Qui dit jeu de rôle dis généralement Dragons, Orcs, Gobelins et autres Liches, voire Licornes. Traditionellement donc, lorsque l’on évoque le sujet, on se place plutôt d’emblée dans un univers médiéval fantastique, avec toute son imagerie et ensuite, en creusant un peu, on s’aperçoit que finalement tous les genres y sont représentés : Horreur, S-F, Drama, Comédie, Historique, Uchronique, Action, … tout y passe. Bien souvent, les noms des différentes maisons d’édition sont apparentés plus ou moins directement au champs lexical de l’un des genres évoqués plus haut… Black Book¹, Wizards of the Coast², Necrotic Gnome³, Antre-Monde⁴, … et j’en passe. Au milieux de tout cela, nous croisons toutefois occasionnellement quelques ovnis au positionnement un peu moins clair pour la clientèle, portant le genre animalier pour étendard : Lapin Marteau⁵, Les Livres de l’Ours⁶, et surtout, celui qui nous occupe aujourd’hui, La Loutre Rôliste⁷. Mais quoi qu’est-ce ? Et qu’est-ce qui anime l’éditeur derrière ce mystérieux (mais néanmoins sympathique) intitulé ? Sans plus attendre, allons poser nos questions à Christophe Dénouveaux⁸, la loutre en chef, afin de tirer tout ceci au clair.
Salut Christophe. Déjà, je vais commencer en te souhaitant un joyeux anniversaire. Huit ans dans le monde de l’édition avec La Loutre Rôliste, c’est un joli chiffre. Quand tu as démarré la boîte, tu t’étais fait un plan de carrière jusque là ou tu t’étais dit « advienne que pourra, il est temps d’y aller » ?
Ma devise : “En avant et Loutre là !”
J’en rêvais depuis des années et puis ce fut plus fort que moi. J’ai tout lâché et je me suis lancé. Sans le soutien de Madame Loutre et de la famille, je n’aurais sûrement pas fait le grand saut au-dessus de la rivière. J’ai dit adieu à l’Education Nationale, à mes élèves de maternelle et d’élémentaire et je me suis transformé en Loutre. Aucun regret. Et puis on a tâtonné, fait des conventions, brisé un certain nombre de règles de-ci de-là et tout s’est enchaîné. Quand je me retourne, là, sur la butte qui domine la rivière, je vois le parcours et je me dis qu’il faudrait 1000 vies pour faire tout ce que j’ai fait depuis 2014. Coup de bol, la Loutre est éternelle. Et wif aussi.
Tu pourrais nous en dire un peu plus sur la Loutre… Ce qui t’as motivé à passer le pas de l’édition, comment ça s’est goupillé et qu’est-ce qui fait qu’on arrive à durer envers et contre tout ?
Comme je l’ai dit, une envie de longue date. Et c’est comme si tout se goupillait naturellement. De toute manière, quelque chose me disait que je n’avais plus le choix. Intellectuellement, je ne trouvais plus de joie à aller bosser à l’école. Et puis le besoin de changer. Tout simplement.
Et pour arriver à durer ? C’est un secret. Mais je peux te dire que ce n’est absolument pas de tout repos ! D’ailleurs, je ne sais plus écrire les mots « saumeïl » ou « vakansses ». Tu vois, j’te l’avais dit ! Il faut être prêt à beaucoup de sacrifices. Gagner son poisson à la sueur de son pwal, c’est loutrement dur ! Wif ! En plus de mes activités éditoriales, je propose des animations de parties de jeux de rôle dans le Morbihan ou Bretagne proche de mon rayon d’action. Cela me permet de rencontrer pas mal de monde au niveau local, que ce soient des entreprises, des communautés de communes, des particuliers ou des associations. De même, je propose depuis quelques mois tout un panel de prestations dédiées aux éditeurs étrangers et aux auteurs indépendants principalement. Parmi ces prestations, il y a, par exemple, la traduction, la mise en page et le conseil éditorial. Toutes les prestations sont listées ici (t’as vu comment j’renvoie vers mon site ?)
La loutre étant un animal social, je suppose que tu n’agites pas tes seules petites papates dans la mare. Tu as des gens (enfin, des loutres) à nous présenter, qui travaillent avec toi ?
Madame Loutre, qui est incontournable (câlin) et un certain nombre de membres du Culte Secret de La Loutre Ancestrale. Mais si je te révèle leurs noms, je devrai te livrer aux pattes des castors (de vrais psychopapattes ces gars). Je viens de te donner le nom de cette organisation. Ah mince, pas de chance, je t’emmènerai voir les Castors tout à l’heure.
Bon, comme t’es sympa, je vais te présenter quand même quelques personnes vraiment importantes pour La Loutre Rôliste.
Il y a tout d’abord Olivier Raynaud (alias Koa) qui a réalisé les cartes et plans inédits pour la VF de P’TITS PIRATES et qui illustre, entre autre, aussi pour les z’amis du Scriptarium⁹ (Défis Fantastiques¹⁰). Pour tout dire, c’est aussi un ami et un voisin ! Se dire « Je passe en coup de vent chez lui » est existentiellement impossible. Prévoir la demi-journée !
Ensuite il y a Tania Sanchez-Fortunqui a travaillé sur la VF de STALKER¹¹. Elle a participé à bon nombre de jeux de rôle et fait vraiment des choses magnifiques. Elle apprécie tout particulièrement le post-apocalyptique.
N’oublions pas non plus Ben Le Puzzle, un relecteur attentif, sympa et un hôte de choix, qui a travaillé sur Chasseurs de Légendes¹². Oui, ok, c’est aussi un copain qui m’accueille quand je descends sur Périgueux ! Bonjour aux chats !
Et enfin, il y a les rôlistes de tout pwal qui nous ont soutenu et nous ont fait connaître, particulièrement ceux des fiefs du sud de la France qui nous ont accueilli en convention ! Tarbes, Bordeaux, Plaisance-du-Gers, Libourne et Périgueux (coucou mes canards !)
Du point de vue proposition, tu as démarré fort en éditant Blacksad¹³ en vf, traduction du jeu espagnol édité chez NoSoloRolEdiciones¹⁴, avec lesquels tu sembles entretenir une relation privilégiée (pour rappel, ils sont également en charge de Hitos¹⁵ et Petits Détectives de Monstres¹⁶, entre autre). Depuis, tu as élargi ton catalogue en t’attaquant cette fois à un jeu paru en anglais, bien que finlandais, à savoir Stalker (Grog D’argent 2022) et bientôt un retour à l’Espagne avec l’arrivée de La Porte d’Ishstar¹⁷. Alors la loutre, c’est l’animal totem du pays de Cortés ou j’ai raté un truc ?
Hé ouais, ça commence à faire du monde tout ça !
Non, pas un totem, mais c’est là où j’ai trouvé mes premiers coups de cœur et il est vrai qu’au niveau jeu de rôle, ils se sont très bien développés ces dix dernières années. Maintenant, le marché espagnol est aussi prolifique que le marché français. Et au passage, ils ont un petit plus qui change tout : le jeu de rôle y est reconnu d’utilité publique et les ministères dédiés à la jeunesse, l’éducation et au sport encouragent la pratique du jeu de rôle dans le cadre des enseignements.
Outre Nosolorol Ediciones, nous travaillons avec Guerra de Mitos¹⁸ (GDM) qui produit quelques jeux de rôle et surtout des jeux de plateau. C’est de chez GDM que vient P’TITS PIRATES (titre original « 8 tesoros »). L’auteur de P’TITS PIRATES, David Diaz, est un auteur prolifique, mais aussi un éducateur, animateur et intervenant dans le domaine du jeu de rôle pour enfants, qui est de plus en plus sollicité pour intervenir dans les conventions en Espagne. Et comme tu vois, je suis allé faire un tour vers le nord, direction la Finlande, pour aller chercher Stalker. Après, j’irai où mes papattes et ma truffe me guideront. Tout ce que je peux te dire, c’est que la Loutre est internationale ! C’est la Loutreuuu finaleuuu…
Alors si je reprends, ce qui ressort des jeux que tu publies, ce sont deux grandes tendances… les jeux espagnols et les jeux destinés aux plus jeunes (voire, les jeux espagnols destinés aux plus jeunes). Comme on a évoqué la première catégorie juste avant, tu nous donnerais le pourquoi du comment de la seconde, avec Petits Détectives de Monstres et P’tits Pirates ?
On prend les bons jeux là où on les trouve. On a de l’anglais aujourd’hui (Stalker) et pour d’autres projets signés dont on ne peut pas parler encore. On cherche aussi dans d’autres langues. Publier des jeux de rôle pour enfants a toujours été dans mes plans éditoriaux. Chez La Loutre, nous avons dressé un constat à l’époque. Il n’y avait que peu de jeux pour enfants et ils avaient été écrits pour être maîtrisés par des adultes. Nous souhaitions des jeux familiaux où, après quelques parties, l’enfant puisse endosser le rôle du MJ. Il y a eu donc Petits Détectives de Monstres, puis P’tits Pirates. Attendez-vous à de grosses surprises pour cette année, dès le mois de février !
Bon, attaquons plus avant le côté activité éditoriale. Être éditeur ce n’est pas juste poser des livres sur les rayons des boutiques, ça consiste en de nombreuses autres tâches, comme bien sûr, la traduction ou la mise en page, mais également des « petits » trucs du style gestion de projet, études de marché, communication… Justement, depuis peu tu proposes tes services en tant que consultant pour plusieurs de ces tâches (le détail par ici). Qu’est-ce qui t’a motivé à élargir tes activités à la prestation de services ?
Une envie de faire d’autres choses, de varier encore un peu plus mes activités, d’un point de vue certes professionnel, mais aussi intellectuel. Il y a régulièrement des défis à relever et c’est motivant !
J’ai donc envie de me consacrer à d’autres défis, de permettre à d’autres projets de voir le jour (même si je n’en suis pas l’éditeur) en me consacrant exclusivement à la traduction par exemple. En bref, j’ai envie de permettre, en apportant mon expertise et mes compétences, à de beaux projets de voir le jour en version française. Euh, j’ai réussi mon entretien d’embauche M’sieur Barthus ?
Revenons-en aux jeux à proprement parler.
Au-delà des deux aspects précédemment cités (à savoir, les jeux espagnols et les jeux pour les enfants), quelle est ta ligne directrice pour choisir d’ajouter tel ou tel titre au catalogue de la loutre ? C’est au hasard des coups de cœur ou tu écumes activement les sorties internationales pour trouver des perles ?
– Tu crois qu’il nous a trouvé quoi cette fois ? – Je ne sais pas, mais vu comme il regarde Madagascar, on a intérêt à se mettre au malgache fissa »
Si je devais définir une ligne éditoriale, cela me serait difficile. Je suis assez éclectique de ce côté-là. Je fonctionne donc effectivement au coup de cœur. Il faut que ça me prenne aux tripes et au pwal, que ça me porte. Sinon je n’arriverai pas à travailler correctement dessus. Je ne peux proposer quelque chose qui ne me fait pas vibrer.
Après la sélection par coups de cœur, j’ai des critères d’évaluation (ancien prof, forcément) précis qui se sont affinés au fil du temps par rapport à mon expérience de MJ, de joueur et d’éditeur.
J’ai été surpris il y a quelques mois, de constater qu’à l’opposé de la tendance actuelle, tu baissais les prix de plusieurs de tes jeux (Hitos et son écran, Dreamraiders¹⁹…). Sur le coup je me suis dit « mais mais mais, ce n’est pas possible, il mâchouille lui-même son papier ?!? »… Tu nous expliquerais un peu comment la crise actuelle impacte ton activité et ton choix de baisser tes prix ?
J’ai essayé de manger le papier. Pas bon. Wif !
En réalité, comme les livres en stock des deux gammes HITOS et DREAMRAIDERS avaient plus de deux ans, je me suis dit que vu la situation, il serait bienvenu de baisser un peu les prix et de les rendre plus accessibles.
Par contre, il est vrai que l’augmentation des coûts des matières premières nous impose aujourd’hui d’augmenter les prix de nos nouvelles parutions.
Hé, mais au fait… La Loutre Rôliste ?!?
La Loutre Rôliste est née alors que je cherchais un nom pour la société. Un matin, au café, ça s’est imposé. Deux minutes plus tard, je jouais avec des cailloux (des dés en fait, pour nous les Loutres) au bord de la rivière… J’étais devenu une Loutre-Garou… euh, une Loutre Rôliste !
Et par un beau matin… Tadaaaaa !
Si je récapitule, pour l’instant la Loutre, c’est Blacksad, Hitos (et associés), Dreamraiders, Petits Détectives de Monstres, Stalker, P’tits Pirates et La Porte d’Ishtar (à paraître en avril 2023) c’est un fort beau catalogue en l’état, mais mon petit doigt me dit que tu ne comptes pas en rester là. Tu nous ferais un petit teasing des parutions à venir (prévues officiellement ou même rêvées) ?
C’était Blacksad. La gamme s’est arrêtée fin novembre 2022. Au revoir petit chat !
Autrement, La Porte d’Ishtar parait en avril 2023 avec le livre de base, l’écran du meneur et la première aventure imprimée Beauté de Marbre. Les autres suppléments (aventures et aides de jeu) sortiront en PDF et ce, progressivement dans l’année. Sinon, il y aura bientôt des annonces qui vont vous ravir. Mais je ne peux en dire plus, car les Castors nous observent et nous écoutent. *Pfuuu Pfuuu* C’est bon, je les ai éliminés, on peut parler.
Alors, au programme…
Nous avons en stock pas mal de choses loutrement intéressantes. Chez La Loutre Rôliste, on s’est démenés pendant tout 2021 et 2022, un peu partout dans le monde, pour dénicher des pépites.
Nous avons plusieurs jeux de rôles pour enfants, un recueil de scénarios inédits pour Stalker, la mise en ligne du système MOTEUR DES EMOTIONS (celui de La Porte d’Ishtar) sous Creative Commons et d’autres projets qui sont en cours de préparation/négociation/loutrisation.
Et voici venir la fin de cet entretien… Si tu as des choses à ajouter, n’hésite surtout pas tu as carte blanche…
Oui, j’ai un truc un dire, très très important !
La Porte d’Ishtar parait en avril et pour le coup, il y a un LATE PLEDGE – LA PORTE D’ISHTAR sur ULULE pour permettre aux rôlistes de se procurer tout ou partie de la gamme à des prix très avantageux et avec plein de bonus (PDF offerts et débloqués), avant augmentation des prix (merci la hausse des coûts d’impression).
Les nouveaux contributeurs bénéficieront, en plus de ce qui sera obtenu pendant le Late Pledge, de TOUT ce qui a été débloqué auparavant et les contributeurs de la première campagne de financement Ulule bénéficieront, s’ils y ont droit, de TOUT ce qui sera débloqué ! Donc foncez les gens, c’est jusqu’au 27 janvier à minuit !
Et voilà, vous savez tout sur la loutre… alors, n’hésitez pas à venir patauger dans la mare, il y a de quoi s’amuser un bon moment en fouillant un peu le catalogue. Concernant la Porte d’Ishtar, il vous reste jusqu’à la fin de la semaine pour rejoindre le Late Pledge. J’ai de mon côté lu le pdf et ma foi, c’est plutôt chouette (avec une mention spéciale pour la création de perso, qui vous permet enfin de gérer la génèse du groupe de personnages en session 0)et donne plein d’idées de parties en quelques lignes. Merci Christophe pour cet entretien en plein rush de financement et à très bientôt pour de nouveaux jeux loutrement biens.
Propos de Christophe Dénouveaux recueuillis par David Barthélémy
Samedi matin, j’ai eu la grande joie de recevoir Oméga¹, un jeu des éditions Odonata² dans lequel vous êtes des Machines. C’est donc avec bonheur que je me suis plongé dans la lecture de cet univers de S.F qui pousse le transhumanisme dans ses derniers retranchements en abordant la question du transmachinisme (WHATTTT !?!) Hé oui, fini la découverte du cyberunivers par des sens humains, ici les machines s’ouvrent non pas à la conscience, mais à la morale, l’humour, la peur, bref tout ce qui peut caractériser les « organiques » que nous sommes. Avant de poursuivre ma lecture des deux (très) imposants ouvrages qui constituent l’entrée de la gamme, je me suis dit « mais au fait, j’ai interviewé Florent³ (Moragas, le papa de Odonata) à l’occasion du financement des campagnes pour Insectopia⁴, en Octobre de l’année dernière… révisons un peu ce qu’il m’avait confié alors, histoire de ne rien rater et ne pas enfoncer de portes ouvertes dans mon retour de lecture » (malin le type). J’ouvre donc la page du site, remonte mes quelques entretiens et là, stupeur absolue (et tremblements)… pas d’entretien en vue. Damned, que passa ? Je retourne vérifier mes brouillons (cette fois) et constate avec un certain effarement qu’il est confortablement niché entre une amorce d’article sur les jeux pour les plus jeunes et un entretien avec Sebastien Grenier⁵ (re damned, encore un oubli de publication… vilain garçon) le talentueux dessinateur de Arawn⁶, La Cathédrale des Abymes⁷ ou encore dernièrement Orcs & Gobelins⁸. Après cinq minutes d’autoflagellation, je me dis que nous allons corriger cette affreuse négligence et éditer l’entretien avec Florent pour vous préparer au prochain retour de lecture (promis, ensuite j’attaque celui de Seb) de Oméga. C’est donc avec neuf bons mois de retard (Arghlllll) que je vous propose de lire cet entretien, au travers duquel nous parlons de création, de bugs et de machines (entre autre)… My Bad.
Salut Florent. Pour celles et ceux qui ne te connaitraient pas encore, tu es le fondateur des Editions Odonata, créateur des jeux Insectopia et Oméga, mais également Blatteman, figure bien connue des salons et conventions de Jdr.
je vous laisse deviner lequel des trois est Florent
De l’eau a coulé sous les ponts depuis la sortie de Insectopia, dont la gamme s’est bien étoffée et continue de le faire à ce jour avec le lancement d’un financement visant à produire trois nouveaux ouvrages ainsi qu’une édition révisée du livre de base. Dis-moi, ça en fait des bouquins en six ans, c’est pas un peu chronophage tout ça ?
Effectivement, assez chronophage ! Mais depuis les débuts d’Insectopia je me suis entourés d’auteurs, de testeurs, de correcteurs et de passionnés. Odonata éditions suit actuellement de nombreux projets en gestation, dont vous avez pu voir certaines annonces. Sapa Inca⁹, écrit par Eric Dubourg¹⁰ et Nurthor le Noir¹¹, où l’on incarne des agents de l’empire Inca chargé d’enquêter sur les manifestaions occultes, des civilisations perdues et de défendre l’empire contre les assaillants espagnols. (Actuellement en cours de financement et ce jusqu’au 05/07/22 par ici) Les Chroniques de Vaelran¹², écrit par Téo Chailloux¹³, où il s’agit d’interpréter des influenceurs, des illuminatis dans un univers d’époque moderne fantasy. Ou Résilience, le retour des saisons¹⁴ écrit par Jean-Khalil Attalah¹⁵, où là il faut jouer en coopération pour rééquilibrer un monde où la nature subit la rupture.
Ca déconne moins que dans le Aztec Dansant de Donald Westlake¹⁶
De nombreux univers sont également à venir.
Alors, mettons un peu les mains dans le cambouis. Les jeux que tu proposes, Insectopia et Oméga en tête, sont des propositions ludiques qui s’éloignent fortement de ce à quoi l’on est habitué… Point d’anthropocentrisme ici, tu nous fais incarner des insectes (pardon, des Întres) et des I.A (sous de multiples formes). C’est très chouette comme idée, mais c’est également un pari risqué. Comment tu procèdes pour aider les gens à s’approprier des modes de pensée ou des perceptions aux antipodes des nôtres ?
L’idée est de sortir des sentiers battus en ne jouant plus des humains, mais en gardant des sujets et des modes de jeux qui intéressent les joueurs. Insectopia et Oméga jouent également avec les particularités de ces univers pour donner du gameplay. Ces expériences reviennent à jouer des super héros ou des extra terrestres avec des super pouvoirs, mais en traitant des sujets de conflits idéologiques, d’occultisme, ou qui touchent à la personnalité humaine. Insectopia se rapproche assez du seigneur des anneaux dans son traitement des conflits inter races et territoires par exemple.
Rhaaaaa les lézards !!!
Idem en terme d’univers. Pour Insectopia, le continent d’Entoma nous plonge dans un monde du très petit au sein duquel le dépaysement est au rendez-vous. En bon quadra débordé par sa vie de tous les jours et l’éducation des enfants j’ai eu, je le confesse, un mouvement instinctif de recul à la première lecture du livre de base tant il me semblait vaste à assimiler (genre les cinq pages de glossaire consacrées au vocabulaire spécifique) en vue de le faire jouer… Quels conseils donnerais-tu aux futurs Deus pour le prendre en main, le faire leur et expliquer que “Non non, n’ayez pas peur, c’est tout à fait faisable” ?
Il faut prendre des scénarios édités et se plonger dedans, se limiter aux règles de bases qui sont assez simples et suivre le scénario proposé. Insectopia propose de jouer des super héros, foncez à fond dedans, on vole, on pique on mord, on a des ravisseuses ou des antennes ramifiées. Les parties sont épiques. Jouer aussi les particularités des phéromones et les conflits entre espèces. Après, c’est un medfan classique. Voilà les conseils simples que je peux donner.
Je n’ai hélas pas encore eu l’opportunité de me pencher sérieusement sur Oméga (il y a vraiment trop de jeux à lire et découvrir aujourd’hui pour ma petite capacité de traitement), mais spontanément, je ne peux m’empêcher de le placer dans la continuité d’Insectopia. Tous deux partagent le même système de jeu (avec des aménagements bien sûr), mais également cette volonté de jouer différemment. Avec Insectopia tu as poussé le concept de Post-Apo à son paroxysme en évacuant les humains au profit de ceux qui leur ont survécu… Avec Oméga, tu évoques carrément l’annihilation de la Terre par les Synthétiques. En bon rôliste, je m’interroge… Oméga signe t-il la fin de son aîné dans un univers commun ou en est-il au contraire complètement dégagé pour proposer une lecture différente de ce que pourrait être l’avenir de l’humanité ?
Oméga vs Insectopia ?
Oméga est une autre façon de traiter la science fiction, l’avenir de l’humanité. Clairement ce n’est pas une version différente d’Insectopia. Il s’agit d’un jeu ou les personnages ont des missions de conflits et de découverte dans l’espace avec pour toile de fond l’asservissement des organiques, dont les humains. On incarne des synthétiques doués d’humanité au milieu d’autres machines qui n’en ont pas. Ce sont des intermédiaires entre les deux mondes. Les scénarios sont construit pour traiter les sujets d’asservissement des organiques, de la supériorité des synthétiques, de la collaboration de ces derniers et pour tenter les joueurs à pirater son prochain. Oméga questionne l’identité des Intelligences Artificielles, mais on joue des super machines avec des gros flingues !
En 2013 fut fondé Somni Semen¹⁷, collectif d’auteurs dont le but premier était de consolider Insectopia en vue de la production du livret de découverte ainsi que d’une édition future du jeu. En 2015 apparaissent les éditions Odonata, ta boîte dédiée à Insectopia. Aujourd’hui, Odonata nous présente donc un nouveau financement pour Insectopia, mais va grandissant en éditant aussi cette fois des jeux d’auteurs tiers tels que Sapa Inca (Eric Dubourg et Nurthor le Noir), les Chroniques de Vaelran (Teo Chailloux) ou encore Micro Méga (Stéphan Van Herpen¹⁸ et Genseric Alexandre Delpâture¹⁹). Ça y est, tu as pris goût au métier d’éditeur et ne peux plus t’arrêter ?
Ho les belles bannières !!!
Comment on bascule d’auteur à “mais en fait c’est bien sûr, je vais aussi publier les jeux des autres” ? Une boîte d’édition ne fonctionne pas avec quelques titres, il faut proposer différents univers et différents jeux. C’est l’élément déclencheur de cette reconversion. Mais ce qui motive l’éditeur que je suis devenu c’est aujourd’hui le travail éditorial que j’accomplis. A mon sens, ce travail est un suivi des auteurs pour les amener à magnifier leur travail. Je travaille avec eux en amont sur les fondements de l’univers, les règles, le contexte et beaucoup d’autres éléments. C’est vraiment très enrichissant et captivant d’être baigné dans cette création. Puis, il y a aussi le travail graphique qui est vraiment captivant : concevoir et amener un univers avec des illustrateurs, c’est réelle passionnant.
Du coup pour Odonata en deux mots, c’est quoi la ligne éditoriale ?
Créativité ludique,
Les jeux proposés ont un propos fort et un système qui le porte.
Pour en revenir à Insectopia, ça te fais quoi de voir ton bébé grandir et s’envoler de ses propres ailes (huhuhu) ? Parce qu’au fil des années, l’équipe s’est tout de même bien agrandie, tant au niveau rédactionnel que pour les illustrations… T’arrive t-il d’avoir la sensation que tout ça t’échappe un peu ou pas du tout ?
Ben ouais, ça commence à faire du monde
Je suis très heureux de partager cela. Le partage de ces travaux de création est vraiment enrichissant pour moi. Nous sommes nombreux désormais autour des projets et je crois que c’est la force d’Odonata. Les auteurs apprennent, partagent, moi je coordonne, je lie des gens dans la création, je reçois de la créativité et des échanges humains. Quoi de mieux ?
Fatalement, sur les deux années passées, cette histoire de Covid a bouleversé pas mal de choses dans notre quotidien. Concrètement, en tant qu’éditeur ça a eu quel impact sur ton travail, et comment as-tu ajusté les choses (si besoin il y avait) pour que la vie poursuive son chemin sans trop menacer les projets en cours ?
Oui, ça a été un peu dur, mais personnellement, je l’ai assez bien vécu. Sur le plan éditorial paradoxalement ce fut assez riche puisque j’ai pris en charge de nombreux projets avec de nombreux auteurs. Si en terme d’édition il y a eu une baisse, en terme de construction de projet ça m’a été bénéfique. Donc, je dirais que le bilan est bon.
Je suis assez curieux (comme beaucoup) des rouages derrière la production d’un jeu et du coup m’interroge fréquemment sur l’aspect organisationnel ou la somme de travail que cela représente en termes de temps de rédaction, illustration, mise en page… Vous fonctionnez comment chez Odonata quand vous menez un projet d’édition concernant un nouveau jeu ?
Il y a d’abord le suivi du projet, son concept profond et ses règles. Il faut caler cela avec des échanges. Parfois il faut agrandir le cercle des auteurs pour donner du corps à une idée. Un long travail d’organisation et de rédaction se met en place. Je peux être chef de projet, comme pour Oméga, ou dans le suivi des idées et des textes comme sur Sapa Inca. La période de test des règles et du gameplay est importante. Le jeu doit être testé et retesté, par le cercle restreint des auteurs, mais surtout par des personnes lambda que nous rencontrons en convention. Il faut comprendre les envies des joueurs pour y répondre. Puis nous décidons avec les auteurs de formaliser leur travail en faisant un livre missions initiales qui va dire l’essentiel du jeu, donner envie aux joueurs de venir à ce jeu. Sur Sapa Inca, le directeur artistique, Gabriel Pardon²⁰, se charge de donner une patte graphique à l’univers avec les illustrations et la mise en page. Puis vient le temps de la correction, moment important qui est réalisé par une ou des personnes extérieures au projet, donc critique. Et finalement la mise en page et la production qui vient derrière et la communication. Un long processus semé d’embûches et de passion !
Quand on voit les postulats de Insectopia et Oméga par rapport à l’humanité, on ne peut manquer de se faire la réflexion (ou alors c’est juste moi qui ai l’esprit mal tourné) qu’il y a comme un “très léger” fond de misanthropie (peut-être de pessimisme à la rigueur) chez l’auteur… Alors, simple posture intellectuelle/ludique de créateur ou il y a effectivement quelque chose d’un peu plus profond derrière tout ça ?
Ca revient souvent quand même non ?
Sur Insectopia et Oméga, je me sens humblement un auteur de science fiction. Cette science qui est utilisée pour prévenir nos contemporains des travers de notre société. C’est vraiment dans cette optique là que j’ai fait ces jeux. Je ne suis pas misanthrope, mais plutôt philanthrope. Il y a des sujets qui me heurtent dans notre société qu’il me semble pertinent d’évoquer de manière légère, comme beaucoup d’auteurs de SF l’ont fait avant moi.
Enfin, si tu as quelque chose à ajouter, fais-toi plaisir on t’écoute (enfin… on te lis…)
Actuellement, il y a la souscription pour Insectopia les deux mondes. Comme la précédente souscription, c’est un projet ambitieux qui va apporter trois nouveaux ouvrages à la gamme ; un recueil de scénarios, une extension sur les Lézards et la fin de la campagne. Nous avons aussi décidé de remanier le livre de base, sur l’aspect magie et compétences de caste notamment, pour les rendre plus équilibrés et plus clairs. Le jeu reste le même, avec les mêmes magies et compétences, mais c’est plus clair. Vous pourrez donc jouer à Insectopia avec les anciens et nouveaux suppléments avec des règles affinées. Et puis, il y aura sans doute une nouvelle couverture à cet ouvrage réalisée par un grand nom du jdr français.
Et voilà pour cet entretien (qui finalement reste d’actualité) tardif. Encore une fois, je suis désolé du délai entre sa réalisation et sa publication, mais vous promets de faire un effort afin que cela ne se reproduise plus à l’avenir (honte sur moi). Un grand merci à Florent pour ses réponses et les jeux qu’il nous propose et à très bientôt pour le retour de lecture d’Oméga (et l’entretien avec Sebastien, non je n’ai pas déjà oublié).
P.S. Pensez à aller jeter un œil sur Sapa Inca, ça va être chouette…
Propos de Florent MORAGAS recueillis par David BARTHELEMY
Richard avançait dans le corridor blanc, éclairé par des néons agressifs… Nul endroit pour se cacher, et tant mieux, au moins on ne lui tomberait pas dessus sans qu’il ne l’ait vu venir. Cela faisait deux jours qu’il cherchait la sortie de cet hopital avec sa « bande », trois autres patients qui comme lui, s’étaient réveillés dans une chambre délabrée, avec pour seule possession une des fameuses chemises de nuit « fesses à l’air » si chères au milieu médical. Impossible de se rappeler autre chose que son nom, et c’était la même chose pour les autres. Clara, la grande blonde un peu forte, Medhi, l’adulescent dégingandé et Samuel, qui sous son air un peu rustre s’avérait plus cultivé que prévu, l’avaient rejoint petit à petit au fil de ses errances dans les couloirs ravagés de l’énorme bâtiment. Au début, tout allait bien… Enfin, autant que possible lorsque l’on est amnésique et que l’on bénéficie d’une intimité toute relative quant à l’exposition de son fondement.Tout allait bien donc, jusqu’à ce qu’ils croisent les premiers « enfants »… Saloperie de mioches. Le premier qu’ils avaient croisé déambulait d’un pas hésitant dans la cafétéria. Instinctivement, Richard su qu’il n’aimait pas les gosses, mais vu qu’il n’était pas seul, il fit l’effort de s’approcher pour voir ce qui se passait. Il perçu l’odeur de charogne alors que sa main allait toucher l’épaule du petit. Retenant un haut le cœur, ainsi que son geste, il ne réagit pas assez vite pour éviter de se faire lacérer par… cette chose…Une gueule toute en crocs s’ouvrant démesurément sur un cri muet, des yeux rouges luisant de malveillance et des mains dont on ne percevait au final que de longues griffes noirâtres… Tu parles d’un gamin ! Serrant sa main blessée, Richard hurla de douleur autant que de peur. Aussitôt pourtant, un élan de haine remplaça l’effroi et, d’un coup de pied sauvage, il envoya valser la créature qui tournoya sur elle même dans les airs, avant d’atterrir souplement à quatre pattes de l’autre côté des tables de cantine, à la manière d’une bête sauvage. Les autres étaient tétanisés par le spectacle se déroulant sous leurs yeux. D’un cri de rage, Richard rompit leur immobilité, les invectivant à se saisir d’une chaise pour l’aider à « défoncer cette saloperie »…
Allé les gens, venez jouer… Contrairement au bonneteau, ici vous avez une chance de gagner… Enfin… Peut-être…
Salut Christian¹. Tu vas nous proposer très très prochainement en financement ton jeu Tribute, qui va parler du Diable et de gens confrontés à ce très respectable individu, ou tout du moins, ses manières de faire. On dit qu’il se cache dans les détails… aussi, tu en aurais quelques-uns à partager avec nous pour préciser un peu tout ça ?
Bien le bonjour ! Et merci de m’accueillir par chez toi. En tant qu’humble émissaire de son Infernale Majesté, je vais essayer de répondre à ton flot de questions bien légitimes. Alors, quel scoop pourrais-je bien dévoiler dans ces lignes ? Que le financement participatif aura lieu sur Ulule du 13 avril au 5 mai prochain ? Déjà dit. Au prix de 38 €, prix spécial Ulule, pour la version livre + jeu de cartes ? Déjà dit aussi… Qu’il y aura des paliers qui vont permettre de débloquer des Diableries d’une myriade d’auteurs plus ou moins connus ? Bon… Parlons plutôt du jeu en tant que tel, alors. Tribute, Jouez avec le Diable, est un jeu de rôle à narration partagée, c’est-à-dire où chaque participant va intervenir dans l’histoire même pour l’enrichir. Qu’il est fait pour 2 à 4 joueurs, et se joue avec un classique jeu de 54 cartes, en utilisant le principe du Blackjack. Le tout permettant de faire des parties courtes d’environ une heure (et plus longues si on le souhaite), avec un temps de préparation d’une dizaine des minutes tout au plus. Allez, passons à la suite des questions pour un peu plus de scoops, parce que là, c’est pas terrible côté exclusivités !
C’est le premier projet de Rafiot Fringant² (talonné de près par Wushu³ et Arkeos Adventures⁴) qui passe, si je ne m’abuse, le cap de l’édition papier. Pas trop stressé par ce nouveau départ et la confrontation de tes idées avec un public à conquérir (même si l’on ne peut pas vraiment te considérer comme une « jeune première » dans le milieu du jdr) ?
Ha ben voilà de fort jolies choses
Je pense que je vais augmenter la dose de Tranxène dans mon café, histoire de rester calme, mais vif. Quel beau mélange… Alors oui, je suis à la fois impatient de voir le retour, les premiers résultats, et en même temps, j’ai le trouillomètre à zéro. Normal, quoi. Le trac avant l’entrée en scène. Surtout que je me lance avec un projet sorti de nulle part, hors des sentiers battus, sur lequel on peut difficilement faire des projections. C’est pas comme si c’était une licence de malade avec des ailes de chauve-souris, des tentacules ou des sabres lasers. Mais je ne regrette pas du tout mon choix, car il a pour avantage d’être une création pour le moins originale. Et il affiche clairement mes choix et mes envies : faire des jeux qui sortent des sentiers battus et rebattus, proposer des titres qui ont leur caractère bien à eux. Le choix de Wushu va dans le même sens, et quant à Arkeos Adventures, même si c’est un retour d’un jeu qui a connu ses heures de gloire, cette nouvelle édition sera dans la même veine : une proposition ludique hors des autoroutes mainstream. L’autre point commun, c’est la jouabilité, la facilité de prise en main. Cela fait des années que j’ai envie d’arpenter les voies du clef en main, facile à mettre en place, sans être un exégète de règles à tiroir. Et avec un fort potentiel de fun autour de la table.
J’ajouterais que l’un des feedback qui m’a fait le plus plaisir pour Tribute, c’est dans les retours de playtest à l’aveugle (sans que je sois là, le jeu vivant sa vie tout seul comme un grand), c’est celui d’une tablée avec uniquement des joueurs non-rôlistes, qui ont pris un pied monstrueux, se sont totalement lâchés, sans se poser de questions sur la mécanique, et qui n’ont qu’une envie, c’est de rejouer. Quoi de plus plaisant que d’avoir ce genre de retour quand on écrit un jeu ?
Bon, je fais l’innocent en te posant mes questions ingénues, mais pour être tout à fait transparent, j’avais été bien embêté avant d’attaquer l’entretien, tellement tu donnes de détails à son propos sur ton site. T’as pas un peu honte de couper l’herbe sous le pied des types comme moi qui grattent l’affection de leurs lecteurs en courant après « l’information qui tue » ?
mon crédo : le journalisme total
La honte serait de laisser des zones d’ombres. En plus tu peux comme ça poser tes petits petons sur un gazon fraîchement tondu pour poser tes questions ! Et puis j’ai passé l’âge du « sombre PNJ mystérieux au regard qui laisse entrevoir une vérité encore plus insondable ». Tribute étant à la croisée des chemins (si, j’ai osé) du jdr classique, du jdr narratif, et même du jeu de société dans sa forme. Alors ça valait la peine de prendre le temps d’expliquer les choses. De même pour le financement participatif. En tant qu’acheteur, j’ai envie de savoir pourquoi je délie ma bourse. Alors de fait, en tant qu’éditeur, je donne les informations que je souhaiterais voir en endossant le costume du consommateur. Tu noteras qu’en plus ça te laisse le champ libre pour poser des questions qui vont plus loin que le simple scoop façon « Closer du Polyèdre » (enfin, j’espère).
Alors, l’une des grandes forces du projet (de mon point de vue), sera de proposer plein de matériel jouable, les Diableries. Pour ce faire, tu nous as réuni un casting rôliste digne des meilleurs films choral hollywoodiens… Tu les as sélectionné comment tes petits diablotins ?
Après une série d’épreuves dignes de Squid Games⁵, matinées de Battle Royale⁶ ! La base ! En fait, quand j’ai écrit Tribute, je me suis dit que ce serait vraiment cool de réunir des auteurs sur le projet pour proposer une multitude d’univers, d’envies, de délires. Et que c’était l’occasion parfaite, sans avoir à demander à chacun d’écrire une encyclopédie. J’ai d’abord contacté des amis proches, susceptibles d’être intéressés, puis j’ai élargi ma recherche d’auteurs, avec comme ligne directrice la diversité, d’où des « monstres sacrés » et d’autres moins connus, des hommes de l’ombre qui traduisent, des auteurs de jeux indés, et des romanciers ou personnages publics que l’on ne soupçonne pas d’être accrocs au jdr. Et leur laisser carte blanche. Alors bien sûr, ils sont rémunérés, et leur rémunération augmente avec le nombre d’exemplaires pré-vendus lors de la campagne. Là encore, je trouve que c’est normal de non seulement proposer une rémunération de base décente, mais d’améliorer celle-ci si le succès est au rendez-vous.
Puisque je vous dis qu’il y en aura pour tous les goûts !
Après, je ne cache pas que je me suis également dit que ce serait une superbe opportunité, après des années pas forcément très joyeuses, de remettre à plat pas mal de choses. Un moyen de dire « j’ai pas grand-chose à voir avec ces sales histoires ».
Puisque l’on parle de tes séides, élargissons un peu notre entretien et donnons la parole à quelques-uns d’entre eux pour voir ce qu’ils ont à dire de tout ça (sans bien sûr compromettre leur place aux enfers)… nb: les diablotins étant par nature des créatures facétieuses et très occupées à « améliorer » le sort de l’humanité (gniark gniark), certains retours seront aujoutés au fil de leur réception par votre serviteur.
Sandy Julien⁷ : Je suis simplement le rôliste le plus chanceux du monde. Bon, je foire tous mes jets de dés importants pendant les parties, mais j’ai la chance de croiser des gens formidables par hasard, juste au moment où ils développent des projets de fou ! C’était le cas pour Tribute, dont j’ai suivi le développement avec plaisir. Christian ressemble à un gamin génial qui trouverait sans cesse de nouvelles façons de mieux jouer avec le contenu du coffre à jouets, et là, il en exhume les règles du black jack pour proposer ce genre de « petit jeu » qui t’accroche définitivement et te permet de faire des one-shots tendus, avec une structure en titane et un mécanisme narratif de retournement de situation qui rend toutes les parties intéressantes. C’est un jeu simple, avec cette petite pointe de génie discrète qui lui donne un charme fou ! Ca se voit, que je suis fan ?
Éric Nieudan⁸ :Etant un fan du diable depuis un bon moment, j’ai tout de suite été intéressé par le thème du jeu. Mais à la lecture des règles, j’ai été soufflé par la façon dont Christian s’en sert pour créer un jeu d’aventures aussi court qu’épique. Je dis ça, je dis rien, mais le JdR d’apéro-initation motorisé par le black jack est une trop bonne idée pour ne pas devenir un sous-genre à lui tout seul.
Cyril Puig⁹ :Moi, les jeux de rôle narrativo cooperatif à base de carte… en principe… ça me parle pas… sauf qu’il y a du génie dans cette petite diablerie. Le black jack comme outil au service de l’histoire fonctionne à merveille. Ma première partie avec des non rôlistes l’a démontré par l’exemple ! C’est immédiatement adopté, c’est fluide, c’est drôle et inattendu! Bref, c’est diaboliquement simple… et donc efficace. 5 minutes pour expliquer les règles, 5 minutes pour définir les avatars et c’est parti pour 1h30 de pure bonheur. Lorsqu’en fin de partie les joueurs novices vous demandent : “à quand la prochaine?”… vous savez que c’est gagné.
PhilippeAuribeau¹⁰ :j’ai eu la chance d’assister à la genèse de ce jeu par l’esprit diabolique de Christian, ses évolutions pour arriver au produit final. C’est le fruit d’une longue réflexion sur les domaines ludiques et narratifs qui ont conduit à ce jeu hybridiabolique, où le principal est le plaisir de raconter une belle histoire en se nourrissant de références qui nous sont chères. Ajoutez une mécanique aux petits oignons, et vous obtenez un petit ovni ludique que j’ai hâte de tenir dans mes mains menottées.
Pierre Pradal¹¹ : Lorsqu’il y a deux ans, Cégé a commencé le développement de Tribute, ses intentions premières étaient de proposer un jeu narratif aux règles simples, funs et accessibles au plus grand nombre permettant de se lancer dans l’aventure avec un minimum de préparation. Il n’a pas hésité à retravailler son concept initial plusieurs fois pour relever ces trois défis. Aujourd’hui, Tribute est un petit bijou de système. Une question subsiste: Cégé a-t-il signé un pacte avec le Diable?
Jérôme Larré¹⁹ et Coralie David²⁰ :Alors nous, à la base, on ne voulait pas être là. Puis, Christian nous a motivé en nous disant qu’on pourrait faire un script juste pour avoir le droit de nous moquer du nom de sa maison d’éditions. Et comme cela fait dix ans que lui ne se prive pas, on s’est dit que ce serait l’occasion rêvée. Alors, oui, bien-sûr, le fait que le jeu soit bon et vienne palier ce qui nous semble être un manque dans l’offre actuelle n’était pas désagréable non plus. Mais soyons clairs : ce n’était qu’un heureux accident !
Bon, parlons peu, parlons bien et attaquons le sujet qui ne fâche pas du tout (pour une fois), le prix… et tes choix vis à vis des soutiens (enfin, de leur bourse… enfiiin… Tu m’as compris quoi) pour ce financement. Tout ça me donne l’impression que tu fais ce qu’il faut pour encourager la confiance des plus réticents à mettre un pied (à défaut d’un rein ou d’un bras) dans le fabuleux (quoique parfois hasardeux) monde du financement participatif. En dépit des (trop nombreuses) parenthèses, j’ai bon ?
38€ M’sieurs Dames… Au Diable l’avarice, investissez pour votre avenir
J’ai connu du financement participatif sous diverses formes, que ce soit en tant que soutien ou en coulisses, en bien comme en mal. Ce que j’ai voulu avec mon approche, c’est de faire un crowdfunding qui met en avant ma philosophie. Proposer un deal honnête, où chacun puisse s’y retrouver, autant que faire se peut. Que ce soit côté « financement » ou côté « participatif ». C’est aussi pour cela que j’ai choisi l’approche « prévente » et non « score financier », avec un délai entre la campagne et la livraison qui soit le plus court possible. De même, le choix de la distribution s’est fait sur le facteur « disponible en boutique ». J’ai été particulièrement séduit par la possibilité d’impliquer les boutiques de jeu, de faire économiser les frais de port aux souscripteurs, le tout en payant en deux fois. J’adore ce principe qui facilite tant les choses, tout en impliquant l’ensemble des acteurs du milieu ludique, de l’auteur, en passant par le distributeur, les boutiques, et le joueur. Tout le monde y gagne.
Dans la culture populaire, il y a plus ou moins deux grandes tendances qui se dégagent autour des rencontres avec le diable. D’un côté on nous présente le type vraiment trop méchant, qui finit par se faire avoir, à cause de sa cupidité/méchanceté (Crossroads¹², l’Imaginarium du Dr Parnassus¹³…), par des gens sincères et honnêtes parvenant à retourner les situations contre lui… Et de l’autre, celle du mec qu’on ne voit pas venir, aimable et affable, qui mise sur les défauts des gens avec lesquels il interagit, finissant ainsi toujours par obtenir ce qu’il désir (Angel Heart¹⁴, L’Associé du Diable¹⁵…), quitte à leur laisser croire le contraire. Tu as choisi de te placer comment par rapport à ça, dans la proposition du jeu ?
Sans hésitation… j’hésite ! De prime abord, j’aurais d’abord répondu le tentateur séducteur retors, mais… En fait, je ne me suis jamais posé la question. Je me suis juste laissé porter par le côté « il y a toujours un piège dans les clauses du contrat ». Là, le contrat c’est la partie de Blackjack, et le piège la révélation. Après, comme le Diable ne cherche pas forcément à tout prix à faire ripaille de l’âme des joueurs, mais avant tout à tromper son ennui, il me ferait plus penser au personnage de Crowley¹⁶ dans Supernatural¹⁷qu’à un Al Pacino¹⁸ dans l’Associé du Diable. Retors, mais facile à piéger, car au final, c’est exactement ce qu’il recherche : se faire avoir, car il sera surpris et aura passé un bon moment : la satisfaction de tomber sur des joueurs qui se montrent plus malins que lui ! Faut avouer que de passer une éternité à se faire réclamer l’immortalité, la richesse, le pouvoir… ça doit lasser.
Pour creuser un peu plus la question du Diable en tant qu’individu, tu t’en sert tel quel (donc associé plus ou moins directement à un contexte religieux impliquant l’existence d’un dieu), dans son costume Armani et son inévitable classe nonchalante, ou comme d’une image d’Épinal servant à cristalliser une tournure d’esprit, des travers et des dilemmes finalement propres à l’être humain ?
Pick your poison…
D’une image d’Epinal, mais en costume Armani. On va oublier le pendant « je porte ma croix », qui n’a pas grand intérêt ici. Mais on garde le côté « classe », car c’est tellement plus séduisant, surtout pour le vil tentateur. Les Diableries sont toutes articulées autour d’une révélation, qui peut être un dilemme. Sous le couvert d’une petite histoire sans prétention de prime abord se cache un questionnement de fond, un choix à faire. Et c’est là tout l’intérêt, sans pour autant tomber dans du pathos ou du drama. Aborder des sujets et des problématiques « adultes » tout en restant sur de la légèreté ludique. Après, c’est l’intention. Mais un jeu une fois sorti du giron de la création, ne vit qu’à travers la table où il est pratiqué, et chacun y met ce qu’il veut.
Quand je vois Tribute et la description du projet, je me dis qu’il s’agit d’un jeu basé plus sur des situations qu’un univers en particulier et ça m’amène à m’interroger sur un développement éventuel de la gamme… Donc pour toi, il s’agit d’un jeu « concept » destiné à s’autosuffire, ou on peut raisonnablement s’attendre à ce que tu l’étoffes plus largement par la suite (au moins par le biais de nouvelles Diableries) ?
Le jeu peut se suffire à lui-même, surtout que la recette de création de Diableries y est donnée en détail. Techniquement, il n’y aura pas besoin d’étoffer une gamme aux multiples suppléments. Mais comme tu le dis, publier de nouvelles Diableries, pour continuer dans l’esprit du clef en main, oui, carrément ! J’ai même deux-trois idées qui traînent pour étoffer le jeu, lui donner encore plus de profondeur. Si cela est possible – autrement dit, si le succès de la campagne ulule reflète un engouement pour la proposition ludique – je m’attellerai à cela. Si tel est le cas, et ce serait carrément chouette, ce sera un supplément contenant des Diableries et des alternatives de jeu.
Que Diable ! Je m’aperçois que l’on n’a pour ainsi dire pas évoqué le système de jeu… Tu as pris le parti d’une résolution à base de cartes, alors dis-moi, c’est pour faire le malin (huhu), ça sert un propos philosophico-ludique étroitement lié au jeu, c’est « parce qu’il fallait bien trouver quelque chose, alors pourquoi pas » ?
Bah, ça ou autre chose, franchement… qui s’en soucie ? C’est juste fait pour vendre un jeu de cartes personnalisé, voyons !
C’est beauuuuuu
Bon, ok, j’avoue, c’est étroitement lié au thème. C’est le cœur même du jeu, avant tout le reste. Car le principe du Blackjack, son côté « stop ou encore » avec la limite du 21, ça colle parfaitement avec la thématique « tentation du Diable ». Pour l’auguste lectorat qui se dit « houlà, j’y pige rien au Blackjack », rassurez-vous : la seule chose à connaître, c’est qu’il faut poser des cartes sans jamais dépasser un total de 21, au risque d’échouer sinon. L’autre point fondamental de la mécanique, c’est qu’à chaque carte posée il faut décrire ce que fait son Avatar, ou ajouter un élément à l’histoire ou au décor. Plus la valeur de la carte est forte, plus on peut ajouter un élément important. Plus la carte a une petite valeur, plus ce sera un détail. Et c’est là qu’il faut se montrer malin, car comme tout un chacun sait, un simple détail peut tout changer !
Que je sois damné si avec tout ça vous n’avez pas envie d’aller jeter un œil sur ce qui s’annonce comme une fort belle proposition de jeu. Du beau bouquin rempli de matériel pour jouer de suite, un système simple et malin, un format de parties courtes particulièrement adapté à ma table de quadras débordés par la vie de tous les jours (certes, là je parle pour moi, mais n’empêche, ça joue) et surtout, surtout… un jeu porté avec amour par son créateur et toute une ribambelle de gens qui connaissent quand même « un peu » le milieu du jeu de rôle. Embarquez donc à bord du Rafiot Fringant pour cette belle traversée. Ha, et puisque vous m’êtes sympathiques, prenez donc cette irrésistible pomme offerte par le capitaine, vous m’en direz des nouvelles.
Richard ne comprenait toujours pas comment le gamin avait pu tomber sur le râble de Samuel dans ce couloir… Bon sang, il n’y avait pourtant rien d’autre qu’un chariot renversé et son reflet sur le linoleum étrangement brillant malgré le délabrement des locaux… Toujours est-il que c’en était fini pour lui. Alors que la sortie était devant eux, à seulement quelques mètres, Richard avait entendu son cri. Il n’eut que le temps de se retourner pour voir rouler la tête du jeune infirmier (ne lui demandez pas comment il le savait, mais il en était désormais certain), jusqu’à s’immobiliser pour toujours au pieds d’un Mehdi stupéfait. Alors que le corps de Samuel commençait à tomber à genoux, l’enfant/chose/monstre toujours accroché à son dos, Richard se fit la reflexion que c’était marrant, la tête du « gosse » donnait l’impression d’avoir remplacé celle de Samuel, dans une parodie d’être humain ayant croisé la route d’un réducteur de tête un peu farceur. Le hurlement de rage de Clara le tira de ses pensées et il la vit foncer sur la créature après avoir saisi une hache d’incendie accrochée au mur (tient, il aurait pourtant juré qu’elle n’était pas là la seconde d’avant, sinon il l’aurait prise pour lui). Grand bien lui fasse, si elle souhaitait s’attarder ici pour venger un inconnu, qu’elle se fasse plaisir. Pour sa part, il ne comptait pas perdre une minute de plus en ces lieux. Il prit son élan et entama un dernier sprint vers la grande double porte. Mehdi lui emboita le pas, sans non plus se soucier de Clara, mais eut un instant d’hésitation quand un autre enfant apparut entre la liberté et lui. Une petite voix résonna dans le couloir pour la première fois, répétant inlassablement « Aidez-moi m’sieur, j’ai rien fait… laissez-moi partir… promis, j’dirai rien… » sur un ton plaintif. Mehdi s’était figé, les yeux envahis de larmes sans bien en comprendre la raison… Il commençait à tendre la main vers le gamin quand Richard se jeta sur les portes, innondant le couloir d’une lumière vive qui noya la scène dans une clareté salvatrice. Enfin la liber… … … … Richard se redressa en sursaut sur un brancard, retenu par des sangles de contention en cuir. A ses côté, trois autres brancards et trois autres personnes attachées… penché sur l’une d’elle, un enfant au regard fou finissait de scier les cervicales de Samuel, projetant du sang partout autour de lui tandis que Clara lui hurlait qu’elle allait le tuer, tout en se débattant avec ses liens. Mehdi pleurait toutes les larmes de son corps en suppliant une petite fille dont le visage affichait de terribles marques de coups et dont le scalpel tenu avec maladresse semblait hésiter entre taillader l’aide soignant ou les liens qui le retenaient. Devant Richard, Vincent ( le premier orphelin sur qui ils s’étaient livrés à leurs « expériences ») souriait. Son regard étrangement serein plongea dans celui du medecin sensé le « guérir » de ses tendances à l’automutilation, et ce dernier y lut, avec une clareté limpide que tout était perdu pour lui. Il se laissa retomber sur le brancard, fixant la lampe scialytique suspendue au dessus de lui et lacha un simple « saloperie de gamins, c’était pour la science », avant que la porte du bloc ne se referme sur les hurlements qui se frayaient un chemin au travers de sa gorge, dans un chant du cygne horrifique de toute beauté. … … … Dans un autre lieu, un homme entre deux âges, vétu élégamment d’un costume à la coupe parfaite, finissait de retourner une carte sur un tapis de jeu… « 23… C’est pour la banque… vous auriez dû vous arrèter avant cher docteur. » Son rire sardonique se mêlant aux échos des hurlements de Richard dans une harmonie malsaine, il se renversa sur son siège, allumant un cigare d’une main pendant que d’un geste, il donnait à son groom le signal de faire entrer le joueur suivant…
Hmmm… plutôt cosi tout ça
Propos recueillis par David Barthélémy auprès de Christian Grussi
Suite à la montée en puissance des agissements du C.A.L.E.C.O.N.S (voir premier épisode), le gouvernement a décrété un état d’urgence afin de limiter l’exposition de la population au S.Y.Q.S (pour rappel, le Syndrôme des Yeux Qui Saignent), restreignant l’accès aux lieux publics tels que les terrasses, musées, galeries d’expositions, magasins de piles… tous participant activement à la propagation de la maladie. Le S.S.L.I.P poursuit donc son action plus que jamais et ses membres sont mis à rude épreuve dans leurs tâches quotidiennes. Entre deux opérations coup de poings, nous avons pu nous entretenir avec l’un des éminents représentants de la brigade, responsable de la branche éditoriale/médecine légale et c’est entre deux identifications de corps, au milieu des bodybags qu’il a aimablement pris le temps de nous répondre… behold : Emmanuel Gharbi.
L’uniforme reste à revoir afin que les membres du S.S.L.I.P ne participent pas à la propagation du S.Y.Q.S…
Salut Emmanuel. Déjà, merci de m’accorder un peu de ton temps, comme a pu le faire ton comparse LG¹ il y a quelques semaines. J’ai cru comprendre que vous aviez des comptes à régler niveau temps de parole, ce qui me sert à point nommé pour te tirer de la morgue au sein de laquelle tu officies quand tu te livres à tes œuvres. Alors, parlons trop, parlons bien... Les œuvres en question, en ce moment c’est quoi ?
Pas de règlement de comptes, rassure-toi 🙂 C’est bien normal que LG soit plus exposé que moi au vu de son excellente production. Quand tu bosses avec lui, tu te rends compte à quel point il est toujours en pleine réflexion, en pleine ébullition. L’étendue de ses talents est assez flippante, il est une des rares personnes que je connaisse (avec Yno²) à pouvoir gérer un bouquin de A à Z, des textes à la maquette en passant par les illustrations… Et puis, quand j’ai accepté de gérer John Doe³, je savais aussi que c’était par définition un rôle moins exposé, un truc qui se déroule pas mal dans l’ombre puisque certaines des tâches que je réalise ne se “voient pas” directement dans les bouquins. Aucun souci avec ça. Ce qui est vrai, toutefois, c’est qu’en ce moment, j’ai plus envie d’écrire que de produire. J’ai envie de concrétiser certains de mes projets personnels, et passer moins de temps à aider des auteurs à concrétiser les leurs. Du coup, on refuse pas mal de choses ces derniers temps chez JD pour libérer notre emploi du temps. Parmi ces projets, il y a bien sûr la seconde édition d’Exil⁴. C’est un énorme chantier sur lequel il reste encore beaucoup à faire. J’aimerais également ressortir Final Frontier⁵. Le jeu est épuisé depuis très longtemps et il nous est souvent réclamé en format papier, même si la version PDF est gratuite sur mon blog. Mais pour ce faire, il faut des modifications substantielles pour qu’une v2 se justifie pleinement. Je développe aussi un jeu à destination du jeune public avec mon compère Antoine Bauza⁶. Côté JD, c’est la finalisation de Donjon & Cie⁷, et celle du supplément pour Meute⁸, “Errances”…
Haaaa les beaux projets que voilà
Le travail d’un éditeur et celui d’un auteur n’ont à priori rien à voir… d’un côté, il faut peser des intérêts économiques, structurels, gérer des temps de travail, des délais, des fournisseurs, alors que de l’autre, bien souvent cela relève de l’immersion dans un univers particulier, de la capacité à se couper du monde pour construire quelque chose, ainsi que d’une certaine forme d’oubli de soi au profit d’une création qui peut vite s’avérer envahissante. Comment, au départ auteur, as-tu évolué vers cet autre aspect de la création d’un livre, et pour toi, c’était quoi le plus dur à changer (si tant est que tu aies dû changer quelque chose à ta manière de voir les choses) ?
L’évolution s’est faite naturellement. Après la sortie d’Exil en 2005, on voulait continuer à faire des bouquins ensemble, décider par nous-même de ce qu’on sortirait et comment. Pas que les choses se soient mal passées avec Ubik⁹, à l’époque. Bien au contraire. Mais on avait des envies de gamme, de projets qui n’auraient pas forcément trouvé leur place chez un éditeur. Le choix du format A5 par exemple, n’était pas si populaire. On nous a souvent répété que Final Frontier serait un four… Donc l’évolution s’est faite toute seule : si on voulait produire nos livres, il fallait apprendre comment se passait la chaîne graphique, trouver un imprimeur, un distributeur, penser à la comm… Et miser un peu de sous, aussi. Le crowdfunding n’existait pas encore… Au départ, c’était vraiment pour nous, nos jeux à John et moi. Et puis on s’est dit qu’une fois la structure lancée, on pouvait y accueillir d’autres auteurs, et le premier fut Yno pour Patient 13¹⁰. Donc, tout ça s’est fait au fur et à mesure. Ce qui n’a pas changé, et ne changera jamais sinon ça ne vaut plus le coup, c’est l’idée qu’on ne fonctionne qu’au coup de cœur. On ne prend un projet que si nous sommes tous (c’est à dire LG, Pierrick May¹¹, Antoine et moi) emballés. On va forcément beaucoup s’investir dessus et on doit tous être convaincus. Ce qui a changé dans ma façon d’aborder un jeu, grâce à l’expérience d’éditeur, c’est que je structure mieux mon travail d’auteur qu’avant. J’ai une tendance naturelle à être bordélique dans l’écriture, à partir bille en tête sans plan et à passer ensuite un temps fou à structurer un bazar touffu. J’ai appris à mieux planifier les choses, à soigner la note d’intention pour ne pas partir dans tous les sens.
Avec Exil, tu as livré un premier univers à l’identité très forte et sans doute très personnel, en dépit des collaborations. Tu nous as présenté un monde à la fois sombre et poétique, très riche et cohérent, destiné à être joué par d’autres. Tu t’y es pris comment pour coordonner tout ce petit monde et malgré tout respecter ta vision des choses ?
Oui oui, une identité forte !
Il existait une bonne base, une version déjà détaillée de l’univers. Ce fut un long travail solitaire, avant d’être d’abord rejoint par Antoine qui m’a aidé à finaliser cette première version. C’est ce gros document qui a servi de base au travail collaboratif qui a été lancé ensuite avec la création du studio Ballon-Taxi¹². On a repris chaque sujet, en fonction des affinités de chacun, et on a tout creusé. Il y avait de nombreuses réunions de travail où on pesait les idées de chacun pour décider si cela rejoignait le bouquin ou pas. Et j’avais le “director’s cut” pour départager en fin de course. Chacun avait forcément sa vision d’Exil, et j’ai essayé de conserver la mienne au fur et à mesure que l’univers était densifié. Dans l’écrasante majorité des cas, ça s’est passé idéalement. Les idées fusaient, se complétaient, étaient adoptées ou écartées assez naturellement, organiquement. Bon, il y a bien eu quelques frictions, comme lorsque l’un des membres de l’équipe a voulu ajouter des êtres fées à Exil. Là ce fut juste non 🙂 Mais on a bien rigolé. Ça reste une magnifique expérience, beaucoup de bons souvenirs. Après, ce premier jeu édité a été fait dans l’improvisation. Nous n’avions pas vraiment de méthode et, au départ, nous n’avions même pas d’éditeur. L’implication d’Ubik s’est faite en cours de route. Durant la conception, l’idée était vraiment de faire le truc le plus abouti possible, d’y mettre tout ce qu’on imaginait. D’où, sans doute, l’aspect un peu mastoc du résultat final. Nous n’avons pas pensé en terme de gamme, on voulait tout mettre parce que nous ne savions même pas si nous pourrions avoir une gamme !
Et au fait, ta conception du boulot d’un éditeur, c’est quoi ?
D’être un facilitateur au service de l’auteur. On l’aide à aboutir à la version la plus complète possible de son jeu, dont il – et nous – puissions être fiers. L’aider à peaufiner ses textes, à faire des choix s’il a des doutes, lui adjoindre l’artiste qui va bien, réfléchir ensemble à la forme finale du bouquin, définir la forme du suivi s’il y en a. Ce sont des sujets sur lesquels John Doe a évolué, puisqu’au début, on faisait des bouquins courts et tout-en-un, sans suivi, avant de s’écarter de ce dogme. On a aussi la responsabilité de pousser la reconnaissance du jeu (et c’est un domaine sur lequel, la communication, nous ne sommes pas bons, je le crains) et d’assurer qu’il soit bien distribué. Pour cela, nous avons un distributeur professionnel car nous n’avons pas les épaules pour faire ça nous-même.
Je lisais récemment Julien Heylbroek¹³ à propos de WarsaW¹⁴ qui racontait avoir été reçu comme un prince chez John Doe (plutôt cool hein). Souvent les retours des auteurs sur les maisons d’édition sont plus mitigés (surtout quand les manuscrits ne sont pas retenus et je généralise hein, entendons nous bien), du coup, vous faites ça avec tout le monde ou c’est parce qu’il est particulièrement charmant comme garçon ?
Puisqu’on vous dit qu’il est charmant l’auteur de WarsaW
Julien est effectivement un garçon charmant, mais on essaie d’avoir le même accueil avec tous les auteurs. On essaie de les traiter comme nous aimerions l’être nous-même. Sans auteurs, pas de jdr. Et c’est ingrat, auteur : on ne gagne pas grand chose et on est en bout de chaîne. La reconnaissance est parfois moindre que pour les illustrateurs par exemple. Il y a encore beaucoup de jeux dont le nom de l’auteur n’apparaît pas sur la couverture. Même nous, on ne l’a fait que récemment. En 15 années de John Doe, tout s’est je crois bien passé. Il y a bien eu des erreurs ou des frictions, naturellement ! Mais pas, je crois, de grosses fâcheries. Concernant les manuscrits, c’est un peu différent. On reçoit des choses très disparates. Des fois, c’est immédiatement clair que ce n’est pas au niveau d’une publication. Parfois, ça demande de creuser un peu plus pour se faire une idée claire du projet. Nous essayons de répondre à chacun, mais il nous arrive de nous louper et de répondre très tardivement. Il suffit que le jeu arrive à un moment tendu, comme un bouclage ou une préco, ou bien qu’il ne provoque pas un intérêt immédiat… J’en suis désolé parce que je sais à quel point c’est frustrant de ne pas avoir de réponses quand on croit à son jeu. Nous faisons au mieux mais nous sommes loin d’être irréprochables sur ce point.
Ce que j’aime beaucoup dans tes jeux, c’est qu’à chaque fois, ils ont un caractère unique, que ce soit Exil, Eleusis¹⁵, Final Frontier ou Hellywood¹⁶, et refusent de succomber à l’appât du gain en proposant une resucée des classiques commerciaux à la D&D¹⁷, Cthulhu¹⁸ ou Star Wars¹⁹, tout en restant accessibles. C’est quelque chose que l’on retrouve dans les choix éditoriaux de John Doe et dont à mon sens, vous pouvez être fiers. Comment vous procédez à la sélection de tel ou tel jeu (Meute, Patient 13, Tenga²⁰, Notre Tombeau²¹…) et est-ce qu’il vous est déjà arrivé de passer à côté d’une licence, disons juteuse, sous prétexte qu’elle ne correspondait pas à votre ligne éditoriale ?
On a loupé des licences qui nous plaisaient, parce qu’on a pas été assez réactifs et que nous ne sommes pas très bien organisés pour ça… Des jeux que nous aurions adoré traduire, mais qui nous sont passés sous le nez, parfois de justesse. Il y en a eu plusieurs mais ils ont tous trouvé preneurs donc le public les a eu, c’est ce qui compte. Pour le choix des jeux, c’est encore une fois au feeling. Est-ce que c’est bien ? Est-ce que nous avons envie d’y jouer ? Est-ce que la note d’intention du jeu est claire, originale, prenante ? Est-ce que ça n’existe pas déjà et en mieux ? C’est la seule question que nous nous posons, jamais celle de la rentabilité. Avec le crowdfunding, je pense que même la proposition la plus originale trouvera son public si elle est bien calibrée. Donc, ça se résume vraiment à : est-ce qu’on aime le jeu ? Et aussi l’auteur. On va travailler longtemps ensemble et on aime bien se dire qu’on a des atomes crochus avec l’auteur. Tout ça pour dire que nous n’avons pas une réflexion du style : refusons ce qui est commercial ou visons forcément un truc cryptique. Moi je suis ravi quand un jeu se vend très bien, parce qu’il entraîne les autres projets, il vit sur les tables et tout ça. Et je joue moi-même à des choses que tu dis commerciales comme D&D ou Cthulhu. Donc, il n’y a aucune volonté d’élitisme dans nos choix. Moi, demain, tu me confies Star Wars ou l’Appel, je suis ravi ! Mais nous n’avons pas forcément les épaules pour, nous ne sommes pas sur les rangs. Certains projets ne passeront jamais par nous.
Tu fais également de la traduction (avec Icons²² notamment), en plus de tes rôles de directeur de publication et d’auteur (hein, parce que quand même, ce serait dommage de s’ennuyer), donc même question qu’à ton collègue Le Grümph… Tu es hyperactif ou c’est juste pour faire bisquer des gens qui comme moi peinent à faire leur courses et écrire trois questions sur le jdr dans leur journée ? Et au fait, le directeur de publication, c’est le type qui casse ton rêve en refusant les manuscrits ou celui qui paie les cake à l’épeautre ?
Le cake à l’épeautre… une recette indémodable au succès garanti
Pour nous, le directeur de publication, c’est justement le “facilitateur” dont je parlais plus haut. Celui qui aide l’auteur à accoucher de son jeu. Au niveau charge de travail, comparé à LG, je suis un fainéant 🙂 Mais oui, c’est beaucoup de boulot car j’ai gardé mon job, je ne vis pas de l’édition. Comme toute passion, tu prends sur ton temps perso. Certains font de la pêche à la ligne, moi j’écris du jdr. Comme je te le disais plus haut, j’ai envie en ce moment de passer plus de temps à écrire et moins à gérer. C’est pour cela que nous nous sommes rapprochés de nos amis de BBE²³ qui ont géré la précommande de Donjon & Cie. Ils ont proposé de nous aider, pour nous libérer du temps de créa. Et c’est formidable car ces dernières années, j’avais ressenti un manque. Après, l’écriture reste une maîtresse difficile et changeante. Des fois tu es sec. Je peux rester des semaines sans produire une ligne utile et puis, soudain, sortir un scénario complet en une soirée. Personnellement, je me trouve peu productif. J’ai genre 15 projets esquissés, qui seraient tous, je le pense, des jeux sympas que j’aimerais essayer avec mes potes. Et je sais que faute de temps, certains ne seront jamais aboutis.
Le paysage français du Jdr commence à être bien chargé niveau maisons d’édition. Du coup je suis curieux (surprenant n’est-ce pas ?), et m’interroge sur les rapports entre professionnels… Il y a de la communication entre vous, c’est une grande et belle famille, une famille normale (avec l’oncle un peu con, la cousine bavarde et le papy pontifiant qu’on écoute par politesse), ça se règle à coup de couteaux dans les allées sombres une fois la nuit venue ?
Avec LG, on a toujours eu une réputation de Bisounours, on se bagarre avec personne. C’est un peu vrai (même si on sait défendre notre pré carré, hein). Donc, comme avec nos auteurs, on n’a jamais eu de gros clash. A vrai dire, lorsque nous avons commencé, nous avons eu un bon accueil, certains éditeurs nous ont aidé, sans contrepartie, et nous leur en sommes extrêmement reconnaissants. Après, en ce qui me concerne, je connais assez peu le milieu, je suis plutôt discret. Donc pas de réunions secrètes de domination mondiale ! Je connais très bien certains éditeurs avec qui le contact est récurrent, et pas du tout certains autres. Idem avec les auteurs. Au fil du temps, on croise quand même plein de gens, notamment sur les grosses conventions, et des liens se nouent. Il y a des auteurs avec qui j’aimerais vraiment bosser, des éditeurs dont j’admire le boulot. Tu vois Pavillon Noir²⁴, tu te dis “mais quel boulot de dingue !”. Tu vois L’empire des Cerisiers²⁵ et tu te dis, wouha, qu’est-ce que c’est bien !
Un p’tit dernier avant qu’on ne discute de qui va localiser Deadland²⁶ ?
Si tu avais une recommandation (ou trente) à faire à quelqu’un qui veut éditer son jeu ou au moins essayer de s’insérer dans ce milieu, ça serait quoi ?
Surtout de ne pas rester dans son microcosme, de sortir du cercle d’amis pour faire goûter son univers, son jeu à d’autres. En convention, en club… Voir si le truc prend. Présenter son jeu à de nouveaux joueurs, c’est un exercice en soi, et il est très utile : qu’est-ce que je mets en avant ? Qu’est-ce qui compte dans mon univers, quelle est la proposition de jeu ? En quoi est-elle unique ? Se contraindre à cet exercice, c’est parfois se rendre compte qu’il faut élaguer des choses, que certaines mécaniques sont superflues, belles sur le papier mais peu concluantes en live. Tout ça va aider à affiner la proposition. Quand on me propose un projet, j’adore recevoir une note d’intention claire, pas plus de quelques pages mais un truc bien charpenté qui explique la vision de l’auteur, l’enjeu de ce qui va être au cœur du jeu.
Quand j’étais prof de guitare, j’avais l’intime conviction que je n’exercerais pas ce métier toute ma vie, même si d’un point de vue extérieur, j’étais à ma place et vivais (vivotais) de ma passion. De l’intérieur, de nombreuses choses me pesaient, comme le fait par exemple que la dite passion touchait plus à la musique en elle-même qu’à l’enseignement… Pour toi, ça se passe comment dans ton boulot d’éditeur, tu as des regrets, des envies, le sentiment d’avoir trouvé ta place ?
Mmmm… C’est intéressant ça, parce que je suis en pleine réflexion en ce moment. Est-ce que ce qu’on a fait a compté ? Est-ce que ça valait le coup de s’y être autant investi ? Je ne sais pas. Aujourd’hui, il y a une offre pléthorique. Être joueur de rôle aujourd’hui, c’est vraiment avoir l’embarras du choix, que tu aimes les mécaniques simples ou complexes, que tu aimes les univers très touffus ou au contraire si tu privilégies un univers émergent qui se dessine peu à peu en fonction du choix des joueurs… Tu as tout ça. Des produits d’initiation super bien faits, des grosses gammes et des jeux courts… Bref, il y a plein de choses. Et je me demande parfois si j’ai encore des choses à apporter, qui vaillent la peine qu’on passe parfois deux ou trois ans en développement. Imposer un nouveau jeu, c’est très difficile. Les gens ont des valeurs refuges, tu n’as quasiment plus aucune gamme existante dans les années 80 ou 90 qui n’ait pas été rebooté. Alors est-ce que ça vaut le coup de continuer à se battre sur de la créa ? J’aurais affirmé oui sans hésiter il y a quelques années, mais aujourd’hui, je ne sais plus. Je prends toujours autant de plaisir à imaginer un univers, c’est vraiment ce que je préfère et je continuerai, c’est certain. Mais tout le reste, le développement pour rendre cela jouable, le long chemin de l’édition. J’ai des doutes, clairement. Je n’ai pas de réponse définitive. Je suis très fier de ce que nous avons fait avec John Doe. On a eu des retours si chaleureux que ça payait toutes les galères, tous les écueils. Mais j’ai parfois l’envie de ne développer que pour ma table de jeu, sans penser à un produit fini. Tout cela est en cours de mûrissement. Des regrets, on en a forcément après 15 ans de boulot : n’avoir pas su défendre tel ou tel jeu qui l’aurait mérité, s’être interdit des choses qu’on aurait pu faire, des erreurs factuelles aussi, qu’on assume car au moment où on les a faites, on manquait peut-être d’expérience, de recul… Tout ça fait grandir.
Question bonus : tu as un teaser à nous faire à propos de la v2 de Exil (comme ça, l’air de pas y toucher) ?
Je vais finir par croire qu’il est attendu ! Que dire ? L’essentiel des efforts portent sur l’accessibilité du jeu. La v1 est un gros pavé sans orientation claire de ce qu’on est amené à jouer. L’idée, c’était “faites ce vous voulez de l’univers, il est à vous”. Mais on peut très bien garder le détail et offrir une perspective claire, que le meneur pourra prendre telle quelle pour aller vite, ou ignorer s’il le souhaite. Donc, il y aura cela, une prise en main rapide avec de nombreuses aides de jeu pour faciliter la vie du MJ. Si on y arrive, naturellement 😉
Question piège : Stars Without Number²⁷, ça en est où ?
Ça ne sortira pas. Le projet a été abandonné. LG avait commencé une traduction puis est parti sur autre chose (Oltréé²⁸ à l’époque je pense), le temps a passé et nous avons décidé de ne pas poursuivre sur la VF. Désolé…
😭😭😭😭😭😭😭😭😭😭😭😭
Nos courageux agents du C.A.L.E.C.O.N.S vont-ils réussir à juguler la propagation du S.Y.Q.S au sein des couches de la population refusant de se protéger ? Le S.S.L.I.P est-il en train d’ourdir de nouveaux complots visant à propager le virus ? Autant de questions auxquelles seul l’avenir sera à même d’apporter des réponses. Mais dans l’attente, gardons espoir, car nos défenseurs sont sur la brèche et ne ménagent pas leurs efforts, même si l’ampleur de la tâche peut parfois leur paraître décourageante. Soutenons-les, encourageons-les, car s’ils venaient à flancher, l’exil pourrait finir par s’avérer indispensable et immanquablement, il ne serait pas possible pour tous. D’innombrables étoiles seraient amenées à s’éteindre si cela devait advenir, aussi l’esprit de la meute doit prévaloir et c’est seulement en maintenant cette volonté de cohésion que nous pourrons triompher des obstacles… Jusqu’à la frontière finale… Ensemblecontre la barbarie… Vers l’infini et au-delà.
Propos d’Emmanuel Gharbi recueillis par David Barthélémy
À n’en pas douter, éditeur est un métier épanouissant… La preuve en image
Ha, vous voilà… Je vous demanderai aujourd’hui d’observer quelques consignes élémentaires visant à ne pas effaroucher la cible de notre Focus et permettre au plus grand nombre de profiter de cette rencontre exceptionnelle : – Veillez à rester silencieux et limiter les mouvements brusques autant que possible. – Essayer également de ne pas interagir directement avec le milieu préservé dans lequel nous nous aventurons. – Enfin, ne proposez pas de nourriture que vous pourriez avoir sur vous, tout ceci afin de pouvoir observer, dans des conditions idéales, ce spécimen rare d’autoris traducto editorus, … … Laurent Rambour.
{D’une voix douce et apaisante, en dépit des caractères gras…}
Quelque part au Panama…
Bonjour Laurent, tu as accepté de te laisser approcher par l’humble observateur que je suis, et cela en dépit de ta discrétion légendaire auprès du grand public, ce dont je te remercie… alors, coming out ou coup de chance pour ma pomme ?
Bonjour cher ami, et salutations à tes aimables lecteurs. Pas de « coming out » non, j’en ai peur. Sans aller jusqu’à parler d’un coup de chance (qui se trouverait plus du côté de la FDJ je pense), tu as dû me demander ça un jour où la CAF est tombée et que je pouvais dépenser sans compter dans du JDR. Je communique auprès de ma clientèle uniquement au sujet de l’avancement des jeux, c’est tout ce qui lui importe et cela me convient bien. Je préfère garder mes distances avec les réseaux toxiques parce que je n’ai aucun talent imaginaire à vanter ni aucune position militante à défendre et que l’intelligentzia rôliste 2.0 sait déjà tout sur tout sur mon propre boulot avant moi-même ; considérant cela, je ne vois pas ce que j’aurai de si fascinant à raconter. JDR Magazine1 et Casus Belli2 viennent vers moi régulièrement pour me demander des nouvelles, j’apprécie la politesse et cela me semble suffisant en matière de comm’. Mais je ne suis pas un ermite pour autant : j’entretiens un entre-soi de très bonne qualité avec mes lapins et une centaine de contacts sur un compte privé sur lequel je peux décompresser en racontant des inepties de 36e degré lors de mes pauses café. J’ai un job prenant et chronophage, une cellule familiale à préserver et je ne sacrifie pas de hérissons joufflus les soirs de pleine Lune. Bref, circulez, pas la peine de braquer les projecteurs. Et puis c’est plutôt aux jeux et aux auteurs d’être affichés ; ma vie d’éditeur à deux sous, on s’en fout un peu, non ?
Contre vent et marées, tu promènes ta barque dans le petit monde de l’édition, et plus particulièrement du jeu de rôle depuis maintenant quelques années. Du peu que je sais, il t’aura fallu une épouse bienveillante et des soucis de santé pour te décider à te lancer dans ce domaine. C’est pas banal ça (comme dirait l’autre). Mais dis moi, qu’est ce qui continue à te pousser vers l’avant quand tu sors d’une nuit blanche à noircir des pages de texte ou chasser les licences improbables ?
Parce que tu appelles ça une barque toi ? Moi je vois les choses en grand et j’appelle ça une galère. Mais bon, le point commun, c’est que ça flotte. Sinon, la même motivation qui pousse un ouvrier à aller se tuer le dos sur les chantiers ou une chaîne de montage : travailler pour au moins remplir le frigo. Quand tu as fait le choix d’être entrepreneur, c’est pour travailler encore plus. Mon privilège de mâle cisgenre presque blanc c’est de travailler dans un domaine qui me passionne, mais uniquement parce que j’en ai accepté le prix et les contraintes.
Hardi Capitaine… Puisque j’vous dis que ça passe !
J’ai passé une partie de ma vie à œuvrer dans un domaine et un milieu (l’ingénierie thermique) dans lequel je ne m’épanouissais pas, à vivre dans la frustration en vertu de principes hérités de mon éducation et en soumission à certaines normes sociales. Les années ont passé et le ras-le-bol est arrivé à son paroxysme, la maladie et les encouragements de ma nouvelle épouse (ainsi qu’une très profonde crise existentielle) ont simplement accéléré le processus de reconversion. J’ai décidé très tardivement de tenter un de mes rêves avant qu’il ne soit trop tard et de vérifier s’ils n’étaient qu’une chimère ou pas (on est souvent l’esclave de ses propres illusions). J’hésitais entre faire du JDR ou devenir une star du hard rock ; la première option alimentant aujourd’hui un peu plus la controverse, elle a eu ma préférence. Du coup, maintenant que je travaille dans un domaine qui me plaît et que j’ai la chance de pouvoir jouer quelques prolongations, la motivation est toute trouvée. Se lancer en parfait dilettante à 40 ans est une pure folie, surtout quand tu divises tes revenus par 5, mais rester à me morfondre l’était encore plus. Un jour, j’en aurai sans doute ras le bol du jeu de rôle (à chaque jeu publié, j’affirme que c’est le dernier) et je monterai le nouveau Led Zeppelin3 dans mon garage du Médoc. Mais pour l’instant, j’ai quelques projets sympas à terminer. On sait que ce n’est pas un job pour la vie et cela finira mal (le marché est bien trop petit et fracturé pour perdurer ad aeternam), mais tant qu’il y a un challenge excitant à relever et des gens pour me suivre, je joue. Au moment où je te réponds, j’en suis à ma douzième année d’exercice. J’ai fait un petit bout de chemin très rock’n’roll malgré des hauts et des bas dont je me suis toujours relevé, j’arrêterai sans regret au prochain jeu publié. Ou celui d’après…
De Max Ravage à Game Fu, en passant par Pulp Fever pour arriver aujourd’hui aux Éditions du Troisième Oeil4, tu enchaines les jeux à thèmes forts, voir clivant (comme Dés de Sang5 de Willy Dupont6 ou One%7 avec Steve Goffaux8, sans parler de Kabbale9, ton bébé à paraître ) et les licences sacrées pour les geeks telles Cobra10 ou Valérian11… Ça nous en dit long sur ton caractère et tes goûts en la matière, ou c’est pour brouiller les pistes ?
Précision au passage : Pulp Fever et Game Fu, c’était la même entreprise (mon épouse et moi avions simplement décidé de changer l’enseigne lorsque nous avions racheté le magasin de jeux vidéo). Disons que je suis curieux et que j’ai soif d’expériences. Je ne souhaite donc pas me cantonner à un genre, mais m’essayer à des choses aussi différentes que fortes. Tu te vois toi à jouer tout le temps avec des jeux sortis d’un même moule ? J’aime aussi la diversité dans les profils de joueurs auxquels je m’adresse : celui qui joue aux jeux narrativistes autant que celui qui joue aux rétroclones (j’aborde et arbore les deux étiquettes sans aucun problème). Ces deux tendances stimulent mon intérêt parce que j’estime qu’il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon de jouer, juste de la condescendance ignorante à critiquer l’une ou l’autre. Bien entendu, tout ne me passionne pas au même degré, mais goûter à tout me semble essentiel pour maintenir la passion et l’envie de bosser. Tu sais, être éditeur, c’est tenter de comprendre où les joueurs trouvent du plaisir et voir si tu peux toi-même en tirer une expérience intéressante (parce que pour travailler des mois sur un projet, il faut quand même « un peu » d’amour pour le sujet) et une rentabilité (sinon tu ne montes pas d’entreprise).
De l’amour en veux tu en voilà !
Mais je ne t’apprends rien en affirmant qu’il y a aujourd’hui des profils très différents de joueurs ; du coup, même si ne cherche pas à cliver intentionnellement (ce qui serait une curieuse stratégie, d’autant que les rôlistes 2.0 n’ont pas besoin de moi pour cela), le simple fait de proposer un produit destiné à une catégorie de joueurs crispe mécaniquement d’autres catégories, comme si j’avais commis le pire des blasphèmes. Que mes choix éditoriaux plaisent ou pas aux médias ou aux groupes de discussion ne rentre absolument pas dans mes critères (je travaille pour des joueurs, pas les rédacteurs de Voici). J’aime avoir la liberté de plaire ou déplaire à qui que ce soit. De cette façon, le souci du clientélisme n’est pas un frein et je peux continuer de (me) surprendre. Pour moi, vouloir fédérer est le meilleur moyen de tourner en rond et de ne plaire à personne – même si c’est bien évidemment plus rentable. Après, comme je l’ai évoqué plus haut, tout ceci est aussi une histoire d’amour : je ne me vois pas plancher des mois et des mois sur un projet qui ne m’excite pas plus que ça au prétexte qu’une partie de la clientèle aimerait qu’il se concrétise (sinon, autant retourner bosser sur les chantiers, ce serait moins stressant et largement plus rentable). Qu’un projet suscite l’intérêt d’une clientèle suffisante pour le commercialiser est bien entendu la première condition, mais il faut aussi qu’il me séduise suffisamment pour que j’accepte de l’épouser (oui, j’ai un passif compliqué avec le mariage). Publier (et parfois concevoir) Cobra, Valérian ou Flash Gordon12, est stratégiquement intéressant, ça ouvre des portes, mais c’est aussi un plaisir de sale gosse. Toutefois, publier un jeu de niche est une aventure bien plus excitante (et complexe) d’un point de vue créatif, mais comme il faut bien payer les factures, alterner les jeux commerciaux et les OVNIS invendables est un bon équilibre – certes précaire avec le contexte actuel, mais tu as compris l’idée. Le truc fascinant en rédigeant cette réponse, c’est qu’elle est complètement fictionnelle, car les plans pour l’avenir sont plutôt à la traduction, beaucoup moins à la création. Et oui mon bon Monsieur, on va devoir s’embourgeoiser pour survivre (puis probablement, tout perdre en misant sur un autre OVNI).
Et donc, ça fait quoi de bosser sur Valérian, Flash Gordon ou Cobra… ? Parce que là c’est quand même plusieurs générations de fans qui t’attendent au tournant, prêtes à te clouer au pilori pour non-respect de leurs projections sur ces univers mythiques…
Qui parle de monstres sacrés de la culture geek, hein ? Qui ?
Bof, j’ai déjà été maudit sur cent générations, que ce soit pour de grosses franchises ou pas, alors si ça impressionne la première fois, cela devient ensuite une simple routine (et il faut, sinon, tu deviens dingue et tu ne produis plus rien). Ma priorité n’est pas de coller à l’image que se fait chaque fan d’une œuvre (je suis Laurent Rambour, pas Charles Xavier13), mais de coller au plus près de ce qu’ont (ou avaient) à dire les auteurs à travers leur œuvre. C’est indispensable pour gagner leur respect et une certaine crédibilité. Cela se déroule en deux grandes étapes :
La première consiste à avoir une compréhension chirurgicale du matériau de base en écartant tes propres fantasmes (ce qui ne signifie pas pour autant qu’il faille verser à tout prix dans l’hérésie, loin de là, mais savoir lire entre les lignes pour s’assurer que l’on ne passe pas à côté d’une subtilité qui en dit long sur l’œuvre) et à synthétiser l’univers de façon aussi complète et exhaustive que possible (quand la cohérence de celui-ci le permet, ce qui n’est pas toujours le cas), en mettant en avant les éléments susceptibles de titiller l’imagination du rôliste
La seconde consiste, après avoir digéré l’univers canon, distingué ses enjeux et cerné la place des personnages dans cet ensemble, à trouver une recette alchimique qui te permette de ludifier tout ça. Le but étant de donner également une identité ludique à l’article, qu’il soit autre chose d’un produit dérivé de plus. C’est une équation complexe dont la solution, parfois, te monte au cerveau quand tu as fini de rédiger ton chapitre de règles. Tu te sens alors obligé à tout réécrire parce que tu as l’intime conviction (chimérique ?) que le client, au bout du compte et malgré le retard, va mieux s’amuser avec cette nouvelle version « V87.014_finale_definitive_juillet21_alternative2 » (alors qu’en réalité il prendra Cthulhu ou D&D et adaptera…).
Il est plus facile de se caler sur un système de règles génériques, mais l’identité du jeu n’en ressortira pas forcément valorisée. « Pas forcément » ne signifie pas « obligatoirement », car il y a sans doute de belles réussites avec des systèmes génériques. J’y songe clairement dans les moments de ras le bol, mais j’ai du mal à m’y résoudre (sans doute par fierté mal placée ou arrogance). Un système générique peut satisfaire la ludification de différents univers, mais à condition qu’ils répondent peu ou prou aux mêmes codes fondamentaux. Or comme j’aime la variété… De plus, beaucoup de franchises n’acceptent pas qu’une entreprise tierce (détenteurs des droits d’un système) intervienne dans un contrat. Quand tu t’attaques à une franchise, même avec les meilleures intentions du monde, tu dois admettre d’avance qu’une partie des fans se sentiront insultés et que beaucoup de monde aurait fait bien mieux que toi, ceci avant même que le jeu ne soit commercialisé. C’est comme ça, cela fait partie du packaging, et quoi que tu fasses, même un numéro de claquettes en apesanteur, c’est toujours le même disque qui tourne (d’où l’intérêt de tracer son chemin sans trop s’exposer). L’important c’est qu’une majorité de clients trouve son compte et s’amuse, suffisamment pour te permettre de poursuivre ta carrière. Si tu obtiens une réussite critique, c’est génial, mais mieux vaut ne pas travailler avec ce seul objectif en tête et se contenter d’un non-échec commercial (je crois que l’ego est le pire ennemi du créatif, qu’il s’agisse d’un « Ed Wood-like »14 comme moi ou d’un véritable artiste).
Pour en revenir à Kabbale, tu pourrais m’en dire un peu plus sur ce qui t’as fait envisager de rédiger un jeu qui nous place, pour une fois, clairement du côté des déviants ? (je précise que Mireille Dumas ou encore 4215 ne sont pas des réponses recevables 😜)
Si la définition d’un héros dans le jeu de rôle est d’être un bellâtre arrogant et manichéen qui bute à la chaîne des espèces différentes pour piquer leur pognon et s’offrir une potion d’érection flamboyante, je ne m’excuserai pas d’être plus attiré par des rôles de salauds plus ambigus et intrigants. Je caricature, évidemment, mais l’idée est là. D’une manière générale, la gratuité et le manichéisme m’exaspèrent, voire m’insupportent, surtout dans un jeu de rôle où les motivations du rôle sont censées avoir été étudiées sous toutes les coutures. J’y vois là une forme de fainéantise intellectuelle – sauf si l’on verse dans le registre du second ou trente-sixième degré. Nous sommes tous le méchant de quelqu’un, il n’y a pas à s’en excuser, c’est dans l’ordre des choses. La vraie question est de comprendre pourquoi et d’essayer d’arrondir les angles pour ne pas piétiner les gens bêtement. C’est la base de toute civilisation.
Kabbale, le Grand Oeuvre de Laurent, affectueusement surnommé Rhaaa Lovely à la maison… (Le jeu hein, pas Laurent)
Kabbale propose de jouer des méchants, potentiellement animés d’une perversité extrême (les joueurs en décident par leurs choix), certes, mais avec une raison au moins aussi forte de l’être. Chez l’humain, tu retrouves toujours un motif et au moins une nuance à la méchanceté (ou la vengeance). La plupart des tueurs en série furent des victimes de la société bien-pensante avant de se retourner contre elle avec la rage d’un animal blessé (la différence est que l’homme est un prédateur plus froid et calculateur). Mais qui a démarré le conflit : les travers d’une société bâtie par ses congénères ou l’inaptitude du tueur en série à s’y adapter plutôt qu’à se réfugier dans ses fantasmes (puisqu’il n’a pas le courage ou la possibilité de changer le réel) ? Comme en mathématiques, ce que je trouve vraiment intéressant, ce n’est pas la finalité (le résultat), mais le chemin de croix (la démonstration). La principale déviance (ou fuite) est la toxicomanie. Elle commence toujours doucement, s’insinue dans la vie des PJ et s’installe machinalement dans leur quotidien. Dans le jeu, la toxicomanie est l’élément déclencheur du fantastique schizophrène dans lequel vont être plongés les joueurs et les personnages. Dès lors, ils parviendront de moins en moins à distinguer ce qui relève de la réalité (potentiellement une hallucination collective) ou du fantasme personnel. Je tenais à entretenir le doute sur la véracité des événements troublants que vivent les personnages pour conserver une tension permanente. Cela vaut pour le surnaturel comme pour les actes répréhensibles ou outrageux qu’ils peuvent commettre (si tout ceci n’est qu’un rêve ou un delirium tremens, je peux donc a priori tout me permettre puisque tout sera effacé au réveil). Parce qu’ils ont vu clair dans la mascarade qui se joue (aspect thriller d’espionnage ésotérique du jeu) ou parce qu’ils sont abusés par leurs propres convictions et que, de facto, ils sont des proies faciles, les personnages rejoignent une kabbale qui vénère un Indicible dont la doctrine promet une transformation et une révélation (le Nouvel Ordre cosmique). Ils en viennent donc à combattre une doctrine (la Pensée unique) par une autre doctrine (celle de la kabbale) sans jouir pleinement de leur libre arbitre (en raison de la came qu’ils se mettent pour rester zen et de l’incertitude induite par leur crise existentielle, uniquement apaisée par le discours rassurant de la secte). Au final, ils sont condamnés à n’être que des pantins, sauf s’ils parviennent à remonter des traits de personnalité enfouis et à retrouver un peu de libre arbitre.
Le jeu ne propose pas de réponse, car il y a plusieurs vérités et que toutes condamnent les PJ. Les personnages sont un peu comme les héroïnes du film Sucker Punch16 : en s’échappant du cauchemar qu’ils vivent par la seule issue proposée dans le jeu, ils vont peut-être se retrouver dans le corps d’un patient aliéné qui reprend le dessus. À l’inverse, s’ils jouent le jeu de la kabbale et parviennent à instaurer le Nouvel Ordre cosmique, peut-être s’enferment-ils dans un délire schizophrène irréversible. Ou l’inverse, peu importe, car ce qui est intéressant, c’est voir leurs réactions perpétrées avec l’incertitude de savoir si ce qu’ils font est réel ou irréel. L’irréel désinhibe et enferme, il convient donc dans le doute d’observer une certaine retenue que, bien évidemment, rien dans le jeu n’encourage… Les personnages de Kabbale sont des victimes qui ne peuvent prétendre à l’innocence. S’ils deviennent aussi des monstres, cela relève uniquement de la responsabilité des joueurs (et de la perniciosité du MJ). Kabbale tend aux joueurs des perches très séduisantes à saisir, mais toutes activent un couperet qui s’abat sur leur personnage. Un aspect sadomaso très excitant.
Bien, alors être auteur, c’est une chose, mais tu es aussi de l’autre côté de la barrière, à savoir éditeur… l’imagerie d’Epinal veut que cela consiste surtout en :
avoir de l’argent,
vouloir de l’argent
contrarier de pauvres artistes incompris en leur imposant ta vision ultra commerciale de leur jeux, afin de maximiser les deux points précédents.
Alors, Épinal… info, intox… ?
Entrez donc gentil auteur, nous allons établir un contrat équitable pour tous…
Je n’en sais rien. C’est peut-être vrai chez certains éditeurs, moins chez d’autres. Il faudrait poser la question aux auteurs dont j’ai publié les jeux. Certains ne veulent plus entendre parler de moi, d’autres sont devenus des amis de longue date, la vérité est sans doute quelque part au milieu. Je ne crois pas que mon CV affiche des jeux indés « ultra commerciaux ». C’est un peu antinomique. Les jeux sous franchise le sont, par définition, mais ils n’appartiennent qu’aux ayants droit et à l’éditeur, pas aux rédacteurs que je dirige (œuvres collaboratives, etc.), d’autant plus que je suis aussi « concepteur » sur ces projets (je ne pense pas mériter le titre « auteur »). Tu sais, à part Dés de Sang et One%, puis Wulin17 (avec les V2 et V3), les jeux indés que j’ai publiés se sont vendu moins de 400 exemplaires (alors que Cobra se vendait par palettes complètes chez Ludikbazar). Pourtant, j’ai dû respecter et faire respecter bien plus de contraintes sur Cobra que sur ces derniers : j’ai accepté toutes les exigences des auteurs, même le choix des artistes et des couvertures, je n’ai pas exigé de coupes pour respecter un format type même quand on dépassait les estimations, ni n’ai imposé une vision particulière d’un jeu (que la forme de l’objet soit conditionnée aux moyens disponibles est un autre problème, il me semble).
We’re only in It for the money ! (comme disait l’autre 😂)
Faire de l’argent est le propre d’une entreprise et d’une démarche commerciale. Critiquer un éditeur pour cela est contradictoire avec le fait de le démarcher pour être publié. Rien ne garantit la rentabilité d’un jeu sur la base de ses seuls textes, surtout dans une société où l’image et le paraître ont pris le dessus, il est donc légitime de chercher à rendre « présentable » et vendable un produit sans forcément chercher à le dénaturer. Sinon, autant se débrouiller seul en autoédition, il n’y a pas de honte à cela : j’ai commencé comme ça, je finirai peut-être aussi comme ça et il y a de très belles réussites par ce procédé. Les plateformes de financement participatif sont aussi là pour aider les porteurs de projet indépendants (quoi, j’ai écrit une connerie ?). Tu noteras que je n’ai publié que des jeux aux thèmes très spécifiques que seuls les auteurs connaissaient vraiment (à part Dés de Sang qui traite d’un thème que j’affectionne) ; tu noteras aussi que tous ces jeux (sauf Dés de Sang et One% à leur époque) furent signés par des noms connus qui connaissaient leur boulot et pour lesquels je me voyais mal dicter quoi faire. Quand je découvre un projet soumis, j’écoute les suggestions (les auteurs ont généralement cogité le sujet bien avant moi et bien plus en profondeur que moi) et je réfléchis s’il n’y a pas une façon de l’optimiser. Si j’en trouve une, je la propose et on en discute, sinon, je poursuis l’idée initiale si elle m’a séduite et donné des « raisons raisonnables » de croire que je ne vais pas mettre la clé sous la porte après l’avoir publiée. Il m’est arrivé de décliner des projets parce que l’on n’était pas d’accord dès le début ou que l’on n’arrivait pas à se caler, mais c’est une situation parfaitement banale. Il suffit de ne pas signer et de se souhaiter bonne chance. Mais comme les auteurs sont souvent des passionnés et les éditeurs des dépassionnés, un refus n’est pas toujours très bien digéré.
Aujourd’hui je travaille régulièrement avec Steve Goffaux, Vincent Lelavechef18 et Nicolas Henry 19. Je ne crois pas leur avoir imposé une vision (tu peux essayer toi, si tu veux : trois belles têtes de cochon !). Je crois que nous avons des rapports détendus et complices parce que nous avons grosso merdo les mêmes goûts ou approches d’un projet et qu’au pire, seul l’intérêt du jeu compte.
« Détendus et complices » hein !
Un exemple parmi d’autres : Nicolas (auteur de Wulin) rêvait d’une couverture signée Felix IP20 (mangaka hongkongais de Blood & Steel21 qui a notamment inspiré le jeu). Et bien on a cassé la tirelire pour avoir du Félix IP sur Wulin V3. Cela a permis d’être cohérents sur le projet et la vision originale de l’auteur, d’avoir une expérience très agréable et enrichissante avec un artiste chinois et enfin cela a permis d’ouvrir le jeu sur d’autres horizons que le seul marché français (une traduction chinoise est en signature grâce à Si Mo, l’épouse de l’auteur, qui a déniché un éditeur prêt à dealer avec le diable que je suis). Tout le monde jouit des bénéfices d’une collaboration intelligente, même s’il faut faire des petites concessions de-ci de-là.
Quand j’ouvre un bouquin (de jdr ou autre) et regarde l’ours, je constate souvent que réaliser un livre, c’est un travail d’équipe, avec non seulement un auteur, mais également une direction éditoriale, un ou des conseillers éditoriaux, une direction artistique, un maquetteur, un ou des relecteurs, sans compter toutes les petites mains qui gèrent les échanges avec l’imprimeur, le distributeur, etc Ça se passe comment chez LETO ?
Jusqu’à présent, chez LETO, c’était de l’artisanat, alors je ne sais pas si la comparaison avec le mode de fonctionnement d’une grosse structure est bien pertinente. Je m’occupe seul de la préproduction (par nécessité, pas par choix, crois-moi), en faisant des suggestions tant sur le fond (l’aspect ludique du moins, parce que sur l’aspect contextuel d’un jeu aussi pointu que Wulin, je me vois mal contredire Nicolas, l’expert en la matière) que la forme, sachant que celle-ci est fatalement conditionnée au budget (beaucoup moins aux divergences de goûts). Pour la charte graphique, je commande des gabarits à Julien Dejaeger22 ou Josselin Grange23. Je leur donne une idée globale et je les laisse travailler.
Ha ben oui, la mise en page de Julien Dejaeger pour Flash Gordon… Il connait son métier le monsieur 😍
Je fais valider le tout par l’auteur, on ajuste ce qui est bon et possible d’être ajusté et je coule la mise en page. Sur les relectures, c’est pareil. Les relecteurs font leur job sans faire d’incessants allers-retours avec l’auteur (c’est une question de confiance), et quand il s’agit de la réécriture d’un passage, je prends l’initiative et je la fais valider par l’auteur.
Toutes les autres missions sont à ma charge : relectures (avec des collaborateurs), mise en page, échanges et négociations avec l’imprimeur et les fabricants d’accessoires, communication (mission que j’espère un jour déléguer à un vrai CM), préparation et « animation » des CF, préparation des colis, envois des colis, SAV, relations clientèle, comptabilité, paperasserie, réception et expédition des stocks au distributeur, démarchage pour trouver de nouvelles franchises, création de règles et de scénarios (sachant que 30% au mieux de ce qui est couché sur papier est exploité), répondre à des interviews deux ans après… * regard bovin perdu dans le lointain * Bref, deux grosses paluches et une petite cervelle qui gèrent tout de façon très imparfaite, fatalement. Mais quand le roulement financier le permettra, peut-être pourrais-je enfin déléguer de A à Z la forme d’un projet à un Julien Dejaeger pour souffler un peu et prendre du recul (nécessaire pour avoir une vision plus pertinente). En attendant, je ne te cache pas que ce n’est pas simple et absolument pas rémunéré à la hauteur des heures de travail fournies (mais bon, pour draguer, on ne va pas se mentir : c’est quand même la grosse classe de dire que tu es éditeur).
A gauche, ma tentative de montage…à droite, celle de Laurent… je vous laisse deviner qui de nous deux produit des bouquins 😀
Note que depuis décembre dernier, Jérôme Isnard24 (ex-chef de projet chez Sans Détour25) s’est associé à LETO. C’est un garçon intelligent, travailleur et qui a sa propre entreprise dans un autre domaine ; il connaît et comprend donc très bien les difficultés et contraintes auxquelles je suis confronté. Je lui délègue les nouveaux projets (gestion et choix) pendant que je gère les derniers dossiers en souffrance. Cela permet d’avoir un turn-over dans les projets et de faire fonctionner l’entreprise tant que les projets en bouclage ne sont pas commercialisés. C’est aussi l’occasion de tester une nouvelle approche moins risquée pour les clients : avancer la préproduction au maximum de ce qu’il est possible de faire avant de proposer un jeu en CF. Par exemple, pour Against the DarkMaster26 et Everway 25e anniversaire27, les traductions (et logiquement la mise en page) seront bouclées pour la fin de leur CF. Les clients pourront donc découvrir ces jeux dès la fin de l’opération et les délais seraient réduits à ceux nécessaires pour l’impression (comptons deux mois). Le revers de la médaille, c’est le risque financier. Si les CF ne fonctionnent pas, on perd l’argent et le temps investit. Si les clients répondent et que ces opérations sont un succès, on pourra faire la même chose pour Wraith V2028 et d’autres belles traductions en signature. Je suis parfaitement conscient que les délais de livraison ont dépassé les bornes sur certains projets, et la sanction en termes de crédibilité et finances est sans appel. C’est la règle du jeu. En misant sur cette nouvelle approche, j’espère que nous pourrons rentrer dans une nouvelle logique, mieux satisfaire la clientèle et faire oublier les casseroles du dépôt de bilan Game Fu et des retards liées au Covid. Sans l’aide de Jérôme, je ne pouvais pas mettre en place cette stratégie qui, je l’espère, sera payante – mais si on savait à l’avance ce qui fonctionne ou pas…
Quand on est comme toi un grand patron du cac 40, on n’a plus de soucis à se faire pour rien à priori ? Du coup tu te reposes sur tes acquis et en profites pour faire du ski nautique au large de ton île privée entre deux run en Lamborghini ou au contraire tu réfléchis à comment faire avancer tes plans machiavéliques de domination du monde de l’édition sur le long terme ?
Tu sais bien : « ma passion, c’est votre pognon ». Du coup, je fomente, j’ourdis, je complote, je manigance, je trame, je cabale… (tu as vu ce formidable placement de produit ?). À l’époque de Pulp Fever, j’éditais après ma journée de travail sur les chantiers. J’ai tout économisé, ce qui nous a permis de racheter le magasin Game Fu (le « rêve » de mon épouse) pour lequel j’étais présent 10 heures par jour, 6 jours sur 7, voire 7/7, profitant des moments de calme pour travailler l’édition sur un coin de comptoir. Depuis LETO (décembre 2017), je suis confiné chez moi et je travaille 10 à 12 heures par jour (ou à cheval entre le jour et la nuit). La charge de travail ne me permet pas de sortir à l’envi, mais là encore, c’est un choix. Quand tu es indépendant, tu n’as pas un patron, mais [nombre de tes clients] patrons. Tu es responsable, donc si tu veux assurer un minimum, tu ne peux pas te permettre de faire n’importe quoi. Tu dois bosser tous les jours et faire attention à la trésorerie, car l’argent des financements participatifs ne t’appartient pas. Tu peux jongler un peu sur ta marge estimée, mais généralement c’est pour faire l’avance sur des droits d’un autre projet qui va être rentable (oui, curieusement, moi, on me demande toujours de m’acquitter des droits avant d’exploiter une licence) ou payer tes charges ou tes loyers en retard, mais pas pour flamber au Lido (tout au plus à Lidl). Je commets déjà suffisamment de boulettes à devoir tout gérer en même temps, donc si je lâche prise (et on y prend vite goût), ça risque de devenir très vite n’importe quoi. Avec une structure fragile, tu n’es pas à l’abri des imprévus et des retards. Et les retards coûtent cher : ils reportent la mise en vente (et donc les rentrées d’argent), ils décalent les plannings (et alourdissent ta charge de travail à venir et t’imposent de trouver d’autres prestataires, car ceux qui étaient prévus ne sont plus disponibles – eux aussi doivent rentrer de l’argent) et écorchent ta crédibilité (tu passes pour un con en annonçant des dates que tu ne puisses pas tenir pour X ou Y raisons). Cela augmente ton stress et réduis d’autant tes capacités de concentration et tu commets fatalement d’autres erreurs. Tu es constamment sur la brèche et il faut impérativement se tenir éloigné de cette spirale infernale. Entre les gosses à gérer (l’aîné a pris son indépendance, mais il me reste le cadet, un petit nerveux qui adore me rendre dingue), les tâches ménagères (depuis le Covid, mon épouse travaille de nuit), les galères administratives, les soucis de santé et les multiples missions du boulot d’édition, ma vie est certes passionnante, mais aussi parfois très pesante. Comme je suis un parfait autodidacte, gérer ces multiples casquettes me demande souvent plus d’efforts qu’un professionnel. Et puis surtout, la création n’est pas un job sur commande : tu peux rester des heures avec le regard bovin devant une page bien blanche, sans que rien ne se produise. Tu peux aussi aller pisser la nuit et avoir le « déclic » pour remplir sur l’instant des pages et des pages qui, lorsque tu les reliras le lendemain matin, te sembleront parfaitement merdiques. Donc comme tu as pris du retard (retard plus ou moins psychologique), tu bosses plus tard et tu remets au lendemain tes autres missions. Puis arrive le week-end, et tu le passes à rattraper tes retards et à t’excuser au lieu de pavaner. Bref, à bien y regarder, ce handjob est un piège à bras cassés.
On entend énormément de critiques de la part des rôlistes en général quant aux différents financements participatifs auxquels recourent maintenant la plupart des éditeurs (ouiiii alors maintenant c’est les clients qui avancent l’argent… le boulot d’un éditeur c’est de prendre des risqueeuuuuux… et puis y’a trop de goodies… mais on veux des dés spéciaux… pis c’est livré en retard… et j’en passe 😅). Concrètement, c’est quoi ta position vis à vis de tout ça ?
Pour donner des sioux, écrivez à l’arc (ça va pas être facile)
Ils ont raison. Soyons francs : à travers le financement participatif, ce sont les clients font le boulot que les banques refusent de faire avec notre propre argent. Je n’ai pas grand-chose d’autre à te répondre, à part que je donnerai cher pour me passer des FP, car je n’ai pas pour vocation de faire le mendiant. Mais si tu veux publier un jeu avec les standards de qualité actuels et que tu n’es pas un gros éditeur avec une trésorerie solide, tu dois te soumettre à la séquence « marchand de tapis ». L’édition ne semble pas être un métier reconnu comme fiable auprès des banques, même avec des licences rentables. Si je voulais me remettre dans le chauffage ou ouvrir une cave à vin, on me déroulerait le tapis rouge, mais dès que je parle d’édition ou de jeux, mon interlocuteur se rappelle tout de suite qu’il est en retard à son cours de poney. Il y aurait beaucoup à dire sur le procédé, mais je ne veux pas donner l’idée de critiquer certains confrères qui trouvent leur compte avec. Le jour où les gens en auront marre de souscrire, on changera de métier, c’est tout. C’est le cycle logique des choses. Pour ma part, je préfère diversifier mon activité (vers les jeux de cartes ou de plateau) et étudier d’autres solutions de financement, notamment à l’étranger, pour qu’à l’avenir ma dépendance envers les FP soit limitée.
Si tu devais donner un conseil (ou douze hein, je ne te freine pas) à quelqu’un souhaitant se lancer dans l’édition, autre que « fuyez pauvres fous ! », … ça serait quoi ?
1) Prendre un conseiller juridique compétent. Les attention whores pullulent et te font du gringue pour avoir leur nom dans les crédits sans rien foutre. Il faut s’en protéger.
2) Ne pas compter ses heures de travail.
3) S’entourer d’un petit groupe de collaborateurs fiables et ne pas en sortir (mieux vaut apprendre et grandir ensemble).
4) Ne pas tenir compte des réseaux toxiques (ils ne servent au mieux qu’à soutenir un projet, par la polémique si besoin)
5) Être toujours amoureux des projets sur lesquels on s’investit, car le retour est incertain. L’amour fait passer bien des désagréments.
Un petit quickie sur l’imaginaire en général ?
Si tu étais un livre (roman/bd,…) : une vieille BD LUG29 (j’ai été nourri à ça en étant gosse), un bouquin de William Burroughs30 ou Jack Kerouac31 (du mouvement beat generation), ou encore un roman d’Alexis Soumachedchi32 (alias Bernard Prou) un professeur de la Sorbonne et mentor qui m’a éclairé sur le profane et le sacré
Si tu devais cosplayer quelqu’un :Léodagan33 (Kaamelott) ou Jimmy Page34.
Si tu étais un jeu (de rôle/vidéo,…) :Wraith, pour le jeu de rôle, Assassin’s Creed Odyssey35, pour le jeu vidéo.
Si tu étais une période historique : l’antiquité (Grèce).
Si tu étais un univers fantastique :Kaamelott ou Camelot 300036 (comics).
Et pour conclure, la question vache… selon toi, quelle est la place de l’imaginaire dans la culture (qu’elle soit populaire ou autre) et comment te positionnes tu dans ce vaste tableau ?
Pour l’imaginaire, je ne sais pas, mais en ce qui me concerne, ce serait plutôt au dernier rang : je ne suis pas très photovoltaïque 😉
Tout d’abord, merci très chers lecteurs d’avoir su respecter la nature profondément sacrée de ce moment et l’environnement naturel de notre sujet afin de rendre possible d’autres observations par les générations futures. Je souhaiterais également exprimer mon profond respect envers Allain Bougrain Dubourg37, véritable mentor auprès duquel j’ai pu apprendre (tous les dimanches matins) à approcher la vie sauvage et sans lequel rien de tout cela n’aurait été possible. Et enfin, merci Laurent pour la passion qui t’anime dans ce beau métier qui, je cite, permet « à des ados de quarante ans de jeter des dés et de se prendre pour des elfes » 🥰🥰🥰
Allain forever…
Propos de Laurent Rambour recueillis par David Barthélémy