Avant la sortie

Avant la sortie : Tribute, jouez avec le Diable de Christian Grussi

Richard avançait dans le corridor blanc, éclairé par des néons agressifs… Nul endroit pour se cacher, et tant mieux, au moins on ne lui tomberait pas dessus sans qu’il ne l’ait vu venir. Cela faisait deux jours qu’il cherchait la sortie de cet hopital avec sa « bande », trois autres patients qui comme lui, s’étaient réveillés dans une chambre délabrée, avec pour seule possession une des fameuses chemises de nuit « fesses à l’air » si chères au milieu médical. Impossible de se rappeler autre chose que son nom, et c’était la même chose pour les autres. Clara, la grande blonde un peu forte, Medhi, l’adulescent dégingandé et Samuel, qui sous son air un peu rustre s’avérait plus cultivé que prévu, l’avaient rejoint petit à petit au fil de ses errances dans les couloirs ravagés de l’énorme bâtiment. Au début, tout allait bien… Enfin, autant que possible lorsque l’on est amnésique et que l’on bénéficie d’une intimité toute relative quant à l’exposition de son fondement. Tout allait bien donc, jusqu’à ce qu’ils croisent les premiers « enfants »…
Saloperie de mioches.
Le premier qu’ils avaient croisé déambulait d’un pas hésitant dans la cafétéria. Instinctivement, Richard su qu’il n’aimait pas les gosses, mais vu qu’il n’était pas seul, il fit l’effort de s’approcher pour voir ce qui se passait. Il perçu l’odeur de charogne alors que sa main allait toucher l’épaule du petit. Retenant un haut le cœur, ainsi que son geste, il ne réagit pas assez vite pour éviter de se faire lacérer par… cette chose…Une gueule toute en crocs s’ouvrant démesurément sur un cri muet, des yeux rouges luisant de malveillance et des mains dont on ne percevait au final que de longues griffes noirâtres… Tu parles d’un gamin ! Serrant sa main blessée, Richard hurla de douleur autant que de peur. Aussitôt pourtant, un élan de haine remplaça l’effroi et, d’un coup de pied sauvage, il envoya valser la créature qui tournoya sur elle même dans les airs, avant d’atterrir souplement à quatre pattes de l’autre côté des tables de cantine, à la manière d’une bête sauvage. Les autres étaient tétanisés par le spectacle se déroulant sous leurs yeux. D’un cri de rage, Richard rompit leur immobilité, les invectivant à se saisir d’une chaise pour l’aider à « défoncer cette saloperie »…

Allé les gens, venez jouer… Contrairement au bonneteau, ici vous avez une chance de gagner… Enfin… Peut-être…

Salut Christian¹. Tu vas nous proposer très très prochainement en financement ton jeu Tribute, qui va parler du Diable et de gens confrontés à ce très respectable individu, ou tout du moins, ses manières de faire. On dit qu’il se cache dans les détails… aussi, tu en aurais quelques-uns à partager avec nous pour préciser un peu tout ça ?

Bien le bonjour ! Et merci de m’accueillir par chez toi. En tant qu’humble émissaire de son Infernale Majesté, je vais essayer de répondre à ton flot de questions bien légitimes. Alors, quel scoop pourrais-je bien dévoiler dans ces lignes ?
Que le financement participatif aura lieu sur Ulule du 13 avril au 5 mai prochain ?
Déjà dit.
Au prix de 38 €, prix spécial Ulule, pour la version livre + jeu de cartes ?
Déjà dit aussi…
Qu’il y aura des paliers qui vont permettre de débloquer des Diableries d’une myriade d’auteurs plus ou moins connus ?
Bon…
Parlons plutôt du jeu en tant que tel, alors.
Tribute, Jouez avec le Diable, est un jeu de rôle à narration partagée, c’est-à-dire où chaque participant va intervenir dans l’histoire même pour l’enrichir.
Qu’il est fait pour 2 à 4 joueurs, et se joue avec un classique jeu de 54 cartes, en utilisant le principe du Blackjack. Le tout permettant de faire des parties courtes d’environ une heure (et plus longues si on le souhaite), avec un temps de préparation d’une dizaine des minutes tout au plus.
Allez, passons à la suite des questions pour un peu plus de scoops, parce que là, c’est pas terrible côté exclusivités !

C’est le premier projet de Rafiot Fringant² (talonné de près par Wushu³ et Arkeos Adventures⁴) qui passe, si je ne m’abuse, le cap de l’édition papier. Pas trop stressé par ce nouveau départ et la confrontation de tes idées avec un public à conquérir (même si l’on ne peut pas vraiment te considérer comme une « jeune première » dans le milieu du jdr) ?

Je pense que je vais augmenter la dose de Tranxène dans mon café, histoire de rester calme, mais vif. Quel beau mélange… Alors oui, je suis à la fois impatient de voir le retour, les premiers résultats, et en même temps, j’ai le trouillomètre à zéro. Normal, quoi. Le trac avant l’entrée en scène. Surtout que je me lance avec un projet sorti de nulle part, hors des sentiers battus, sur lequel on peut difficilement faire des projections. C’est pas comme si c’était une licence de malade avec des ailes de chauve-souris, des tentacules ou des sabres lasers. Mais je ne regrette pas du tout mon choix, car il a pour avantage d’être une création pour le moins originale. Et il affiche clairement mes choix et mes envies : faire des jeux qui sortent des sentiers battus et rebattus, proposer des titres qui ont leur caractère bien à eux. Le choix de Wushu va dans le même sens, et quant à Arkeos Adventures, même si c’est un retour d’un jeu qui a connu ses heures de gloire, cette nouvelle édition sera dans la même veine : une proposition ludique hors des autoroutes mainstream. L’autre point commun, c’est la jouabilité, la facilité de prise en main. Cela fait des années que j’ai envie d’arpenter les voies du clef en main, facile à mettre en place, sans être un exégète de règles à tiroir. Et avec un fort potentiel de fun autour de la table.

J’ajouterais que l’un des feedback qui m’a fait le plus plaisir pour Tribute, c’est dans les retours de playtest à l’aveugle (sans que je sois là, le jeu vivant sa vie tout seul comme un grand), c’est celui d’une tablée avec uniquement des joueurs non-rôlistes, qui ont pris un pied monstrueux, se sont totalement lâchés, sans se poser de questions sur la mécanique, et qui n’ont qu’une envie, c’est de rejouer. Quoi de plus plaisant que d’avoir ce genre de retour quand on écrit un jeu ?

Bon, je fais l’innocent en te posant mes questions ingénues, mais pour être tout à fait transparent, j’avais été bien embêté avant d’attaquer l’entretien, tellement tu donnes de détails à son propos sur ton site. T’as pas un peu honte de couper l’herbe sous le pied des types comme moi qui grattent l’affection de leurs lecteurs en courant après « l’information qui tue » ?

mon crédo : le journalisme total

La honte serait de laisser des zones d’ombres. En plus tu peux comme ça poser tes petits petons sur un gazon fraîchement tondu pour poser tes questions ! Et puis j’ai passé l’âge du « sombre PNJ mystérieux au regard qui laisse entrevoir une vérité encore plus insondable ». Tribute étant à la croisée des chemins (si, j’ai osé) du jdr classique, du jdr narratif, et même du jeu de société dans sa forme. Alors ça valait la peine de prendre le temps d’expliquer les choses. De même pour le financement participatif. En tant qu’acheteur, j’ai envie de savoir pourquoi je délie ma bourse. Alors de fait, en tant qu’éditeur, je donne les informations que je souhaiterais voir en endossant le costume du consommateur. Tu noteras qu’en plus ça te laisse le champ libre pour poser des questions qui vont plus loin que le simple scoop façon « Closer du Polyèdre » (enfin, j’espère).

Alors, l’une des grandes forces du projet (de mon point de vue), sera de proposer plein de matériel jouable, les Diableries. Pour ce faire, tu nous as réuni un casting rôliste digne des meilleurs films choral hollywoodiens… Tu les as sélectionné comment tes petits diablotins ?

Après une série d’épreuves dignes de Squid Games⁵, matinées de Battle Royale⁶ ! La base ! En fait, quand j’ai écrit Tribute, je me suis dit que ce serait vraiment cool de réunir des auteurs sur le projet pour proposer une multitude d’univers, d’envies, de délires. Et que c’était l’occasion parfaite, sans avoir à demander à chacun d’écrire une encyclopédie. J’ai d’abord contacté des amis proches, susceptibles d’être intéressés, puis j’ai élargi ma recherche d’auteurs, avec comme ligne directrice la diversité, d’où des « monstres sacrés » et d’autres moins connus, des hommes de l’ombre qui traduisent, des auteurs de jeux indés, et des romanciers ou personnages publics que l’on ne soupçonne pas d’être accrocs au jdr. Et leur laisser carte blanche. Alors bien sûr, ils sont rémunérés, et leur rémunération augmente avec le nombre d’exemplaires pré-vendus lors de la campagne. Là encore, je trouve que c’est normal de non seulement proposer une rémunération de base décente, mais d’améliorer celle-ci si le succès est au rendez-vous.

Après, je ne cache pas que je me suis également dit que ce serait une superbe opportunité, après des années pas forcément très joyeuses, de remettre à plat pas mal de choses. Un moyen de dire « j’ai pas grand-chose à voir avec ces sales histoires ».

Puisque l’on parle de tes séides, élargissons un peu notre entretien et donnons la parole à quelques-uns d’entre eux pour voir ce qu’ils ont à dire de tout ça (sans bien sûr compromettre leur place aux enfers)…
nb: les diablotins étant par nature des créatures facétieuses et très occupées à « améliorer » le sort de l’humanité (gniark gniark), certains retours seront aujoutés au fil de leur réception par votre serviteur.

Sandy Julien : Je suis simplement le rôliste le plus chanceux du monde. Bon, je foire tous mes jets de dés importants pendant les parties, mais j’ai la chance de croiser des gens formidables par hasard, juste au moment où ils développent des projets de fou ! C’était le cas pour Tribute, dont j’ai suivi le développement avec plaisir. Christian ressemble à un gamin génial qui trouverait sans cesse de nouvelles façons de mieux jouer avec le contenu du coffre à jouets, et là, il en exhume les règles du black jack pour proposer ce genre de « petit jeu » qui t’accroche définitivement et te permet de faire des one-shots tendus, avec une structure en titane et un mécanisme narratif de retournement de situation qui rend toutes les parties intéressantes. C’est un jeu simple, avec cette petite pointe de génie discrète qui lui donne un charme fou ! Ca se voit, que je suis fan ?

Éric Nieudan: Etant un fan du diable depuis un bon moment, j’ai tout de suite été intéressé par le thème du jeu. Mais à la lecture des règles, j’ai été soufflé par la façon dont Christian s’en sert pour créer un jeu d’aventures aussi court qu’épique. Je dis ça, je dis rien, mais le JdR d’apéro-initation motorisé par le black jack est une trop bonne idée pour ne pas devenir un sous-genre à lui tout seul.

Cyril Puig : Moi, les jeux de rôle narrativo cooperatif à base de carte… en principe… ça me parle pas… sauf qu’il y a du génie dans cette petite diablerie. Le black jack comme outil au service de l’histoire fonctionne à merveille. Ma première partie avec des non rôlistes l’a démontré par l’exemple ! C’est immédiatement adopté, c’est fluide, c’est drôle et inattendu! Bref, c’est diaboliquement simple… et donc efficace. 5 minutes pour expliquer les règles, 5 minutes pour définir les avatars et c’est parti pour 1h30 de pure bonheur. Lorsqu’en fin de partie les joueurs novices vous demandent : “à quand la prochaine?”… vous savez que c’est gagné.

Philippe Auribeau¹⁰ : j’ai eu la chance d’assister à la genèse de ce jeu par l’esprit diabolique de Christian, ses évolutions pour arriver au produit final. C’est le fruit d’une longue réflexion sur les domaines ludiques et narratifs qui ont conduit à ce jeu hybridiabolique, où le principal est le plaisir de raconter une belle histoire en se nourrissant de références qui nous sont chères. Ajoutez une mécanique aux petits oignons, et vous obtenez un petit ovni ludique que j’ai hâte de tenir dans mes mains menottées.

Pierre Pradal¹¹ : Lorsqu’il y a deux ans, Cégé a commencé le développement de Tribute, ses intentions premières étaient de proposer un jeu narratif aux règles simples, funs et accessibles au plus grand nombre permettant de se lancer dans l’aventure avec un minimum de préparation. Il n’a pas hésité à retravailler son concept initial plusieurs fois pour relever ces trois défis. Aujourd’hui, Tribute est un petit bijou de système. Une question subsiste: Cégé a-t-il signé un pacte avec le Diable?

Jérôme Larré¹⁹ et Coralie David²⁰ : Alors nous, à la base, on ne voulait pas être là. Puis, Christian nous a motivé en nous disant qu’on pourrait faire un script juste pour avoir le droit de nous moquer du nom de sa maison d’éditions. Et comme cela fait dix ans que lui ne se prive pas, on s’est dit que ce serait l’occasion rêvée. Alors, oui, bien-sûr, le fait que le jeu soit bon et vienne palier ce qui nous semble être un manque dans l’offre actuelle n’était pas désagréable non plus. Mais soyons clairs : ce n’était qu’un heureux accident !

Bon, parlons peu, parlons bien et attaquons le sujet qui ne fâche pas du tout (pour une fois), le prix… et tes choix vis à vis des soutiens (enfin, de leur bourse… enfiiin… Tu m’as compris quoi) pour ce financement. Tout ça me donne l’impression que tu fais ce qu’il faut pour encourager la confiance des plus réticents à mettre un pied (à défaut d’un rein ou d’un bras) dans le fabuleux (quoique parfois hasardeux) monde du financement participatif. En dépit des (trop nombreuses) parenthèses, j’ai bon ?

38€ M’sieurs Dames… Au Diable l’avarice, investissez pour votre avenir

J’ai connu du financement participatif sous diverses formes, que ce soit en tant que soutien ou en coulisses, en bien comme en mal. Ce que j’ai voulu avec mon approche, c’est de faire un crowdfunding qui met en avant ma philosophie. Proposer un deal honnête, où chacun puisse s’y retrouver, autant que faire se peut. Que ce soit côté « financement » ou côté « participatif ». C’est aussi pour cela que j’ai choisi l’approche « prévente » et non « score financier », avec un délai entre la campagne et la livraison qui soit le plus court possible. De même, le choix de la distribution s’est fait sur le facteur « disponible en boutique ». J’ai été particulièrement séduit par la possibilité d’impliquer les boutiques de jeu, de faire économiser les frais de port aux souscripteurs, le tout en payant en deux fois. J’adore ce principe qui facilite tant les choses, tout en impliquant l’ensemble des acteurs du milieu ludique, de l’auteur, en passant par le distributeur, les boutiques, et le joueur. Tout le monde y gagne.

Dans la culture populaire, il y a plus ou moins deux grandes tendances qui se dégagent autour des rencontres avec le diable.
D’un côté on nous présente le type vraiment trop méchant, qui finit par se faire avoir, à cause de sa cupidité/méchanceté (Crossroads¹², l’Imaginarium du Dr Parnassus¹³…), par des gens sincères et honnêtes parvenant à retourner les situations contre lui… Et de l’autre, celle du mec qu’on ne voit pas venir, aimable et affable, qui mise sur les défauts des gens avec lesquels il interagit, finissant ainsi toujours par obtenir ce qu’il désir (Angel Heart¹⁴, L’Associé du Diable¹⁵…), quitte à leur laisser croire le contraire.
Tu as choisi de te placer comment par rapport à ça, dans la proposition du jeu ?

Sans hésitation… j’hésite ! De prime abord, j’aurais d’abord répondu le tentateur séducteur retors, mais… En fait, je ne me suis jamais posé la question. Je me suis juste laissé porter par le côté « il y a toujours un piège dans les clauses du contrat ». Là, le contrat c’est la partie de Blackjack, et le piège la révélation. Après, comme le Diable ne cherche pas forcément à tout prix à faire ripaille de l’âme des joueurs, mais avant tout à tromper son ennui, il me ferait plus penser au personnage de Crowley¹⁶ dans Supernatural¹⁷ qu’à un Al Pacino¹⁸ dans l’Associé du Diable. Retors, mais facile à piéger, car au final, c’est exactement ce qu’il recherche : se faire avoir, car il sera surpris et aura passé un bon moment : la satisfaction de tomber sur des joueurs qui se montrent plus malins que lui ! Faut avouer que de passer une éternité à se faire réclamer l’immortalité, la richesse, le pouvoir… ça doit lasser.

Pour creuser un peu plus la question du Diable en tant qu’individu, tu t’en sert tel quel (donc associé plus ou moins directement à un contexte religieux impliquant l’existence d’un dieu), dans son costume Armani et son inévitable classe nonchalante, ou comme d’une image d’Épinal servant à cristalliser une tournure d’esprit, des travers et des dilemmes finalement propres à l’être humain ?

D’une image d’Epinal, mais en costume Armani. On va oublier le pendant « je porte ma croix », qui n’a pas grand intérêt ici. Mais on garde le côté « classe », car c’est tellement plus séduisant, surtout pour le vil tentateur. Les Diableries sont toutes articulées autour d’une révélation, qui peut être un dilemme. Sous le couvert d’une petite histoire sans prétention de prime abord se cache un questionnement de fond, un choix à faire. Et c’est là tout l’intérêt, sans pour autant tomber dans du pathos ou du drama. Aborder des sujets et des problématiques « adultes » tout en restant sur de la légèreté ludique. Après, c’est l’intention. Mais un jeu une fois sorti du giron de la création, ne vit qu’à travers la table où il est pratiqué, et chacun y met ce qu’il veut.

Quand je vois Tribute et la description du projet, je me dis qu’il s’agit d’un jeu basé plus sur des situations qu’un univers en particulier et ça m’amène à m’interroger sur un développement éventuel de la gamme… Donc pour toi, il s’agit d’un jeu « concept » destiné à s’autosuffire, ou on peut raisonnablement s’attendre à ce que tu l’étoffes plus largement par la suite (au moins par le biais de nouvelles Diableries) ?

Le jeu peut se suffire à lui-même, surtout que la recette de création de Diableries y est donnée en détail. Techniquement, il n’y aura pas besoin d’étoffer une gamme aux multiples suppléments. Mais comme tu le dis, publier de nouvelles Diableries, pour continuer dans l’esprit du clef en main, oui, carrément ! J’ai même deux-trois idées qui traînent pour étoffer le jeu, lui donner encore plus de profondeur. Si cela est possible – autrement dit, si le succès de la campagne ulule reflète un engouement pour la proposition ludique – je m’attellerai à cela. Si tel est le cas, et ce serait carrément chouette, ce sera un supplément contenant des Diableries et des alternatives de jeu.

Que Diable ! Je m’aperçois que l’on n’a pour ainsi dire pas évoqué le système de jeu… Tu as pris le parti d’une résolution à base de cartes, alors dis-moi, c’est pour faire le malin (huhu), ça sert un propos philosophico-ludique étroitement lié au jeu, c’est « parce qu’il fallait bien trouver quelque chose, alors pourquoi pas » ?

Bah, ça ou autre chose, franchement… qui s’en soucie ? C’est juste fait pour vendre un jeu de cartes personnalisé, voyons !

Bon, ok, j’avoue, c’est étroitement lié au thème. C’est le cœur même du jeu, avant tout le reste. Car le principe du Blackjack, son côté « stop ou encore » avec la limite du 21, ça colle parfaitement avec la thématique « tentation du Diable ». Pour l’auguste lectorat qui se dit « houlà, j’y pige rien au Blackjack », rassurez-vous : la seule chose à connaître, c’est qu’il faut poser des cartes sans jamais dépasser un total de 21, au risque d’échouer sinon. L’autre point fondamental de la mécanique, c’est qu’à chaque carte posée il faut décrire ce que fait son Avatar, ou ajouter un élément à l’histoire ou au décor. Plus la valeur de la carte est forte, plus on peut ajouter un élément important. Plus la carte a une petite valeur, plus ce sera un détail. Et c’est là qu’il faut se montrer malin, car comme tout un chacun sait, un simple détail peut tout changer !

Que je sois damné si avec tout ça vous n’avez pas envie d’aller jeter un œil sur ce qui s’annonce comme une fort belle proposition de jeu. Du beau bouquin rempli de matériel pour jouer de suite, un système simple et malin, un format de parties courtes particulièrement adapté à ma table de quadras débordés par la vie de tous les jours (certes, là je parle pour moi, mais n’empêche, ça joue) et surtout, surtout… un jeu porté avec amour par son créateur et toute une ribambelle de gens qui connaissent quand même « un peu » le milieu du jeu de rôle.
Embarquez donc à bord du Rafiot Fringant pour cette belle traversée.
Ha, et puisque vous m’êtes sympathiques, prenez donc cette irrésistible pomme offerte par le capitaine, vous m’en direz des nouvelles.

Richard ne comprenait toujours pas comment le gamin avait pu tomber sur le râble de Samuel dans ce couloir… Bon sang, il n’y avait pourtant rien d’autre qu’un chariot renversé et son reflet sur le linoleum étrangement brillant malgré le délabrement des locaux… Toujours est-il que c’en était fini pour lui.
Alors que la sortie était devant eux, à seulement quelques mètres, Richard avait entendu son cri. Il n’eut que le temps de se retourner pour voir rouler la tête du jeune infirmier (ne lui demandez pas comment il le savait, mais il en était désormais certain), jusqu’à s’immobiliser pour toujours au pieds d’un Mehdi stupéfait.
Alors que le corps de Samuel commençait à tomber à genoux, l’enfant/chose/monstre toujours accroché à son dos, Richard se fit la reflexion que c’était marrant, la tête du « gosse » donnait l’impression d’avoir remplacé celle de Samuel, dans une parodie d’être humain ayant croisé la route d’un réducteur de tête un peu farceur.
Le hurlement de rage de Clara le tira de ses pensées et il la vit foncer sur la créature après avoir saisi une hache d’incendie accrochée au mur (tient, il aurait pourtant juré qu’elle n’était pas là la seconde d’avant, sinon il l’aurait prise pour lui).
Grand bien lui fasse, si elle souhaitait s’attarder ici pour venger un inconnu, qu’elle se fasse plaisir. Pour sa part, il ne comptait pas perdre une minute de plus en ces lieux.
Il prit son élan et entama un dernier sprint vers la grande double porte.
Mehdi lui emboita le pas, sans non plus se soucier de Clara, mais eut un instant d’hésitation quand un autre enfant apparut entre la liberté et lui.
Une petite voix résonna dans le couloir pour la première fois, répétant inlassablement « Aidez-moi m’sieur, j’ai rien fait… laissez-moi partir… promis, j’dirai rien… » sur un ton plaintif.
Mehdi s’était figé, les yeux envahis de larmes sans bien en comprendre la raison…
Il commençait à tendre la main vers le gamin quand Richard se jeta sur les portes, innondant le couloir d’une lumière vive qui noya la scène dans une clareté salvatrice.
Enfin la liber…
… … …
Richard se redressa en sursaut sur un brancard, retenu par des sangles de contention en cuir.
A ses côté, trois autres brancards et trois autres personnes attachées… penché sur l’une d’elle, un enfant au regard fou finissait de scier les cervicales de Samuel, projetant du sang partout autour de lui tandis que Clara lui hurlait qu’elle allait le tuer, tout en se débattant avec ses liens.
Mehdi pleurait toutes les larmes de son corps en suppliant une petite fille dont le visage affichait de terribles marques de coups et dont le scalpel tenu avec maladresse semblait hésiter entre taillader l’aide soignant ou les liens qui le retenaient.
Devant Richard, Vincent ( le premier orphelin sur qui ils s’étaient livrés à leurs « expériences ») souriait. Son regard étrangement serein plongea dans celui du medecin sensé le « guérir » de ses tendances à l’automutilation, et ce dernier y lut, avec une clareté limpide que tout était perdu pour lui.
Il se laissa retomber sur le brancard, fixant la lampe scialytique suspendue au dessus de lui et lacha un simple « saloperie de gamins, c’était pour la science », avant que la porte du bloc ne se referme sur les hurlements qui se frayaient un chemin au travers de sa gorge, dans un chant du cygne horrifique de toute beauté.
… … …
Dans un autre lieu, un homme entre deux âges, vétu élégamment d’un costume à la coupe parfaite, finissait de retourner une carte sur un tapis de jeu…
« 23… C’est pour la banque… vous auriez dû vous arrèter avant cher docteur. »
Son rire sardonique se mêlant aux échos des hurlements de Richard dans une harmonie malsaine, il se renversa sur son siège, allumant un cigare d’une main pendant que d’un geste, il donnait à son groom le signal de faire entrer le joueur suivant…

Hmmm… plutôt cosi tout ça

Propos recueillis par David Barthélémy auprès de Christian Grussi

Notes et Références :

¹ Christian Grussi
² Rafiot Fringant
³ Wushu
Arkeos Adventures
Squid Games
Battle Royal
Sandy Julien
Eric Nieudan
Cyril Puig
¹⁰ Philippe Auribeau
¹¹ Pierre Pradal
¹² Crossroads
¹³ L’imaginarium du Dr. Parnassus
¹⁴ Angel Heart
¹⁵ L’Associé du Diable
¹⁶ Crowley
¹⁷ Supernatural
¹⁸ Al Pacino
¹⁹ Jérôme Brand Larré
²⁰ Coralie David

Avant la sortie

Avant la Sortie : Entretien avec Xaviiiier autour de The Caravan

Alors, vous je ne sais pas, mais de mon côté, j’aime bien me mettre un petit disque pour me donner des idées de scénarios… Une ambiance (parfois juste un couplet) peut amener des choses auxquelles on n’aurait pas forcément pensé en réfléchissant juste sur la base d’un jeu. Ce matin, j’ai donc refermé le couvercle de ma platine sur un petit King Crimson¹ et attendu les premières notes de Cirkus (de l’album Lizard sorti en 1970).
Grosse ambiance alternant entre riff apocalyptique et passages folk poussant à l’optimisme, ça sent le scénar bien barré (et je ne parle pas du reste de l’album… Rhaaaa Lovely, Happy Family…).
Donc, ça va décaper un minimum, il me faut un jeu proposant une touche de naïveté ainsi qu’un fond si possible bien glauque pour coller à tout ça.
Hmmmmm, je contemple mes étagères en quête de l’univers qui s’y prêtera le mieux, hésite quelques instants sur Thanatos, mais me dis rapidement que je serais bien en peine d’y insérer la touche de naïveté ou d’optimisme requise par la musique. Damned !
Et là, je repense à un jeu indépendant (tout comme Thanatos d’ailleurs) en développement qui pourrait bien coller, The Caravan.
Une troupe d’enfants, une Matriarche mystérieuse, une terre hostile abritant des communautés à problèmes et des masques magiques transformant les dits enfants en créatures difformes… Parfait.
Seul problème, le jeu n’est pas encore sorti.
Qu’à cela ne tienne ! Je me saisi vaillamment de mon clavier et part débusquer Xaviiiier, l’auteur du jeu pour en savoir un peu plus et voir si effectivement, je pourrai recycler mon King Crimson dans son univers.

Quand même, quel album !!!

Salut Xaviiiier et merci de prendre quelques minutes de ton temps pour m’aider à solutionner mon problème de bande son.
Avec The Caravan, tu nous proposes donc un univers Dark Fantasy Poétique dans lequel vont évoluer des enfants (de 5 à 16 ans), sous l’égide d’une entité nommée la Mama, leur fournissant à la fois un cadre de vie (la caravane), des objectifs (“aider” des gens en échange de faveurs) et des pouvoirs magiques, par le biais de masques… J’ai bon ?

[Une petite musique gitane en arrière-plan, quelques roulottes et un grand feu où des enfants insouciants ne semblent pas prêter attention à quelques loups qui les observent]

Oui tu as bien cerné le décor posé de mon jeu the Caravan.
Pour compléter ton introduction du jeu, j’ajouterai qu’il n’y a que des enfants au sein de la caravane. Le plus grand, Micky fait office de chef.
Les aventures prennent place sur une île nommée l’Ile Crâne.

L’Île Crane

L’île se compose principalement de petits villages qui vivent reclus sur eux même autour d’une croyance ou une peur. Par exemple : un village appelé l’Échelle qui est construit, adossé à de grands arbres. Les habitants les plus importants vivent en hauteur. La nuit des rongeurs, plus grands que natures, plus féroces, viennent voler, attaquer les maisons du bas. Quand la caravane se pose non loin du village, la situation est désespérée. Un vieil homme est prêt à faire la Demande aux Chuchoteurs (la forme monstrueuse des enfants) pour sauver son village. Et il sait qu’en contrepartie il devra offrir un Don à la hauteur de sa Demande.
Mais attention tout n’est pas toujours blanc ou noir dans the Caravan. Le Don ne sera-t-il pas pire que le problème en fin de compte ?

[Zoom arrière du village pour laisser voir l’île dans sa grandeur générale. Quelques villes importantes apparaissent]

Voilà pour les villages, mais il existe aussi quelques villes importantes. Par exemple le Palais qui peut-être considéré comme la capitale. Là-bas un homme, qui se fait appeler le Prince, veut se positionner comme seigneur de l’Île.

Puisque personne n’a rien contre les évidences, je poursuis : Le Palais

Le Palais est une ville qui date de l’avant Grand Chamboulement. A cette époque la magie était maîtrisée (plus maintenant sauf à travers des artefacts). Les habitations sont construites en pierres qui ne subissent pas les affres du temps. La nuit, une lueur bleue émane des pierres pour éclairer les rues. Le Prince a imposé sa légitimité par la force et les savants qu’il embauche pour essayer de comprendre l’ancienne magie. A côté de lui, un Chuchoteur qui le protège…
J’arrête là, car je pourrais en parler des heures……
Voilà un peu l’ambiance générale du monde.

Alors d’un côté nous avons l’univers, et de l’autre le système de jeu. Je fais partie de l’école “qui fuit les systèmes génériques”, notamment quand un univers avec une forte identité doit prendre vie. Tu te positionnes comment par rapport à ça ? Et fatalement, tu es parti sur quel type de système ?

Déjà j’adore les systèmes de jeu. Pour moi un jeu de rôle, c’est :
– un univers
– une ambiance
– un système
– une feuille de perso
Je suis donc d’accord sur l’idée qu’un système générique rend fade les jeux. Après, en fonction de la proposition de jeu, il peut y avoir des systèmes plus ou moins complexes, plus ou moins simulationnistes … etc

Veuillez remplacer la cartouche Y pour pousuivre l’impression

The Caravan est un jeu d’émotions, de ressentis, de réactions d’enfants sous forme de monstres puissants. Je voulais un système plutôt simple, mettant en avant la différence entre enfants, adultes et Chuchoteurs. Pour être complet, la première version avait un système d10 à base de bonus, malus, compétences, pouvoirs… impossible à équilibrer, rendant trop complexe le nombre de compétences. Et je ne parle pas des pouvoirs qui apportaient pleins d’incohérences… brefs pleins de tests nuls et des calculs excels dans tous les sens.
Et je suis tombé sur la traduction du Grümph² de Cthulhu Dark³.

#balancetonpoulpe

J’ai adoré. Simple, rapide et un potentiel de hack assez facile.
Voilà j’avais ma base. Après 5 ou 6 parties playtests et beaucoup de débriefing, le système a été adapté à la version actuelle.
L’idée première est de faire ressentir que sous sa forme de Chuchoteur, l’enfant est très fort. Un monstre de 2m50 avec 6 tentacules peut affronter 4 ou 5 humains sans difficultés. Pas immortel, il peut se faire déborder, mais les Chuchoteurs sont forts et craints. Le cœur du jeu est de jouer des enfants monstres essayant d’aider les villageois contre quelque chose ou… eux-mêmes. La fourberie des adultes ou la fatalité de la vie ne se déjouent pas avec la force brute, mais par les yeux de la naïveté ou la voix d’un enfant qui essaie de se faire entendre.
En playtest j’ai toujours eu des retours sur le besoin de ne pas mécaniser les actions. 
Dixit par exemple : « bah j’ai des ailes pourquoi je dois faire un jet pour voler sur le toit », « j’ai 4 bras et je fais 2m50,  je veux pouvoir tenir 4 villageois en même temps », « je peux parler aux morts, tu m’autorises à transmettre un message au père de la petite fille ? »… Ah voila la poésie qui prend place… et là c’est trop bête de bloquer ça.

Ha oui, effectivement, des enfants monstres

Donc une des spécificités des pouvoirs dans Caravan : c’est qu’ils réussissent toujours. Par contre, pour apporter une tension, un jet Mystique est fait, pour piocher en cas d’échec dans une jauge.
Le risque de perdre du Mystique augmente avec la diminution de la jauge. (bon, c’est plus clair dans le livre).
Pour revenir au sujet. Il y a des règles qui vont mécaniser des éléments de jeu comme : la magie, la cruauté des actions des joueurs, la quantité d’adversaires, tout en laissant les idées des joueurs se réaliser.

Mon premier réflexe quand je lis Dark Fantasy est en général de me dire “Encore…”.
Alors, ce n’est pas que j’aie une dent contre le genre hein, mais le désespoir au bout d’un moment, comment dire… Du coup, j’ai trouvé plutôt malin de ta part de mettre en scène des enfants, ça nous évitera le côté “tout est foutu no futur gothisant”, même si la fatalité n’est jamais bien loin (oui oui je sais, Remi sans famille⁴ met en scène un enfant…). C’était pleinement intentionnel dès le début, cette opposition entre environnement impitoyable et fraîcheur de l’enfance ou c’est venu plus tard dans ton processus de création ?

Oui, c’était présent dès les premières lignes d’écriture et de playtest. Je crée mes jeux, mes campagnes ou mes scenarios toujours autour d’idées de scènes. Mon inspiration débute toujours par l’envie de voir, de faire vivre quelque chose à mes joueurs. Viennent après l’univers, le lore, le pourquoi du comment.
Pour Caravan, ma première idée a été : que feraient des joueurs sous forme de monstres en remontant une rue déserte de nuit dans un petit village. J’imaginais leurs voix stridentes qui chuchoteraient des choses incompréhensibles aux habitants terrés chez eux, terrifiés.
Le nom Chuchoteur est venu tout de suite.
Jouer uniquement un monstre était sans intérêt pour plusieurs scenarios. Il fallait plutôt aider les villageois apeurés.  De même des monstres contre des adultes ne m’emballaient pas.
Et voilà le combo était donc: Chuchoteurs/monstres/enfants contre villageois effrayés/adultes
Au premier playtest, de suite, les joueurs ont apporté de la poésie avec la vision des enfants.
Donc pour revenir à la question initiale. Oui tout de suite il y a eut la poésie et des enfants à travers des monstres.
Le vrai travail de création et d’écriture vient après pour étoffer, créer tous les éléments autour et le lore global.

Puisqu’on est parti sur la création, j’ai parcouru la plaquette de ton jeu  et me suis fait la réflexion suivante : “mais mais mais, il fait tout tout seul ?”
Tu confirmes ?


Oui je suis seul pour tous les postes : écriture,  illustration et mise en page.
J’adore toucher à  tout. J’adore découvrir, apprendre et là je suis servi.


Aujourd’hui, j’ai délégué uniquement la relecture et la correction à une autre personne (@edenroliste).
Par contre, je discute beaucoup, sur tous les aspects du jeu. J’ai énormément de retours, débriefing de parties. Sans ces échanges clés, le lore serait beaucoup moins développé. Merci à eux pour toutes ces heures d’échanges, de tests sur tous les éléments qui structurent le jeu et l’univers.
Par exemple, j’ai eu des échanges de 3 ou 4 heures juste pour définir l’âge des enfants que vont interpréter les joueurs : Pas trop jeune pour pouvoir enquêter, raisonner, mais pas trop vieux pour conserver une vision parfois naïve.

Les visuels de la maquette que tu m’as fourni m’ont tout de suite fait penser à Mork Borg, avec des couleurs flashy et une rencontre improbable (encore que pas tant que ça quand on y réfléchit bien) entre Punk et O.S.R… Tu oserais me dire que “Non Non, pas du tout” ou c’est une influence assumée ?

Euhhhh oui clairement Mork Borg a été la révélation.
Avant, pour moi un jdr devait faire 400 pages et décrire toutes les tavernes, toutes les rues, toutes les villes…. La mise en page était sur 2 ou 3 colonnes, avec une image toutes les 3 pages.


Et il y a eu 2 jeux : Mork Borg et Maze of the Blue Medusa⁵.
Une claque. Voila : poésie, jeu de role A5 sur 96 pages, c’est possible. En plus les univers, quoique non complets sont inspirants, mais tout est là.
Donc oui influence majeure et non pas un Mork Borg like.
J’avoue, le jaune est un peu copié, à moins que ce ne soit le jaune des teletubbies⁶ qui m’ait inspiré ….  je ne sais plus.

De l’idée de départ à la réalisation de la maquette, en passant par les illustrations et le game design, ça n’a pas dû se faire en quinze jours. C’était quoi pour toi le plus compliqué à mettre en œuvre ? Tu as eu des phases où tu t’es dis “pffffff… ça saoul, je plaque tout et je me barre à Plougastel manger des crêpes… heuuu… des galettes” ?

C’est par palier. Avant chaque passage de palier, c’est toujours « pfffff j’arrête, c’est nul ». Et puis, à un moment, il y a un truc, une inspiration, une phrase de quelqu’un qui permet de passer la marche.

Le fameux restaurant « le Tape Cul » à Plougastel, haut lieux de villégiature réputé auprès de tous les auteurs en plein burn out…

J’ai vite lancé des playtests qui étaient supers inspirants.
J’ai eu beaucoup de mal pour trouver mon style de mise en page. Je suis passé par 3 tests de 30 à  40 pages chaque fois pour me dire … « pfff c’est nul, c’est pas ça que je veux ». Et au troisième c’était bon.
Voila le style de palier difficile à franchir.
Là, actuellement, le corebook et le storybook sont écris, illustrés et mis en page a 80%. Le pfff actuel, c’est monter le financement et le marketing… ahhh c’est trop long… mais ça avance.

Mais dîtes voir un peu, ça m’a l’air chouette tout ça

Tu as dû acquérir des compétences particulières au long de ton processus de création, ou tu avais déjà les connaissances nécessaires de par ton parcours (pro ou autre) ?

Oui je connaissais un peu la création d’ebook, la mise en page et le dessin sur ordinateur. Mais par contre jamais aussi loin. Dans mes créations précédentes, il y avait 20% écrit et 80% dans ma tête. 
Là, il faut 100% écrit pour un lecteur qu’on ne verra jamais.

Bon, pis le choix de l’indépendance, tu y es venu comment ? Parce qu’il y a tout de même un certain confort à bénéficier des conseils et du soutien d’un éditeur…

Haaaa l’indépendance…

Je suis de nature à faire les choses seul. J’aime être entouré de conseils, mais avec une finalisation plutôt personnelle.
Je reconnais qu’un éditeur apporte 1000 conseils que je n’aurai jamais en travaillant seul. Mais aujourd’hui pour mon premier financement participatif, je préfère partir presque seul.
De nos jours avec internet, tout est possible seul. Les outils sont disponibles, l’impression à la demande accessible… etc…

Tu vas donc passer par un Financement participatif pour financer ton projet d’ici quelques mois. Tu nous détaillerais un petit peu en quoi va consister la gamme ?

Oui, d’ici à 3 à 6 mois, je lance le financement participatif sur Game On Tabletop⁷. Aujourd’hui, je suis prêt, mais l’installation du financement consomme beaucoup temps, beaucoup plus que je ne le pensais.
En termes de contenus, il y aura principalement 5 contreparties, en pdf et/ou en physique :
– un Corebook avec l’univers, les règles et 1 scénario.
– un Storybook de 8 scénarios avec toutes sortes d’approches possibles du jeu.
– Ecran A5 en 4 volets
– Des fiches A6 avec les différents masques pour la cérémonie.

De quoi s’équiper sous tous les formats

Pour la surprise, il y aura aussi ​quelques packs premiums avec un vrai masque de plus de 50​ ​cm​ ​….
Un vrai boulot que je n’imaginais pas. Mais ça avance​ peu à peu…..​

Tu as fais le choix de te lancer dans l’édition avec ce premier jeu. Ce n’est pas rien en plein Covid/pénurie de papier/crise des transports. Ça m’amène à m’interroger… C’est du one shot ou tu as d’autres projets que tu aimerais porter par la suite (qu’il s’agisse des tiens ou de ceux d’autres créatifs) ? 

– Dis Maurice, y’a plus d’papier… Elles sont où les ramettes ?
– Ch’ai pas… t’as regardé derrière les cartouches d’encre ?
– Ha… Ben y’en n’a plus non plus !!!

Oui toujours beaucoup de projets. Autour de Caravan il y aura une campagne et les explications de certains mystères des corebook et storybook.
Pour les autres jeux, j’ai constamment pleins d’idées, mais rien de fixe. Aujourd’hui, je mets toute mon énergie dans ce projet.
Mais c’est vrai qu’en découvrant et jouant à Maze of the Blue Medusa, j’ai découvert une vraie poésie créatrice dans un méga donjon.
Peut-être une idée pour un futur projet, pourquoi pas 🙂
Pour suivre l’avancé du projet une seule adresse : https://twitter.com/thecaravan8 

​​Un grand merci à toi pour ce zoom sur the Caravan et n’hésitez pas à me contacter sur twitter pour plus d’infos ou participer à des playtests.

Et voilà pour ce qui concerne The Cravan.
Xaviiiier me signale fort à propos que le jeu sera en financement sur Game On Tabletop du 2 au 30 avril, donc si comme moi vous avez des morceaux à utiliser en partie qui peinent à trouver un jeu dont l’ambiance colle, n’hésitez pas. Vous noterez également que Xaviiiier a fort habilement évité de me dire si mon King Crimson pouvait faire l’affaire… soit il est trop gentil pour me dire franco que je suis à côté de la plaque avec ma musique de vieux, soit c’est tellement une évidence que ça ne vaut pas vraiment le coup d’y prèter attention. Dans tous les cas, j’ai décidé en mon âme et conscience que j’ouvrirais ma première partie de The Caravan avec (et toc).
Rendez-vous est pris donc pour le 02 avril pour découvrir tout cela plus avant.

Et comme nous avons commencé en musique, il parait juste de terminer à l’avenant. Par conséquent, le dernier mot sera pour Freddy dans sa complainte à Mama

Is this the real life?
Is this just fantasy?
Caught in a landside,
No escape from reality
Open your eyes,
Look up to the skies and see,
I’m just a poor boy, I need no sympathy,
Because I’m easy come, easy go,
Little high, little low,
Any way the wind blows doesn’t really matter to me, to me

Propos de Xaviiiier recueillis par David Barthélémy

Notes et références :

¹ King Crimson
² John Grümph
³ Cthulhu Dark
Rémi sans famille
Maze of the Blue Medusa
Teletubbies
Game On Tabletop

Avant la sortie

Avant la Sortie : Saga Explorer par le Studio Elixeer

Amis rôlistes, bonjour.
Aujourd’hui, nous allons parler d’ un sujet concernant (pour des raisons mécaniques évidentes) une part significative de la population rôliste gentiment vieillissante : le jeu avec des enfants.
En effet, de plus en plus fleurissent les jeux destinés à un jeune public (voir très jeune), car à un moment donné, le rôliste quadra se fait la réflexion que jouer, c’est cool… que jouer quand on a des enfants, ça devient compliqué… que ça finit par manquer… et que, “mais bon sang de bonsoir, les enfants sont des joueurs tout indiqués et on les a tout le temps sous la main !” (contrairement aux joueurs habituels du groupe, luttant eux aussi pour se dégager de rares moments de liberté entre travail, vie quotidienne, vie de famille et gestion de la marmaille).
Alors certes, les propositions ne datent pas d’hier (Le Magicien d’Oz¹ par Julien Blondel² date de 2006, Les contes ensorcelés³ d’Antoine Bauza⁴ de 2007) et sont nombreuses, toutefois on assiste à une montée certaine de l’offre sur ce créneau, avec par exemple des titres comme :
Petits Détectives de Monstres
Sorcières et Sortilèges
Tails of Equestria
No Thank You Evil
Petits Pirates⁹ (dont le retour de lecture/jeu ne saurait tarder)
Cos’île Été¹⁰

Hé oui, il existe déjà de quoi mettre les microbes à la fête

Pour autant, on ne sait pas toujours par quel bout prendre tout ça (même si les enfants semblent avoir un penchant somme toute assez naturel au jeu et à la mise en situation) et des intermédiaires permettant d’aborder tranquillement le Jdr sont les bienvenus (après tout, beaucoup de rôlistes ont commencé par les livres dont vous êtes le héros) pour les parents (souvent débordés) que (pour certains) nous sommes devenus.
C’est en cherchant ce type de produit que j’ai découvert le projet Dreamquest¹¹ sur Ulule en 2018 et ai immédiatement été séduit par l’univers qu’il proposait.
Dreamquest 1.L’épée des Rêveurs consistait en une aventure conçue expressément pour être jouée par un enfant, accompagné d’un parent, sur le principe du livre dont vous êtes le héros, mais introduisant déjà quelques mécaniques ludiques propres (entre autre) au Jdr (pouvoirs spécifiques, points de Rêve, Carte de personnages et suivi de quête).
Pour l’avoir testé (de trèèèèèèès nombreuses fois) avec mon aîné à partir de ses quatre ans, ça fonctionne du tonnerre. Aussi c’est avec une grande joie que j’ai découvert récemment l’arrivée prochaine du nouveau projet du Studio Elixeer : Saga Explorer¹²
C’est donc en compagnie de Fabien VINCOURT¹³, l’un des parents du projet, que nous allons tenter d’en savoir un peu plus…
Ici les studios, à vous Cognacq-Jay….

Bonjour Fabien et merci de prendre un peu de ton temps pour venir discuter du nouveau projet du studio. Alors, Saga Explorer, c’est quoi ?

Bonjour David et merci de t’intéresser à notre nouveau projet. Saga Explorer s’inspire d’un dessin animé qui a marqué mon enfance  Les mystérieuses cités d’or¹⁴. en reprenant sa particularité de proposer une histoire suivie d’une petite partie culturelle. Avec Saga on veut aussi donner aux plus jeunes les moyens de vaincre leur timidité en développant leur expression en public et leur permettre de découvrir le monde de manière ludique. Nous reviendrons dessus un peu plus tard.

Avant de poursuivre sur les nouveautés, j’aimerais bien que tu nous fasses un petit retour sur le premier projet du studio, à savoir DreamQuest (parce que zut, c’était une super proposition que j’ai vraiment beaucoup aimé). J’ai longtemps attendu le tome 2, mais en 2019, une bien triste nouvelle a semble-t-il porté un coup d’arrêt à l’aventure…

Grâce au soutien de la communauté, nous nous sommes fait repérer par un petit éditeur 🙂 Space Cowboys¹⁵ qui était alors en train de monter la branche kids SpaceCow dirigée par Benoit Forget¹⁶. Nous avons saisi l’opportunité de retravailler le produit et lui donner une plus grande visibilité. Comme tu l’as dit, nous avons été lourdement touchés par la perte de notre illustrateur Yann Thomas. Après quoi il nous a fallu un peu de temps pour nous remettre en selle. Aujourd’hui le Tome 2 est finalisé de notre côté et se trouve entre les mains de notre éditeur qui essaie de trouver le meilleur moyen pour le publier avec toutes les problématiques de production et de logistique que nous connaissons depuis 2 ans.
Nous sommes impatients que vous l’ayez entre les mains tant l’aventure diffère du premier opus.

Vous revoilà donc aujourd’hui avec une nouvelle proposition… on s’éloigne de l’objet livre à proprement parler et on pousse un peu plus avant les supports ludiques pour explorer le monde. Qu’est-ce qui vous a poussé à changer votre formule d’origine dans cette direction ?

Notre formule d’origine existe toujours au travers Dreamquest à savoir donner envie de lire aux enfants. Cette fois-ci, nous voulons faciliter la prise de parole chez l’enfant et aussi l’accompagner dans la découverte et la mémorisation des pays par la manipulation d’objets.
Avec Saga Explorer, que ce soit en famille, en fratrie ou entres amis, les enfants vont d’abord vivre une aventure extraordinaire qui les mettra dans la peau d’aventurier. Ils prendront part à des scènes d’action et comme dans les jeux de rôle, ils devront expliquer comment ils se sortent de chaque situation. Pendant l’aventure, ils vont également manipuler la carte du pays pour découvrir les différents lieux et en fin de partie, ils viendront accrocher une ficelle entre les différents pays traversés, afin de suivre leur parcours tel de vrais aventuriers.

En parcourant la plaquette du projet, j’ai remarqué que vous allez décliner Saga Explorer principalement sous trois formules :
– L’accès au “prologue”, contenant le matériel nécessaire à l’ensemble des aventures ainsi que la première mission.
– L’abonnement pour 3 mois, proposant donc le prologue ainsi que deux nouvelles destinations.
– L’abonnement pour 6 mois, proposant toujours le prologue, ainsi que cinq nouvelles destinations.
Ça m’a l’air très chouette comme principe, mais dis-moi, ce n’est pas un peu vil (mouahahahaha !!!) de proposer une demi campagne à des parents qui vont devoir expliquer à leurs enfants pourquoi ils ne reçoivent plus leurs stickers au bout de deux mois (dans le cas d’un abonnement intermédiaire) ?

En effet David, il y aura bien plusieurs formules pour s’adapter au budget de chacun. Mais pas de craintes pour nos bambins si l’abonnement s’arrête au milieu de la campagne, il n’y aura pas de frustration. A chaque fin d’aventure, les enfants reçoivent une gazette numérique personnalisée reprenant les moments forts de l’histoire enrichie d’éléments nouveaux sur les personnages et l’univers. Si l’abonnement n’est pas reconduit, une fin sera également intégrée dans cette gazette.

Pour ce qui est de la rejouabilité (qui était à mon sens un des points forts de DreamQuest), à la maison, j’ai deux lutins qui ne sont bien évidemment pas jaloux l’un de l’autre pour un sou (comme tous les frères et soeurs) et ont un sens aigu du partage (comme tous les frères et sœurs).
D’après toi, je peux raisonnablement miser sur un seul abonnement pour le foyer ou je vais devoir hypothéquer ma maison pour éviter une guerre fratricide ?

C’est MOI qui mettrai le trait sur la carte… NAN MAIS !!!

Nous devrions pouvoir éviter les lancés de playmobils car en effet, un seul abonnement suffira pour la famille. C’est une aventure collaborative et les enfants vont donc réfléchir ensemble à la manière de se sortir de situations périlleuses en prenant chacun la parole l’un après l’autre. Un passeport pour le groupe sera rempli avec divers stickers à la fin de l’aventure en fonction du niveau de succès de la mission. Après si chacun veut posséder sa propre carte et son passeport, nous proposerons aussi une offre duo.

Sur la plaquette toujours, vous mettez en avant une approche tout en douceur du jeu de rôle (ce qui est très cool)… C’est une vraie volonté d’accompagner des parents et des enfants vers le loisir ou c’est plus un effet secondaire lié au format narratif que vous avez choisi d’utiliser ?

Alors c’est une véritable volonté d’accompagner le grand public vers les jeux de rôle. C’est un médium exceptionnel pour développer la confiance en soi et favoriser la prise de parole même pour les plus timides. Ce sont des histoires que l’on partage et que l’on vit qui restent gravés dans les mémoires. Saga Explorer a pour ambition de rendre accessible les jeux de rôle en limitant au maximum les règles qui restent un frein aux non-initiés.

Pour l’accès au jeu, vous indiquez : de 7 à 11 ans. C’est chouette, mais c’est une tranche d’âge qui commence à être bien fournie en propositions de jeux… à ce jour, le seul jdr que je trouve vraiment (mais vraiment hein, pas en adaptant sauvagement) adapté à des plus jeunes (disons 4/6ans) serait No Thank You Evil… Vous auriez des plans concernant cette tranche d’âge dans un futur plus ou moins proche ?

No thank you evil s’adresse déjà à des parents qui ont un pied dans les jeux de rôle pour qui lire des règles, utiliser des fiches de personnages, utiliser des compétences ne rebutent pas… Les textes dans Saga Explorer nous impose de donner cette tranche d’âge mais comme tu nous titilles là-dessus, nous avons bien pour objectif d’adapter nos aventures pour pouvoir les jouer avec des plus petits. 

Forcément, maintenant qu’on a parlé jeu de rôle, je vais vouloir en savoir plus sur le parcours de l’équipe concernant ce domaine… Vous pratiquez, avez pratiqué… ?
Et qu’est-ce qui vous a donné le déclic de dire « tiens, on va proposer à des parents et des enfants de vivre des aventures ensemble autrement qu’avec une manette dans les mains ou un abonnement à Netflix” ?

Nicolas a pratiqué les Jdr dans sa jeunesse et aujourd’hui il fait rêver les grands et les petits dans ses univers. J’ai pu faire découvrir à Frédérique et Victor le plaisir des jeux de rôle. Pour ma part, j’ai beaucoup pratiqué plus jeune et après une trêve boulot/parent, j’ai repris depuis quelques années avec un groupe d’amis et aussi avec ma fille (pour le moment principalement du medfan).
Quand on se fait des parties de jeux de rôle, on s’en souvient toute sa vie. On en reparle, on se refait l’aventure. J’aimerais que tout le monde ait la possibilité d’essayer au moins une fois. Après … on aime ou pas.

Alors, quand on s’attaque à un projet comme celui-là, le cahier des charges en termes de mécaniques ludiques, d’immersion et d’illustrations, ça ressemble à quoi ? Il y a eu des pièges à éviter ? Et comment, entre l’idée de départ et l’arrivée, tout cela a évolué ?

C’est un énorme travail de recherche et de test. Mettre des illustrations mais pas trop, pour qu’elles facilitent l’immersion, mais ne brident pas l’imagination. Ne pas être juste dans la proposition narrative comme la série For the Story¹⁸, qui  a l’avantage d’être simple mais reste compliquée pour des personnes ne pratiquant pas les jeux de rôle, car il faut imaginer toute la scène. Éviter l’écueil des Jdr plus classiques amenant son lot de compétences, statistiques et toutes les règles qui vont avec.

Des jeux For the story


Dans Saga Explorer, les joueurs prennent la parole à des moments clés de l’aventure. Une situation est décrite avec un objectif à atteindre. Un système de jetons et de prise de risque indique si les joueurs rencontrent des complications ou non. Enfin une liste de mots, certains proposés et d’autres imposés, leur est fournie pour décrire la scène et faciliter la prise de parole ainsi que l’imagination.

Vous avez des idées de développement pour cet univers de jeu ou c’est une campagne complète et bouclée, avant d’explorer un autre format ?

Saga Explorer est le concept qui englobe aventure et découverte culturelle.
Notre premier univers se nomme les Gardiens d’Atlantis. Au cours de la première saison, composée de six épisodes, les enfants vont vivre des aventures palpitantes dans six pays. Autant te dire que nous fourmillons d’idées pour faire découvrir bien d’autres pays et faire vivre de nouvelles aventures à nos minis Lara Croft¹⁹ et Nathan Drake²⁰ (regardez le teaser Uncharted le film pour avoir une idée de ce que vont vivre nos kids).

La crise du papier, des transports, etc commence gentiment à faire sentir ses effets… du coup, entre la naissance du projet, son développement et aujourd’hui, vous n’avez pas eu trop de sueurs froides quant à l’aboutissement ?

Comme beaucoup, cette problématique nous touche également. Nous avons dû revoir à plusieurs reprises nos contenus afin de maintenir un prix cohérent et accessible sans perdre sur la qualité du produit.

Quelque chose à ajouter pour le mot de la fin ?

Un gros merci à nos soutiens qui étaient là pour Dreamquest, qui nous permettent aujourd’hui de vous présenter Saga Explorer.

Hé bien voilà une fort jolie proposition pour celles et ceux qui voudraient sortir un peu leur gobelins des écrans (chose qui relève souvent du pari impossible pour pas mal de parents déjà bien occupés). Système simple, support visuel, goût de l’aventure, tout est là pour que vous puissiez les y mettre, sans pour autant avaler 200 pages de rêgles ou traduire à la volée un scénar après une rude journée de travail.
Le projet est donc en cours de financement sur Ulule et n’attends plus que de hardis aventuriers pour prendre son envol.
Pour ma part, je signe et attends désormais avec impatience le deuxième tome de DreamQuest… Allé hop, on y va ! En route pour l’aventure ta tatata (sur un air bien connu).

Propos de Fabien Vincourt recueillis par David Barthélémy.

Notes et références :

¹ Le Magicien d’Oz
² Julien Blondel
³ Contes Ensorcelés
Antoine Bauza
Petits détectives de monstres
Sorcières et Sortilèges
Tails of Equestria
No Thank You Evil !
Petits Pirates
¹⁰ Cos’Île été
¹¹ DreamQuest
¹² Saga Explorer
¹³ Fabien Vincourt
¹⁴ Les Mystérieuses Cités d’Or
¹⁵ Space Cowboys
¹⁶ Benoit Forget
¹⁷ For the story
¹⁸ Lara Croft
¹⁹ Nathan Drake

Focus

Focus Sur les Terres de Matnak, avec Mathieu « Mysko » Myskowski, Guillaume Meistermann et Jean-Pierre Hufen

Rapport de contact de l’alchimiste Barthus, éclaireur de Tyzalek, rapporté par son Oiseau d’alerte et disparu en mission depuis maintenant trois mois.

Jour 1 : « Ça y est, je quitte les murs de Matnak et me lance dans mon périple afin d’en apprendre plus sur l’Obwod et le monde dans lequel nous devons vivre (ou devrais-je dire survivre) aujourd’hui. Je sais que mon départ ne cadre pas avec l’esprit des « Eclaireurs de Tyzalek » car je pars seul et sans prévenir personne, mais j’ose espérer que c’est pour le bien de toutes et tous et que cela permettra d’assurer des jours meilleurs à mes camarades, dussé-je ne pas revenir. Depuis plusieurs jours maintenant, je sens l’Obwod bouillonner en moi et me pousser de plus en plus à la limite de cet état de Changé que je redoute.
Aussi, plutôt que de mettre en danger mes camarades par ma simple présence, j’ai préféré l’exil volontaire.
Pourquoi ? me direz-vous… Hé bien, je suis las de lutter contre le changement et me sens prêt à l’accueillir, du moment que cela n’est pas en vain.
Il y a de cela maintenant quelques semaines, j’ai eu vent (je ne saurais vous dire par quels moyens sans placer mes contacts dans une situation délicate) d’une petite communauté d’individus vivant en secret dans les ruines de l’ancienne Oréane et qui détiendrait de nombreuses réponses quant aux mystères de la genèse du monde tel que nous le connaissons aujourd’hui.
Mythe ou réalité, il ne tient qu’à moi de le découvrir.
Car même au sein des éclaireurs, j’ai des doutes sur les loyautés de certains et ne souhaite pas prendre le risque que d’éventuelles découvertes ne soient étouffées par des factions mal intentionnées… »

Ruines de l’ancienne Oréane

Jour 6 : « C’est bien affaibli par la longue route que j’arrive aujourd’hui en vue des premières ruines de l’ancienne cité. Je vous épargnerai le détail de mes pérégrinations, car, n’ayant que deux Oiseaux d’alerte avec moi, je me dois de préserver un maximum de place sur les parchemins pour les informations que je pourrai recueillir. »

Jour 7 : « Le contact est établi avec trois Changés encore étonnamment civilisés, suivant les termes qu’ils m’avaient fait parvenir… une longue discussion s’entame dont je vous relaterai la teneur aussi fidèlement que possible lorsque j’aurai l’opportunité de la transcrire. »

Jour 8 : « Ce que j’ai appris hier dépasse tout ce que j’aurais pu imaginer, mais l’on me fait comprendre que ce n’était rien comparé à ce que je m’apprête à vivre. En effet, j’ai accepté que mes hôtes me conduisent à leur temple afin d’y expérimenter ce qu’ils nomment La Transhumance de l’Âme, une sorte de cérémonie permettant d’accéder à des existences passées remontant à bien avant le Déluge. Ils m’expliquent que s’ils m’ont contacté, c’est parce qu’ils ont vu lors d’une précédente transhumance que nous avions été connectés il y a de cela bien des vies.

Tout ceci me semble parfaitement irréel, mais d’après eux, je pourrais être la clé permettant de débloquer l’accès à un ensemble de connaissances sur le Monde, l’Obwod ou même, la Création de l’univers tel que nous le connaissons aujourd’hui.

On m’explique que nous allons nous rendre dans une grotte non loin d’ici, sous terre et que, sous l’Œil de la Nuit qui Voit Tout, nous devrons nous immerger dans l’Eau de la Vie tous ensemble afin d’y revivre ce qui fut vécu et le sera à nouveau.C’est avec une certaine anxiété mêlée d’excitation que je dépose mes affaires et m’apprête à les suivre, … pour Matnak. »

1 : Bonjour Mathieu1, Guillaume2 et Jean-Pierre3… Dîtes moi, après un kit d’introduction ma foi fort sympathique, vous nous concoctez un bouquin de 450 pages autour de Matnak, avec plein de belles choses dedans. Vous pouvez nous en dire un peu plus sur la répartition des tâches ?

JP : J’ai eu un rôle de scénariste, ainsi que de co-auteur concernant le développement de l’univers (certaines factions, PNJ et évènements aléatoires notamment), à partir de la base déjà présente. J’ai suivi les demandes et conseils des autres membres de l’équipe. J’ai également émis mes propres conseils dans leur domaine de travail, lorsqu’ils me le demandaient. Nos travaux se sont mutuellement influencés : il est arrivé qu’un point d’univers demande le développement d’un point de règle, ou encore qu’une modification des règles entraîne un réajustement des intrigues, par exemple. Nous avons donc beaucoup échangé pour nous assurer que nous allions toujours dans la même direction et pour éviter les incohérences.

Mathieu : pour s’assurer de la cohérence nous faisions une réunion hebdomadaire en ligne. Nous parlions de ce qu’il restait à faire, nous nous assignions des tâches et nous nous donnions rendez-vous avec l’objectif de les avoir accomplies. 

Guillaume : Pour ma part, j’ai eu le rôle du “game designer”, essentiellement, mais j’ai aidé aussi au développement de l’univers. Car si l’univers est à la base issu de l’imagination de Mathieu, ce fut aussi une création collective. Mathieu nous a vraiment laissé le champ libre, a été très à l’écoute, même si ultimement, cela reste son œuvre. Il y a eu à tous les niveaux des discussions, du partage. C’était vraiment une période très agréable, de développer le jeu tous ensemble.


2 : Quand j’ai lu le kit d’introduction, je me suis fais la réflexion qu’au niveau des thèmes abordés pour un jeu d’aventure, on avait quand même un fond assez corsé, avec notamment la part de bestialité sommeillant en chacun de nous ici assez pleinement exprimée, l’ostracisation de la différence et la peur qui l’accompagne, les difficultés à concilier les points de vue en période de crise, la menace d’extinction … Ce sont des choses qui vous travaillent dans la vie de tous les jours ?

Qui a parlé de bestialité ?

JP : Ce sont des thèmes auxquels on est confronté au quotidien. Selon l’interprétation, on peut les retrouver dans une très grande partie des œuvres artistiques, qu’ils soient sciemment mis en avant ou discrètement dissimulés.

Mathieu : En effet, comme dit JP, ces problématiques traversent notre époque et j’ai voulu les inclure tôt. Elles sont comme un miroir déformé de notre réalité et donnent à réfléchir un peu sur notre condition actuelle. Libre à chacun ensuite d’intégrer plus ou moins ce genre de thématique disons, de « société ». 

Guillaume : Je ne sais pas si ça me “travaille” particulièrement, mais en tout cas, ça m’a de suite parlé. J’ai adoré cette multiplication de thématiques fortes, portées par un univers très “BD”. Cette richesse permet plusieurs niveaux de lecture, on peut faire de ce jeu bien des choses, en fonction des groupes de joueurs.


3 : Quand on regarde les illustrations du jeu, on ne peut se défaire de la sensation d’une « vision d’artiste » mise en mots (en tout cas c’est mon cas). Ca s’est passé comment la génèse du projet ?

Oui Môssieur, je suis très sérieux quand je parle de vision d’artiste !

Tout à commencé avec une volonté de faire un univers aussi riche et cohérent que possible. J’ai d’abord beaucoup dessiné. Des personnages et des décors sortaient sans que je n’aie aucune ligne directrice. D’abord surgit un univers très médiéval puis au fur et à mesure, ça s’est orienté vers une pointe de renaissance. Quand je terminais un personnage ou un décor, aussitôt je l’insérais dans cet univers en formation. Le processus a duré trois ans, tous les soirs je me mettais à ma table pendant trois ou quatre heures. Quand cette période fut terminée, j’ai engagé un gros travail de cristallisation. C’est à dire que j’insérais dans la trame générale les illus que je n’avais pas encore liées à quoique soit et j’affinais les liens de cause à effet entre les pnj principaux, les factions, etc… ça fonctionnait comme un système d’entonnoir. j’ai fini par avoir quelque chose de stable. Mais c’était seulement les fondations. 
Puis je me suis attelé à faire un jeu de rôle dans cet univers. J’ai posé les bases d’un vague système. Ce que je voulais retranscrire en jeu. J’ai pondu 50 pages de textes sur l’univers : qui allions nous incarner ? quelles factions faisaient quoi et pourquoi ? etc… Ce processus a duré deux ans environ, toujours quatre heures par jour. 
Là, les choses vraiment sérieuses ont commencé. Jean Pierre Hufen a désiré écrire un premier scénario dans cet univers (il en écrivit cinq au total, tous riches en péripéties et transcendant les éléments de l’univers. C’était vraiment cool). 
Ensuite j’ai créé une page sur Facebook pour faire parler du projet. Le soutien de beaucoup de personnes a été galvanisant. 
Ça a permis à Guillaume Meistermann de découvrir l’univers et après lui avoir envoyé le doc texte de l’univers et du proto-système (cette partie était vraiment embryonnaire et j’étais complétement perdu pour tout dire) il a voulu embarquer dans l’aventure,ce dont je n’ai pas été déçu une seule seconde. Il a créé un système efficace, sobre, prompt à s’harmoniser avec Les Terres de Matnak, univers rude par définition. 
On a travaillé, testé, fait des conventions. On s’est adjoint d’un co-auteur pour développer ce qui avait déjà été posé, bref nous étions là, lancés dans une véritable aventure éditoriale. 
En tout et pour tout, à l’heure où je vous parle, il s’est donc passé près de huit ans depuis la première intention.

4 : Jean-Pierre, tu es en charge des différentes « missions » (les scénarios qui permettront à tout un chacun de prendre la mesure des possibilités du monde de Matnak) proposées dans le jeu. Tu t’y es pris comment pour t’approprier cet univers, sans disons, trahir la fameuse vision évoquée plus haut. Tu avais un cahier des charges ou on t’as simplement dit « lance toi, si ça ne le fait pas, tu seras juste cloué au pilori » ?

J’ai eu la chance d’avoir une certaine liberté dans la rédaction des missions. Pour m’imprégner de l’univers et trouver une source d’inspiration, j’ai tout d’abord observé les illustrations et les concepts déjà mis par écrit. Lorsqu’il y avait beaucoup de matière, je cherchais quel type d’intrigue permettait de la mettre en valeur. Dans les autres cas, je développais également les particularités des régions et des factions en fonction des besoins des missions que je rédigeais.
J’ajustais mes textes selon les demandes et conseils qui m’étaient faits lorsque je présentais les synopsis, puis une nouvelle fois lorsque je présentais les missions complètement rédigées.

5 : Mathieu, non content de nous balancer quelque chose comme cent cinquante illustrations dans le livre et d’être le papa de l’univers, tu es aussi responsable de la maquette (fiou…). Du coup, c’était quoi ta ligne directrice quand il s’est agi d’organiser tout ça, ainsi que les écueils auxquels tu as (peut-être) dû faire face ?

Alors je pourrais te dire que j’ai pris les choses chacune en son temps. Mais en fait, j’ai chevauché les étapes les unes avec les autres, pour gagner en efficacité. C’était risqué, dans le sens où je naviguais à vue. Mais j’ai patienté et ça a fini par payé, car aujourd’hui la maquette et le texte ne fonctionnent pas sans les illustrations, et inversement.


Je faisais une illustration pendant que le texte attendait. Parfois c’était l’inverse. Et quand j’ai abordé la maquette le texte n’était pas terminé entièrement, ni les illus d’ailleurs (il m’en manque encore, je suis dessus actuellement). 
Comme outil de production en équipe j’ai choisi le couperet des deadlines, même si ça peut être stressant c’est ce qu’il faut à mes yeux pour mener à bien un projet de grande envergure, avec les contraintes qui y sont liées. Bien sûr nous ne sommes pas à Hollywood, les deadlines nous servaient surtout à nous imposer un rythme entre nous. Parfois il y eu des retards mais l’essentiel était de toujours aller de l’avant. Même lentement, il faut avancer. 
Même dans le bordel il faut avancer. L’ordre finit par s’imposer naturellement au fur et à mesure du travail.

6 : Accoucher d’un jeu, comme toutes les naissances, ce n’est pas quelque chose qui se fait sans mal (pensée émue pour toutes les mamans du monde). Ça demande beaucoup de travail et de réflexion, mais au-delà de ça, comment on s’y prend pour savoir si effectivement on va réussir à proposer quelque chose de ludique en plus d’être fonctionnel ?

Mathieu : on prie pour que toutes les lectures, visionnages, et autres sources d’inspirations et de créations que nous avons emmagasinées dans notre vie de rôlistes nous servent à viser juste dans les choix à faire. Parfois ça marche, parfois on doit rebrousser chemin. Et comme avec un enfant qu’on élève, on ne sait pas ce qu’il va devenir … mais on fait tout pour que son avenir soit le meilleur possible. 

JP : Lorsque l’on prépare les intrigues et les mécaniques de jeu (y compris celles qui vont au-delà du système de règles), il me semble que le plus efficace est d’échanger avec le public ciblé. On peut en retirer de nombreuses pistes.
Dès la première ébauche produite, le plus simple est de tester le jeu autant de fois que possible et de récolter les retours, afin de déterminer si on a bien atteint les objectifs que l’on s’était fixés. Il arrive même que l’on découvre ici des pistes si intéressantes qu’elles deviennent de nouveaux objectifs.
Une fois la version quasi-finale prête, une nouvelle phase de test et de discussion ne peut pas faire de mal. Après les derniers ajustements qui s’imposent, on devrait avoir le résultat voulu. C’est comme une recette de cuisine peu précise : il faut savoir quand ajuster les étapes si on se rend compte que ça ne fonctionne pas comme espéré. L’une des grandes difficultés est de déterminer quand arrêter de faire des tests ou des ajustements, car on risque de se perdre à vouloir développer et affiner toujours plus.

Guillaume : On a énormément discuté autour du système justement, parce qu’on avait à cœur de donner un vrai objet ludique. On ne pouvait se contenter d’adapter un système, il fallait quelque chose qui colle vraiment à l’esprit de Matnak. Un truc qui fait qu’au cœur des mécanismes, il y ait ce dilemme de recourir à la puissance illimitée de la zoomorphose au risque de se perdre soi-même. J’espère avoir réussi. Mais c’est autour de ces nombreux échanges que le système s’est peaufiné.

7 : Guillaume, c’est toi qui a commis la partie mécanique du jeu en t’attelant au système de résolution … Alors, je sais que tu fais beaucoup de traduction de jdr, mais de là à basculer dans le game design, on n’est pas tout à fait dans le même registre. Ca t’as pris comme ça ou ça faisait un moment que ça te travaillait ?

Guillaume : En réalité je ne fais de la traduction que depuis peu. J’ai travaillé sur Matnak avant de traduire. Et quant au game design… Je me demande toujours si je peux prétendre être game designer. C’est un vrai métier, complexe et qui s’apprend. J’y ai mis beaucoup de cœur, j’ai travaillé sans cesse, autour de quelques points clefs.
Le cahier des charges était assez clair, en fait. La base de ce cahier a été édictée par Mathieu, mais la suite nous l’avons décidée en équipe. Il fallait de la simplicité, peu de caractéristiques chiffrées, pas de compétences, seuls les Joueurs devaient lancer les dés, on ne voulait pas d’une progression “classique” avec des niveaux mais autre chose, que les PJ soient dès le début de vrais héros, de la mortalité, un vrai sentiment de puissance, des PV, des dégâts (relativement) aléatoires, une mécanique unifiée entre toutes les phases de jeu…
Et c’est sans parler de la partie “symbolique” : bien des éléments ne sont pas choisis au hasard. Le D8, symbole d’infini, le 7 (les PV sont octroyés par tranches de 7), les 3 caractéristiques, qui additionnées font 21, etc. Tout ceci est la “faute” de Mathieu, notre grand Alchimiste. Bien évidemment, je ne me suis pas contenté de bricoler autour de ces données. Elles ont été agencées et organisées de manière très rationnelle. Les statistiques sont calculées et réfléchies. Et tout ça pour donner quelque chose de souple et plutôt orienté vers l’histoire.

8 : Pour en revenir au système de jeu, j’ai cru déceler comme une parenté avec l’Apocalypse4, tout en proposant  une approche plus « traditionnelle » dans la prise en main. Vous pouvez nous en dire un peu plus sur le cheminement qui vous a mené là ?

La fiiiiin du moooonde… ha non, l’Apocalypse

Mathieu : L’idée était de conserver les habitudes des jeux traditionnels et d’y ajouter le principe de l’apocalypse selon lequel rien ne doit pouvoir se conclure sur « il ne se passe rien ». 
Guillaume a eu la très bonne idée de synthétiser en actions courantes les mouvements habituels des jeux traditionnels (je défonce la porte, je saute le pont, je séduis tel pnj). Une fois ces habitudes adaptées en termes narratifs (franchir un obstacle, aggraver la situation, etc…), il n’y avait plus qu’à imaginer le système de résolution. Vu que le moteur est souvent les joueurs dans une partie de jdr (du moins, c’est ce que je pense) on a libéré le mj des lancers de dés, pour qu’il se concentre sur la cohérence de l’univers et la mise en scène de ses parties. 

Guillaume : En effet, Mathieu l’a très bien dit, nous cherchions un compromis entre les PbtA5 et les jeux old school. Au final, il y a une proximité avec Dungeon World6. C’est un jeu formidable qui mérite d’être testé, mais ce n’est pas aisé de le mener, cela dit. C’est plus abordable à mon avis, dans le sens où les actions ne sont pas pensées pareil. Plus simples à utiliser ! Pour finir, nous voulions un jeu dont les règles serviraient l’histoire. Facile d’accès. Qui parle aussi aux anciens, nous ne voulions perdre personne en route ! 

9 : Bon, si l’on observe bien la carte des Terres de Matnak, on peut faire la constatation que c’est à peu de chose près gros comme la Corse… C’est tout l’univers de jeu ou vous nous avez préparé douze suppléments/spin off pour étoffer tout ça ?

Matnak, Ile de beauté

C’est parfaitement ça pour l’allusion à la Corse. Imaginez, il ne reste plus que la Corse d’habitable dans le monde entier, et sur ça vous ajoutez un virus qui transforme les hommes en bêtes. Virus provoqué par la cupidité et l’orgueil. Le tout enrobé d’un nappage à la Madmax7 médiéval fantastique psychédélique, et vous avez Les Terres de Matnak !
Quant au jeu, il n’y aura qu’un seul livre, avec tout ce qu’il faut pour jouer plusieurs campagnes. Des événements aléatoires appelés Aléas, la description de 7 régions et de 7 factions liées. Le tout accueillant 150 pnj environ . Là dessus, nous avons ajouté des secrets à découvrir et des outils pour le faire. Il y aussi nos conseils pour jouer une partie ou créer une mission. Et le livre se termine sur pas moins de cinq missions pouvant se jouer en campagne. 
C’est vraiment un jeu clef en main que nous avons voulu.

10 : Un petit quickie sur l’imaginaire en général ?

  • Si vous étiez un livre (roman/bd,…) :

JP : Je serais un faux livre, pour décorer les bibliothèques.

Mathieu : le cycle de Dune8 de Frank Herbert (particulièrement L’empereur-dieu

Guillaume : Je suis incapable de répondre à ce genre de questions… Quelle torture de choisir ! Si je dois vraiment parler de mes livres favoris, je dirais “Notre besoin de consolation est impossible à rassasier” de Stig Dagerman9, “Que ma joie demeure” de Giono10, « Le Moine » de Lewis11… Mais sinon, pour la SF/Fantasy, j’ai adoré “Seigneur de Lumière” de Zelazny12. En BD c’est assurément “L’Incal” de Moebius et Jodo13, et… “Les formidables aventures de Lapinot” de Trondheim14. Et là je me dis que je suis à côté de la question, puisque je dois parler d’un livre qui me ressemble. Du coup si quelqu’un a écrit “L’indécis”, ça pourrait bien coller.

  • Si vous deviez cosplayer quelqu’un :

JP : Je serais un gigantesque Kirby15… ou un énorme Mr. Saturn16… ah, je n’arrive pas à choisir !

MathieuDocteur Who17

Guillaume : Oh la la. C’est compliqué. On va dire un truc avec un chapeau. J’aime bien les chapeaux.

  • Si vous étiez un jeu (de rôle/vidéo,…) :

JP : Je serais un jeu de dés.

Mathieu : Riven (de la série Myst18

Guillaume : faut arrêter avec les questions comme ça ! JE SAIS PAS. Bon, Shining Force 319, sur Sega Saturn. Sinon j’aime bien les jeux qui font peur.

  • Si vous étiez une période historique :

JP : Je serais la préhistoire. Il y avait de l’espace libre. Ça devait être calme. J’aime bien quand c’est calme.

Mathieu : moyen âge.

Guillaume : 20ème siècle, autour de l’avènement du rock progressif. 

  • Si vous étiez un univers fantastique :

JP : Je serais une utopie. Ça aussi, c’est bien calme.

Mathieu : l’univers du baron de Müncchausen20. Baroque, où tout est possible, et qui garde un esprit positif malgré tout. 

Guillaume : l’univers d’Ambre21, parce que tout y est possible.

Et pour conclure, la question vache… selon vous, quelle est la place de l’imaginaire dans la culture (qu’elle soit populaire ou autre) et comment vous positionnez-vous dans ce vaste tableau ? 

JP : Je pense que l’imaginaire offre d’immenses opportunités de réflexion concernant des situations fictives pouvant ou non se réaliser dans le futur. Cela permet de se préparer logiquement, mais aussi de se développer émotionnellement, bien au-delà de ce que permettrait le simple traitement de données factuelles.
Comme toute personne ayant un jour partagé un peu de son imaginaire avec un tiers, j’apporte mon infime participation au développement de ce collectif gigantesque… en bien ou en mal, je ne sais pas.

Guillaume : l’imaginaire dans la culture ou la culture de l’imaginaire ? C’est vaste. Je dirais que la place de l’imaginaire est importante, à une époque où on a du mal à distinguer les contours de la réalité. Cultiver l’imaginaire pour savoir ce qui est vrai du faux, c’est peut être une piste à suivre. Quant à notre place là dedans avec Matnak, j’ai envie de dire qu’on est dans la lignée de l’imaginaire de Jodo, Moebius22. Cet imaginaire de BD un peu fou qui va venir questionner justement la réalité. 

Mathieu : l’imaginaire, en tant qu’élément constitutif de notre condition, a toujours tenu une place importante dans l’histoire de l’humanité et nous a toujours servi à nous extraire de situations problématiques apportées par le réel. Pour moi il est l’essence même de l’homme et sans lui nous serions voués à disparaître. Pas de survie possible sans imaginaire, pas d’adaptation. 
Et si aujourd’hui l’imaginaire ne nous sert plus à comprendre comment fabriquer un piège ou fabriquer un outil, il nous sert à explorer le « champ des possibles » de nos sociétés, de nos comportements. 
En gros, je pense que l’imaginaire est une distanciation nécessaire, essentielle même, et non une simple évasion, lubie, ou passe-temps, comme on disait souvent il n’y a pas 30 ans.

Un très grand merci à vous trois d’avoir bien voulu vous prêter au jeu des questions et à très bientôt sur les Terres de Matnak.

Jour … ? :  « Je ne saurais dire combien de temps s’est écoulé entre mon entrée dans la grotte et maintenant… Mon esprit me chuchote que tout cela n’a duré que quelques minutes/heures, alors que mon corps me hurle qu’il s’agit de jours entiers.
Mon corps… il m’a fallu un certain temps pour le réaliser, mais ça y est… ce corps que je pensais mien à tort n’est plus, il est devenu… autre chose durant la cérémonie.
Ce qui est surprenant c’est que mon esprit lui, ne semble pas altéré par le Changement, contre toute attente. Est-ce lié à l’expérience que je viens de vivre ? Je ne saurais le dire… d’ailleurs je ne sais quoi en penser, phantasme induit par mes hôtes, par une quelconque substance que l’on m’aurait fait ingérer, ou réel témoignage d’un autre temps, d’une autre réalité… ?
Je préfère m’abstenir de trop y penser dans l’immédiat, devant l’énormité de ce que signifierait la véracité de ce dont je fus témoin/acteur… tout n’est-il donc qu’illusion ?

Non, ce n’est pas possible.
Mes émotions, mes sensations sont bien réelles, elles m’appartiennent en propre. Seule chose dont je sois sûr à l’instant, je ne peux plus retourner à Matnak, étant dorénavant un Changé.
Je ne peux que me résoudre à vous faire parvenir ce témoignage en guise d’adieux.
Le Changement ne signifie pas forcément la Fin… ou tout du moins, … … … je l’espère. »

Pour vos petits yeux éblouis, le WIP de L’écran du jeu

Propos recueillis auprès de Mathieu Myskowski, Guillaume Meistermann et Jean-Pierre Hufen par David Barthélémy

Article initialement publié sur le blog : Cultures de l’imaginaire

Notes et références :

1 Mathieu Myskowski
2 Guillaume Meistermann
3 Jean-Pierre Hufen
4 L’Apocalypse : référence au système de jeu développé pour Apocalypse World (cf Pbta)
5 Pbta
6
Dungeon World
7
Mad Max
8
Dune
9
Notre besoin de consolation est impossible à rassasier
10
Que ma joie demeure
11
Le Moine
12
Seigneur de Lumière
13
L’Incal
14
Les formidables aventures de Lapinot
15
Kirby
16
Mr Saturn
17
Doctor Who
18
Riven, saga Myst
19
Shining force 3
20
Baron de Münchhausen
21
Ambre
22
Moebius