Focus

Entretien avec les Éditions Sethmes autour de la sortie de Noc (mais pas que…)

Bonjour à vous gens de Sethmes¹

Ça fait un moment que je prévois de vous faire subir mon insatiable curiosité (mea culpa), passe mon temps à zapper, me faire déborder par d’autres contingences plus terre à terre (« Comment ? Vous me dites que ça fait 5 ans que mes toilettes vidangent joyeusement sous ma maison sans même faire l’effort de passer par la fosse septique ?!?) et de me dire régulièrement au cours de brefs accès de lucidité (bien souvent nuitamment, entre deux « Papaaaaaa… faut que j’aille aux toilettes… » me tirant d’un sommeil que j’ai déjà léger) :

 « Haaaa !!! Mais damned, ce n’est pas sérieux, j’ai encore oublié ! »

La dernière fois que j’ai dû vous dire que l’on se programmait un entretien « pour très vite » doit déjà remonter à Octogones 2021… j’ai honte.
Mais comme il n’est jamais trop tard pour bien faire et que l’alignement des planètes (enfants au centre de loisir pour la semaine et livraison de NOC² aux souscripteurs) concorde avec l’un de mes sursauts nocturne, me revoici, cette fois fermement décidé à vous passer au grill.
Donc après Etherne³, Kemi⁴ et Aventure dans le Monde Intérieur⁵, votre dernier né NOC débarque dans les chaumières, nous promettant de forts beaux moments de jeu.
C’est le signal, j’attaque donc et vous laisse la parole pour nous éclairer sur ce jeu, mais pas que… ce serait trop facile.

NOC m’a tout l’air d’être très bien parti pour devenir le pavé dans la mare du jdr français 2022. On l’avait senti venir avec le kit d’initiation, mais au fur et à mesure que les retours sur les différents livres de la gamme arrivent, cela semble se confirmer. Vous construisez comment un projet de cette envergure ?

MC : Avant toute chose, merci pour ces mots qui nous touchent beaucoup.
En réalité, je n’avais pas l’impression que nous ayons réalisé un projet aussi massif. C’est seulement une fois tous les objets sortis des usines et étalés sur la table que j’ai constaté que ça faisait, effectivement… beaucoup.

Notre méthode a consisté avant tout, à prendre du plaisir à ce qu’on faisait. Ensuite, à ne pas se fixer de limites à priori. Pas mal de personnes nous ont dit que le kit d’introduction était trop gros, le setting trop complexe, le style trop littéraire, le financement participatif trop généreux. Mais, à chaque fois, je ne me voyais pas faire moins. Parce qu’on ne cherchait pas à optimiser ou à “coller au marché”. On cherchait à offrir l’expérience qu’on aurait aimé qu’on nous propose.
Lors de la composition, à chaque étape, il s’est agi de beaucoup brainstormer avant de se lancer (les bonnes idées se précisent rapidement lorsqu’elles sont soumises au groupe), de ne jamais travailler pour rien, de réexploiter au maximum la matière pré-existante, de trouver des techniques réplicables afin de concentrer les efforts sur les aspects particuliers de chaque élément.
Pour finir par le plus important, un projet comme NOC exige d’être bien entouré. Avoir des personnes autonomes, compétentes, investies et ayant parfaitement compris le sens du projet. Cela permet d’avancer de concert en limitant les engorgements, les crises, les retours en arrière. Des illustrateurs au prestataire d’impression, des relectrices aux rédacteurs, de Pierre à la Musique à Cédric à la maquette, chaque Ministère avait un administrateur doué et implacable.

CC : Il me semble qu’un paramètre important est la clarté de la vision initiale du projet, de la proposition et de la trajectoire de la gamme. Cette trajectoire, c’est celle de Mikaël et de Blackened, le projet d’origine. S’il reste beaucoup de latitude et énormément de choses à explorer et détailler, les principes fondamentaux ont dès le départ constitué un socle solide, une grille au sein de laquelle toutes les productions peuvent s’insérer. Le risque aurait été de se perdre en cours de route, de se fasciner ou s’abîmer dans un aspect particulier du contexte ou du jeu. Mais les secrets et directions exposées d’ailleurs dès le livre de base définissent un cadre, entretiennent une tension qui favorise les convergences et la cohérence de l’ensemble.

Et quelles contraintes « fortes » vous êtes vous imposés pour garder à la fois la maîtrise de l’univers et celle du matériel de jeu ?

MC : NOC ne sort pas du néant. Il est une nouvelle édition amplifiée de Blackened, jeu de rôle diffusé gratuitement au début des années 2000. Les textes de ce dernier ont servi de guide et carcan. Ensuite, il y a eu beaucoup de discussions et d’appropriation de la part de tout le monde. Évidemment, malgré toutes ces précautions, il était nécessaire d’avoir un gardien du contexte, quelqu’un doté de la vision d’ensemble. J’étais prêt à assumer ce rôle, mais je n’en ai pas eu besoin. Malgré sa complexité, le background de NOC a quelque chose d’assez “évident”. Les réflexes y sont vite acquis.


(Cadeau bonus, le numero 07 de Jeux d’Ombres de 2008, notamment sur Blackened, avec quelques noms dans l’ours qui devraient vous dire quelque chose si vous êtes accrocs à la chose ludique)

CC : Les contraintes sont celles que j’évoquais plus haut. L’existence de Blackened et la réflexion préalable sur le périmètre du jeu ont guidé le travail. Compte tenu de l’immersion de l’équipe dans l’univers, les contraintes ont à mon sens été perçues comme des garde-fous salutaires puis intégrées.

Pour ma part, je n’ai encore lu que le kit d’introduction (qui mettait salement l’eau à la bouche) et ne peut donc que présumer du contenu des livres sortis. J’ai en effet soigneusement évité les différents feuilletages, présentations et autres analyses dans les médias rôlistes, afin de rester « pur » lors de ma future exploration des bouquins. Ceci dit, devant l’ampleur de la chose, une question me taraude… vous en avez gardé sous le coude pour un développement de gamme, ou nous avons là l’essentiel de ce qui doit être amené à constituer le cœur de NOC ?

MC : Le livre de base contient la réponse à cette question, puisque la trajectoire de la gamme y est tracée. Nous savons depuis le début que l’expérience de NOC sera articulée autour de quatre ouvrages majeurs : le livre de base, la campagne, un supplément de “haut niveau” et un supplément de clôture. Il y aura également d’autres extensions en parallèle, pour étendre certains points du setting ou des règles. Le livre de base de NOC est suffisant pour jouer des citoyens sceptiques dans le cadre d’un Bloc, mais ce n’est que le début du chemin. 

Bon, NOC ça déboite (on l’aura compris), mais dans un autre style, mon premier coup de cœur pour les jeux que vous proposez, ça reste Aventure dans le Monde Intérieur. Je me souviens très bien du premier feuilletage du livre de base et de ce qui m’avait paru alors un grand vent de fraîcheur, tant dans les mécaniques du jeu que dans l’usage du thème de la terre creuse (avec une mention spéciale pour les Ouvrages à gérer entre les parties)… Donc, là où tout le monde vous harcèle avec NOC, je vais plutôt attaquer sur vos plans concernant le futur de A.M.I, maintenant que vous avez en avez récupéré l’exploitation… alors, alors ?

AMI c’est bon, mangez-en !!!

MC : Encore une fois : merci. Les derniers mots que j’ai écrits pour AMI datent de plus de 10 ans, et c’est très émouvant pour moi de voir, si longtemps après, que le Ventre-Monde possède ce capital sympathie.
Nous avons effectivement récupéré les droits sur la licence et travaillons à la suite de la gamme pour 2023. Une nouvelle édition n’est PAS prévue car, même si nous pourrions faire mieux et plus joli avec la force de frappe de Sethmes, je considère que le livre de base et les suppléments restent respectables et je ne pense pas que les joueurs d’AMI attendent une refonte (et à devoir repayer pour la même chose…). Ils veulent repasser leur sac d’aventurier sur le dos et reprendre le voyage. La prochaine étape pour AMI sera donc la sorti d’une nouvelle extension dans le style des Almanachs Arcadiens⁶. Le nom changera, pour marquer de début de cette nouvelle ère, mais l’esprit sera le même. Ce supplément tournera autour de la civilisation d’Agartha et contiendra une campagne. Il sera offert à tous les souscripteurs de l’Almanach Arcadien 3, qui se reconnaitront et sauront de quoi je parle.

Pour rappel, vous êtes des bâtisseurs d’univers (pour sûr) et à ce titre, ne vous limitez pas au seul Jeu de Rôle. Kemi a bénéficié de son roman (Sennefer, les larmes de Kemi⁷… on le rappel, portant la mention : tome 1…) et vous évoquez sur le site une volonté d’aller également vers la bd ou encore le jeu de plateau. Ça progresse cette histoire ou c’est plus ou moins en stand by ?

MC : De nombreux projets existent, certains bien antérieurs à Sethmes. Ce sont les jeux de plateaux qui ont occupé la majorité de mon temps depuis le début de l’année (ce qui n’impacte pas le développement de la suite de NOC ou de AMI, je précise). Les retards de livraison de NOC, liés à la conjoncture, ont constitué une opportunité à ce niveau-là. Le projet principal est Diktat, un jeu de conquête et de machinations dans l’univers de NOC. J’estime que les règles sont verrouillées à 99 %, et nous sommes sur une sérieuse phase de playtests. Vous en apprendrez plus sur cette belle boite d’ici la fin de l’année, j’espère.

Le rôliste a beau se vouloir une sorte de couteau Suisse créatif, ce n’est pas toujours effectivement le cas (voire même…). Les compétences relevant de l’écriture, de l’illustration, du game design, du maquettage, puis de toutes les tâches « bassement matérielles » liées à l’édition, la production et la distribution (sans même parler de la communication ou de la gestion administrative et financière) couvrent des domaines d’activités très larges. 
Vous vous organisez comment pour gérer tout ça ? Qui fait quoi/comment chez Sethmes ?

Rien à voir avec la choucroute, mais regardez le flim si ce n’est déjà fait, il est bien

Elwin : nous sommes quatre associés, et au-delà nous possédons une Armée de la Nuit qui nous prête main forte, des amis qui nous éclairent de leurs avis et conseils. Entre nous les disponibilités, les appétences, les enjeux ont fini par établir des tendances, susceptibles d’évoluer avec de nouveaux projets.
La ligne éditoriale initiale était claire, puisque nous sommes un collectif d’auteurs – trois d’entre nous sont venus avec leurs précédents projets, pour constituer la base du catalogue – mais nous essayons de rester ouvert pour la suite.
Nous discutons ensemble des grandes orientations et décisions qui impliquent la société. La laborieuse partie administrative et distribution est assumée par Cédric (qui s’occupe également de la partie graphique et web), et par Mikael. L’autre Mickael est en charge du contact avec les boutiques.
Nous sommes tous capables de mettre la main à la pâte pour l’écriture. Nous désignons par ailleurs des chefs de projets qui constituent leurs équipes, que ce soit avec des associés ou des collaborateurs de Sethmes

Pour en revenir à vos univers, avec Kemi et Etherne, vous aviez bien amorcé l’exploration du jeu dit historique. Vous nous en avez prévu d’autres dans le genre ou c’est un pan des univers ludiques que vous estimez avoir suffisamment défriché ?

Un jeu historique solide s’il en est

Elwin : l’Histoire est à mon sens notre matériau et notre nourriture, et le restera. NOC transpire par tous ses pores cette inspiration. Je ne conçois personnellement pas d’univers crédible sans un ancrage dans les schémas, les anecdotes et les incroyables retournements et subtilités que seules peuvent offrir les tribulations de l’humanité. On peut sans fin parler de ce qu’est un jeu historique – parce que d’une certaine façon ça n’existe pas, mais qu’on désigne par ce biais un palier où le nombre d’éléments qui nous semblent refléter une réalité passée devient suffisant pour créer une forme d’illusion d’historicité. Ce palier apparaît à des moment différents selon les gens et leurs exigences. Je ne sais pas s’il doit être une fin en soi, et selon quels critères il devrait être légitime pour certains et pas pour d’autres. À l’opposé on pourrait dire que rien n’échappe à l’Histoire : tout ce que nous écrivons reste le produit de notre culture et de notre vécu, et nous ne pouvons nous en arracher. Tout est historique, rien ne l’est… autant boire un coup et écrire un truc sympa, on verra après pour les labels.

CC : Peut-être avons-nous un intérêt particulier pour la réinterprétation, le recyclage, le fait de lire dans notre histoire et notre environnement immédiat ce qui se prête au travail de l’imaginaire, de la spéculation. J’ai un attrait spécifique pour les uchronies, peut-être parce qu’elles assument que notre substrat est et restera toujours le réel et qu’elles ouvrent des portes vers des versions exagérées, cinématographiques ou dérangeantes du monde. Être ici sans y être. Pour NOC, l’approche concernant la description de la Terre est très fortement ancrée dans le réel et l’histoire. Et pas uniquement pour la description d’un régime autoritaire et contraint, mais également pour ses aspects technologiques et écologiques qui, malgré les apparences, empruntent à pas mal de notions et découvertes récentes. A défaut d’historicité, évidemment, l’idée est d’entretenir la plausibilité 

C’est l’heure de la question People… Alors Voici :
Dans la dynamique de groupes, on retrouve souvent certains archétypes comme le « chien fou », la « force tranquille », la « rock star »… 
Chez Sethmes, on connaît surtout Mikael et Cédric, pour les croiser en convention… Alors, vous êtes respectivement lequel ? 
Et à l’instar d’un groupe de rock, un collectif d’auteurs peut être « agité » par les tensions entre les différentes personnalités. Quand on travaille au long cours sur un projet commun, comment on reste fonctionnel en dépit des inévitables frictions passagères ?

Mais qu’ils sont beaux et fringants (à gauche, Mikael Cheyrias, à droite, Cédric Chaillol)

MC : je suis le plus intelligent de l’équipe.

Elwin: répondre à cette question à propos des autres implique le déclenchement d’une cascade de duels judiciaires. Je me propose comme “Schtroumpf grognon à lunettes” pour mon rôle critique dans la conception, l’analyse des univers et scénarios; mais aussi sur des sujets éditoriaux. C’est important de pouvoir confronter nos opinions, pour combler nos angles morts réciproques.

MS : Construire un projet professionnel avec des amis sur des sujets passions peut bien entendu être source de difficultés. On reste fonctionnel en diminuant le café et en décrochant son téléphone pour discuter.

(les plus observateurs noteront que Cédric a sournoisement esquivé la question… de là à déduire qu’il ne serait pas entièrement d’accord avec certaines assertions de ses coreligionnaires, il n’y a qu’un pas… que nous ne franchiront certainement pas bien sûr… huhuhu)

J’aimerais revenir sur cette notion de collectif d’auteurs si ça vous convient, et éclaircir un petit peu ce côté « communauté » qu’elle induit, par opposition à la maison d’édition traditionnelle et son fonctionnement plus « vertical ». Vous pouvez nous détailler un peu l’idée derrière tout ça et la manière dont le choix de la structure impacte l’aspect créatif de vos jeux ?

Voilà, rien de tel que la communauté pour avoir des auteurs heureux

CC : Sethmes intègre la filière, de la conception à la diffusion, en passant par la rédaction, le design, la communication… La société constitue un cadre de fonctionnement qui, pour l’instant, porte des projets amenés en interne. Notre spécificité est sans doute d’assurer à la fois les fonctions d’édition et de création.

Forcément, passage obligé de tout entretien qui se respecte (ou pas)… Vous nous préparez quoi en prochaines sorties (parceque j’imagine que vous ne vous tournez pas les pouces en vous reposant sur vos lauriers suite à NOC) ?

MC : Concernant NOC, nous avons donc le livre Visions⁸ et le recueil de Configurations⁹ et de scénarios. Comme c’est souvent le cas chez Sethmes, le Recueil a pris une ampleur et une complexité inattendue au fur et à mesure de son développement. Beaucoup d’amis, d’alliés et de soutiens se sont greffés à l’équipe initiale pour apporter d’excellentes idées, des ambitions et de l’énergie. L’accouchement sera plus long que prévu, mais le produit final sera très costaud. Ces deux bouquins arriveront début 2023. Ensuite, il y aura le tome 2 des Lueurs obsidionales, la campagne officielle, actuellement en cours de test et de rédaction du côté du laboratoire d’Orion¹⁰.
Toujours sous l’Artefact mais dans un autre style, le jeu de plateau Diktat se consolide dans les ateliers de l’Effort. Deux autres jeux de plateau plus légers et familiaux sont à l’étude à la Direction du Progrès.
Dans le Monde Intérieur, l’Almanach Arcadien 3,5 est en rédaction, pour une sortie souhaitée au deuxième semestre 2023.

Ces deux dernières années n’ont pas été tendres avec le petit monde de l’édition (pas que bien sûr, mais c’est ça qui m’intéresse). Entre virus galopant, paralysie de l’industrie qui en découle, baisse de moral, guerre en Ukraine, augmentations diverses et variées d’un peu tout, on est plutôt gâté. 
Si je ne m’abuse, Sethmes à émergé pile poil au bon moment (2020) pour tomber là dedans, et n’a du coup pas connu le luxe d’un démarrage tranquille, le temps de prendre ses marques.
Vous avez réussi à dormir ces deux dernières années, ou c’était crises d’angoisse et ulcères à répétition ?
Ça n’a pas trop impacté la pérennité de la maison ?

Les gars, cette année 2020, je la sens bien, c’est le moment où jamais de lancer notre boîte

MC : Monter une maison d’édition pour éditer ses propres créations n’est pas à faire si l’on est trop sensible à la pression. Nous avons pris les problèmes les uns après les autres, en misant sur la compréhension du public lorsque les contingences extérieures induisaient des retards ou des altérations inévitables. Les événements tragiques dont on parle ont impliqué un retard important dans la sortie des livres et, à la marge, nous ont privé de la capacité de contrôler les objets à la sortie d’usine. Nous avons dû ici ou là accepter de petits éléments qu’en temps normal, nous aurions pu ajuster, mais nous nous estimons chanceux que NOC ait pu voir le jour au milieu de tout ce chaos. Et nous avons tiré une énorme expérience de tout ça.

CC : les confinements successifs ont modifié les habitudes de jeu et de consommation. La ruée sur les tables virtuelles a permis à NOC, via son kit d’introduction, de vivre en ligne et d’être montré dans plusieurs actual plays sur Twitch et Youtube. Sur ce point précis, le projet a sans doute bénéficié d’une visibilité accrue du fait des circonstances. Mais il est des événements, tels que la guerre en Ukraine, qui ont évidemment constitué un choc et un obstacle. La bonne volonté et la compréhension de toutes et tous, partenaires et public, nous ont permis de mener ce projet à bien.

Bon, je pourrais continuer longtemps à vous harceler de mes questions, mais n’abusons pas des bonnes choses (et ne lassons pas nos interlocuteurs), il faut savoir quand se retirer (hmmmm).
Cependant que je m’éclipse, vous avez quelque chose à ajouter ?

MS : Merci à toi, et merci à la communauté qui grandit chaque semaine autour de NOC. Nous sommes galvanisés par l’ensemble des commentaires bienveillants que nous recevons.

Merci à Mikael Cheyrias, Cédric Chaillol, Elwin Charpentier et Mickaël Sibeud pour cet entretien et plus globalement, pour le travail des Editions Sethmes.
Il ne me reste plus qu’à chopper NOC pour creuser la question de cet univers (qui dès le kit d’intro nous promet un cadre d’une richesse rare, à la puissance évocatrice certaine, je le rappel) et vous faire un retour rapidement, tout en trépignant d’impatience après ce fameux Almanach Arcadien 3.5 (AMI forever)…
Vous aurez sans doute compris (sinon il faut sérieusement que je révise ma grandiloquence) que je suis conquis par les jeux estampillés Sethmes, du coup ne cherchez pas une once d’objectivité de ma part dans cet entretien, ce serait peine perdue…
Si vous aimez la rigueur créative, les univers foisonnant et l’histoire, foncez, vous ne serez pas déçus (en tout cas, moi je ne l’ai pas été).
Longue vie aux éditions Sethmes et re vivement la suite de AMI.

Propos de Mikael Cheyrias, Cedric Chaillol, Elwin Charpentier et Michaël Sibeud recueillis par David Barthélémy

Notes & Références :

¹ Sethmes
² NOC
³ Etherne
Kemi
Aventures dans le monde intérieur
Almanach Arcadien
Sennefer
Visions
Recueil de configurations
¹⁰ Laboratoire d’Orion

Avant la sortie

Avant la sortie : Tribute, jouez avec le Diable de Christian Grussi

Richard avançait dans le corridor blanc, éclairé par des néons agressifs… Nul endroit pour se cacher, et tant mieux, au moins on ne lui tomberait pas dessus sans qu’il ne l’ait vu venir. Cela faisait deux jours qu’il cherchait la sortie de cet hopital avec sa « bande », trois autres patients qui comme lui, s’étaient réveillés dans une chambre délabrée, avec pour seule possession une des fameuses chemises de nuit « fesses à l’air » si chères au milieu médical. Impossible de se rappeler autre chose que son nom, et c’était la même chose pour les autres. Clara, la grande blonde un peu forte, Medhi, l’adulescent dégingandé et Samuel, qui sous son air un peu rustre s’avérait plus cultivé que prévu, l’avaient rejoint petit à petit au fil de ses errances dans les couloirs ravagés de l’énorme bâtiment. Au début, tout allait bien… Enfin, autant que possible lorsque l’on est amnésique et que l’on bénéficie d’une intimité toute relative quant à l’exposition de son fondement. Tout allait bien donc, jusqu’à ce qu’ils croisent les premiers « enfants »…
Saloperie de mioches.
Le premier qu’ils avaient croisé déambulait d’un pas hésitant dans la cafétéria. Instinctivement, Richard su qu’il n’aimait pas les gosses, mais vu qu’il n’était pas seul, il fit l’effort de s’approcher pour voir ce qui se passait. Il perçu l’odeur de charogne alors que sa main allait toucher l’épaule du petit. Retenant un haut le cœur, ainsi que son geste, il ne réagit pas assez vite pour éviter de se faire lacérer par… cette chose…Une gueule toute en crocs s’ouvrant démesurément sur un cri muet, des yeux rouges luisant de malveillance et des mains dont on ne percevait au final que de longues griffes noirâtres… Tu parles d’un gamin ! Serrant sa main blessée, Richard hurla de douleur autant que de peur. Aussitôt pourtant, un élan de haine remplaça l’effroi et, d’un coup de pied sauvage, il envoya valser la créature qui tournoya sur elle même dans les airs, avant d’atterrir souplement à quatre pattes de l’autre côté des tables de cantine, à la manière d’une bête sauvage. Les autres étaient tétanisés par le spectacle se déroulant sous leurs yeux. D’un cri de rage, Richard rompit leur immobilité, les invectivant à se saisir d’une chaise pour l’aider à « défoncer cette saloperie »…

Allé les gens, venez jouer… Contrairement au bonneteau, ici vous avez une chance de gagner… Enfin… Peut-être…

Salut Christian¹. Tu vas nous proposer très très prochainement en financement ton jeu Tribute, qui va parler du Diable et de gens confrontés à ce très respectable individu, ou tout du moins, ses manières de faire. On dit qu’il se cache dans les détails… aussi, tu en aurais quelques-uns à partager avec nous pour préciser un peu tout ça ?

Bien le bonjour ! Et merci de m’accueillir par chez toi. En tant qu’humble émissaire de son Infernale Majesté, je vais essayer de répondre à ton flot de questions bien légitimes. Alors, quel scoop pourrais-je bien dévoiler dans ces lignes ?
Que le financement participatif aura lieu sur Ulule du 13 avril au 5 mai prochain ?
Déjà dit.
Au prix de 38 €, prix spécial Ulule, pour la version livre + jeu de cartes ?
Déjà dit aussi…
Qu’il y aura des paliers qui vont permettre de débloquer des Diableries d’une myriade d’auteurs plus ou moins connus ?
Bon…
Parlons plutôt du jeu en tant que tel, alors.
Tribute, Jouez avec le Diable, est un jeu de rôle à narration partagée, c’est-à-dire où chaque participant va intervenir dans l’histoire même pour l’enrichir.
Qu’il est fait pour 2 à 4 joueurs, et se joue avec un classique jeu de 54 cartes, en utilisant le principe du Blackjack. Le tout permettant de faire des parties courtes d’environ une heure (et plus longues si on le souhaite), avec un temps de préparation d’une dizaine des minutes tout au plus.
Allez, passons à la suite des questions pour un peu plus de scoops, parce que là, c’est pas terrible côté exclusivités !

C’est le premier projet de Rafiot Fringant² (talonné de près par Wushu³ et Arkeos Adventures⁴) qui passe, si je ne m’abuse, le cap de l’édition papier. Pas trop stressé par ce nouveau départ et la confrontation de tes idées avec un public à conquérir (même si l’on ne peut pas vraiment te considérer comme une « jeune première » dans le milieu du jdr) ?

Je pense que je vais augmenter la dose de Tranxène dans mon café, histoire de rester calme, mais vif. Quel beau mélange… Alors oui, je suis à la fois impatient de voir le retour, les premiers résultats, et en même temps, j’ai le trouillomètre à zéro. Normal, quoi. Le trac avant l’entrée en scène. Surtout que je me lance avec un projet sorti de nulle part, hors des sentiers battus, sur lequel on peut difficilement faire des projections. C’est pas comme si c’était une licence de malade avec des ailes de chauve-souris, des tentacules ou des sabres lasers. Mais je ne regrette pas du tout mon choix, car il a pour avantage d’être une création pour le moins originale. Et il affiche clairement mes choix et mes envies : faire des jeux qui sortent des sentiers battus et rebattus, proposer des titres qui ont leur caractère bien à eux. Le choix de Wushu va dans le même sens, et quant à Arkeos Adventures, même si c’est un retour d’un jeu qui a connu ses heures de gloire, cette nouvelle édition sera dans la même veine : une proposition ludique hors des autoroutes mainstream. L’autre point commun, c’est la jouabilité, la facilité de prise en main. Cela fait des années que j’ai envie d’arpenter les voies du clef en main, facile à mettre en place, sans être un exégète de règles à tiroir. Et avec un fort potentiel de fun autour de la table.

J’ajouterais que l’un des feedback qui m’a fait le plus plaisir pour Tribute, c’est dans les retours de playtest à l’aveugle (sans que je sois là, le jeu vivant sa vie tout seul comme un grand), c’est celui d’une tablée avec uniquement des joueurs non-rôlistes, qui ont pris un pied monstrueux, se sont totalement lâchés, sans se poser de questions sur la mécanique, et qui n’ont qu’une envie, c’est de rejouer. Quoi de plus plaisant que d’avoir ce genre de retour quand on écrit un jeu ?

Bon, je fais l’innocent en te posant mes questions ingénues, mais pour être tout à fait transparent, j’avais été bien embêté avant d’attaquer l’entretien, tellement tu donnes de détails à son propos sur ton site. T’as pas un peu honte de couper l’herbe sous le pied des types comme moi qui grattent l’affection de leurs lecteurs en courant après « l’information qui tue » ?

mon crédo : le journalisme total

La honte serait de laisser des zones d’ombres. En plus tu peux comme ça poser tes petits petons sur un gazon fraîchement tondu pour poser tes questions ! Et puis j’ai passé l’âge du « sombre PNJ mystérieux au regard qui laisse entrevoir une vérité encore plus insondable ». Tribute étant à la croisée des chemins (si, j’ai osé) du jdr classique, du jdr narratif, et même du jeu de société dans sa forme. Alors ça valait la peine de prendre le temps d’expliquer les choses. De même pour le financement participatif. En tant qu’acheteur, j’ai envie de savoir pourquoi je délie ma bourse. Alors de fait, en tant qu’éditeur, je donne les informations que je souhaiterais voir en endossant le costume du consommateur. Tu noteras qu’en plus ça te laisse le champ libre pour poser des questions qui vont plus loin que le simple scoop façon « Closer du Polyèdre » (enfin, j’espère).

Alors, l’une des grandes forces du projet (de mon point de vue), sera de proposer plein de matériel jouable, les Diableries. Pour ce faire, tu nous as réuni un casting rôliste digne des meilleurs films choral hollywoodiens… Tu les as sélectionné comment tes petits diablotins ?

Après une série d’épreuves dignes de Squid Games⁵, matinées de Battle Royale⁶ ! La base ! En fait, quand j’ai écrit Tribute, je me suis dit que ce serait vraiment cool de réunir des auteurs sur le projet pour proposer une multitude d’univers, d’envies, de délires. Et que c’était l’occasion parfaite, sans avoir à demander à chacun d’écrire une encyclopédie. J’ai d’abord contacté des amis proches, susceptibles d’être intéressés, puis j’ai élargi ma recherche d’auteurs, avec comme ligne directrice la diversité, d’où des « monstres sacrés » et d’autres moins connus, des hommes de l’ombre qui traduisent, des auteurs de jeux indés, et des romanciers ou personnages publics que l’on ne soupçonne pas d’être accrocs au jdr. Et leur laisser carte blanche. Alors bien sûr, ils sont rémunérés, et leur rémunération augmente avec le nombre d’exemplaires pré-vendus lors de la campagne. Là encore, je trouve que c’est normal de non seulement proposer une rémunération de base décente, mais d’améliorer celle-ci si le succès est au rendez-vous.

Après, je ne cache pas que je me suis également dit que ce serait une superbe opportunité, après des années pas forcément très joyeuses, de remettre à plat pas mal de choses. Un moyen de dire « j’ai pas grand-chose à voir avec ces sales histoires ».

Puisque l’on parle de tes séides, élargissons un peu notre entretien et donnons la parole à quelques-uns d’entre eux pour voir ce qu’ils ont à dire de tout ça (sans bien sûr compromettre leur place aux enfers)…
nb: les diablotins étant par nature des créatures facétieuses et très occupées à « améliorer » le sort de l’humanité (gniark gniark), certains retours seront aujoutés au fil de leur réception par votre serviteur.

Sandy Julien : Je suis simplement le rôliste le plus chanceux du monde. Bon, je foire tous mes jets de dés importants pendant les parties, mais j’ai la chance de croiser des gens formidables par hasard, juste au moment où ils développent des projets de fou ! C’était le cas pour Tribute, dont j’ai suivi le développement avec plaisir. Christian ressemble à un gamin génial qui trouverait sans cesse de nouvelles façons de mieux jouer avec le contenu du coffre à jouets, et là, il en exhume les règles du black jack pour proposer ce genre de « petit jeu » qui t’accroche définitivement et te permet de faire des one-shots tendus, avec une structure en titane et un mécanisme narratif de retournement de situation qui rend toutes les parties intéressantes. C’est un jeu simple, avec cette petite pointe de génie discrète qui lui donne un charme fou ! Ca se voit, que je suis fan ?

Éric Nieudan: Etant un fan du diable depuis un bon moment, j’ai tout de suite été intéressé par le thème du jeu. Mais à la lecture des règles, j’ai été soufflé par la façon dont Christian s’en sert pour créer un jeu d’aventures aussi court qu’épique. Je dis ça, je dis rien, mais le JdR d’apéro-initation motorisé par le black jack est une trop bonne idée pour ne pas devenir un sous-genre à lui tout seul.

Cyril Puig : Moi, les jeux de rôle narrativo cooperatif à base de carte… en principe… ça me parle pas… sauf qu’il y a du génie dans cette petite diablerie. Le black jack comme outil au service de l’histoire fonctionne à merveille. Ma première partie avec des non rôlistes l’a démontré par l’exemple ! C’est immédiatement adopté, c’est fluide, c’est drôle et inattendu! Bref, c’est diaboliquement simple… et donc efficace. 5 minutes pour expliquer les règles, 5 minutes pour définir les avatars et c’est parti pour 1h30 de pure bonheur. Lorsqu’en fin de partie les joueurs novices vous demandent : “à quand la prochaine?”… vous savez que c’est gagné.

Philippe Auribeau¹⁰ : j’ai eu la chance d’assister à la genèse de ce jeu par l’esprit diabolique de Christian, ses évolutions pour arriver au produit final. C’est le fruit d’une longue réflexion sur les domaines ludiques et narratifs qui ont conduit à ce jeu hybridiabolique, où le principal est le plaisir de raconter une belle histoire en se nourrissant de références qui nous sont chères. Ajoutez une mécanique aux petits oignons, et vous obtenez un petit ovni ludique que j’ai hâte de tenir dans mes mains menottées.

Pierre Pradal¹¹ : Lorsqu’il y a deux ans, Cégé a commencé le développement de Tribute, ses intentions premières étaient de proposer un jeu narratif aux règles simples, funs et accessibles au plus grand nombre permettant de se lancer dans l’aventure avec un minimum de préparation. Il n’a pas hésité à retravailler son concept initial plusieurs fois pour relever ces trois défis. Aujourd’hui, Tribute est un petit bijou de système. Une question subsiste: Cégé a-t-il signé un pacte avec le Diable?

Jérôme Larré¹⁹ et Coralie David²⁰ : Alors nous, à la base, on ne voulait pas être là. Puis, Christian nous a motivé en nous disant qu’on pourrait faire un script juste pour avoir le droit de nous moquer du nom de sa maison d’éditions. Et comme cela fait dix ans que lui ne se prive pas, on s’est dit que ce serait l’occasion rêvée. Alors, oui, bien-sûr, le fait que le jeu soit bon et vienne palier ce qui nous semble être un manque dans l’offre actuelle n’était pas désagréable non plus. Mais soyons clairs : ce n’était qu’un heureux accident !

Bon, parlons peu, parlons bien et attaquons le sujet qui ne fâche pas du tout (pour une fois), le prix… et tes choix vis à vis des soutiens (enfin, de leur bourse… enfiiin… Tu m’as compris quoi) pour ce financement. Tout ça me donne l’impression que tu fais ce qu’il faut pour encourager la confiance des plus réticents à mettre un pied (à défaut d’un rein ou d’un bras) dans le fabuleux (quoique parfois hasardeux) monde du financement participatif. En dépit des (trop nombreuses) parenthèses, j’ai bon ?

38€ M’sieurs Dames… Au Diable l’avarice, investissez pour votre avenir

J’ai connu du financement participatif sous diverses formes, que ce soit en tant que soutien ou en coulisses, en bien comme en mal. Ce que j’ai voulu avec mon approche, c’est de faire un crowdfunding qui met en avant ma philosophie. Proposer un deal honnête, où chacun puisse s’y retrouver, autant que faire se peut. Que ce soit côté « financement » ou côté « participatif ». C’est aussi pour cela que j’ai choisi l’approche « prévente » et non « score financier », avec un délai entre la campagne et la livraison qui soit le plus court possible. De même, le choix de la distribution s’est fait sur le facteur « disponible en boutique ». J’ai été particulièrement séduit par la possibilité d’impliquer les boutiques de jeu, de faire économiser les frais de port aux souscripteurs, le tout en payant en deux fois. J’adore ce principe qui facilite tant les choses, tout en impliquant l’ensemble des acteurs du milieu ludique, de l’auteur, en passant par le distributeur, les boutiques, et le joueur. Tout le monde y gagne.

Dans la culture populaire, il y a plus ou moins deux grandes tendances qui se dégagent autour des rencontres avec le diable.
D’un côté on nous présente le type vraiment trop méchant, qui finit par se faire avoir, à cause de sa cupidité/méchanceté (Crossroads¹², l’Imaginarium du Dr Parnassus¹³…), par des gens sincères et honnêtes parvenant à retourner les situations contre lui… Et de l’autre, celle du mec qu’on ne voit pas venir, aimable et affable, qui mise sur les défauts des gens avec lesquels il interagit, finissant ainsi toujours par obtenir ce qu’il désir (Angel Heart¹⁴, L’Associé du Diable¹⁵…), quitte à leur laisser croire le contraire.
Tu as choisi de te placer comment par rapport à ça, dans la proposition du jeu ?

Sans hésitation… j’hésite ! De prime abord, j’aurais d’abord répondu le tentateur séducteur retors, mais… En fait, je ne me suis jamais posé la question. Je me suis juste laissé porter par le côté « il y a toujours un piège dans les clauses du contrat ». Là, le contrat c’est la partie de Blackjack, et le piège la révélation. Après, comme le Diable ne cherche pas forcément à tout prix à faire ripaille de l’âme des joueurs, mais avant tout à tromper son ennui, il me ferait plus penser au personnage de Crowley¹⁶ dans Supernatural¹⁷ qu’à un Al Pacino¹⁸ dans l’Associé du Diable. Retors, mais facile à piéger, car au final, c’est exactement ce qu’il recherche : se faire avoir, car il sera surpris et aura passé un bon moment : la satisfaction de tomber sur des joueurs qui se montrent plus malins que lui ! Faut avouer que de passer une éternité à se faire réclamer l’immortalité, la richesse, le pouvoir… ça doit lasser.

Pour creuser un peu plus la question du Diable en tant qu’individu, tu t’en sert tel quel (donc associé plus ou moins directement à un contexte religieux impliquant l’existence d’un dieu), dans son costume Armani et son inévitable classe nonchalante, ou comme d’une image d’Épinal servant à cristalliser une tournure d’esprit, des travers et des dilemmes finalement propres à l’être humain ?

D’une image d’Epinal, mais en costume Armani. On va oublier le pendant « je porte ma croix », qui n’a pas grand intérêt ici. Mais on garde le côté « classe », car c’est tellement plus séduisant, surtout pour le vil tentateur. Les Diableries sont toutes articulées autour d’une révélation, qui peut être un dilemme. Sous le couvert d’une petite histoire sans prétention de prime abord se cache un questionnement de fond, un choix à faire. Et c’est là tout l’intérêt, sans pour autant tomber dans du pathos ou du drama. Aborder des sujets et des problématiques « adultes » tout en restant sur de la légèreté ludique. Après, c’est l’intention. Mais un jeu une fois sorti du giron de la création, ne vit qu’à travers la table où il est pratiqué, et chacun y met ce qu’il veut.

Quand je vois Tribute et la description du projet, je me dis qu’il s’agit d’un jeu basé plus sur des situations qu’un univers en particulier et ça m’amène à m’interroger sur un développement éventuel de la gamme… Donc pour toi, il s’agit d’un jeu « concept » destiné à s’autosuffire, ou on peut raisonnablement s’attendre à ce que tu l’étoffes plus largement par la suite (au moins par le biais de nouvelles Diableries) ?

Le jeu peut se suffire à lui-même, surtout que la recette de création de Diableries y est donnée en détail. Techniquement, il n’y aura pas besoin d’étoffer une gamme aux multiples suppléments. Mais comme tu le dis, publier de nouvelles Diableries, pour continuer dans l’esprit du clef en main, oui, carrément ! J’ai même deux-trois idées qui traînent pour étoffer le jeu, lui donner encore plus de profondeur. Si cela est possible – autrement dit, si le succès de la campagne ulule reflète un engouement pour la proposition ludique – je m’attellerai à cela. Si tel est le cas, et ce serait carrément chouette, ce sera un supplément contenant des Diableries et des alternatives de jeu.

Que Diable ! Je m’aperçois que l’on n’a pour ainsi dire pas évoqué le système de jeu… Tu as pris le parti d’une résolution à base de cartes, alors dis-moi, c’est pour faire le malin (huhu), ça sert un propos philosophico-ludique étroitement lié au jeu, c’est « parce qu’il fallait bien trouver quelque chose, alors pourquoi pas » ?

Bah, ça ou autre chose, franchement… qui s’en soucie ? C’est juste fait pour vendre un jeu de cartes personnalisé, voyons !

Bon, ok, j’avoue, c’est étroitement lié au thème. C’est le cœur même du jeu, avant tout le reste. Car le principe du Blackjack, son côté « stop ou encore » avec la limite du 21, ça colle parfaitement avec la thématique « tentation du Diable ». Pour l’auguste lectorat qui se dit « houlà, j’y pige rien au Blackjack », rassurez-vous : la seule chose à connaître, c’est qu’il faut poser des cartes sans jamais dépasser un total de 21, au risque d’échouer sinon. L’autre point fondamental de la mécanique, c’est qu’à chaque carte posée il faut décrire ce que fait son Avatar, ou ajouter un élément à l’histoire ou au décor. Plus la valeur de la carte est forte, plus on peut ajouter un élément important. Plus la carte a une petite valeur, plus ce sera un détail. Et c’est là qu’il faut se montrer malin, car comme tout un chacun sait, un simple détail peut tout changer !

Que je sois damné si avec tout ça vous n’avez pas envie d’aller jeter un œil sur ce qui s’annonce comme une fort belle proposition de jeu. Du beau bouquin rempli de matériel pour jouer de suite, un système simple et malin, un format de parties courtes particulièrement adapté à ma table de quadras débordés par la vie de tous les jours (certes, là je parle pour moi, mais n’empêche, ça joue) et surtout, surtout… un jeu porté avec amour par son créateur et toute une ribambelle de gens qui connaissent quand même « un peu » le milieu du jeu de rôle.
Embarquez donc à bord du Rafiot Fringant pour cette belle traversée.
Ha, et puisque vous m’êtes sympathiques, prenez donc cette irrésistible pomme offerte par le capitaine, vous m’en direz des nouvelles.

Richard ne comprenait toujours pas comment le gamin avait pu tomber sur le râble de Samuel dans ce couloir… Bon sang, il n’y avait pourtant rien d’autre qu’un chariot renversé et son reflet sur le linoleum étrangement brillant malgré le délabrement des locaux… Toujours est-il que c’en était fini pour lui.
Alors que la sortie était devant eux, à seulement quelques mètres, Richard avait entendu son cri. Il n’eut que le temps de se retourner pour voir rouler la tête du jeune infirmier (ne lui demandez pas comment il le savait, mais il en était désormais certain), jusqu’à s’immobiliser pour toujours au pieds d’un Mehdi stupéfait.
Alors que le corps de Samuel commençait à tomber à genoux, l’enfant/chose/monstre toujours accroché à son dos, Richard se fit la reflexion que c’était marrant, la tête du « gosse » donnait l’impression d’avoir remplacé celle de Samuel, dans une parodie d’être humain ayant croisé la route d’un réducteur de tête un peu farceur.
Le hurlement de rage de Clara le tira de ses pensées et il la vit foncer sur la créature après avoir saisi une hache d’incendie accrochée au mur (tient, il aurait pourtant juré qu’elle n’était pas là la seconde d’avant, sinon il l’aurait prise pour lui).
Grand bien lui fasse, si elle souhaitait s’attarder ici pour venger un inconnu, qu’elle se fasse plaisir. Pour sa part, il ne comptait pas perdre une minute de plus en ces lieux.
Il prit son élan et entama un dernier sprint vers la grande double porte.
Mehdi lui emboita le pas, sans non plus se soucier de Clara, mais eut un instant d’hésitation quand un autre enfant apparut entre la liberté et lui.
Une petite voix résonna dans le couloir pour la première fois, répétant inlassablement « Aidez-moi m’sieur, j’ai rien fait… laissez-moi partir… promis, j’dirai rien… » sur un ton plaintif.
Mehdi s’était figé, les yeux envahis de larmes sans bien en comprendre la raison…
Il commençait à tendre la main vers le gamin quand Richard se jeta sur les portes, innondant le couloir d’une lumière vive qui noya la scène dans une clareté salvatrice.
Enfin la liber…
… … …
Richard se redressa en sursaut sur un brancard, retenu par des sangles de contention en cuir.
A ses côté, trois autres brancards et trois autres personnes attachées… penché sur l’une d’elle, un enfant au regard fou finissait de scier les cervicales de Samuel, projetant du sang partout autour de lui tandis que Clara lui hurlait qu’elle allait le tuer, tout en se débattant avec ses liens.
Mehdi pleurait toutes les larmes de son corps en suppliant une petite fille dont le visage affichait de terribles marques de coups et dont le scalpel tenu avec maladresse semblait hésiter entre taillader l’aide soignant ou les liens qui le retenaient.
Devant Richard, Vincent ( le premier orphelin sur qui ils s’étaient livrés à leurs « expériences ») souriait. Son regard étrangement serein plongea dans celui du medecin sensé le « guérir » de ses tendances à l’automutilation, et ce dernier y lut, avec une clareté limpide que tout était perdu pour lui.
Il se laissa retomber sur le brancard, fixant la lampe scialytique suspendue au dessus de lui et lacha un simple « saloperie de gamins, c’était pour la science », avant que la porte du bloc ne se referme sur les hurlements qui se frayaient un chemin au travers de sa gorge, dans un chant du cygne horrifique de toute beauté.
… … …
Dans un autre lieu, un homme entre deux âges, vétu élégamment d’un costume à la coupe parfaite, finissait de retourner une carte sur un tapis de jeu…
« 23… C’est pour la banque… vous auriez dû vous arrèter avant cher docteur. »
Son rire sardonique se mêlant aux échos des hurlements de Richard dans une harmonie malsaine, il se renversa sur son siège, allumant un cigare d’une main pendant que d’un geste, il donnait à son groom le signal de faire entrer le joueur suivant…

Hmmm… plutôt cosi tout ça

Propos recueillis par David Barthélémy auprès de Christian Grussi

Notes et Références :

¹ Christian Grussi
² Rafiot Fringant
³ Wushu
Arkeos Adventures
Squid Games
Battle Royal
Sandy Julien
Eric Nieudan
Cyril Puig
¹⁰ Philippe Auribeau
¹¹ Pierre Pradal
¹² Crossroads
¹³ L’imaginarium du Dr. Parnassus
¹⁴ Angel Heart
¹⁵ L’Associé du Diable
¹⁶ Crowley
¹⁷ Supernatural
¹⁸ Al Pacino
¹⁹ Jérôme Brand Larré
²⁰ Coralie David

Avant la sortie

Avant la Sortie : Entretien avec Xaviiiier autour de The Caravan

Alors, vous je ne sais pas, mais de mon côté, j’aime bien me mettre un petit disque pour me donner des idées de scénarios… Une ambiance (parfois juste un couplet) peut amener des choses auxquelles on n’aurait pas forcément pensé en réfléchissant juste sur la base d’un jeu. Ce matin, j’ai donc refermé le couvercle de ma platine sur un petit King Crimson¹ et attendu les premières notes de Cirkus (de l’album Lizard sorti en 1970).
Grosse ambiance alternant entre riff apocalyptique et passages folk poussant à l’optimisme, ça sent le scénar bien barré (et je ne parle pas du reste de l’album… Rhaaaa Lovely, Happy Family…).
Donc, ça va décaper un minimum, il me faut un jeu proposant une touche de naïveté ainsi qu’un fond si possible bien glauque pour coller à tout ça.
Hmmmmm, je contemple mes étagères en quête de l’univers qui s’y prêtera le mieux, hésite quelques instants sur Thanatos, mais me dis rapidement que je serais bien en peine d’y insérer la touche de naïveté ou d’optimisme requise par la musique. Damned !
Et là, je repense à un jeu indépendant (tout comme Thanatos d’ailleurs) en développement qui pourrait bien coller, The Caravan.
Une troupe d’enfants, une Matriarche mystérieuse, une terre hostile abritant des communautés à problèmes et des masques magiques transformant les dits enfants en créatures difformes… Parfait.
Seul problème, le jeu n’est pas encore sorti.
Qu’à cela ne tienne ! Je me saisi vaillamment de mon clavier et part débusquer Xaviiiier, l’auteur du jeu pour en savoir un peu plus et voir si effectivement, je pourrai recycler mon King Crimson dans son univers.

Quand même, quel album !!!

Salut Xaviiiier et merci de prendre quelques minutes de ton temps pour m’aider à solutionner mon problème de bande son.
Avec The Caravan, tu nous proposes donc un univers Dark Fantasy Poétique dans lequel vont évoluer des enfants (de 5 à 16 ans), sous l’égide d’une entité nommée la Mama, leur fournissant à la fois un cadre de vie (la caravane), des objectifs (“aider” des gens en échange de faveurs) et des pouvoirs magiques, par le biais de masques… J’ai bon ?

[Une petite musique gitane en arrière-plan, quelques roulottes et un grand feu où des enfants insouciants ne semblent pas prêter attention à quelques loups qui les observent]

Oui tu as bien cerné le décor posé de mon jeu the Caravan.
Pour compléter ton introduction du jeu, j’ajouterai qu’il n’y a que des enfants au sein de la caravane. Le plus grand, Micky fait office de chef.
Les aventures prennent place sur une île nommée l’Ile Crâne.

L’Île Crane

L’île se compose principalement de petits villages qui vivent reclus sur eux même autour d’une croyance ou une peur. Par exemple : un village appelé l’Échelle qui est construit, adossé à de grands arbres. Les habitants les plus importants vivent en hauteur. La nuit des rongeurs, plus grands que natures, plus féroces, viennent voler, attaquer les maisons du bas. Quand la caravane se pose non loin du village, la situation est désespérée. Un vieil homme est prêt à faire la Demande aux Chuchoteurs (la forme monstrueuse des enfants) pour sauver son village. Et il sait qu’en contrepartie il devra offrir un Don à la hauteur de sa Demande.
Mais attention tout n’est pas toujours blanc ou noir dans the Caravan. Le Don ne sera-t-il pas pire que le problème en fin de compte ?

[Zoom arrière du village pour laisser voir l’île dans sa grandeur générale. Quelques villes importantes apparaissent]

Voilà pour les villages, mais il existe aussi quelques villes importantes. Par exemple le Palais qui peut-être considéré comme la capitale. Là-bas un homme, qui se fait appeler le Prince, veut se positionner comme seigneur de l’Île.

Puisque personne n’a rien contre les évidences, je poursuis : Le Palais

Le Palais est une ville qui date de l’avant Grand Chamboulement. A cette époque la magie était maîtrisée (plus maintenant sauf à travers des artefacts). Les habitations sont construites en pierres qui ne subissent pas les affres du temps. La nuit, une lueur bleue émane des pierres pour éclairer les rues. Le Prince a imposé sa légitimité par la force et les savants qu’il embauche pour essayer de comprendre l’ancienne magie. A côté de lui, un Chuchoteur qui le protège…
J’arrête là, car je pourrais en parler des heures……
Voilà un peu l’ambiance générale du monde.

Alors d’un côté nous avons l’univers, et de l’autre le système de jeu. Je fais partie de l’école “qui fuit les systèmes génériques”, notamment quand un univers avec une forte identité doit prendre vie. Tu te positionnes comment par rapport à ça ? Et fatalement, tu es parti sur quel type de système ?

Déjà j’adore les systèmes de jeu. Pour moi un jeu de rôle, c’est :
– un univers
– une ambiance
– un système
– une feuille de perso
Je suis donc d’accord sur l’idée qu’un système générique rend fade les jeux. Après, en fonction de la proposition de jeu, il peut y avoir des systèmes plus ou moins complexes, plus ou moins simulationnistes … etc

Veuillez remplacer la cartouche Y pour pousuivre l’impression

The Caravan est un jeu d’émotions, de ressentis, de réactions d’enfants sous forme de monstres puissants. Je voulais un système plutôt simple, mettant en avant la différence entre enfants, adultes et Chuchoteurs. Pour être complet, la première version avait un système d10 à base de bonus, malus, compétences, pouvoirs… impossible à équilibrer, rendant trop complexe le nombre de compétences. Et je ne parle pas des pouvoirs qui apportaient pleins d’incohérences… brefs pleins de tests nuls et des calculs excels dans tous les sens.
Et je suis tombé sur la traduction du Grümph² de Cthulhu Dark³.

#balancetonpoulpe

J’ai adoré. Simple, rapide et un potentiel de hack assez facile.
Voilà j’avais ma base. Après 5 ou 6 parties playtests et beaucoup de débriefing, le système a été adapté à la version actuelle.
L’idée première est de faire ressentir que sous sa forme de Chuchoteur, l’enfant est très fort. Un monstre de 2m50 avec 6 tentacules peut affronter 4 ou 5 humains sans difficultés. Pas immortel, il peut se faire déborder, mais les Chuchoteurs sont forts et craints. Le cœur du jeu est de jouer des enfants monstres essayant d’aider les villageois contre quelque chose ou… eux-mêmes. La fourberie des adultes ou la fatalité de la vie ne se déjouent pas avec la force brute, mais par les yeux de la naïveté ou la voix d’un enfant qui essaie de se faire entendre.
En playtest j’ai toujours eu des retours sur le besoin de ne pas mécaniser les actions. 
Dixit par exemple : « bah j’ai des ailes pourquoi je dois faire un jet pour voler sur le toit », « j’ai 4 bras et je fais 2m50,  je veux pouvoir tenir 4 villageois en même temps », « je peux parler aux morts, tu m’autorises à transmettre un message au père de la petite fille ? »… Ah voila la poésie qui prend place… et là c’est trop bête de bloquer ça.

Ha oui, effectivement, des enfants monstres

Donc une des spécificités des pouvoirs dans Caravan : c’est qu’ils réussissent toujours. Par contre, pour apporter une tension, un jet Mystique est fait, pour piocher en cas d’échec dans une jauge.
Le risque de perdre du Mystique augmente avec la diminution de la jauge. (bon, c’est plus clair dans le livre).
Pour revenir au sujet. Il y a des règles qui vont mécaniser des éléments de jeu comme : la magie, la cruauté des actions des joueurs, la quantité d’adversaires, tout en laissant les idées des joueurs se réaliser.

Mon premier réflexe quand je lis Dark Fantasy est en général de me dire “Encore…”.
Alors, ce n’est pas que j’aie une dent contre le genre hein, mais le désespoir au bout d’un moment, comment dire… Du coup, j’ai trouvé plutôt malin de ta part de mettre en scène des enfants, ça nous évitera le côté “tout est foutu no futur gothisant”, même si la fatalité n’est jamais bien loin (oui oui je sais, Remi sans famille⁴ met en scène un enfant…). C’était pleinement intentionnel dès le début, cette opposition entre environnement impitoyable et fraîcheur de l’enfance ou c’est venu plus tard dans ton processus de création ?

Oui, c’était présent dès les premières lignes d’écriture et de playtest. Je crée mes jeux, mes campagnes ou mes scenarios toujours autour d’idées de scènes. Mon inspiration débute toujours par l’envie de voir, de faire vivre quelque chose à mes joueurs. Viennent après l’univers, le lore, le pourquoi du comment.
Pour Caravan, ma première idée a été : que feraient des joueurs sous forme de monstres en remontant une rue déserte de nuit dans un petit village. J’imaginais leurs voix stridentes qui chuchoteraient des choses incompréhensibles aux habitants terrés chez eux, terrifiés.
Le nom Chuchoteur est venu tout de suite.
Jouer uniquement un monstre était sans intérêt pour plusieurs scenarios. Il fallait plutôt aider les villageois apeurés.  De même des monstres contre des adultes ne m’emballaient pas.
Et voilà le combo était donc: Chuchoteurs/monstres/enfants contre villageois effrayés/adultes
Au premier playtest, de suite, les joueurs ont apporté de la poésie avec la vision des enfants.
Donc pour revenir à la question initiale. Oui tout de suite il y a eut la poésie et des enfants à travers des monstres.
Le vrai travail de création et d’écriture vient après pour étoffer, créer tous les éléments autour et le lore global.

Puisqu’on est parti sur la création, j’ai parcouru la plaquette de ton jeu  et me suis fait la réflexion suivante : “mais mais mais, il fait tout tout seul ?”
Tu confirmes ?


Oui je suis seul pour tous les postes : écriture,  illustration et mise en page.
J’adore toucher à  tout. J’adore découvrir, apprendre et là je suis servi.


Aujourd’hui, j’ai délégué uniquement la relecture et la correction à une autre personne (@edenroliste).
Par contre, je discute beaucoup, sur tous les aspects du jeu. J’ai énormément de retours, débriefing de parties. Sans ces échanges clés, le lore serait beaucoup moins développé. Merci à eux pour toutes ces heures d’échanges, de tests sur tous les éléments qui structurent le jeu et l’univers.
Par exemple, j’ai eu des échanges de 3 ou 4 heures juste pour définir l’âge des enfants que vont interpréter les joueurs : Pas trop jeune pour pouvoir enquêter, raisonner, mais pas trop vieux pour conserver une vision parfois naïve.

Les visuels de la maquette que tu m’as fourni m’ont tout de suite fait penser à Mork Borg, avec des couleurs flashy et une rencontre improbable (encore que pas tant que ça quand on y réfléchit bien) entre Punk et O.S.R… Tu oserais me dire que “Non Non, pas du tout” ou c’est une influence assumée ?

Euhhhh oui clairement Mork Borg a été la révélation.
Avant, pour moi un jdr devait faire 400 pages et décrire toutes les tavernes, toutes les rues, toutes les villes…. La mise en page était sur 2 ou 3 colonnes, avec une image toutes les 3 pages.


Et il y a eu 2 jeux : Mork Borg et Maze of the Blue Medusa⁵.
Une claque. Voila : poésie, jeu de role A5 sur 96 pages, c’est possible. En plus les univers, quoique non complets sont inspirants, mais tout est là.
Donc oui influence majeure et non pas un Mork Borg like.
J’avoue, le jaune est un peu copié, à moins que ce ne soit le jaune des teletubbies⁶ qui m’ait inspiré ….  je ne sais plus.

De l’idée de départ à la réalisation de la maquette, en passant par les illustrations et le game design, ça n’a pas dû se faire en quinze jours. C’était quoi pour toi le plus compliqué à mettre en œuvre ? Tu as eu des phases où tu t’es dis “pffffff… ça saoul, je plaque tout et je me barre à Plougastel manger des crêpes… heuuu… des galettes” ?

C’est par palier. Avant chaque passage de palier, c’est toujours « pfffff j’arrête, c’est nul ». Et puis, à un moment, il y a un truc, une inspiration, une phrase de quelqu’un qui permet de passer la marche.

Le fameux restaurant « le Tape Cul » à Plougastel, haut lieux de villégiature réputé auprès de tous les auteurs en plein burn out…

J’ai vite lancé des playtests qui étaient supers inspirants.
J’ai eu beaucoup de mal pour trouver mon style de mise en page. Je suis passé par 3 tests de 30 à  40 pages chaque fois pour me dire … « pfff c’est nul, c’est pas ça que je veux ». Et au troisième c’était bon.
Voila le style de palier difficile à franchir.
Là, actuellement, le corebook et le storybook sont écris, illustrés et mis en page a 80%. Le pfff actuel, c’est monter le financement et le marketing… ahhh c’est trop long… mais ça avance.

Mais dîtes voir un peu, ça m’a l’air chouette tout ça

Tu as dû acquérir des compétences particulières au long de ton processus de création, ou tu avais déjà les connaissances nécessaires de par ton parcours (pro ou autre) ?

Oui je connaissais un peu la création d’ebook, la mise en page et le dessin sur ordinateur. Mais par contre jamais aussi loin. Dans mes créations précédentes, il y avait 20% écrit et 80% dans ma tête. 
Là, il faut 100% écrit pour un lecteur qu’on ne verra jamais.

Bon, pis le choix de l’indépendance, tu y es venu comment ? Parce qu’il y a tout de même un certain confort à bénéficier des conseils et du soutien d’un éditeur…

Haaaa l’indépendance…

Je suis de nature à faire les choses seul. J’aime être entouré de conseils, mais avec une finalisation plutôt personnelle.
Je reconnais qu’un éditeur apporte 1000 conseils que je n’aurai jamais en travaillant seul. Mais aujourd’hui pour mon premier financement participatif, je préfère partir presque seul.
De nos jours avec internet, tout est possible seul. Les outils sont disponibles, l’impression à la demande accessible… etc…

Tu vas donc passer par un Financement participatif pour financer ton projet d’ici quelques mois. Tu nous détaillerais un petit peu en quoi va consister la gamme ?

Oui, d’ici à 3 à 6 mois, je lance le financement participatif sur Game On Tabletop⁷. Aujourd’hui, je suis prêt, mais l’installation du financement consomme beaucoup temps, beaucoup plus que je ne le pensais.
En termes de contenus, il y aura principalement 5 contreparties, en pdf et/ou en physique :
– un Corebook avec l’univers, les règles et 1 scénario.
– un Storybook de 8 scénarios avec toutes sortes d’approches possibles du jeu.
– Ecran A5 en 4 volets
– Des fiches A6 avec les différents masques pour la cérémonie.

De quoi s’équiper sous tous les formats

Pour la surprise, il y aura aussi ​quelques packs premiums avec un vrai masque de plus de 50​ ​cm​ ​….
Un vrai boulot que je n’imaginais pas. Mais ça avance​ peu à peu…..​

Tu as fais le choix de te lancer dans l’édition avec ce premier jeu. Ce n’est pas rien en plein Covid/pénurie de papier/crise des transports. Ça m’amène à m’interroger… C’est du one shot ou tu as d’autres projets que tu aimerais porter par la suite (qu’il s’agisse des tiens ou de ceux d’autres créatifs) ? 

– Dis Maurice, y’a plus d’papier… Elles sont où les ramettes ?
– Ch’ai pas… t’as regardé derrière les cartouches d’encre ?
– Ha… Ben y’en n’a plus non plus !!!

Oui toujours beaucoup de projets. Autour de Caravan il y aura une campagne et les explications de certains mystères des corebook et storybook.
Pour les autres jeux, j’ai constamment pleins d’idées, mais rien de fixe. Aujourd’hui, je mets toute mon énergie dans ce projet.
Mais c’est vrai qu’en découvrant et jouant à Maze of the Blue Medusa, j’ai découvert une vraie poésie créatrice dans un méga donjon.
Peut-être une idée pour un futur projet, pourquoi pas 🙂
Pour suivre l’avancé du projet une seule adresse : https://twitter.com/thecaravan8 

​​Un grand merci à toi pour ce zoom sur the Caravan et n’hésitez pas à me contacter sur twitter pour plus d’infos ou participer à des playtests.

Et voilà pour ce qui concerne The Cravan.
Xaviiiier me signale fort à propos que le jeu sera en financement sur Game On Tabletop du 2 au 30 avril, donc si comme moi vous avez des morceaux à utiliser en partie qui peinent à trouver un jeu dont l’ambiance colle, n’hésitez pas. Vous noterez également que Xaviiiier a fort habilement évité de me dire si mon King Crimson pouvait faire l’affaire… soit il est trop gentil pour me dire franco que je suis à côté de la plaque avec ma musique de vieux, soit c’est tellement une évidence que ça ne vaut pas vraiment le coup d’y prèter attention. Dans tous les cas, j’ai décidé en mon âme et conscience que j’ouvrirais ma première partie de The Caravan avec (et toc).
Rendez-vous est pris donc pour le 02 avril pour découvrir tout cela plus avant.

Et comme nous avons commencé en musique, il parait juste de terminer à l’avenant. Par conséquent, le dernier mot sera pour Freddy dans sa complainte à Mama

Is this the real life?
Is this just fantasy?
Caught in a landside,
No escape from reality
Open your eyes,
Look up to the skies and see,
I’m just a poor boy, I need no sympathy,
Because I’m easy come, easy go,
Little high, little low,
Any way the wind blows doesn’t really matter to me, to me

Propos de Xaviiiier recueillis par David Barthélémy

Notes et références :

¹ King Crimson
² John Grümph
³ Cthulhu Dark
Rémi sans famille
Maze of the Blue Medusa
Teletubbies
Game On Tabletop

Avant la sortie

Avant la Sortie : Saga Explorer par le Studio Elixeer

Amis rôlistes, bonjour.
Aujourd’hui, nous allons parler d’ un sujet concernant (pour des raisons mécaniques évidentes) une part significative de la population rôliste gentiment vieillissante : le jeu avec des enfants.
En effet, de plus en plus fleurissent les jeux destinés à un jeune public (voir très jeune), car à un moment donné, le rôliste quadra se fait la réflexion que jouer, c’est cool… que jouer quand on a des enfants, ça devient compliqué… que ça finit par manquer… et que, “mais bon sang de bonsoir, les enfants sont des joueurs tout indiqués et on les a tout le temps sous la main !” (contrairement aux joueurs habituels du groupe, luttant eux aussi pour se dégager de rares moments de liberté entre travail, vie quotidienne, vie de famille et gestion de la marmaille).
Alors certes, les propositions ne datent pas d’hier (Le Magicien d’Oz¹ par Julien Blondel² date de 2006, Les contes ensorcelés³ d’Antoine Bauza⁴ de 2007) et sont nombreuses, toutefois on assiste à une montée certaine de l’offre sur ce créneau, avec par exemple des titres comme :
Petits Détectives de Monstres
Sorcières et Sortilèges
Tails of Equestria
No Thank You Evil
Petits Pirates⁹ (dont le retour de lecture/jeu ne saurait tarder)
Cos’île Été¹⁰

Hé oui, il existe déjà de quoi mettre les microbes à la fête

Pour autant, on ne sait pas toujours par quel bout prendre tout ça (même si les enfants semblent avoir un penchant somme toute assez naturel au jeu et à la mise en situation) et des intermédiaires permettant d’aborder tranquillement le Jdr sont les bienvenus (après tout, beaucoup de rôlistes ont commencé par les livres dont vous êtes le héros) pour les parents (souvent débordés) que (pour certains) nous sommes devenus.
C’est en cherchant ce type de produit que j’ai découvert le projet Dreamquest¹¹ sur Ulule en 2018 et ai immédiatement été séduit par l’univers qu’il proposait.
Dreamquest 1.L’épée des Rêveurs consistait en une aventure conçue expressément pour être jouée par un enfant, accompagné d’un parent, sur le principe du livre dont vous êtes le héros, mais introduisant déjà quelques mécaniques ludiques propres (entre autre) au Jdr (pouvoirs spécifiques, points de Rêve, Carte de personnages et suivi de quête).
Pour l’avoir testé (de trèèèèèèès nombreuses fois) avec mon aîné à partir de ses quatre ans, ça fonctionne du tonnerre. Aussi c’est avec une grande joie que j’ai découvert récemment l’arrivée prochaine du nouveau projet du Studio Elixeer : Saga Explorer¹²
C’est donc en compagnie de Fabien VINCOURT¹³, l’un des parents du projet, que nous allons tenter d’en savoir un peu plus…
Ici les studios, à vous Cognacq-Jay….

Bonjour Fabien et merci de prendre un peu de ton temps pour venir discuter du nouveau projet du studio. Alors, Saga Explorer, c’est quoi ?

Bonjour David et merci de t’intéresser à notre nouveau projet. Saga Explorer s’inspire d’un dessin animé qui a marqué mon enfance  Les mystérieuses cités d’or¹⁴. en reprenant sa particularité de proposer une histoire suivie d’une petite partie culturelle. Avec Saga on veut aussi donner aux plus jeunes les moyens de vaincre leur timidité en développant leur expression en public et leur permettre de découvrir le monde de manière ludique. Nous reviendrons dessus un peu plus tard.

Avant de poursuivre sur les nouveautés, j’aimerais bien que tu nous fasses un petit retour sur le premier projet du studio, à savoir DreamQuest (parce que zut, c’était une super proposition que j’ai vraiment beaucoup aimé). J’ai longtemps attendu le tome 2, mais en 2019, une bien triste nouvelle a semble-t-il porté un coup d’arrêt à l’aventure…

Grâce au soutien de la communauté, nous nous sommes fait repérer par un petit éditeur 🙂 Space Cowboys¹⁵ qui était alors en train de monter la branche kids SpaceCow dirigée par Benoit Forget¹⁶. Nous avons saisi l’opportunité de retravailler le produit et lui donner une plus grande visibilité. Comme tu l’as dit, nous avons été lourdement touchés par la perte de notre illustrateur Yann Thomas. Après quoi il nous a fallu un peu de temps pour nous remettre en selle. Aujourd’hui le Tome 2 est finalisé de notre côté et se trouve entre les mains de notre éditeur qui essaie de trouver le meilleur moyen pour le publier avec toutes les problématiques de production et de logistique que nous connaissons depuis 2 ans.
Nous sommes impatients que vous l’ayez entre les mains tant l’aventure diffère du premier opus.

Vous revoilà donc aujourd’hui avec une nouvelle proposition… on s’éloigne de l’objet livre à proprement parler et on pousse un peu plus avant les supports ludiques pour explorer le monde. Qu’est-ce qui vous a poussé à changer votre formule d’origine dans cette direction ?

Notre formule d’origine existe toujours au travers Dreamquest à savoir donner envie de lire aux enfants. Cette fois-ci, nous voulons faciliter la prise de parole chez l’enfant et aussi l’accompagner dans la découverte et la mémorisation des pays par la manipulation d’objets.
Avec Saga Explorer, que ce soit en famille, en fratrie ou entres amis, les enfants vont d’abord vivre une aventure extraordinaire qui les mettra dans la peau d’aventurier. Ils prendront part à des scènes d’action et comme dans les jeux de rôle, ils devront expliquer comment ils se sortent de chaque situation. Pendant l’aventure, ils vont également manipuler la carte du pays pour découvrir les différents lieux et en fin de partie, ils viendront accrocher une ficelle entre les différents pays traversés, afin de suivre leur parcours tel de vrais aventuriers.

En parcourant la plaquette du projet, j’ai remarqué que vous allez décliner Saga Explorer principalement sous trois formules :
– L’accès au “prologue”, contenant le matériel nécessaire à l’ensemble des aventures ainsi que la première mission.
– L’abonnement pour 3 mois, proposant donc le prologue ainsi que deux nouvelles destinations.
– L’abonnement pour 6 mois, proposant toujours le prologue, ainsi que cinq nouvelles destinations.
Ça m’a l’air très chouette comme principe, mais dis-moi, ce n’est pas un peu vil (mouahahahaha !!!) de proposer une demi campagne à des parents qui vont devoir expliquer à leurs enfants pourquoi ils ne reçoivent plus leurs stickers au bout de deux mois (dans le cas d’un abonnement intermédiaire) ?

En effet David, il y aura bien plusieurs formules pour s’adapter au budget de chacun. Mais pas de craintes pour nos bambins si l’abonnement s’arrête au milieu de la campagne, il n’y aura pas de frustration. A chaque fin d’aventure, les enfants reçoivent une gazette numérique personnalisée reprenant les moments forts de l’histoire enrichie d’éléments nouveaux sur les personnages et l’univers. Si l’abonnement n’est pas reconduit, une fin sera également intégrée dans cette gazette.

Pour ce qui est de la rejouabilité (qui était à mon sens un des points forts de DreamQuest), à la maison, j’ai deux lutins qui ne sont bien évidemment pas jaloux l’un de l’autre pour un sou (comme tous les frères et soeurs) et ont un sens aigu du partage (comme tous les frères et sœurs).
D’après toi, je peux raisonnablement miser sur un seul abonnement pour le foyer ou je vais devoir hypothéquer ma maison pour éviter une guerre fratricide ?

C’est MOI qui mettrai le trait sur la carte… NAN MAIS !!!

Nous devrions pouvoir éviter les lancés de playmobils car en effet, un seul abonnement suffira pour la famille. C’est une aventure collaborative et les enfants vont donc réfléchir ensemble à la manière de se sortir de situations périlleuses en prenant chacun la parole l’un après l’autre. Un passeport pour le groupe sera rempli avec divers stickers à la fin de l’aventure en fonction du niveau de succès de la mission. Après si chacun veut posséder sa propre carte et son passeport, nous proposerons aussi une offre duo.

Sur la plaquette toujours, vous mettez en avant une approche tout en douceur du jeu de rôle (ce qui est très cool)… C’est une vraie volonté d’accompagner des parents et des enfants vers le loisir ou c’est plus un effet secondaire lié au format narratif que vous avez choisi d’utiliser ?

Alors c’est une véritable volonté d’accompagner le grand public vers les jeux de rôle. C’est un médium exceptionnel pour développer la confiance en soi et favoriser la prise de parole même pour les plus timides. Ce sont des histoires que l’on partage et que l’on vit qui restent gravés dans les mémoires. Saga Explorer a pour ambition de rendre accessible les jeux de rôle en limitant au maximum les règles qui restent un frein aux non-initiés.

Pour l’accès au jeu, vous indiquez : de 7 à 11 ans. C’est chouette, mais c’est une tranche d’âge qui commence à être bien fournie en propositions de jeux… à ce jour, le seul jdr que je trouve vraiment (mais vraiment hein, pas en adaptant sauvagement) adapté à des plus jeunes (disons 4/6ans) serait No Thank You Evil… Vous auriez des plans concernant cette tranche d’âge dans un futur plus ou moins proche ?

No thank you evil s’adresse déjà à des parents qui ont un pied dans les jeux de rôle pour qui lire des règles, utiliser des fiches de personnages, utiliser des compétences ne rebutent pas… Les textes dans Saga Explorer nous impose de donner cette tranche d’âge mais comme tu nous titilles là-dessus, nous avons bien pour objectif d’adapter nos aventures pour pouvoir les jouer avec des plus petits. 

Forcément, maintenant qu’on a parlé jeu de rôle, je vais vouloir en savoir plus sur le parcours de l’équipe concernant ce domaine… Vous pratiquez, avez pratiqué… ?
Et qu’est-ce qui vous a donné le déclic de dire « tiens, on va proposer à des parents et des enfants de vivre des aventures ensemble autrement qu’avec une manette dans les mains ou un abonnement à Netflix” ?

Nicolas a pratiqué les Jdr dans sa jeunesse et aujourd’hui il fait rêver les grands et les petits dans ses univers. J’ai pu faire découvrir à Frédérique et Victor le plaisir des jeux de rôle. Pour ma part, j’ai beaucoup pratiqué plus jeune et après une trêve boulot/parent, j’ai repris depuis quelques années avec un groupe d’amis et aussi avec ma fille (pour le moment principalement du medfan).
Quand on se fait des parties de jeux de rôle, on s’en souvient toute sa vie. On en reparle, on se refait l’aventure. J’aimerais que tout le monde ait la possibilité d’essayer au moins une fois. Après … on aime ou pas.

Alors, quand on s’attaque à un projet comme celui-là, le cahier des charges en termes de mécaniques ludiques, d’immersion et d’illustrations, ça ressemble à quoi ? Il y a eu des pièges à éviter ? Et comment, entre l’idée de départ et l’arrivée, tout cela a évolué ?

C’est un énorme travail de recherche et de test. Mettre des illustrations mais pas trop, pour qu’elles facilitent l’immersion, mais ne brident pas l’imagination. Ne pas être juste dans la proposition narrative comme la série For the Story¹⁸, qui  a l’avantage d’être simple mais reste compliquée pour des personnes ne pratiquant pas les jeux de rôle, car il faut imaginer toute la scène. Éviter l’écueil des Jdr plus classiques amenant son lot de compétences, statistiques et toutes les règles qui vont avec.

Des jeux For the story


Dans Saga Explorer, les joueurs prennent la parole à des moments clés de l’aventure. Une situation est décrite avec un objectif à atteindre. Un système de jetons et de prise de risque indique si les joueurs rencontrent des complications ou non. Enfin une liste de mots, certains proposés et d’autres imposés, leur est fournie pour décrire la scène et faciliter la prise de parole ainsi que l’imagination.

Vous avez des idées de développement pour cet univers de jeu ou c’est une campagne complète et bouclée, avant d’explorer un autre format ?

Saga Explorer est le concept qui englobe aventure et découverte culturelle.
Notre premier univers se nomme les Gardiens d’Atlantis. Au cours de la première saison, composée de six épisodes, les enfants vont vivre des aventures palpitantes dans six pays. Autant te dire que nous fourmillons d’idées pour faire découvrir bien d’autres pays et faire vivre de nouvelles aventures à nos minis Lara Croft¹⁹ et Nathan Drake²⁰ (regardez le teaser Uncharted le film pour avoir une idée de ce que vont vivre nos kids).

La crise du papier, des transports, etc commence gentiment à faire sentir ses effets… du coup, entre la naissance du projet, son développement et aujourd’hui, vous n’avez pas eu trop de sueurs froides quant à l’aboutissement ?

Comme beaucoup, cette problématique nous touche également. Nous avons dû revoir à plusieurs reprises nos contenus afin de maintenir un prix cohérent et accessible sans perdre sur la qualité du produit.

Quelque chose à ajouter pour le mot de la fin ?

Un gros merci à nos soutiens qui étaient là pour Dreamquest, qui nous permettent aujourd’hui de vous présenter Saga Explorer.

Hé bien voilà une fort jolie proposition pour celles et ceux qui voudraient sortir un peu leur gobelins des écrans (chose qui relève souvent du pari impossible pour pas mal de parents déjà bien occupés). Système simple, support visuel, goût de l’aventure, tout est là pour que vous puissiez les y mettre, sans pour autant avaler 200 pages de rêgles ou traduire à la volée un scénar après une rude journée de travail.
Le projet est donc en cours de financement sur Ulule et n’attends plus que de hardis aventuriers pour prendre son envol.
Pour ma part, je signe et attends désormais avec impatience le deuxième tome de DreamQuest… Allé hop, on y va ! En route pour l’aventure ta tatata (sur un air bien connu).

Propos de Fabien Vincourt recueillis par David Barthélémy.

Notes et références :

¹ Le Magicien d’Oz
² Julien Blondel
³ Contes Ensorcelés
Antoine Bauza
Petits détectives de monstres
Sorcières et Sortilèges
Tails of Equestria
No Thank You Evil !
Petits Pirates
¹⁰ Cos’Île été
¹¹ DreamQuest
¹² Saga Explorer
¹³ Fabien Vincourt
¹⁴ Les Mystérieuses Cités d’Or
¹⁵ Space Cowboys
¹⁶ Benoit Forget
¹⁷ For the story
¹⁸ Lara Croft
¹⁹ Nathan Drake