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Ce que j’en pense : Petits Pirates

Journal de bord du Capitaine Crabs.

Depuis trois jours maintenant, la Grande Dame Bleue est d’un calme inquiétant. Pas une once de vent pour venir gonfler nos voiles et enfin nous permettre de rejoindre les côtes en vue d’un ravitaillement qui se fait désirer. Nos deux plus jeunes mousses, Kraken et Metz la Joie ont accompagné le maître coq La Tambouille en chaloupe pour essayer de ramer jusqu’à une petite île que notre vigie a repéré, à quelques encablures de notre position. Si La Carapace pouvait profiter du vent, même d’une simple brise, nous y serions déjà… En l’état, cela représente quelques heures à transpirer pour eux, mais la possibilité de tomber sur un cours d’eau potable et quelques noix de coco. Les deux sont débrouillards, Kraken apportant les muscles là où Metz a la connaissance des plantes et animaux comestibles. Non pas que nous ayons déjà un besoin crucial de vivres, mais cela permettra de les occuper à autre chose que jouer des tours pendables à l’équipage pour évacuer leur stress. Dans tous les cas, j’ai confiance en La Tambouille pour les canaliser et veiller à ce que tout se passe bien durant cette excursion. Je croise les doigts pour que le vent revienne (c’est tout de même étrange et commence à m’inquiéter un peu) et que nous puissions les rejoindre sur cette île non répertoriée avec La Carapace

Bon, je suis une quiche en dessin, mais mes enfants adhèrent, c’est l’essentiel !

La Forme

Issu d’un financement participatif mené tambour battant par La Loutre Rôliste¹, Petits Pirates est une traduction d’un jeu espagnol de David Diaz² qui se voit doter pour la vf d’un livre de base (128 pages couleurs au format A5, couverture souple), d’un écran de jeu illustré par la carte de la Grande Dame Bleue d’un côté et de tables utiles de l’autre, ainsi que de tout un tas d’aides de jeu sous la forme de plans, cartes illustrant les différentes traversées (les scénarios proposés dans le livre de base), grand poster détaillant les îles… C’est coloré, c’est foisonnant et tout à fait indiqué pour plonger les plus jeunes dans l’ambiance du jeu. Les heureux souscripteurs ont également pu recevoir une bourse en toile ainsi que des dés (d8, dé de météo, dé smiley) histoire d’être équipés pour leurs aventures.

Le livre de base, sous titré Jeu de rôle pour enfants intrépides nous présente au dos les mentions suivantes (sur lesquelles nous reviendrons plus loin) :
– Âge des Moussaillons : 6+
– Âge du Capitaine : 10+
– Nombre de joueurs : 2-6
– Durée d’une partie : 45 min/1h

Le contenu intérieur est découpé en 5 grands chapitres :

Introduction (20 pages) : qui présente les grands classiques que sont la définition du jeu de rôle, la présentation de ce qu’est Petits Pirates, les règles à l’attention des Moussaillons (les joueurs), dont la création de personnage, les règles à l’attention du Capitaine (le MJ), quelques conseils pour mener une partie, et les règles optionnelles.

Exemple de Partie (10 pages) : mettant en situation par l’exemple le contenu de la première traversée, à savoir l’embarquement à bord du Lointain. Vous êtes pris par la main pour poser votre première partie et si vous n’avez jamais pratiqué le Jeu de Rôle, cela vous donnera une idée un peu plus précise de ce en quoi peut consister une partie.

Le Monde de Petits Pirates (38 pages) : Ici seront présentés les grandes traditions de la piraterie, l’équipage du Lointain, ainsi que les grandes régions de la Grande Dame Bleue, les mythes et légendes, les possessions, trésors et reliques…

Traversées (40 pages) : Que serait un jeu permettant de découvrir le Jdr sans scénarios… Là vous êtes gâtés, avec pas moins de 10 d’entre eux. Chacun est tout d’abord présenté de manière synthétique dans un encart précisant la Région, l’île concernée, le type de traversée, l’équipage (nombre de joueurs prévu), l’objectif, les éléments de l’aventure (en gros les grandes scènes), les récompenses et enfin les connaissances pouvant être utiles durant la partie.
Passé ce premier encart, des textes d’ambiances sont à lire directement aux joueurs afin de poser le contexte et les dialogues de certains PNJ apparaissent en gras s’ils ont des interventions à faire dans la partie. Les principaux jets de dés à réaliser sont indiqués aux couleurs des caractéristiques dont ils dépendent et des plans viennent illustrer le tout.

Annexes (8 pages) : Quelques petites choses utiles comme un générateur de traversées, les contrats du Moussaillon et du Capitaine (les feuilles de personnages), un journal de bord du Capitaine (une fiche synthétique de création de traversées), quelques aides de jeu (fond de carte, plan d’auberge…) et enfin, une table chiffrée héritée des livres dont vous êtes le héros pour remplacer les dés en cas de pénurie.
Nous avons donc ici un joli bouquin, fonctionnel et avec des lignes directrices bien marquées, comme la lisibilité (beaucoup de codes couleurs, d’encadrés pour retrouver l’information, une maquette claire et aérée), un univers aisé à prendre en main (la piraterie) et du matériel de jeu pensé pour être facilement acquis (les 10 Traversées vous mettent directement le pied à l’étrier).

Le Fond

Bienvenue sur la Grande Dame Bleue, vaste étendue d’eau salée parsemée de nombreuses îles aux climats et ambiances variées. Comme vous n’aurez pas manqué de le noter, nous sommes ici pour jouer des Pirates… plus exactement, des Petits Pirates. Le jeu s’adresse en effet avant tout aux plus jeunes d’entre nous (de par mon expérience dès 5 ans en tant que joueurs) sous la houlette d’un parent bienveillant. Le système de jeu (très simple) va également dans ce sens, mais nous y reviendrons plus loin.
Pour ce qui est de l’univers du jeu, nous sommes dans une piraterie tout ce qu’il y a de plus aimable, teintée de fantastique, mais toujours de loin, par ouï-dire et légendes interposées.
Pas de magie au programme et s’il devait y en avoir, elle se manifesterait sous la forme de créatures fantastiques, d’apparitions ou autre équipage maudit. Cela renforce l’aspect enfantin, où tout peut être possible, sans pour autant relever d’une justification cherchant à crédibiliser le phénomène.
Les différentes îles et régions de la Grande Dame Bleue sont décrites succinctement, posant à chaque fois une ambiance ou un thème particulier que nos Moussaillons pourront explorer à loisir. Pour ce qui est de la piraterie en elle même, il ne s’agit pas de jouer à Pavillon Noir³ ou de vivre un épisode de Black Sails⁴, mais bel et bien de découvrir des équipages colorés et bon enfant.

Non non non, vos pirates à vous auront l’air beaucoup plus aimables

A titre d’exemple, l’image d’Epinal du pirate est toujours associée à un crochet ou une jambe de bois… Hé bien dans Petits Pirates, on ne manque pas de nous indiquer qu’il s’agit avant tout d’accessoires utilisés pour renforcer une image de gros durs et que le soir venu, au moment de rejoindre son hamac, l’estropié retire sa « fausse prothèse » et secoue ses petits doigts pour en chasser les fourmis avant d’enquiller sur une nouvelle journée.
Tout ici est très positif et totalement en adéquation avec l’Imaginaire qu’un enfant de 5 à 10 ans peut déployer.
Pour ce qui est de cet imaginaire, il sera stimulé tout au long des 10 traversées proposées qui, mises bout à bout, permettront de développer une véritable saga à l’intention de vos chères têtes blondes (ou pas d’ailleurs).

Les Règles

Aborder les règles de Petits Pirates dans cette présentation n’est pas simple… je risque d’en écrire plus qu’il n’en n’est dit dans le livre.
C’est très épuré et pensé pour les plus petits.
Les Moussaillons sont définis par trois caractéristiques :
Coco, pour tout ce qui relève de l’intellect et du social
Musclo, pour l’activité physique, qu’il s’agisse de porter des choses, nager ou faire des cascades
Bricolo, concernant l’inventivité, la réparation, la pose de pièges…
Ces trois caractéristiques sont échelonnées de -3 à +3 et ces valeurs correspondent à un modificateur à ajouter/soustraire au résultat du jet d’un D8, contre une difficulté allant de 2 (facile) à 12 (improbable).

À la création d’un nouveau moussaillon, on répartira simplement les valeurs suivantes entre les 3 caractéristiques : +2, +1, -1
Reste à trouver un nom au jeune pirate, signer le contrat d’une croix (comme tout bon pirate), et le tour est joué.

On notera la présence de règles optionnelles, dont l’usage est fortement recommandé (tout du moins par moi), vu qu’elles n’alourdissent en rien le système et permettent de typer un peu les personnages. Il s’agit notamment de l’usage d’Objets (conférant des bonus) et Connaissances (Affiliées aux caractéristiques), qui lorsqu’utilisées dans le bon contexte, permettront d’ajouter 1 point bonus au résultat du D8.

Un test pour suivre une piste dans la jungle pourrait donc se résoudre de la manière suivante :

Difficulté 6 (compliqué)
Kraken, le jeune moussaillon lance le D8 et obtient 5.
Il ajoute son score de Coco au résultat, soit +1
Avec un total de 6, il parvient à suivre les traces de l’équipage du Capitaine Trotte au travers de la jungle dense.
– S’il avait possédé la Connaissance Papatte, permettant d’être un expert en pistage, il aurait encore pu ajouter 1 point à son résultat.

L’intérieur de l’écran… tout est là… simple non ?

Pour pimenter un peu tout ceci, il existe deux résultats dit spéciaux sur les jets de dés :
– Le Tout Puissant 8, qui implique une réussite automatique de l’action entreprise (quelque soit le niveau de Coco, Musclo ou Bricolo, ou la difficulté de l’action).
– Le Terrible 1, dont l’apparition sur le dé garantit l’échec de l’action ET de passer un Sale Quart d’Heure.

Le Sale Quart d’Heure est la manifestation du sort qui s’acharne sur les personnages. En effet, sur un résultat de 1 au dé (ou un score final inférieur à 2), non seulement l’action est ratée, mais en plus, durant une durée laissée à l’approbation du Capitaine, toutes les Capacités (Coco, Musclo, Bricolo) du Moussaillon sont diminuées de 1 point. C’est la lose.
Voilà, vous savez tout et pouvez commencer à jouer.

Nous aurons bien sûr là dessus de rapides règles concernant l’expérience qui se résument en deux points :
– En fin d’aventure, le Capitaine peut octroyer de 1 à 3 doublons à chaque Moussaillons, doublons qui pourront être utilisés lors d’une escale pour acheter du matériel à un marchand (matériel conférant des bonus, rappelons-le).

– À force d’être confronté à certaines situations, un Moussaillon peut gagner une Connaissance en lien avec les évènements vécu.
Par exemple, après avoir survécu plusieurs jours seul sur une île déserte, un Moussaillon pourra gagner la Connaissance Pro de la Survie, qui lui conférera un bonus de +1 en Bricolo dès qu’il s’agira de trouver de l’eau, de la nourriture, construire un abri…).

Par rapport à ces règles, le seul bémol que j’ai pu noter concerne le Sale Quart d’Heure.
Ayant fait l’expérience de plusieurs parties avec mes enfants, les premières fois où leurs dés ont affichés des résultats de 1 lors d’un test, ils ont très mal digéré le fait que leurs score diminuent…
Entre 4 et 7 ans, souvent les enfants n’aiment pas se sentir « diminués » ou la sensation que l’on leur prend quelque chose qui semblait acqui (trop apparentée à une punition, même dans un jeu).
Lors des parties suivantes, j’y avais un peu réfléchis et m’étais dit qu’il n’y avait presque rien à changer pour que le phénomène s’efface… J’ai donc simplement remplacé la diminution de leurs Capacités par une augmentation des seuils de difficultés de 1 point.
La Poisse venait de faire son apparition à notre table de jeu, et ils ont tout de suite beaucoup mieux réagit à ce manque de chance ponctuel, en partant du principe que c’était quelque chose qui ne venait pas d’eux finalement, mais d’un monde un peu peau de vache qui pouvait s’avérer difficile en enchaînant les malheurs.
Je vois d’ici les rigoristes de l’éducation d’un autre âge qui vont hurler aux « fragiles » qui ne supportent rien… Grand bien leur fasse, de mon côté, j’estime simplement que générer de la frustration avec un jeu chez les très jeunes est le meilleur moyen de les en dégoûter, aussi dans ma cuisine resterons-nous sourds à leurs imprécations (smiley qui tire la langue).

Ce que j’en pense

Bon, n’y allons pas par quatre chemins, de tous les jdr que j’ai pu tester aujourd’hui avec mes coba… Heuu… mes enfants, Petits Pirates est celui qui a eu le plus de succès. Des règles simples et très accessibles, un univers très aisé à appréhender (et enrichir de ses apports personnels selon les envies), et surtout, l’Imaginaire de la piraterie étonnamment déjà très ancré chez mes petits.
Il faut dire que les histoires de pirates et autres vidéos sont légions et le monde de la mer bien exploité dans les programmes jeunesse. En vrac, mes enfants ont pratiqué Les Octonauts⁵, Pirata et Capitano⁶, les playmobils sur le thème (le bateaux pirate de la marque est d’ailleurs une aide de jeu que nous utilisons à chaque partie), les contes et docu pour la jeunesse… bref, ils sont au point.

Vue du sol de la chambre de mon plus jeune


Le jeu se prête donc tout particulièrement à l’initiation en famille, de préférence avec un parent à la barre du capitaine (qu’il ou elle ait pratiqué le jdr auparavant importe peu tant la prise en main est aisée/guidée).
Par contre, cela me paraît compliqué en l’état pour un enfant d’attaquer directement la maîtrise dessus (tout du moins guère avant une douzaine d’années), l’idéal étant d’avoir pu pratiquer en tant que joueur sur une dizaines de parties avant de basculer de l’autre côté de l’écran.
En résumé, un très bon jeu pour amener vos enfants au jdr.
C’est beau, c’est frais, vous ne vous ruinerez pas sur la gamme et les sources d’inspiration (si les moultes traversées disponibles et à venir ne vous suffisent pas) sont hyper abondantes. De très loin, nous avons là (à mon sens) le meilleur jeu disponible en vf (non traduit pour l’instant, No Thank You Evil⁷ est un très sérieux compétiteur) pour les enfants (à mon sens, une encâblure devant Petits Detectives de Monstres⁸, chez le même éditeur)… Foncez à l’abordage.

Oubliez les poneys, voilà un autre vrai jeu pour enfant… un jour peut-être en français

Ca y est, le vent est de retour, étrangement accompagné d’une forte odeur de noix de coco.
La Tambouille, Kraken et Metz la Joie sont partis ce matin et je regrette presque de les avoir envoyé sur cette île alors que l’attente forcée à laquelle nous étions réduits depuis plusieurs jours touchait à sa fin.
Les voiles de La Carapace se gonflent à nouveau et nous allons pouvoir rejoindre l’île afin de leur épargner un nouveau trajet à la rame.
J’espère que tout ce sera bien passsé pour eux et qu’ils n’auront pas eu de mauvaise surprise durant leur exploration de l’île. J’ai beau avoir toute confiance en La Tambouille et en la débrouillardise des deux moussaillons, cette abscence de vent et l’odeur qui accompagne son retour, alors qu’ils ont mis pied à terre il y a seulement quelques heures, ne me dit rien qui vaille. La Grande Dame Bleue regorge de surprises et ce ne serait pas la première fois qu’elles s’avéreraient désagréables pour notre équipage.
Tiens, j’entends Marcello me crier qu’il a la chaloupe en vue, ainsi que nos trois amis à son bord.
Quel soulagement.
Il semblerait que la plage soit envahie de Dodos excités et que les trois compères s’en éloignent rapidement… Je me demande ce qui a bien pu se passer durant ces quelques heures.
Enfin, nous serons vite fixés. Il est temps de réunir l’équipage et de poursuivre notre route, car après tout c’est pour cela que nous avons tous embarqué… Une vie d’aventures et de mystères sous le sceau de l’air salin et de la piraterie.

Notes et Références :
¹ La Loutre Rôliste
² David Diaz
³ Pavillon Noir
Black Sails
Les Octonauts
Pirata et Capitano
No Thank You Evil
Petits Détectives de Monstres

Avant la sortie

Avant la Sortie : Saga Explorer par le Studio Elixeer

Amis rôlistes, bonjour.
Aujourd’hui, nous allons parler d’ un sujet concernant (pour des raisons mécaniques évidentes) une part significative de la population rôliste gentiment vieillissante : le jeu avec des enfants.
En effet, de plus en plus fleurissent les jeux destinés à un jeune public (voir très jeune), car à un moment donné, le rôliste quadra se fait la réflexion que jouer, c’est cool… que jouer quand on a des enfants, ça devient compliqué… que ça finit par manquer… et que, “mais bon sang de bonsoir, les enfants sont des joueurs tout indiqués et on les a tout le temps sous la main !” (contrairement aux joueurs habituels du groupe, luttant eux aussi pour se dégager de rares moments de liberté entre travail, vie quotidienne, vie de famille et gestion de la marmaille).
Alors certes, les propositions ne datent pas d’hier (Le Magicien d’Oz¹ par Julien Blondel² date de 2006, Les contes ensorcelés³ d’Antoine Bauza⁴ de 2007) et sont nombreuses, toutefois on assiste à une montée certaine de l’offre sur ce créneau, avec par exemple des titres comme :
Petits Détectives de Monstres
Sorcières et Sortilèges
Tails of Equestria
No Thank You Evil
Petits Pirates⁹ (dont le retour de lecture/jeu ne saurait tarder)
Cos’île Été¹⁰

Hé oui, il existe déjà de quoi mettre les microbes à la fête

Pour autant, on ne sait pas toujours par quel bout prendre tout ça (même si les enfants semblent avoir un penchant somme toute assez naturel au jeu et à la mise en situation) et des intermédiaires permettant d’aborder tranquillement le Jdr sont les bienvenus (après tout, beaucoup de rôlistes ont commencé par les livres dont vous êtes le héros) pour les parents (souvent débordés) que (pour certains) nous sommes devenus.
C’est en cherchant ce type de produit que j’ai découvert le projet Dreamquest¹¹ sur Ulule en 2018 et ai immédiatement été séduit par l’univers qu’il proposait.
Dreamquest 1.L’épée des Rêveurs consistait en une aventure conçue expressément pour être jouée par un enfant, accompagné d’un parent, sur le principe du livre dont vous êtes le héros, mais introduisant déjà quelques mécaniques ludiques propres (entre autre) au Jdr (pouvoirs spécifiques, points de Rêve, Carte de personnages et suivi de quête).
Pour l’avoir testé (de trèèèèèèès nombreuses fois) avec mon aîné à partir de ses quatre ans, ça fonctionne du tonnerre. Aussi c’est avec une grande joie que j’ai découvert récemment l’arrivée prochaine du nouveau projet du Studio Elixeer : Saga Explorer¹²
C’est donc en compagnie de Fabien VINCOURT¹³, l’un des parents du projet, que nous allons tenter d’en savoir un peu plus…
Ici les studios, à vous Cognacq-Jay….

Bonjour Fabien et merci de prendre un peu de ton temps pour venir discuter du nouveau projet du studio. Alors, Saga Explorer, c’est quoi ?

Bonjour David et merci de t’intéresser à notre nouveau projet. Saga Explorer s’inspire d’un dessin animé qui a marqué mon enfance  Les mystérieuses cités d’or¹⁴. en reprenant sa particularité de proposer une histoire suivie d’une petite partie culturelle. Avec Saga on veut aussi donner aux plus jeunes les moyens de vaincre leur timidité en développant leur expression en public et leur permettre de découvrir le monde de manière ludique. Nous reviendrons dessus un peu plus tard.

Avant de poursuivre sur les nouveautés, j’aimerais bien que tu nous fasses un petit retour sur le premier projet du studio, à savoir DreamQuest (parce que zut, c’était une super proposition que j’ai vraiment beaucoup aimé). J’ai longtemps attendu le tome 2, mais en 2019, une bien triste nouvelle a semble-t-il porté un coup d’arrêt à l’aventure…

Grâce au soutien de la communauté, nous nous sommes fait repérer par un petit éditeur 🙂 Space Cowboys¹⁵ qui était alors en train de monter la branche kids SpaceCow dirigée par Benoit Forget¹⁶. Nous avons saisi l’opportunité de retravailler le produit et lui donner une plus grande visibilité. Comme tu l’as dit, nous avons été lourdement touchés par la perte de notre illustrateur Yann Thomas. Après quoi il nous a fallu un peu de temps pour nous remettre en selle. Aujourd’hui le Tome 2 est finalisé de notre côté et se trouve entre les mains de notre éditeur qui essaie de trouver le meilleur moyen pour le publier avec toutes les problématiques de production et de logistique que nous connaissons depuis 2 ans.
Nous sommes impatients que vous l’ayez entre les mains tant l’aventure diffère du premier opus.

Vous revoilà donc aujourd’hui avec une nouvelle proposition… on s’éloigne de l’objet livre à proprement parler et on pousse un peu plus avant les supports ludiques pour explorer le monde. Qu’est-ce qui vous a poussé à changer votre formule d’origine dans cette direction ?

Notre formule d’origine existe toujours au travers Dreamquest à savoir donner envie de lire aux enfants. Cette fois-ci, nous voulons faciliter la prise de parole chez l’enfant et aussi l’accompagner dans la découverte et la mémorisation des pays par la manipulation d’objets.
Avec Saga Explorer, que ce soit en famille, en fratrie ou entres amis, les enfants vont d’abord vivre une aventure extraordinaire qui les mettra dans la peau d’aventurier. Ils prendront part à des scènes d’action et comme dans les jeux de rôle, ils devront expliquer comment ils se sortent de chaque situation. Pendant l’aventure, ils vont également manipuler la carte du pays pour découvrir les différents lieux et en fin de partie, ils viendront accrocher une ficelle entre les différents pays traversés, afin de suivre leur parcours tel de vrais aventuriers.

En parcourant la plaquette du projet, j’ai remarqué que vous allez décliner Saga Explorer principalement sous trois formules :
– L’accès au “prologue”, contenant le matériel nécessaire à l’ensemble des aventures ainsi que la première mission.
– L’abonnement pour 3 mois, proposant donc le prologue ainsi que deux nouvelles destinations.
– L’abonnement pour 6 mois, proposant toujours le prologue, ainsi que cinq nouvelles destinations.
Ça m’a l’air très chouette comme principe, mais dis-moi, ce n’est pas un peu vil (mouahahahaha !!!) de proposer une demi campagne à des parents qui vont devoir expliquer à leurs enfants pourquoi ils ne reçoivent plus leurs stickers au bout de deux mois (dans le cas d’un abonnement intermédiaire) ?

En effet David, il y aura bien plusieurs formules pour s’adapter au budget de chacun. Mais pas de craintes pour nos bambins si l’abonnement s’arrête au milieu de la campagne, il n’y aura pas de frustration. A chaque fin d’aventure, les enfants reçoivent une gazette numérique personnalisée reprenant les moments forts de l’histoire enrichie d’éléments nouveaux sur les personnages et l’univers. Si l’abonnement n’est pas reconduit, une fin sera également intégrée dans cette gazette.

Pour ce qui est de la rejouabilité (qui était à mon sens un des points forts de DreamQuest), à la maison, j’ai deux lutins qui ne sont bien évidemment pas jaloux l’un de l’autre pour un sou (comme tous les frères et soeurs) et ont un sens aigu du partage (comme tous les frères et sœurs).
D’après toi, je peux raisonnablement miser sur un seul abonnement pour le foyer ou je vais devoir hypothéquer ma maison pour éviter une guerre fratricide ?

C’est MOI qui mettrai le trait sur la carte… NAN MAIS !!!

Nous devrions pouvoir éviter les lancés de playmobils car en effet, un seul abonnement suffira pour la famille. C’est une aventure collaborative et les enfants vont donc réfléchir ensemble à la manière de se sortir de situations périlleuses en prenant chacun la parole l’un après l’autre. Un passeport pour le groupe sera rempli avec divers stickers à la fin de l’aventure en fonction du niveau de succès de la mission. Après si chacun veut posséder sa propre carte et son passeport, nous proposerons aussi une offre duo.

Sur la plaquette toujours, vous mettez en avant une approche tout en douceur du jeu de rôle (ce qui est très cool)… C’est une vraie volonté d’accompagner des parents et des enfants vers le loisir ou c’est plus un effet secondaire lié au format narratif que vous avez choisi d’utiliser ?

Alors c’est une véritable volonté d’accompagner le grand public vers les jeux de rôle. C’est un médium exceptionnel pour développer la confiance en soi et favoriser la prise de parole même pour les plus timides. Ce sont des histoires que l’on partage et que l’on vit qui restent gravés dans les mémoires. Saga Explorer a pour ambition de rendre accessible les jeux de rôle en limitant au maximum les règles qui restent un frein aux non-initiés.

Pour l’accès au jeu, vous indiquez : de 7 à 11 ans. C’est chouette, mais c’est une tranche d’âge qui commence à être bien fournie en propositions de jeux… à ce jour, le seul jdr que je trouve vraiment (mais vraiment hein, pas en adaptant sauvagement) adapté à des plus jeunes (disons 4/6ans) serait No Thank You Evil… Vous auriez des plans concernant cette tranche d’âge dans un futur plus ou moins proche ?

No thank you evil s’adresse déjà à des parents qui ont un pied dans les jeux de rôle pour qui lire des règles, utiliser des fiches de personnages, utiliser des compétences ne rebutent pas… Les textes dans Saga Explorer nous impose de donner cette tranche d’âge mais comme tu nous titilles là-dessus, nous avons bien pour objectif d’adapter nos aventures pour pouvoir les jouer avec des plus petits. 

Forcément, maintenant qu’on a parlé jeu de rôle, je vais vouloir en savoir plus sur le parcours de l’équipe concernant ce domaine… Vous pratiquez, avez pratiqué… ?
Et qu’est-ce qui vous a donné le déclic de dire « tiens, on va proposer à des parents et des enfants de vivre des aventures ensemble autrement qu’avec une manette dans les mains ou un abonnement à Netflix” ?

Nicolas a pratiqué les Jdr dans sa jeunesse et aujourd’hui il fait rêver les grands et les petits dans ses univers. J’ai pu faire découvrir à Frédérique et Victor le plaisir des jeux de rôle. Pour ma part, j’ai beaucoup pratiqué plus jeune et après une trêve boulot/parent, j’ai repris depuis quelques années avec un groupe d’amis et aussi avec ma fille (pour le moment principalement du medfan).
Quand on se fait des parties de jeux de rôle, on s’en souvient toute sa vie. On en reparle, on se refait l’aventure. J’aimerais que tout le monde ait la possibilité d’essayer au moins une fois. Après … on aime ou pas.

Alors, quand on s’attaque à un projet comme celui-là, le cahier des charges en termes de mécaniques ludiques, d’immersion et d’illustrations, ça ressemble à quoi ? Il y a eu des pièges à éviter ? Et comment, entre l’idée de départ et l’arrivée, tout cela a évolué ?

C’est un énorme travail de recherche et de test. Mettre des illustrations mais pas trop, pour qu’elles facilitent l’immersion, mais ne brident pas l’imagination. Ne pas être juste dans la proposition narrative comme la série For the Story¹⁸, qui  a l’avantage d’être simple mais reste compliquée pour des personnes ne pratiquant pas les jeux de rôle, car il faut imaginer toute la scène. Éviter l’écueil des Jdr plus classiques amenant son lot de compétences, statistiques et toutes les règles qui vont avec.

Des jeux For the story


Dans Saga Explorer, les joueurs prennent la parole à des moments clés de l’aventure. Une situation est décrite avec un objectif à atteindre. Un système de jetons et de prise de risque indique si les joueurs rencontrent des complications ou non. Enfin une liste de mots, certains proposés et d’autres imposés, leur est fournie pour décrire la scène et faciliter la prise de parole ainsi que l’imagination.

Vous avez des idées de développement pour cet univers de jeu ou c’est une campagne complète et bouclée, avant d’explorer un autre format ?

Saga Explorer est le concept qui englobe aventure et découverte culturelle.
Notre premier univers se nomme les Gardiens d’Atlantis. Au cours de la première saison, composée de six épisodes, les enfants vont vivre des aventures palpitantes dans six pays. Autant te dire que nous fourmillons d’idées pour faire découvrir bien d’autres pays et faire vivre de nouvelles aventures à nos minis Lara Croft¹⁹ et Nathan Drake²⁰ (regardez le teaser Uncharted le film pour avoir une idée de ce que vont vivre nos kids).

La crise du papier, des transports, etc commence gentiment à faire sentir ses effets… du coup, entre la naissance du projet, son développement et aujourd’hui, vous n’avez pas eu trop de sueurs froides quant à l’aboutissement ?

Comme beaucoup, cette problématique nous touche également. Nous avons dû revoir à plusieurs reprises nos contenus afin de maintenir un prix cohérent et accessible sans perdre sur la qualité du produit.

Quelque chose à ajouter pour le mot de la fin ?

Un gros merci à nos soutiens qui étaient là pour Dreamquest, qui nous permettent aujourd’hui de vous présenter Saga Explorer.

Hé bien voilà une fort jolie proposition pour celles et ceux qui voudraient sortir un peu leur gobelins des écrans (chose qui relève souvent du pari impossible pour pas mal de parents déjà bien occupés). Système simple, support visuel, goût de l’aventure, tout est là pour que vous puissiez les y mettre, sans pour autant avaler 200 pages de rêgles ou traduire à la volée un scénar après une rude journée de travail.
Le projet est donc en cours de financement sur Ulule et n’attends plus que de hardis aventuriers pour prendre son envol.
Pour ma part, je signe et attends désormais avec impatience le deuxième tome de DreamQuest… Allé hop, on y va ! En route pour l’aventure ta tatata (sur un air bien connu).

Propos de Fabien Vincourt recueillis par David Barthélémy.

Notes et références :

¹ Le Magicien d’Oz
² Julien Blondel
³ Contes Ensorcelés
Antoine Bauza
Petits détectives de monstres
Sorcières et Sortilèges
Tails of Equestria
No Thank You Evil !
Petits Pirates
¹⁰ Cos’Île été
¹¹ DreamQuest
¹² Saga Explorer
¹³ Fabien Vincourt
¹⁴ Les Mystérieuses Cités d’Or
¹⁵ Space Cowboys
¹⁶ Benoit Forget
¹⁷ For the story
¹⁸ Lara Croft
¹⁹ Nathan Drake