce jeu, pour y jouer “une sorte” de Moby Dick22

Ca a vite dérivé, et j’ai commencé par établir ces Phases de jeu, avec leurs tons propres. Chaque phase avait ses propres règles (mais j’en suis revenu pour arriver à 5 phases/3 règles), et je me suis inspiré des phases de Swords Without Master, d’autres hacks (With Great Power23 notamment).

Le reste est venu assez naturellement, en essayant de donner un rôle aux dés et à chaque type de résultat, tout en gardant un rythme fluide à la partie. Les tests ont été cruciaux pour enlever l’inutile et réviser ce qui ne fonctionnait pas.

Le jeu propose plusieurs ajouts de Titans par des noms bien connus de la scène indépendante, comme Epidiah Ravachol, Melville24, Khelren25 ou Raffaele Manzo26 (dont je confesse ne pas connaître le travail, à mon plus grand désarroi).
Alors, tu l’as recruté comment ton casting ?

J’ai tout simplement dressé une liste de gens qui avaient influencé mon travail, et que je jugeais important dans ma construction d’auteur mais aussi dans ce qu’ils avaient amené à Face au Titan par ce biais.

Raffaele Manzo est un auteur italien que j’ai découvert via Enter the Avenger27, un jeu de rôle de vengeance publié dans Worlds Without Master. Une de mes premières traductions indépendantes pour un jeu méconnu (Vengeance Aveugle28). Et le contact lors de cette traduction était bien passé, et je ne voulais pas proposer que des Titans francophones. Comme il hésitait entre deux Titans, on est parti sur les deux (la campagne le permettait).

Epidiah, c’est parce que je voulais tout simplement intégrer l’auteur du jeu qui a permis à Face au Titan de voir le jour. Et j’adore les univers qu’il propose via ses jeux.

Melville, c’était une évidence pour moi. Sur les Frontières29 est un méga coup de coeur de ma part. Et on a pu se croiser quelques fois aux Utopiales30 (Nantes) ou à Eclipse31 (Rennes). Des discussions toujours très intéressantes. Je savais que les univers qu’el proposerait seraient assez différents des Titans plus classiques que j’avais proposé. El a accepté avec plaisir et quand j’ai vu arriver Tisseuse, qui prolonge l’univers de la trilogie Naëscence, j’étais aux anges. Et la proposition de Grisaille correspond parfaitement à ce que je recherchais en ouvrant à d’autres la création de Titans : des idées que je n’aurais pas eu. 

Enfin, Khelren m’avait contacté pendant la campagne pour me proposer un coup de main d’éditeur. Mais je n’avais pas le budget pour. Par contre, j’étais ravi de lui proposer un Titan. Sachant qu’il a traduit Swords Without Master en français et m’a donc permis de rencontrer ce jeu, c’était une boucle de bouclée. 

Le jeu se veut ouvert aux Hacks, que cela soient les tiens ou ceux d’autres auteurs … Histoire de nous faire saliver un peu plus, tu as déjà des pistes ou des propositions par des tiers ?

Je n’ai pas encore eu de propositions de hacks, mais j’ai pu discuter avec Nick Bate32, auteur de Stealing the Throne33, et Face au Titan a guidé certains de ses choix pour son jeu. Et ça fait grave plaisir !

J’ai des concepts de Titans qui n’ont pas fait le cut, mais que j’ai envie de pousser un peu pour voir. Par exemple une horde de zombie, la forêt de Millevaux34 de Thomas Munier35, le grand blanc des dents de la mer, un hommage à Pacific Rim. Mais aussi des idées de modification du jeu lui-même. Par exemple, une sorte de mode “campagne” pour enchaîner les Titans. Et aussi un ajout sur les personnages des joueurs, pour donner un côté plus ludique au jeu.

Mais j’attends surtout de voir les propositions des autres (s’il y en a). L’ouverture aux hacks, c’est parce que j’aime cette façon de faire, de prendre un jeu et d’en faire autre chose, de proposer une autre vision.

Les illustrations de Roger Heal36 sont vraiment très chouettes, porteuses d’ambiance et rendent très bien la démesure des forces auxquelles les joueurs vont être confrontés.
Lorsque je les ai vu pour la première fois, cela m’a fait penser à celles de l’ancêtre Donjons & Dragons, dans lesquelles un groupe d’aventuriers se trouve opposé à ces immenses cracheurs de feu …  et de là, à la réflexion que je me fais systématiquement, qui est qu’il faut être complètement cintré pour faire face à de pareilles créatures. Cela va, ce me semble, bien au-delà du simple héroïsme.
C’est une notion que tu abordes dans le jeu ? 

Pas frontalement. Mais c’est quelque chose qui émerge naturellement en jeu. Le jeu ne pose pas la question de “pourquoi on s’attaque au titan”, mais elle arrive naturellement sur la table au cours de la partie.

Certains choix, notamment dans la fin de partie, offrent également aux joueurs la possibilité de choisir leur réponse. Et pas de se la voir imposer. Quand un personnage est mis hors-jeu, son joueur peut en décider l’issue véritable. L’épilogue est une phase très importante du jeu, et elle permet notamment de rebondir sur tout le chemin parcouru pendant la partie, grâce aux Motifs et aux Echos. Il s’agit de ma phase préférée, car elle amène souvent de magnifiques conclusions.


Et pour le rendu graphique, tu avais un cahier des charges bien précis, tu as laissé carte blanche à l’illustrateur … ?

(Consulte ses notes) Un Titan par illustration, les Compagnons en silhouette. Une Montagne Vivante. Le Kraken. Une méduse magique éthérée avec des tentacules. Une grosse vache/sanglier/cerf.

Voilà pour le cahier des charges. Sur les Titans additionnels, notamment des autres contributeurs, il y avait un peu plus de matière (généralement, le texte relatif au Titan). Pour Tisseuse, j’ai intégré l’étoile qu’on retrouve dans les illustrations du Grümph37 pour la trilogie Naëscence (Sur les Frontières, Aux marches du Pouvoir38 et Monstres39).

Et puis, sur la couverture du jeu, j’ai mis mon nom et celui de Roger Heal. Parce qu’il a influencé mon travail sur les Titans. Certains éléments des Titans ont évolué suite à la réalisation des illustrations. Le cadre de Lofituina était par exemple inspiré de Vaïana40 (j’ai une fille qui est fan) au départ, mais quand il a intégré un bateau à vapeur dans l’illustration, j’ai revu tout ça. Pareil pour l’illustration du Mur, qui a complètement changé l’optique du cadre.

Et j’ai beaucoup aimé travailler comme ça. 

Je suis quelqu’un de très curieux des motivations des gens, alors dis-moi, l’indépendance c’est un choix délibéré de rester en dehors des circuits conventionnels du marché du jdr, un moyen d’avoir le contrôle total sur ce que tu produis, ou ça s’est fait comme ça, sans arrière pensée ?

J’aurai adoré travailler avec un éditeur. Mais franchement, dis-moi, quel éditeur francophone se positionnerait sur Face au Titan, même aujourd’hui ?

J’ai eu une touche, mais qui souhaitait accoler un élément qui ne me plaisait pas du tout et ne correspondait pas à ce que je voulais. Donc j’ai décliné.

En tant qu’auteur, sur ce projet comme sur d’autres, il y a des choses sur lesquelles je suis intransigeant, et d’autres où je suis prêt à laisser la main mise à quelqu’un d’autre. C’était d’ailleurs le cas sur les Orphelins du RadX dans mes contacts avec quelques éditeurs.

Si je devais refaire le projet aujourd’hui, je pense que j’essaierai de trouver un partenaire, ou une équipe pour mener le projet. Mais je n’avais pas forcément ces contacts, et le marché était différent il y a 2 ans.

Il y a des projets que j’ai où j’irai démarcher des éditeurs. D’autres projets que je mènerai de A à Z parce que ce sera le seul moyen qu’ils voient le jour.

En ces temps troublés et avec l’annulation pour ainsi dire de tous les événements culturels du type salons, conventions et autres festivités, il ne paraît pas évident d’assurer la promotion des nouveaux projets, voir de rencontrer d’éventuels collaborateurs … d’un autre côté, entre couvre-feu et confinements, les circonstances se prêtent plutôt bien à dégager du temps pour la création et l’outil internet tourne à plein régime. Ça se passe comment pour toi, ça change beaucoup de choses vis-à-vis de ta façon de travailler ou d’envisager de nouveaux projets ?

Ça change énormément de choses. J’avais des rendez-vous réguliers avec les conventions du grand ouest, j’envisageais d’en tester un peu plus loin, mais cela n’est plus possible pour l’instant, et ça me manque. Les discussions, les playtests, les rencontres, c’était un moment plus qu’agréable.

Il y a bien eu les conventions en ligne, mais je n’arrive pas à bien y participer. Parce que je ne suis pas très client du médium vidéo (je n’arrive pas à suivre une partie ou une émission sur twitch, par exemple). Je lui préfère l’écrit. Et j’ai donc aussi des lacunes à participer à ces réunions. J’ai aussi un problème d’organisation personnelle pour ces événements.

Un weekend de convention type Utopiales, je le prépare en famille. Pour voir quand ma femme s’occupera des enfants, s’il faut appeler les grands-parents pour une journée ou deux, et quels jours je peux m’accorder en attention totale à la convention. Je pars de la maison, je suis en mode 100% convention jusqu’à ce que je revienne.

Aaaaaahhh les Utopiales de Nantes … Nostalgie …

En convention en ligne, je suis à la maison. Et donc, automatiquement, l’attention n’est pas à 100%. Je n’arrive pas à m’immerger. Je suis devant mon PC, mais je vais aussi participer à la vie familiale. Si ma femme travaille, je ne suis plus en convention. Bref, la coupure n’est pas là, et j’ai adoré participé aux Cyber Conv’41, mais c’était vraiment pas pareil.

Pour le travail sur Face au Titan, ça a été horrible en fait. Parce que je travaille 8h par jour en télétravail sur le même PC qui me servait à écrire le jeu. Et donc, le soir, je ne pouvais plus le voir en face, ce PC. Donc, retards. J’ai changé de poste de travail maintenant, c’est plus facile. 

Je fais avec la situation, mais j’ai hâte de pouvoir remettre en mains propres le jeu.

De ton point de vue, la plus grosse difficulté quand on se lance dans le petit monde de la création de Jdr, c’est quoi ?

Le regard des autres. Celui qu’ils posent sur vous et celui qu’on imagine qui se pose sur vous. Je me suis souvent posé la question, avant de me lancer : est-ce que je suis légitime à lancer le jeu comme ça ? Est-ce que c’est pas un peu trop prétentieux ? Le fameux syndrome de l’imposteur.

Et puis, quand on fait du JDR indé sans meneur, sans préparation, à forte valeur narrative, y a tous les fameux “C’est pas du JDR !” qui viennent dans les dents. Ca fait mal au début, on se défend, on cherche à comprendre. Je suis passé à autre chose. Y a pas un JDR. On trouve des JDR. Comme pour le jeu vidéo, où on peut faire du FIFA, du Call of Duty, du OxenFree ou The Witness. Mais ça reste du jeu vidéo. Heureusement, il y a d’excellentes communautés, ouvertes à tous les JDR (comme C’est pas du JDR !42 justement).

Et pour conclure, qu’est-ce que tu penses de l’évolution de notre loisir ces dernières années, que ce soit concernant le monde de l’édition ou celui de l’indépendance ?

itch.io … une mine de jeux indépendants

Je trouve qu’on est dans une super époque. Les #ZineQuest43 permettent de découvrir des pépites tous les ans. La montée en flèche d’itch.io44 amène tous les mois de nouvelles idées géniales. Le jeu de rôle est de plus en plus accessible. Que ce soit via les Actual Play, le boulot des maisons d’édition, l’arrivée de nouveaux acteurs et formats (Pour la Reine45, pour ne citer qu’un exemple).

Les outils sont là pour que les indépendants puissent exister. Que ce soit en communication, en technique ou en distribution. Maintenant, tout va tellement vite qu’il est parfois dur d’exister. Il faut faire fonctionner le bouche à oreille, avoir le coup de pouce (ou de chance) qui va bien et parfois cravacher un peu trop. Mais on peut aussi juste vouloir écrire un jeu. Et le diffuser. Et voir ce qu’il va devenir. 

On a, je trouve, une communauté très ouverte qui accueille favorablement les débutants. Et il faut continuer à souffler sur ces braises-là plutôt que sur d’autres moins bienveillantes.

Comme le dit l’ami Gulix, il n’y a pas un, mais DES Jdr, et c’est justement ça qui fait la force de notre loisir.
Comme pour toute création, il y a autant de manières d’aborder le jeu que de personnes le pratiquant, et même si quelques grandes tendances se dégagent, la porte reste largement ouverte à de nouvelles expériences.
Que l’on soit orienté tradition ou porté sur des approches plus novatrices, il faut garder à l’esprit qu’une place existe pour tout le monde et que c’est en chérissant cet esprit d’aventure ludique au delà de la forme que l’évolution se poursuivra.
Sur ces paroles, certes pontifiantes (mais qui méritent d’être prononcées … enfin …écrites), je m’en vais de ce pas me procurer un exemplaire de Face au Titan et réunir un « suicide club » prêt à poutrer/négocier/comprendre/finalement fuir (barrer les mentions inutiles) ces grosses bestioles inquiétantes qui viennent obscurcir l’horizon, et passer un bon moment entre amis.

Un très grand merci à Nicolas « Gulix » Ronvel pour cet aperçu de ce qu’est aujourd’hui la création/propagation de jeux en dehors des grands circuits de distribution et les multiples pistes d’exploration évoquées au cours de cet entretien pour les plus curieux d’entre nousNul doute n’est permis quant à la présence d’autres pépites que je vais m’empresser d’aller déterrer pour mon/notre plus grand plaisir.

Taïaut hardis compagnons !

P.S. il est à noter qu’une partie de Face au Titan sera proposée par Mr Gulix himself (ainsi qu’une partie de Lore & Legacy46 par Julien Pirou47) lors de la prochaine session des Rencontres de l’Imaginaire48 le vendredi 23 avril … pour les intéressés, suivez le lien :

Parties de Face au Titan et Lore & Legacy

Propos de Nicolas « Gulix » Ronvel recueillis par David Barthélémy

Notes et Références :

1 : Nicolas « Gulix » Ronvel
2 : Face au Titan
3 : DrivethrughRPG
4 : trop long ; pas lu
5 : Fiasco
6 : Monster of the week
7 : Mausritter
8 : Escape from Dino Island
9 : Dungeon World
10 : La Caravelle
11 : A Single Moment
12 : Death of Legends
13 : Gamechef
14 : 200-word RPG
15 : Trois fois forgé
16 : Necromunda
17 : Kickstarter
18 : Sword without Master
19 : Epidiah Ravachol
20 : Les Orphelins du RadX
21 : Sorceress Bloody Sorceress
22 : Moby Dick
23 : With Great Power
24 : Melville
25 : Khelren
26 : Raffaele Manzo
27 : Enter the Avenger
28 : Vengeance Aveugle
29 : Sur les Frontières
30 : Les Utopiales de Nantes
31 : Éclipse
32 : Nick Bate
33 : Stealing the Throne
34 : Millevaux
35 : Thomas Munier
36 : Roger Heal
37 : John Grümph
38 : Aux Marches du Pouvoir
39 : Monstres
40 : Vaïana
41 : Cyber Conv
42 : C’est pas du JDR
43 : #ZineQuest
44 : itch.io
45 : Pour la Reine
46 : Lore & Legacy
47 : Julien Pirou
48 : Rencontres de l’Imaginaire