Focus

Entretien avec Christophe Dénouveaux autour des éditions de La Loutre Rôliste

Qui dit jeu de rôle dis généralement Dragons, Orcs, Gobelins et autres Liches, voire Licornes.
Traditionellement donc, lorsque l’on évoque le sujet, on se place plutôt d’emblée dans un univers médiéval fantastique, avec toute son imagerie et ensuite, en creusant un peu, on s’aperçoit que finalement tous les genres y sont représentés :
Horreur, S-F, Drama, Comédie, Historique, Uchronique, Action, … tout y passe.
Bien souvent, les noms des différentes maisons d’édition sont apparentés plus ou moins directement au champs lexical de l’un des genres évoqués plus haut… Black Book¹, Wizards of the Coast², Necrotic Gnome³, Antre-Monde⁴, … et j’en passe.
Au milieux de tout cela, nous croisons toutefois occasionnellement quelques ovnis au positionnement un peu moins clair pour la clientèle, portant le genre animalier pour étendard : Lapin Marteau⁵, Les Livres de l’Ours⁶, et surtout, celui qui nous occupe aujourd’hui, La Loutre Rôliste⁷.
Mais quoi qu’est-ce ? Et qu’est-ce qui anime l’éditeur derrière ce mystérieux (mais néanmoins sympathique) intitulé ?
Sans plus attendre, allons poser nos questions à Christophe Dénouveaux⁸, la loutre en chef, afin de tirer tout ceci au clair.

Salut Christophe.
Déjà, je vais commencer en te souhaitant un joyeux anniversaire. Huit ans dans le monde de l’édition avec La Loutre Rôliste, c’est un joli chiffre.
Quand tu as démarré la boîte, tu t’étais fait un plan de carrière jusque là ou tu t’étais dit « advienne que pourra, il est temps d’y aller » ?

Ma devise : “En avant et Loutre là !”

J’en rêvais depuis des années et puis ce fut plus fort que moi. J’ai tout lâché et je me suis lancé. Sans le soutien de Madame Loutre et de la famille, je n’aurais sûrement pas fait le grand saut au-dessus de la rivière.
J’ai dit adieu à l’Education Nationale, à mes élèves de maternelle et d’élémentaire et je me suis transformé en Loutre. Aucun regret.
Et puis on a tâtonné, fait des conventions, brisé un certain nombre de règles de-ci de-là et tout s’est enchaîné. Quand je me retourne, là, sur la butte qui domine la rivière, je vois le parcours et je me dis qu’il faudrait 1000 vies pour faire tout ce que j’ai fait depuis 2014.
Coup de bol, la Loutre est éternelle.
Et wif aussi.  

Tu pourrais nous en dire un peu plus sur la Loutre… Ce qui t’as motivé à passer le pas de l’édition, comment ça s’est goupillé et qu’est-ce qui fait qu’on arrive à durer envers et contre tout ?

Comme je l’ai dit, une envie de longue date. Et c’est comme si tout se goupillait naturellement. De toute manière, quelque chose me disait que je n’avais plus le choix. Intellectuellement, je ne trouvais plus de joie à aller bosser à l’école. Et puis le besoin de changer. Tout simplement.

Et pour arriver à durer ? C’est un secret. Mais je peux te dire que ce n’est absolument pas de tout repos !
D’ailleurs, je ne sais plus écrire les mots « saumeïl » ou « vakansses ». Tu vois, j’te l’avais dit !
Il faut être prêt à beaucoup de sacrifices. Gagner son poisson à la sueur de son pwal, c’est loutrement dur ! Wif !
En plus de mes activités éditoriales, je propose des animations de parties de jeux de rôle dans le Morbihan ou Bretagne proche de mon rayon d’action. Cela me permet de rencontrer pas mal de monde au niveau local, que ce soient des entreprises, des communautés de communes, des particuliers ou des associations.
De même, je propose depuis quelques mois tout un panel de prestations dédiées aux éditeurs étrangers et aux auteurs indépendants principalement. Parmi ces prestations, il y a, par exemple, la traduction, la mise en page et le conseil éditorial. Toutes les prestations sont listées ici (t’as vu comment j’renvoie vers mon site ?) 

La loutre étant un animal social, je suppose que tu n’agites pas tes seules petites papates dans la mare. Tu as des gens (enfin, des loutres) à nous présenter, qui travaillent avec toi ?

Madame Loutre, qui est incontournable (câlin) et un certain nombre de membres du Culte Secret de La Loutre Ancestrale. Mais si je te révèle leurs noms, je devrai te livrer aux pattes des castors (de vrais psychopapattes ces gars). Je viens de te donner le nom de cette organisation. Ah mince, pas de chance, je t’emmènerai voir les Castors tout à l’heure.

Bon, comme t’es sympa, je vais te présenter quand même quelques personnes vraiment importantes pour La Loutre Rôliste.

Il y a tout d’abord Olivier Raynaud (alias Koa) qui a réalisé les cartes et plans inédits pour la VF de P’TITS PIRATES et qui illustre, entre autre, aussi pour les z’amis du Scriptarium⁹ (Défis Fantastiques¹⁰). Pour tout dire, c’est aussi un ami et un voisin ! Se dire « Je passe en coup de vent chez lui » est existentiellement impossible. Prévoir la demi-journée !

Ensuite il y a Tania Sanchez-Fortun qui a travaillé sur la VF de STALKER¹¹. Elle a participé à bon nombre de jeux de rôle et fait vraiment des choses magnifiques. Elle apprécie tout particulièrement le post-apocalyptique.

N’oublions pas non plus Ben Le Puzzle, un relecteur attentif, sympa et un hôte de choix, qui a travaillé sur Chasseurs de Légendes¹². Oui, ok, c’est aussi un copain qui m’accueille quand je descends sur Périgueux ! Bonjour aux chats !

Et enfin, il y a les rôlistes de tout pwal qui nous ont soutenu et nous ont fait connaître, particulièrement ceux des fiefs du sud de la France qui nous ont accueilli en convention ! Tarbes, Bordeaux, Plaisance-du-Gers, Libourne et Périgueux (coucou mes canards !)

Du point de vue proposition, tu as démarré fort en éditant Blacksad¹³ en vf, traduction du jeu espagnol édité chez NoSoloRol Ediciones¹⁴, avec lesquels tu sembles entretenir une relation privilégiée (pour rappel, ils sont également en charge de Hitos¹⁵ et Petits Détectives de Monstres¹⁶, entre autre). Depuis, tu as élargi ton catalogue en t’attaquant cette fois à un jeu paru en anglais, bien que finlandais, à savoir Stalker (Grog D’argent 2022) et bientôt un retour à l’Espagne avec l’arrivée de La Porte d’Ishstar¹⁷.
Alors la loutre, c’est l’animal totem du pays de Cortés ou j’ai raté un truc ?

Non, pas un totem, mais c’est là où j’ai trouvé mes premiers coups de cœur et il est vrai qu’au niveau jeu de rôle, ils se sont très bien développés ces dix dernières années. Maintenant, le marché espagnol est aussi prolifique que le marché français. Et au passage, ils ont un petit plus qui change tout : le jeu de rôle y est reconnu d’utilité publique et les ministères dédiés à la jeunesse, l’éducation et au sport encouragent la pratique du jeu de rôle dans le cadre des enseignements.

Outre Nosolorol Ediciones, nous travaillons avec Guerra de Mitos¹⁸ (GDM) qui produit quelques jeux de rôle et surtout des jeux de plateau. C’est de chez GDM que vient P’TITS PIRATES (titre original « 8 tesoros »). L’auteur de P’TITS PIRATES, David Diaz, est un auteur prolifique, mais aussi un éducateur, animateur et intervenant dans le domaine du jeu de rôle pour enfants, qui est de plus en plus sollicité pour intervenir dans les conventions en Espagne.
Et comme tu vois, je suis allé faire un tour vers le nord, direction la Finlande, pour aller chercher Stalker. Après, j’irai où mes papattes et ma truffe me guideront. Tout ce que je peux te dire, c’est que la Loutre est internationale ! C’est la Loutreuuu finaleuuu…

Alors si je reprends, ce qui ressort des jeux que tu publies, ce sont deux grandes tendances… les jeux espagnols et les jeux destinés aux plus jeunes (voire, les jeux espagnols destinés aux plus jeunes). Comme on a évoqué la première catégorie juste avant, tu nous donnerais le pourquoi du comment de la seconde, avec Petits Détectives de Monstres et P’tits Pirates ?

On prend les bons jeux là où on les trouve. On a de l’anglais aujourd’hui (Stalker) et pour d’autres projets signés dont on ne peut pas parler encore. On cherche aussi dans d’autres langues.
Publier des jeux de rôle pour enfants a toujours été dans mes plans éditoriaux.
Chez La Loutre, nous avons dressé un constat à l’époque. Il n’y avait que peu de jeux pour enfants et ils avaient été écrits pour être maîtrisés par des adultes. Nous souhaitions des jeux familiaux où, après quelques parties, l’enfant puisse endosser le rôle du MJ.
Il y a eu donc Petits Détectives de Monstres, puis P’tits Pirates. Attendez-vous à de grosses surprises pour cette année, dès le mois de février !

Bon, attaquons plus avant le côté activité éditoriale. Être éditeur ce n’est pas juste poser des livres sur les rayons des boutiques, ça consiste en de nombreuses autres tâches, comme bien sûr, la traduction ou la mise en page, mais également des « petits » trucs du style gestion de projet, études de marché, communication… Justement, depuis peu tu proposes tes services en tant que consultant pour plusieurs de ces tâches (le détail par ici).
Qu’est-ce qui t’a motivé à élargir tes activités à la prestation de services ?

Une envie de faire d’autres choses, de varier encore un peu plus mes activités, d’un point de vue certes professionnel, mais aussi intellectuel. Il y a régulièrement des défis à relever et c’est motivant !

J’ai donc envie de me consacrer à d’autres défis, de permettre à d’autres projets de voir le jour (même si je n’en suis pas l’éditeur) en me consacrant exclusivement à la traduction par exemple. En bref, j’ai envie de permettre, en apportant mon expertise et mes compétences, à de beaux projets de voir le jour en version française.
Euh, j’ai réussi mon entretien d’embauche M’sieur Barthus ?

Revenons-en aux jeux à proprement parler.

Au-delà des deux aspects précédemment cités (à savoir, les jeux espagnols et les jeux pour les enfants), quelle est ta ligne directrice pour choisir d’ajouter tel ou tel titre au catalogue de la loutre ?
C’est au hasard des coups de cœur ou tu écumes activement les sorties internationales pour trouver des perles ?

– Tu crois qu’il nous a trouvé quoi cette fois ?
– Je ne sais pas, mais vu comme il regarde Madagascar, on a intérêt à se mettre au malgache fissa »

Si je devais définir une ligne éditoriale, cela me serait difficile. Je suis assez éclectique de ce côté-là. Je fonctionne donc effectivement au coup de cœur. Il faut que ça me prenne aux tripes et au pwal, que ça me porte. Sinon je n’arriverai pas à travailler correctement dessus. Je ne peux proposer quelque chose qui ne me fait pas vibrer.

Après la sélection par coups de cœur, j’ai des critères d’évaluation (ancien prof, forcément) précis qui se sont affinés au fil du temps par rapport à mon expérience de MJ, de joueur et d’éditeur.

J’ai été surpris il y a quelques mois, de constater qu’à l’opposé de la tendance actuelle, tu baissais les prix de plusieurs de tes jeux (Hitos et son écran, Dreamraiders¹⁹…).
Sur le coup je me suis dit « mais mais mais, ce n’est pas possible, il mâchouille lui-même son papier ?!? »…
Tu nous expliquerais un peu comment la crise actuelle impacte ton activité et ton choix de baisser tes prix ?

J’ai essayé de manger le papier. Pas bon. Wif !

En réalité, comme les livres en stock des deux gammes HITOS et DREAMRAIDERS avaient plus de deux ans, je me suis dit que vu la situation, il serait bienvenu de baisser un peu les prix et de les rendre plus accessibles.

Par contre, il est vrai que l’augmentation des coûts des matières premières nous impose aujourd’hui d’augmenter les prix de nos nouvelles parutions.

Hé, mais au fait… La Loutre Rôliste ?!?

La Loutre Rôliste est née alors que je cherchais un nom pour la société. Un matin, au café, ça s’est imposé. Deux minutes plus tard, je jouais avec des cailloux (des dés en fait, pour nous les Loutres) au bord de la rivière… J’étais devenu une Loutre-Garou… euh, une Loutre Rôliste !

Et par un beau matin… Tadaaaaa !

Si je récapitule, pour l’instant la Loutre, c’est Blacksad, Hitos (et associés), Dreamraiders, Petits Détectives de Monstres, Stalker, P’tits Pirates et La Porte d’Ishtar (à paraître en avril 2023) c’est un fort beau catalogue en l’état, mais mon petit doigt me dit que tu ne comptes pas en rester là. Tu nous ferais un petit teasing des parutions à venir (prévues officiellement ou même rêvées) ?

C’était Blacksad. La gamme s’est arrêtée fin novembre 2022. Au revoir petit chat !

Autrement, La Porte d’Ishtar parait en avril 2023 avec le livre de base, l’écran du meneur et la première aventure imprimée Beauté de Marbre. Les autres suppléments (aventures et aides de jeu) sortiront en PDF et ce, progressivement dans l’année. Sinon, il y aura bientôt des annonces qui vont vous ravir. Mais je ne peux en dire plus, car les Castors nous observent et nous écoutent. *Pfuuu Pfuuu* C’est bon, je les ai éliminés, on peut parler.

Alors, au programme…

Nous avons en stock pas mal de choses loutrement intéressantes. Chez La Loutre Rôliste, on s’est démenés pendant tout 2021 et 2022, un peu partout dans le monde, pour dénicher des pépites.

Nous avons plusieurs jeux de rôles pour enfants, un recueil de scénarios inédits pour Stalker, la mise en ligne du système MOTEUR DES EMOTIONS (celui de La Porte d’Ishtar) sous Creative Commons et d’autres projets qui sont en cours de préparation/négociation/loutrisation.

Et voici venir la fin de cet entretien… Si tu as des choses à ajouter, n’hésite surtout pas tu as carte blanche…

Oui, j’ai un truc un dire, très très important !

La Porte d’Ishtar parait en avril et pour le coup, il y a un LATE PLEDGE – LA PORTE D’ISHTAR sur ULULE pour permettre aux rôlistes de se procurer tout ou partie de la gamme à des prix très avantageux et avec plein de bonus (PDF offerts et débloqués), avant augmentation des prix (merci la hausse des coûts d’impression).

Les nouveaux contributeurs bénéficieront, en plus de ce qui sera obtenu pendant le Late Pledge, de TOUT ce qui a été débloqué auparavant et les contributeurs de la première campagne de financement Ulule bénéficieront, s’ils y ont droit, de TOUT ce qui sera débloqué ! Donc foncez les gens, c’est jusqu’au 27 janvier à minuit !

Et voilà, vous savez tout sur la loutre… alors, n’hésitez pas à venir patauger dans la mare, il y a de quoi s’amuser un bon moment en fouillant un peu le catalogue. Concernant la Porte d’Ishtar, il vous reste jusqu’à la fin de la semaine pour rejoindre le Late Pledge.
J’ai de mon côté lu le pdf et ma foi, c’est plutôt chouette (avec une mention spéciale pour la création de perso, qui vous permet enfin de gérer la génèse du groupe de personnages en session 0) et donne plein d’idées de parties en quelques lignes.
Merci Christophe pour cet entretien en plein rush de financement et à très bientôt pour de nouveaux jeux loutrement biens.

Propos de Christophe Dénouveaux recueuillis par David Barthélémy

Notes et Références :

¹ Black Book Editions
² Wizards of the Coast
³ Necrotic Gnome
Antre-Monde Editions
Lapin Marteau
Les livres de l’Ours
La Loutre Rôliste
Christophe Dénouveaux
Scriptarium
¹⁰ Défis Fantastiques
¹¹ Stalker
¹² Chasseurs de Légendes
¹³ Blacksad
¹⁴ NoSoloRol Ediciones
¹⁵ Hitos
¹⁶ Petits Détectives de Monstres
¹⁷ La Porte d’Ishtar
¹⁸ Guerra de Mitos
¹⁹ Dreamraiders

Notes et Références :

Focus

Entretien avec les Éditions Sethmes autour de la sortie de Noc (mais pas que…)

Bonjour à vous gens de Sethmes¹

Ça fait un moment que je prévois de vous faire subir mon insatiable curiosité (mea culpa), passe mon temps à zapper, me faire déborder par d’autres contingences plus terre à terre (« Comment ? Vous me dites que ça fait 5 ans que mes toilettes vidangent joyeusement sous ma maison sans même faire l’effort de passer par la fosse septique ?!?) et de me dire régulièrement au cours de brefs accès de lucidité (bien souvent nuitamment, entre deux « Papaaaaaa… faut que j’aille aux toilettes… » me tirant d’un sommeil que j’ai déjà léger) :

 « Haaaa !!! Mais damned, ce n’est pas sérieux, j’ai encore oublié ! »

La dernière fois que j’ai dû vous dire que l’on se programmait un entretien « pour très vite » doit déjà remonter à Octogones 2021… j’ai honte.
Mais comme il n’est jamais trop tard pour bien faire et que l’alignement des planètes (enfants au centre de loisir pour la semaine et livraison de NOC² aux souscripteurs) concorde avec l’un de mes sursauts nocturne, me revoici, cette fois fermement décidé à vous passer au grill.
Donc après Etherne³, Kemi⁴ et Aventure dans le Monde Intérieur⁵, votre dernier né NOC débarque dans les chaumières, nous promettant de forts beaux moments de jeu.
C’est le signal, j’attaque donc et vous laisse la parole pour nous éclairer sur ce jeu, mais pas que… ce serait trop facile.

NOC m’a tout l’air d’être très bien parti pour devenir le pavé dans la mare du jdr français 2022. On l’avait senti venir avec le kit d’initiation, mais au fur et à mesure que les retours sur les différents livres de la gamme arrivent, cela semble se confirmer. Vous construisez comment un projet de cette envergure ?

MC : Avant toute chose, merci pour ces mots qui nous touchent beaucoup.
En réalité, je n’avais pas l’impression que nous ayons réalisé un projet aussi massif. C’est seulement une fois tous les objets sortis des usines et étalés sur la table que j’ai constaté que ça faisait, effectivement… beaucoup.

Notre méthode a consisté avant tout, à prendre du plaisir à ce qu’on faisait. Ensuite, à ne pas se fixer de limites à priori. Pas mal de personnes nous ont dit que le kit d’introduction était trop gros, le setting trop complexe, le style trop littéraire, le financement participatif trop généreux. Mais, à chaque fois, je ne me voyais pas faire moins. Parce qu’on ne cherchait pas à optimiser ou à “coller au marché”. On cherchait à offrir l’expérience qu’on aurait aimé qu’on nous propose.
Lors de la composition, à chaque étape, il s’est agi de beaucoup brainstormer avant de se lancer (les bonnes idées se précisent rapidement lorsqu’elles sont soumises au groupe), de ne jamais travailler pour rien, de réexploiter au maximum la matière pré-existante, de trouver des techniques réplicables afin de concentrer les efforts sur les aspects particuliers de chaque élément.
Pour finir par le plus important, un projet comme NOC exige d’être bien entouré. Avoir des personnes autonomes, compétentes, investies et ayant parfaitement compris le sens du projet. Cela permet d’avancer de concert en limitant les engorgements, les crises, les retours en arrière. Des illustrateurs au prestataire d’impression, des relectrices aux rédacteurs, de Pierre à la Musique à Cédric à la maquette, chaque Ministère avait un administrateur doué et implacable.

CC : Il me semble qu’un paramètre important est la clarté de la vision initiale du projet, de la proposition et de la trajectoire de la gamme. Cette trajectoire, c’est celle de Mikaël et de Blackened, le projet d’origine. S’il reste beaucoup de latitude et énormément de choses à explorer et détailler, les principes fondamentaux ont dès le départ constitué un socle solide, une grille au sein de laquelle toutes les productions peuvent s’insérer. Le risque aurait été de se perdre en cours de route, de se fasciner ou s’abîmer dans un aspect particulier du contexte ou du jeu. Mais les secrets et directions exposées d’ailleurs dès le livre de base définissent un cadre, entretiennent une tension qui favorise les convergences et la cohérence de l’ensemble.

Et quelles contraintes « fortes » vous êtes vous imposés pour garder à la fois la maîtrise de l’univers et celle du matériel de jeu ?

MC : NOC ne sort pas du néant. Il est une nouvelle édition amplifiée de Blackened, jeu de rôle diffusé gratuitement au début des années 2000. Les textes de ce dernier ont servi de guide et carcan. Ensuite, il y a eu beaucoup de discussions et d’appropriation de la part de tout le monde. Évidemment, malgré toutes ces précautions, il était nécessaire d’avoir un gardien du contexte, quelqu’un doté de la vision d’ensemble. J’étais prêt à assumer ce rôle, mais je n’en ai pas eu besoin. Malgré sa complexité, le background de NOC a quelque chose d’assez “évident”. Les réflexes y sont vite acquis.


(Cadeau bonus, le numero 07 de Jeux d’Ombres de 2008, notamment sur Blackened, avec quelques noms dans l’ours qui devraient vous dire quelque chose si vous êtes accrocs à la chose ludique)

CC : Les contraintes sont celles que j’évoquais plus haut. L’existence de Blackened et la réflexion préalable sur le périmètre du jeu ont guidé le travail. Compte tenu de l’immersion de l’équipe dans l’univers, les contraintes ont à mon sens été perçues comme des garde-fous salutaires puis intégrées.

Pour ma part, je n’ai encore lu que le kit d’introduction (qui mettait salement l’eau à la bouche) et ne peut donc que présumer du contenu des livres sortis. J’ai en effet soigneusement évité les différents feuilletages, présentations et autres analyses dans les médias rôlistes, afin de rester « pur » lors de ma future exploration des bouquins. Ceci dit, devant l’ampleur de la chose, une question me taraude… vous en avez gardé sous le coude pour un développement de gamme, ou nous avons là l’essentiel de ce qui doit être amené à constituer le cœur de NOC ?

MC : Le livre de base contient la réponse à cette question, puisque la trajectoire de la gamme y est tracée. Nous savons depuis le début que l’expérience de NOC sera articulée autour de quatre ouvrages majeurs : le livre de base, la campagne, un supplément de “haut niveau” et un supplément de clôture. Il y aura également d’autres extensions en parallèle, pour étendre certains points du setting ou des règles. Le livre de base de NOC est suffisant pour jouer des citoyens sceptiques dans le cadre d’un Bloc, mais ce n’est que le début du chemin. 

Bon, NOC ça déboite (on l’aura compris), mais dans un autre style, mon premier coup de cœur pour les jeux que vous proposez, ça reste Aventure dans le Monde Intérieur. Je me souviens très bien du premier feuilletage du livre de base et de ce qui m’avait paru alors un grand vent de fraîcheur, tant dans les mécaniques du jeu que dans l’usage du thème de la terre creuse (avec une mention spéciale pour les Ouvrages à gérer entre les parties)… Donc, là où tout le monde vous harcèle avec NOC, je vais plutôt attaquer sur vos plans concernant le futur de A.M.I, maintenant que vous avez en avez récupéré l’exploitation… alors, alors ?

AMI c’est bon, mangez-en !!!

MC : Encore une fois : merci. Les derniers mots que j’ai écrits pour AMI datent de plus de 10 ans, et c’est très émouvant pour moi de voir, si longtemps après, que le Ventre-Monde possède ce capital sympathie.
Nous avons effectivement récupéré les droits sur la licence et travaillons à la suite de la gamme pour 2023. Une nouvelle édition n’est PAS prévue car, même si nous pourrions faire mieux et plus joli avec la force de frappe de Sethmes, je considère que le livre de base et les suppléments restent respectables et je ne pense pas que les joueurs d’AMI attendent une refonte (et à devoir repayer pour la même chose…). Ils veulent repasser leur sac d’aventurier sur le dos et reprendre le voyage. La prochaine étape pour AMI sera donc la sorti d’une nouvelle extension dans le style des Almanachs Arcadiens⁶. Le nom changera, pour marquer de début de cette nouvelle ère, mais l’esprit sera le même. Ce supplément tournera autour de la civilisation d’Agartha et contiendra une campagne. Il sera offert à tous les souscripteurs de l’Almanach Arcadien 3, qui se reconnaitront et sauront de quoi je parle.

Pour rappel, vous êtes des bâtisseurs d’univers (pour sûr) et à ce titre, ne vous limitez pas au seul Jeu de Rôle. Kemi a bénéficié de son roman (Sennefer, les larmes de Kemi⁷… on le rappel, portant la mention : tome 1…) et vous évoquez sur le site une volonté d’aller également vers la bd ou encore le jeu de plateau. Ça progresse cette histoire ou c’est plus ou moins en stand by ?

MC : De nombreux projets existent, certains bien antérieurs à Sethmes. Ce sont les jeux de plateaux qui ont occupé la majorité de mon temps depuis le début de l’année (ce qui n’impacte pas le développement de la suite de NOC ou de AMI, je précise). Les retards de livraison de NOC, liés à la conjoncture, ont constitué une opportunité à ce niveau-là. Le projet principal est Diktat, un jeu de conquête et de machinations dans l’univers de NOC. J’estime que les règles sont verrouillées à 99 %, et nous sommes sur une sérieuse phase de playtests. Vous en apprendrez plus sur cette belle boite d’ici la fin de l’année, j’espère.

Le rôliste a beau se vouloir une sorte de couteau Suisse créatif, ce n’est pas toujours effectivement le cas (voire même…). Les compétences relevant de l’écriture, de l’illustration, du game design, du maquettage, puis de toutes les tâches « bassement matérielles » liées à l’édition, la production et la distribution (sans même parler de la communication ou de la gestion administrative et financière) couvrent des domaines d’activités très larges. 
Vous vous organisez comment pour gérer tout ça ? Qui fait quoi/comment chez Sethmes ?

Rien à voir avec la choucroute, mais regardez le flim si ce n’est déjà fait, il est bien

Elwin : nous sommes quatre associés, et au-delà nous possédons une Armée de la Nuit qui nous prête main forte, des amis qui nous éclairent de leurs avis et conseils. Entre nous les disponibilités, les appétences, les enjeux ont fini par établir des tendances, susceptibles d’évoluer avec de nouveaux projets.
La ligne éditoriale initiale était claire, puisque nous sommes un collectif d’auteurs – trois d’entre nous sont venus avec leurs précédents projets, pour constituer la base du catalogue – mais nous essayons de rester ouvert pour la suite.
Nous discutons ensemble des grandes orientations et décisions qui impliquent la société. La laborieuse partie administrative et distribution est assumée par Cédric (qui s’occupe également de la partie graphique et web), et par Mikael. L’autre Mickael est en charge du contact avec les boutiques.
Nous sommes tous capables de mettre la main à la pâte pour l’écriture. Nous désignons par ailleurs des chefs de projets qui constituent leurs équipes, que ce soit avec des associés ou des collaborateurs de Sethmes

Pour en revenir à vos univers, avec Kemi et Etherne, vous aviez bien amorcé l’exploration du jeu dit historique. Vous nous en avez prévu d’autres dans le genre ou c’est un pan des univers ludiques que vous estimez avoir suffisamment défriché ?

Un jeu historique solide s’il en est

Elwin : l’Histoire est à mon sens notre matériau et notre nourriture, et le restera. NOC transpire par tous ses pores cette inspiration. Je ne conçois personnellement pas d’univers crédible sans un ancrage dans les schémas, les anecdotes et les incroyables retournements et subtilités que seules peuvent offrir les tribulations de l’humanité. On peut sans fin parler de ce qu’est un jeu historique – parce que d’une certaine façon ça n’existe pas, mais qu’on désigne par ce biais un palier où le nombre d’éléments qui nous semblent refléter une réalité passée devient suffisant pour créer une forme d’illusion d’historicité. Ce palier apparaît à des moment différents selon les gens et leurs exigences. Je ne sais pas s’il doit être une fin en soi, et selon quels critères il devrait être légitime pour certains et pas pour d’autres. À l’opposé on pourrait dire que rien n’échappe à l’Histoire : tout ce que nous écrivons reste le produit de notre culture et de notre vécu, et nous ne pouvons nous en arracher. Tout est historique, rien ne l’est… autant boire un coup et écrire un truc sympa, on verra après pour les labels.

CC : Peut-être avons-nous un intérêt particulier pour la réinterprétation, le recyclage, le fait de lire dans notre histoire et notre environnement immédiat ce qui se prête au travail de l’imaginaire, de la spéculation. J’ai un attrait spécifique pour les uchronies, peut-être parce qu’elles assument que notre substrat est et restera toujours le réel et qu’elles ouvrent des portes vers des versions exagérées, cinématographiques ou dérangeantes du monde. Être ici sans y être. Pour NOC, l’approche concernant la description de la Terre est très fortement ancrée dans le réel et l’histoire. Et pas uniquement pour la description d’un régime autoritaire et contraint, mais également pour ses aspects technologiques et écologiques qui, malgré les apparences, empruntent à pas mal de notions et découvertes récentes. A défaut d’historicité, évidemment, l’idée est d’entretenir la plausibilité 

C’est l’heure de la question People… Alors Voici :
Dans la dynamique de groupes, on retrouve souvent certains archétypes comme le « chien fou », la « force tranquille », la « rock star »… 
Chez Sethmes, on connaît surtout Mikael et Cédric, pour les croiser en convention… Alors, vous êtes respectivement lequel ? 
Et à l’instar d’un groupe de rock, un collectif d’auteurs peut être « agité » par les tensions entre les différentes personnalités. Quand on travaille au long cours sur un projet commun, comment on reste fonctionnel en dépit des inévitables frictions passagères ?

Mais qu’ils sont beaux et fringants (à gauche, Mikael Cheyrias, à droite, Cédric Chaillol)

MC : je suis le plus intelligent de l’équipe.

Elwin: répondre à cette question à propos des autres implique le déclenchement d’une cascade de duels judiciaires. Je me propose comme “Schtroumpf grognon à lunettes” pour mon rôle critique dans la conception, l’analyse des univers et scénarios; mais aussi sur des sujets éditoriaux. C’est important de pouvoir confronter nos opinions, pour combler nos angles morts réciproques.

MS : Construire un projet professionnel avec des amis sur des sujets passions peut bien entendu être source de difficultés. On reste fonctionnel en diminuant le café et en décrochant son téléphone pour discuter.

(les plus observateurs noteront que Cédric a sournoisement esquivé la question… de là à déduire qu’il ne serait pas entièrement d’accord avec certaines assertions de ses coreligionnaires, il n’y a qu’un pas… que nous ne franchiront certainement pas bien sûr… huhuhu)

J’aimerais revenir sur cette notion de collectif d’auteurs si ça vous convient, et éclaircir un petit peu ce côté « communauté » qu’elle induit, par opposition à la maison d’édition traditionnelle et son fonctionnement plus « vertical ». Vous pouvez nous détailler un peu l’idée derrière tout ça et la manière dont le choix de la structure impacte l’aspect créatif de vos jeux ?

Voilà, rien de tel que la communauté pour avoir des auteurs heureux

CC : Sethmes intègre la filière, de la conception à la diffusion, en passant par la rédaction, le design, la communication… La société constitue un cadre de fonctionnement qui, pour l’instant, porte des projets amenés en interne. Notre spécificité est sans doute d’assurer à la fois les fonctions d’édition et de création.

Forcément, passage obligé de tout entretien qui se respecte (ou pas)… Vous nous préparez quoi en prochaines sorties (parceque j’imagine que vous ne vous tournez pas les pouces en vous reposant sur vos lauriers suite à NOC) ?

MC : Concernant NOC, nous avons donc le livre Visions⁸ et le recueil de Configurations⁹ et de scénarios. Comme c’est souvent le cas chez Sethmes, le Recueil a pris une ampleur et une complexité inattendue au fur et à mesure de son développement. Beaucoup d’amis, d’alliés et de soutiens se sont greffés à l’équipe initiale pour apporter d’excellentes idées, des ambitions et de l’énergie. L’accouchement sera plus long que prévu, mais le produit final sera très costaud. Ces deux bouquins arriveront début 2023. Ensuite, il y aura le tome 2 des Lueurs obsidionales, la campagne officielle, actuellement en cours de test et de rédaction du côté du laboratoire d’Orion¹⁰.
Toujours sous l’Artefact mais dans un autre style, le jeu de plateau Diktat se consolide dans les ateliers de l’Effort. Deux autres jeux de plateau plus légers et familiaux sont à l’étude à la Direction du Progrès.
Dans le Monde Intérieur, l’Almanach Arcadien 3,5 est en rédaction, pour une sortie souhaitée au deuxième semestre 2023.

Ces deux dernières années n’ont pas été tendres avec le petit monde de l’édition (pas que bien sûr, mais c’est ça qui m’intéresse). Entre virus galopant, paralysie de l’industrie qui en découle, baisse de moral, guerre en Ukraine, augmentations diverses et variées d’un peu tout, on est plutôt gâté. 
Si je ne m’abuse, Sethmes à émergé pile poil au bon moment (2020) pour tomber là dedans, et n’a du coup pas connu le luxe d’un démarrage tranquille, le temps de prendre ses marques.
Vous avez réussi à dormir ces deux dernières années, ou c’était crises d’angoisse et ulcères à répétition ?
Ça n’a pas trop impacté la pérennité de la maison ?

Les gars, cette année 2020, je la sens bien, c’est le moment où jamais de lancer notre boîte

MC : Monter une maison d’édition pour éditer ses propres créations n’est pas à faire si l’on est trop sensible à la pression. Nous avons pris les problèmes les uns après les autres, en misant sur la compréhension du public lorsque les contingences extérieures induisaient des retards ou des altérations inévitables. Les événements tragiques dont on parle ont impliqué un retard important dans la sortie des livres et, à la marge, nous ont privé de la capacité de contrôler les objets à la sortie d’usine. Nous avons dû ici ou là accepter de petits éléments qu’en temps normal, nous aurions pu ajuster, mais nous nous estimons chanceux que NOC ait pu voir le jour au milieu de tout ce chaos. Et nous avons tiré une énorme expérience de tout ça.

CC : les confinements successifs ont modifié les habitudes de jeu et de consommation. La ruée sur les tables virtuelles a permis à NOC, via son kit d’introduction, de vivre en ligne et d’être montré dans plusieurs actual plays sur Twitch et Youtube. Sur ce point précis, le projet a sans doute bénéficié d’une visibilité accrue du fait des circonstances. Mais il est des événements, tels que la guerre en Ukraine, qui ont évidemment constitué un choc et un obstacle. La bonne volonté et la compréhension de toutes et tous, partenaires et public, nous ont permis de mener ce projet à bien.

Bon, je pourrais continuer longtemps à vous harceler de mes questions, mais n’abusons pas des bonnes choses (et ne lassons pas nos interlocuteurs), il faut savoir quand se retirer (hmmmm).
Cependant que je m’éclipse, vous avez quelque chose à ajouter ?

MS : Merci à toi, et merci à la communauté qui grandit chaque semaine autour de NOC. Nous sommes galvanisés par l’ensemble des commentaires bienveillants que nous recevons.

Merci à Mikael Cheyrias, Cédric Chaillol, Elwin Charpentier et Mickaël Sibeud pour cet entretien et plus globalement, pour le travail des Editions Sethmes.
Il ne me reste plus qu’à chopper NOC pour creuser la question de cet univers (qui dès le kit d’intro nous promet un cadre d’une richesse rare, à la puissance évocatrice certaine, je le rappel) et vous faire un retour rapidement, tout en trépignant d’impatience après ce fameux Almanach Arcadien 3.5 (AMI forever)…
Vous aurez sans doute compris (sinon il faut sérieusement que je révise ma grandiloquence) que je suis conquis par les jeux estampillés Sethmes, du coup ne cherchez pas une once d’objectivité de ma part dans cet entretien, ce serait peine perdue…
Si vous aimez la rigueur créative, les univers foisonnant et l’histoire, foncez, vous ne serez pas déçus (en tout cas, moi je ne l’ai pas été).
Longue vie aux éditions Sethmes et re vivement la suite de AMI.

Propos de Mikael Cheyrias, Cedric Chaillol, Elwin Charpentier et Michaël Sibeud recueillis par David Barthélémy

Notes & Références :

¹ Sethmes
² NOC
³ Etherne
Kemi
Aventures dans le monde intérieur
Almanach Arcadien
Sennefer
Visions
Recueil de configurations
¹⁰ Laboratoire d’Orion

Focus

Entretien avec Florent Moragas pour les Éditions Odonata

Samedi matin, j’ai eu la grande joie de recevoir Oméga¹, un jeu des éditions Odonata² dans lequel vous êtes des Machines. C’est donc avec bonheur que je me suis plongé dans la lecture de cet univers de S.F qui pousse le transhumanisme dans ses derniers retranchements en abordant la question du transmachinisme (WHATTTT !?!)
Hé oui, fini la découverte du cyberunivers par des sens humains, ici les machines s’ouvrent non pas à la conscience, mais à la morale, l’humour, la peur, bref tout ce qui peut caractériser les « organiques » que nous sommes.
Avant de poursuivre ma lecture des deux (très) imposants ouvrages qui constituent l’entrée de la gamme, je me suis dit « mais au fait, j’ai interviewé Florent³ (Moragas, le papa de Odonata) à l’occasion du financement des campagnes pour Insectopia⁴, en Octobre de l’année dernière… révisons un peu ce qu’il m’avait confié alors, histoire de ne rien rater et ne pas enfoncer de portes ouvertes dans mon retour de lecture » (malin le type). J’ouvre donc la page du site, remonte mes quelques entretiens et là, stupeur absolue (et tremblements)… pas d’entretien en vue.
Damned, que passa ?
Je retourne vérifier mes brouillons (cette fois) et constate avec un certain effarement qu’il est confortablement niché entre une amorce d’article sur les jeux pour les plus jeunes et un entretien avec Sebastien Grenier⁵ (re damned, encore un oubli de publication… vilain garçon) le talentueux dessinateur de Arawn⁶, La Cathédrale des Abymes⁷ ou encore dernièrement Orcs & Gobelins⁸.
Après cinq minutes d’autoflagellation, je me dis que nous allons corriger cette affreuse négligence et éditer l’entretien avec Florent pour vous préparer au prochain retour de lecture (promis, ensuite j’attaque celui de Seb) de Oméga.
C’est donc avec neuf bons mois de retard (Arghlllll) que je vous propose de lire cet entretien, au travers duquel nous parlons de création, de bugs et de machines (entre autre)… My Bad.



Salut Florent. Pour celles et ceux qui ne te connaitraient pas encore, tu es le fondateur des Editions Odonata, créateur des jeux Insectopia et Oméga, mais également Blatteman, figure bien connue des salons et conventions de Jdr.

je vous laisse deviner lequel des trois est Florent

De l’eau a coulé sous les ponts depuis la sortie de Insectopia, dont la gamme s’est bien étoffée et continue de le faire à ce jour avec le lancement d’un financement visant à produire trois nouveaux ouvrages ainsi qu’une édition révisée du livre de base. Dis-moi, ça en fait des bouquins en six ans, c’est pas un peu chronophage tout ça ?

Effectivement, assez chronophage ! Mais depuis les débuts d’Insectopia je me suis entourés d’auteurs, de testeurs, de correcteurs et de passionnés. Odonata éditions suit actuellement de nombreux projets en gestation, dont vous avez pu voir certaines annonces. Sapa Inca⁹, écrit par Eric Dubourg¹⁰ et Nurthor le Noir¹¹, où l’on incarne des agents de l’empire Inca chargé d’enquêter sur les manifestaions occultes, des civilisations perdues et de défendre l’empire contre les assaillants espagnols. (Actuellement en cours de financement et ce jusqu’au 05/07/22 par ici)
Les Chroniques de Vaelran¹², écrit par Téo Chailloux¹³, où il s’agit d’interpréter des influenceurs, des illuminatis dans un univers d’époque moderne fantasy.
Ou Résilience, le retour des saisons¹⁴ écrit par Jean-Khalil Attalah¹⁵, où là il faut jouer en coopération pour rééquilibrer un monde où la nature subit la rupture.

Ca déconne moins que dans le Aztec Dansant de Donald Westlake¹⁶

De nombreux univers sont également à venir. 


Alors, mettons un peu les mains dans le cambouis.
Les jeux que tu proposes, Insectopia et Oméga en tête, sont des propositions ludiques qui s’éloignent fortement de ce à quoi l’on est habitué… Point d’anthropocentrisme ici, tu nous fais incarner des insectes (pardon, des Întres) et des I.A (sous de multiples formes). C’est très chouette comme idée, mais c’est également un pari risqué. Comment tu procèdes pour aider les gens à s’approprier des modes de pensée ou des perceptions aux antipodes des nôtres ?

L’idée est de sortir des sentiers battus en ne jouant plus des humains, mais en gardant des sujets et des modes de jeux qui intéressent les joueurs. Insectopia et Oméga jouent également avec les particularités de ces univers pour donner du gameplay.
Ces expériences reviennent à jouer des super héros ou des extra terrestres avec des super pouvoirs, mais en traitant des sujets de conflits idéologiques, d’occultisme, ou qui touchent à la personnalité humaine. Insectopia se rapproche assez du seigneur des anneaux dans son traitement des conflits inter races et territoires par exemple.

Rhaaaaa les lézards !!!



Idem en terme d’univers. Pour Insectopia, le continent d’Entoma nous plonge dans un monde du très petit au sein duquel le dépaysement est au rendez-vous. 
En bon quadra débordé par sa vie de tous les jours et l’éducation des enfants j’ai eu, je le confesse, un mouvement instinctif de recul à la première lecture du livre de base tant il me semblait vaste à assimiler (genre les cinq pages de glossaire consacrées au vocabulaire spécifique) en vue de le faire jouer… 
Quels conseils donnerais-tu aux futurs Deus pour le prendre en main, le faire leur et expliquer que “Non non, n’ayez pas peur, c’est tout à fait faisable” ?

Il faut prendre des scénarios édités et se plonger dedans, se limiter aux règles de bases qui sont assez simples et suivre le scénario proposé. 
Insectopia propose de jouer des super héros, foncez à fond dedans, on vole, on pique on mord, on a des ravisseuses ou des antennes ramifiées. Les parties sont épiques. Jouer aussi les particularités des phéromones et les conflits entre espèces.
Après, c’est un medfan classique. Voilà les conseils simples que je peux donner.


Je n’ai hélas pas encore eu l’opportunité de me pencher sérieusement sur Oméga (il y a vraiment trop de jeux à lire et découvrir aujourd’hui pour ma petite capacité de traitement), mais spontanément, je ne peux m’empêcher de le placer dans la continuité d’Insectopia
Tous deux partagent le même système de jeu (avec des aménagements bien sûr), mais également cette volonté de jouer différemment.
Avec Insectopia tu as poussé le concept de Post-Apo à son paroxysme en évacuant les humains au profit de ceux qui leur ont survécu… Avec Oméga, tu évoques carrément l’annihilation de la Terre par les Synthétiques.
En bon rôliste, je m’interroge… Oméga signe t-il la fin de son aîné dans un univers commun ou en est-il au contraire complètement dégagé pour proposer une lecture différente de ce que pourrait être l’avenir de l’humanité ?

Oméga vs Insectopia ?

Oméga est une autre façon de traiter la science fiction, l’avenir de l’humanité. Clairement ce n’est pas une version différente d’Insectopia. Il s’agit d’un jeu ou les personnages ont des missions de conflits et de découverte dans l’espace avec pour toile de fond l’asservissement des organiques, dont les humains. On incarne des synthétiques doués d’humanité au milieu d’autres machines qui n’en ont pas. Ce sont des intermédiaires entre les deux mondes. Les scénarios sont construit pour traiter les sujets d’asservissement des organiques, de la supériorité des synthétiques, de la collaboration de ces derniers et pour tenter les joueurs à pirater son prochain. Oméga questionne l’identité des Intelligences Artificielles, mais on joue des super machines avec des gros flingues !



En 2013 fut fondé Somni Semen¹, collectif d’auteurs dont le but premier était de consolider Insectopia en vue de la production du livret de découverte ainsi que d’une édition future du jeu. En 2015 apparaissent les éditions Odonata, ta boîte dédiée à Insectopia.
Aujourd’hui, Odonata nous présente donc un nouveau financement pour Insectopia, mais va grandissant en éditant aussi cette fois des jeux d’auteurs tiers tels que Sapa Inca (Eric Dubourg et Nurthor le Noir), les Chroniques de Vaelran (Teo Chailloux) ou encore Micro Méga (Stéphan Van Herpen¹⁸ et Genseric Alexandre Delpâture¹⁹).
Ça y est, tu as pris goût au métier d’éditeur et ne peux plus t’arrêter ?

Ho les belles bannières !!!


Comment on bascule d’auteur à “mais en fait c’est bien sûr, je vais aussi publier les jeux des autres” ?
Une boîte d’édition ne fonctionne pas avec quelques titres, il faut proposer différents univers et différents jeux. C’est l’élément déclencheur de cette reconversion. 
Mais ce qui motive l’éditeur que je suis devenu c’est aujourd’hui le travail éditorial que j’accomplis. A mon sens, ce travail est un suivi des auteurs pour les amener à magnifier leur travail. Je travaille avec eux en amont sur les fondements de l’univers, les règles, le contexte et beaucoup d’autres éléments. C’est vraiment très enrichissant et captivant d’être baigné dans cette création. Puis, il y a aussi le travail graphique qui est vraiment captivant : concevoir et amener un univers avec des illustrateurs, c’est réelle passionnant.


Du coup pour Odonata en deux mots, c’est quoi la ligne éditoriale ?

Créativité ludique,

Les jeux proposés ont un propos fort et un système qui le porte.


Pour en revenir à Insectopia, ça te fais quoi de voir ton bébé grandir et s’envoler de ses propres ailes (huhuhu) ? 
Parce qu’au fil des années, l’équipe s’est tout de même bien agrandie, tant au niveau rédactionnel que pour les illustrations… T’arrive t-il d’avoir la sensation que tout ça t’échappe un peu ou pas du tout ?

Je suis très heureux de partager cela. Le partage de ces travaux de création est vraiment enrichissant pour moi. Nous sommes nombreux désormais autour des projets et je crois que c’est la force d’Odonata. Les auteurs apprennent, partagent, moi je coordonne, je lie des gens dans la création, je reçois de la créativité et des échanges humains. Quoi de mieux ?


Fatalement, sur les deux années passées, cette histoire de Covid a bouleversé pas mal de choses dans notre quotidien. Concrètement, en tant qu’éditeur ça a eu quel impact sur ton travail, et comment as-tu ajusté les choses (si besoin il y avait) pour que la vie poursuive son chemin sans trop menacer les projets en cours ?

Oui, ça a été un peu dur, mais personnellement, je l’ai assez bien vécu. Sur le plan éditorial paradoxalement ce fut assez riche puisque j’ai pris en charge de nombreux projets avec de nombreux auteurs. Si en terme d’édition il y a eu une baisse, en terme de construction de projet ça m’a été bénéfique. Donc, je dirais que le bilan est bon.


Je suis assez curieux (comme beaucoup) des rouages derrière la production d’un jeu et du coup m’interroge fréquemment sur l’aspect organisationnel ou la somme de travail que cela représente en termes de temps de rédaction, illustration, mise en page… Vous fonctionnez comment chez Odonata quand vous menez un projet d’édition concernant un nouveau jeu ?

Il y a d’abord le suivi du projet, son concept profond et ses règles. Il faut caler cela avec des échanges. Parfois il faut agrandir le cercle des auteurs pour donner du corps à une idée. Un long travail d’organisation et de rédaction se met en place. Je peux être chef de projet, comme pour Oméga, ou dans le suivi des idées et des textes comme sur Sapa Inca. La période de test des règles et du gameplay est importante. Le jeu doit être testé et retesté, par le cercle restreint des auteurs, mais surtout par des personnes lambda que nous rencontrons en convention. Il faut comprendre les envies des joueurs pour y répondre. Puis nous décidons avec les auteurs de formaliser leur travail en faisant un livre missions initiales qui va dire l’essentiel du jeu, donner envie aux joueurs de venir à ce jeu. Sur Sapa Inca, le directeur artistique, Gabriel Pardon²⁰, se charge de donner une patte graphique à l’univers avec les illustrations et la mise en page. Puis vient le temps de la correction, moment important qui est réalisé par une ou des personnes extérieures au projet, donc critique. Et finalement la mise en page et la production qui vient derrière et la communication. Un long processus semé d’embûches et de passion !


Quand on voit les postulats de Insectopia et Oméga par rapport à l’humanité, on ne peut manquer de se faire la réflexion (ou alors c’est juste moi qui ai l’esprit mal tourné) qu’il y a comme un “très léger” fond de misanthropie (peut-être de pessimisme à la rigueur) chez l’auteur… 
Alors, simple posture intellectuelle/ludique de créateur ou il y a effectivement quelque chose d’un peu plus profond derrière tout ça ?

Ca revient souvent quand même non ?

Sur Insectopia et Oméga, je me sens humblement un auteur de science fiction. Cette science qui est utilisée pour prévenir nos contemporains des travers de notre société. C’est vraiment dans cette optique là que j’ai fait ces jeux. Je ne suis pas misanthrope, mais plutôt philanthrope. Il y a des sujets qui me heurtent dans notre société qu’il me semble pertinent d’évoquer de manière légère, comme beaucoup d’auteurs de SF l’ont fait avant moi.

Enfin, si tu as quelque chose à ajouter, fais-toi plaisir on t’écoute (enfin… on te lis…)

Actuellement, il y a la souscription pour Insectopia les deux mondes. Comme la précédente souscription, c’est un projet ambitieux qui va apporter trois nouveaux ouvrages à la gamme ; un recueil de scénarios, une extension sur les Lézards et la fin de la campagne. Nous avons aussi décidé de remanier le livre de base, sur l’aspect magie et compétences de caste notamment, pour les rendre plus équilibrés et plus clairs. Le jeu reste le même, avec les mêmes magies et compétences, mais c’est plus clair. Vous pourrez donc jouer à Insectopia avec les anciens et nouveaux suppléments avec des règles affinées. Et puis, il y aura sans doute une nouvelle couverture à cet ouvrage réalisée par un grand nom du jdr français.

Et voilà pour cet entretien (qui finalement reste d’actualité) tardif.
Encore une fois, je suis désolé du délai entre sa réalisation et sa publication, mais vous promets de faire un effort afin que cela ne se reproduise plus à l’avenir (honte sur moi).
Un grand merci à Florent pour ses réponses et les jeux qu’il nous propose et à très bientôt pour le retour de lecture d’Oméga (et l’entretien avec Sebastien, non je n’ai pas déjà oublié).

P.S. Pensez à aller jeter un œil sur Sapa Inca, ça va être chouette…

Propos de Florent MORAGAS recueillis par David BARTHELEMY

Notes et Références :

¹ Oméga
² Odonata Editions
³ Florent MORAGAS
Insectopia
Sebastien GRENIER
Arawn
La Cathédrale des Abymes
Orcs & Gobelins
Sapa Inca
¹⁰ Eric DUBOURG
¹¹ Nurthor le Noir
¹² Les Chroniques de Vaelran
¹³ Théo CHAILLOUX (scrollez jusqu’aux Chroniques du Steam)
¹⁴ Résilience le retour des saisons
¹⁵ Jean-Khalil ATTALAH
¹⁶ Donald WESTLAKE
¹⁷ Somni Semen
¹⁸ Stéphan Van HERPEN (aka Kerlaft le Rôliste)
¹⁹ Genseric Alexandre DELPATURE
²⁰ Gabriel PARDON

Avant la sortie

Avant la Sortie : Saga Explorer par le Studio Elixeer

Amis rôlistes, bonjour.
Aujourd’hui, nous allons parler d’ un sujet concernant (pour des raisons mécaniques évidentes) une part significative de la population rôliste gentiment vieillissante : le jeu avec des enfants.
En effet, de plus en plus fleurissent les jeux destinés à un jeune public (voir très jeune), car à un moment donné, le rôliste quadra se fait la réflexion que jouer, c’est cool… que jouer quand on a des enfants, ça devient compliqué… que ça finit par manquer… et que, “mais bon sang de bonsoir, les enfants sont des joueurs tout indiqués et on les a tout le temps sous la main !” (contrairement aux joueurs habituels du groupe, luttant eux aussi pour se dégager de rares moments de liberté entre travail, vie quotidienne, vie de famille et gestion de la marmaille).
Alors certes, les propositions ne datent pas d’hier (Le Magicien d’Oz¹ par Julien Blondel² date de 2006, Les contes ensorcelés³ d’Antoine Bauza⁴ de 2007) et sont nombreuses, toutefois on assiste à une montée certaine de l’offre sur ce créneau, avec par exemple des titres comme :
Petits Détectives de Monstres
Sorcières et Sortilèges
Tails of Equestria
No Thank You Evil
Petits Pirates⁹ (dont le retour de lecture/jeu ne saurait tarder)
Cos’île Été¹⁰

Hé oui, il existe déjà de quoi mettre les microbes à la fête

Pour autant, on ne sait pas toujours par quel bout prendre tout ça (même si les enfants semblent avoir un penchant somme toute assez naturel au jeu et à la mise en situation) et des intermédiaires permettant d’aborder tranquillement le Jdr sont les bienvenus (après tout, beaucoup de rôlistes ont commencé par les livres dont vous êtes le héros) pour les parents (souvent débordés) que (pour certains) nous sommes devenus.
C’est en cherchant ce type de produit que j’ai découvert le projet Dreamquest¹¹ sur Ulule en 2018 et ai immédiatement été séduit par l’univers qu’il proposait.
Dreamquest 1.L’épée des Rêveurs consistait en une aventure conçue expressément pour être jouée par un enfant, accompagné d’un parent, sur le principe du livre dont vous êtes le héros, mais introduisant déjà quelques mécaniques ludiques propres (entre autre) au Jdr (pouvoirs spécifiques, points de Rêve, Carte de personnages et suivi de quête).
Pour l’avoir testé (de trèèèèèèès nombreuses fois) avec mon aîné à partir de ses quatre ans, ça fonctionne du tonnerre. Aussi c’est avec une grande joie que j’ai découvert récemment l’arrivée prochaine du nouveau projet du Studio Elixeer : Saga Explorer¹²
C’est donc en compagnie de Fabien VINCOURT¹³, l’un des parents du projet, que nous allons tenter d’en savoir un peu plus…
Ici les studios, à vous Cognacq-Jay….

Bonjour Fabien et merci de prendre un peu de ton temps pour venir discuter du nouveau projet du studio. Alors, Saga Explorer, c’est quoi ?

Bonjour David et merci de t’intéresser à notre nouveau projet. Saga Explorer s’inspire d’un dessin animé qui a marqué mon enfance  Les mystérieuses cités d’or¹⁴. en reprenant sa particularité de proposer une histoire suivie d’une petite partie culturelle. Avec Saga on veut aussi donner aux plus jeunes les moyens de vaincre leur timidité en développant leur expression en public et leur permettre de découvrir le monde de manière ludique. Nous reviendrons dessus un peu plus tard.

Avant de poursuivre sur les nouveautés, j’aimerais bien que tu nous fasses un petit retour sur le premier projet du studio, à savoir DreamQuest (parce que zut, c’était une super proposition que j’ai vraiment beaucoup aimé). J’ai longtemps attendu le tome 2, mais en 2019, une bien triste nouvelle a semble-t-il porté un coup d’arrêt à l’aventure…

Grâce au soutien de la communauté, nous nous sommes fait repérer par un petit éditeur 🙂 Space Cowboys¹⁵ qui était alors en train de monter la branche kids SpaceCow dirigée par Benoit Forget¹⁶. Nous avons saisi l’opportunité de retravailler le produit et lui donner une plus grande visibilité. Comme tu l’as dit, nous avons été lourdement touchés par la perte de notre illustrateur Yann Thomas. Après quoi il nous a fallu un peu de temps pour nous remettre en selle. Aujourd’hui le Tome 2 est finalisé de notre côté et se trouve entre les mains de notre éditeur qui essaie de trouver le meilleur moyen pour le publier avec toutes les problématiques de production et de logistique que nous connaissons depuis 2 ans.
Nous sommes impatients que vous l’ayez entre les mains tant l’aventure diffère du premier opus.

Vous revoilà donc aujourd’hui avec une nouvelle proposition… on s’éloigne de l’objet livre à proprement parler et on pousse un peu plus avant les supports ludiques pour explorer le monde. Qu’est-ce qui vous a poussé à changer votre formule d’origine dans cette direction ?

Notre formule d’origine existe toujours au travers Dreamquest à savoir donner envie de lire aux enfants. Cette fois-ci, nous voulons faciliter la prise de parole chez l’enfant et aussi l’accompagner dans la découverte et la mémorisation des pays par la manipulation d’objets.
Avec Saga Explorer, que ce soit en famille, en fratrie ou entres amis, les enfants vont d’abord vivre une aventure extraordinaire qui les mettra dans la peau d’aventurier. Ils prendront part à des scènes d’action et comme dans les jeux de rôle, ils devront expliquer comment ils se sortent de chaque situation. Pendant l’aventure, ils vont également manipuler la carte du pays pour découvrir les différents lieux et en fin de partie, ils viendront accrocher une ficelle entre les différents pays traversés, afin de suivre leur parcours tel de vrais aventuriers.

En parcourant la plaquette du projet, j’ai remarqué que vous allez décliner Saga Explorer principalement sous trois formules :
– L’accès au “prologue”, contenant le matériel nécessaire à l’ensemble des aventures ainsi que la première mission.
– L’abonnement pour 3 mois, proposant donc le prologue ainsi que deux nouvelles destinations.
– L’abonnement pour 6 mois, proposant toujours le prologue, ainsi que cinq nouvelles destinations.
Ça m’a l’air très chouette comme principe, mais dis-moi, ce n’est pas un peu vil (mouahahahaha !!!) de proposer une demi campagne à des parents qui vont devoir expliquer à leurs enfants pourquoi ils ne reçoivent plus leurs stickers au bout de deux mois (dans le cas d’un abonnement intermédiaire) ?

En effet David, il y aura bien plusieurs formules pour s’adapter au budget de chacun. Mais pas de craintes pour nos bambins si l’abonnement s’arrête au milieu de la campagne, il n’y aura pas de frustration. A chaque fin d’aventure, les enfants reçoivent une gazette numérique personnalisée reprenant les moments forts de l’histoire enrichie d’éléments nouveaux sur les personnages et l’univers. Si l’abonnement n’est pas reconduit, une fin sera également intégrée dans cette gazette.

Pour ce qui est de la rejouabilité (qui était à mon sens un des points forts de DreamQuest), à la maison, j’ai deux lutins qui ne sont bien évidemment pas jaloux l’un de l’autre pour un sou (comme tous les frères et soeurs) et ont un sens aigu du partage (comme tous les frères et sœurs).
D’après toi, je peux raisonnablement miser sur un seul abonnement pour le foyer ou je vais devoir hypothéquer ma maison pour éviter une guerre fratricide ?

C’est MOI qui mettrai le trait sur la carte… NAN MAIS !!!

Nous devrions pouvoir éviter les lancés de playmobils car en effet, un seul abonnement suffira pour la famille. C’est une aventure collaborative et les enfants vont donc réfléchir ensemble à la manière de se sortir de situations périlleuses en prenant chacun la parole l’un après l’autre. Un passeport pour le groupe sera rempli avec divers stickers à la fin de l’aventure en fonction du niveau de succès de la mission. Après si chacun veut posséder sa propre carte et son passeport, nous proposerons aussi une offre duo.

Sur la plaquette toujours, vous mettez en avant une approche tout en douceur du jeu de rôle (ce qui est très cool)… C’est une vraie volonté d’accompagner des parents et des enfants vers le loisir ou c’est plus un effet secondaire lié au format narratif que vous avez choisi d’utiliser ?

Alors c’est une véritable volonté d’accompagner le grand public vers les jeux de rôle. C’est un médium exceptionnel pour développer la confiance en soi et favoriser la prise de parole même pour les plus timides. Ce sont des histoires que l’on partage et que l’on vit qui restent gravés dans les mémoires. Saga Explorer a pour ambition de rendre accessible les jeux de rôle en limitant au maximum les règles qui restent un frein aux non-initiés.

Pour l’accès au jeu, vous indiquez : de 7 à 11 ans. C’est chouette, mais c’est une tranche d’âge qui commence à être bien fournie en propositions de jeux… à ce jour, le seul jdr que je trouve vraiment (mais vraiment hein, pas en adaptant sauvagement) adapté à des plus jeunes (disons 4/6ans) serait No Thank You Evil… Vous auriez des plans concernant cette tranche d’âge dans un futur plus ou moins proche ?

No thank you evil s’adresse déjà à des parents qui ont un pied dans les jeux de rôle pour qui lire des règles, utiliser des fiches de personnages, utiliser des compétences ne rebutent pas… Les textes dans Saga Explorer nous impose de donner cette tranche d’âge mais comme tu nous titilles là-dessus, nous avons bien pour objectif d’adapter nos aventures pour pouvoir les jouer avec des plus petits. 

Forcément, maintenant qu’on a parlé jeu de rôle, je vais vouloir en savoir plus sur le parcours de l’équipe concernant ce domaine… Vous pratiquez, avez pratiqué… ?
Et qu’est-ce qui vous a donné le déclic de dire « tiens, on va proposer à des parents et des enfants de vivre des aventures ensemble autrement qu’avec une manette dans les mains ou un abonnement à Netflix” ?

Nicolas a pratiqué les Jdr dans sa jeunesse et aujourd’hui il fait rêver les grands et les petits dans ses univers. J’ai pu faire découvrir à Frédérique et Victor le plaisir des jeux de rôle. Pour ma part, j’ai beaucoup pratiqué plus jeune et après une trêve boulot/parent, j’ai repris depuis quelques années avec un groupe d’amis et aussi avec ma fille (pour le moment principalement du medfan).
Quand on se fait des parties de jeux de rôle, on s’en souvient toute sa vie. On en reparle, on se refait l’aventure. J’aimerais que tout le monde ait la possibilité d’essayer au moins une fois. Après … on aime ou pas.

Alors, quand on s’attaque à un projet comme celui-là, le cahier des charges en termes de mécaniques ludiques, d’immersion et d’illustrations, ça ressemble à quoi ? Il y a eu des pièges à éviter ? Et comment, entre l’idée de départ et l’arrivée, tout cela a évolué ?

C’est un énorme travail de recherche et de test. Mettre des illustrations mais pas trop, pour qu’elles facilitent l’immersion, mais ne brident pas l’imagination. Ne pas être juste dans la proposition narrative comme la série For the Story¹⁸, qui  a l’avantage d’être simple mais reste compliquée pour des personnes ne pratiquant pas les jeux de rôle, car il faut imaginer toute la scène. Éviter l’écueil des Jdr plus classiques amenant son lot de compétences, statistiques et toutes les règles qui vont avec.

Des jeux For the story


Dans Saga Explorer, les joueurs prennent la parole à des moments clés de l’aventure. Une situation est décrite avec un objectif à atteindre. Un système de jetons et de prise de risque indique si les joueurs rencontrent des complications ou non. Enfin une liste de mots, certains proposés et d’autres imposés, leur est fournie pour décrire la scène et faciliter la prise de parole ainsi que l’imagination.

Vous avez des idées de développement pour cet univers de jeu ou c’est une campagne complète et bouclée, avant d’explorer un autre format ?

Saga Explorer est le concept qui englobe aventure et découverte culturelle.
Notre premier univers se nomme les Gardiens d’Atlantis. Au cours de la première saison, composée de six épisodes, les enfants vont vivre des aventures palpitantes dans six pays. Autant te dire que nous fourmillons d’idées pour faire découvrir bien d’autres pays et faire vivre de nouvelles aventures à nos minis Lara Croft¹⁹ et Nathan Drake²⁰ (regardez le teaser Uncharted le film pour avoir une idée de ce que vont vivre nos kids).

La crise du papier, des transports, etc commence gentiment à faire sentir ses effets… du coup, entre la naissance du projet, son développement et aujourd’hui, vous n’avez pas eu trop de sueurs froides quant à l’aboutissement ?

Comme beaucoup, cette problématique nous touche également. Nous avons dû revoir à plusieurs reprises nos contenus afin de maintenir un prix cohérent et accessible sans perdre sur la qualité du produit.

Quelque chose à ajouter pour le mot de la fin ?

Un gros merci à nos soutiens qui étaient là pour Dreamquest, qui nous permettent aujourd’hui de vous présenter Saga Explorer.

Hé bien voilà une fort jolie proposition pour celles et ceux qui voudraient sortir un peu leur gobelins des écrans (chose qui relève souvent du pari impossible pour pas mal de parents déjà bien occupés). Système simple, support visuel, goût de l’aventure, tout est là pour que vous puissiez les y mettre, sans pour autant avaler 200 pages de rêgles ou traduire à la volée un scénar après une rude journée de travail.
Le projet est donc en cours de financement sur Ulule et n’attends plus que de hardis aventuriers pour prendre son envol.
Pour ma part, je signe et attends désormais avec impatience le deuxième tome de DreamQuest… Allé hop, on y va ! En route pour l’aventure ta tatata (sur un air bien connu).

Propos de Fabien Vincourt recueillis par David Barthélémy.

Notes et références :

¹ Le Magicien d’Oz
² Julien Blondel
³ Contes Ensorcelés
Antoine Bauza
Petits détectives de monstres
Sorcières et Sortilèges
Tails of Equestria
No Thank You Evil !
Petits Pirates
¹⁰ Cos’Île été
¹¹ DreamQuest
¹² Saga Explorer
¹³ Fabien Vincourt
¹⁴ Les Mystérieuses Cités d’Or
¹⁵ Space Cowboys
¹⁶ Benoit Forget
¹⁷ For the story
¹⁸ Lara Croft
¹⁹ Nathan Drake

Dossier

Dossier Grümph part 2 : Interro Surprise


John Grümph en 2017 lors des journées d’étude Jeu de Rôle à la Sorbonne

Le petit monde du jeu de rôle français s’élargit de plus en plus depuis quelques années et c’est très positif comme témoignage de la relance de ce loisir. Nous avons d’un côté les « survivants » de la grande époque et de l’autre les « petits » nouveaux qui investissent la place avec de nouvelles créations … comme bien souvent, ce qui m’intéresse le plus est l’entre-deux, à savoir ceux qui en pleine déconfiture n’ont rien lâché et participé contre vents et marées au renouveau que nous connaissons aujourd’hui.
Lorsqu’au tout début des années 2000, Magic1 décimait les rangs des rôlistes aussi bien que la dysenterie le fit des philistins en leur temps, certains irréductibles se dressèrent pour faire face à l’ennemi et affirmer qu’il y avait encore de la vie dans ce petit bout de culture à l’agonie qu’était le jeu de rôle.
Parmi eux, l’homme qui nous intéresse aujourd’hui, à savoir : John Grümph2
Que ce fut avec le collectif Ballon Taxi3, les éditions John Doe4 ou encore la collection Chibi5, le personnage n’a eu de cesse que de fournir des heures et des heures d’évasion à des individus somme toute assez louches : les rôlistes. Pourtant, en dépit de tout cela et malgré un rythme de production à faire pâlir Henry Ford6, je ne peux que faire le triste constat que justice n’est pas rendue à ce travail de Titan (& fils … joke inside) dans les colonnes des différents organes de presse privilégiant bien souvent les mastodontes anglo-saxons, plus porteurs commercialement parlant.
Hé bien Mesdames et Messieurs, je ne suis pas d’accord et vous propose, afin de corriger ceci à la hauteur de mes petits moyens, un entretien avec cet auteur au cours duquel nous évoquerons son travail, sa conception du jdr, la vie, l’univers et le reste.

Bonjour à toi John Grümph (mes petits doigts tremblotent sur le clavier … non non je ne suis pas fan du tout) et merci d’avoir accepté de répondre à mes quelques questions.
Comme je le disais plus haut, ça commence à faire un petit moment que tu es dans le paysage rôliste français… qu’est-ce qui t’as décidé à t’y investir, au-delà du simple loisir, de surcroît à un moment où ça ne paraissait pas forcément très porteur ?

Bonjour m’sieur. Pour commencer, le plus simple c’est juste de dire que j’ai commencé à jouer en 1983, grâce au grand-frère d’un copain. J’avais d’autres envies de carrière – musicien, animateur de l’éducation populaire – mais aussi bien le caractère du bonhomme que ses capacités réelles ou l’état du marché de l’emploi l’en ont détourné. Du coup, pour ne pas rester à rien faire et avec une illusion de soi-même qui aurait pu être dramatique, je me suis mis dans l’idée de dessiner et de proposer mes créations à des éditeurs. Forcément, ça ne s’est pas fait du jour au lendemain, mais grâce à la triple circonstance de bénéficier d’un RMI pour vivre, d’être en couple avec une femme compréhensive et encourageante et d’avoir fait la rencontre de quelques belles personnes, j’ai fini par décrocher un premier contrat (Chamourai, avec Tarek et Darwin7). En vérité, ça m’a pris trois ans à apprendre sur le tas en bossant tous les jours (en grande partie pour ne pas décevoir ma moitié en me transformant en couch potatoe et puis aussi parce que c’est devenu de plus en plus facile de se mettre au boulot le matin).

Chamouraï tome 2

Le métier d’auteur de bandes-dessinées étant ce qu’il est et les éditeurs étant, en majorité, des crevards, c’était assez compliqué d’en vivre malgré tout – ou comment produire deux albums complets sans jamais être parvenu à se faire payer.
Dans le même temps, je jouais beaucoup – genre cinq ou six parties par semaine (en présentiel bien sûr) – et je produisais du texte et des univers-maison pour ma consommation personnelle. Fin 2003, l’arrivée de l’ADSL (et de l’internet 24/7) dans mon coin paumé m’a permis de rencontrer Emmanuel Gharbi8 via les mails et les forums. Il bossait sur Exil9 et le proposait en libre téléchargement. Une équipe s’est constituée autour de lui pour essayer de transformer son jeu amateur (on est en pleine période CDJRA10) en quelque chose de professionnel. On fonde Ballon-Taxi (avec Antoine Bauza11 et Pierrick May12, qu’on retrouvera plus tard, et d’autres personnes) et un an et demi plus tard, on sort Exil chez Edge13. C’est à peu près à ce moment-là que j’ai décidé que les éditeurs de BD étaient définitivement des crétins et que je n’avais pas spécialement besoin d’eux. Avec Manu, on se lance dans la création de John Doe avec l’idée de sortir les bouquins qui nous plaisent sans devoir attendre le bon vouloir de quiconque.
Proposer un bouquin à un éditeur, c’est trois mois de taf minimum juste pour lui présenter le projet. Quelques semaines à quelques mois d’attente. Et une réponse négative neuf fois sur dix, au mieux. Quand c’est positif, c’est juste décrocher un rendez-vous, pas un contrat.
En faisant les choses soi-même, on se décide très vite si un bouquin va sortir ou pas. Et on le sort. Sans perdre de temps. Et on se paye dessus si tout va bien.
C’est ce qu’on a cherché à faire avec John Doe, avec des succès variés. Mais la motivation, c’était vraiment de faire (enfin) le boulot que je m’étais choisi (auteur-illustrateur), dans un domaine qui me plaisait infiniment (le jeu de rôle) et avec des conditions correctes (en indépendant). Une fois lancé, le principe c’est seulement de mettre un pas devant l’autre et de recommencer, bouquin après bouquin.

Bon, faire vivre le jdr n’est pas chose aisée, s’en nourrir encore moins. Comment as-tu géré les choses au fil du temps, de Ballon Taxi à nos jours ?

Le collectif Ballon Taxi

Clairement, les revenus ont été longs à se mettre en place. Mais je le savais en commençant. Il faut dix ans après son premier contrat pour plus ou moins vivre de ce boulot – j’avais été prévenu par des professionnels.
Il y a eu plusieurs phases. D’abord, tant que mes gamins étaient petits, on considérait à la maison que j’étais seulement auteur à mi-temps. J’ai fait la nounou et l’homme au foyer pendant une dizaine d’années tout en produisant des bouquins pour JD ou en bossant comme traducteur pour d’autres éditeurs (Sans-Détour14, Edge, la Bibliothèque interdite15). Les rentrées étaient irrégulières, mais ma femme est professeur en lycée et donc elle a toujours assuré la chasse au mamouth pendant que je m’occupais de la grotte et des lémuriens qui l’habitaient. Les choses ont changé quand les petits sont devenus plus grands et qu’ils n’avaient plus besoin d’une nounou, mais de tas de trucs utiles pour des primates en phase de prise d’indépendance. C’est à ce moment-là que j’ai créé Chibi en 2015, dans l’espoir d’assurer des revenus plus importants et plus réguliers. Et j’ai eu la chance que ça marche.
Du coup, je ne me plains pas. Partant du RMI (genre 300 balles par mois), j’ai toujours augmenté mon salaire jusqu’à atteindre les 1000 balles aujourd’hui. C’est sans doute pas bézef, mais
1/ je n’ai pas besoin de vider des poulets pour ça et
2/ j’ai un métier que j’adore et qui me comble et tout le temps dont j’ai besoin pour faire les choses comme je veux.
Et, franchement, vu mon niveau graphique, je ne pourrais pas espérer travailler comme art designer pour une grosse boite avec un gros salaire, donc ça me convient parfaitement.

Tu es auteur, illustrateur, traducteur, maquettiste, éditeur avec John Doe et indépendant avec ta collection Chibi. Un véritable Swiss Army Man16 (mais bien vivant) de l’édition …
Tu t’es formé sur le tas ? Et ça c’est fait comme ça ou c’est issu d’une réelle volonté d’indépendance de ta part ?

Je suis entièrement autodidacte – avec l’aide précieuse de plein de gens qui m’ont conseillé, montré des trucs, donné ma chance et ainsi de suite… Tout s’est fait selon les opportunités et les nécessités. Quand j’ai besoin d’apprendre un truc, j’essaie de trouver le temps pour ça. Ensuite, c’est des heures et des heures à pratiquer jusqu’à trouver des méthodes qui fonctionnent. J’ai appris le dessin comme ça (et je continue à l’apprendre en regardant des profs sur youtube), j’ai appris à écrire en soumettant mes textes à la critique et en discutant avec d’autres auteurs. La traduction, au début, c’était seulement pour mon usage personnel, jusqu’à atteindre une certaine fluidité (mais, là encore, je ne suis pas au niveau d’un vrai pro qui a fait des études dans le domaine et qui maîtrise infiniment mieux toutes les subtilités du travail).
Je présume que tout provient des besoins. Je n’ai pas les moyens de faire faire les choses par d’autres. Donc j’apprends à faire moi-même. Au début, c’est pas terrible. Et puis on se met à tricher et à simplifier. Je ne peux prétendre à la maîtrise dans aucun des domaines nécessaires au métier que j’exerce – je fais au mieux, mais je profite surtout de pouvoir intégrer tout ça dans une même chaîne de production, en réfléchissant à toutes les étapes à la fois tout au long du processus de création et de développement. Et puis, surtout, ça me donne la possibilité de lancer n’importe quel projet perso en sachant ce que je peux espérer atteindre comme résultat et ce que je ne saurai pas faire.

Quand j’étais en formation de musicien professionnel, l’ un de mes profs un jour, nous a dit que tout artiste renfermait en lui une part de mégalomanie, ne serait-ce que par le fait d’estimer que sa vision méritait d’être exprimée devant le plus grand nombre … c’est certes un peu réducteur, mais l’image m’a marquée durablement. Les rôlistes sont (d’expérience) souvent bien pourvus en la matière, mais de ton travail se dégage, à mon sens, une forme de modestie que j’ai bien du mal à m’expliquer. Comment tu fais ça ? Et surtout, suis-je totalement à côté de la plaque dans mon ressenti ?

Par principe, je fais les choses d’abord pour moi. Je ne cherche à prouver à personne que je suis le meilleur ou que mes idées sont les seules qui vaillent. J’ai un gros ego, je pense, mais je ne ressens pas le besoin d’aboyer pour le prouver au monde.
Fac et Spera : fais et espère.
J’en ai fait ma devise. Je fais les choses d’abord pour moi et j’ai la chance immense de trouver un accueil et un écho chez plein de gens qui suivent mon boulot. J’essaie aujourd’hui d’être au service de la clientèle et de leur proposer le meilleur possible, mais je continue quand même à bosser d’abord pour mon plaisir, les besoins de ma table, mes envies de jeu et ainsi de suite. C’est aussi pour ça que je produis peu de suite à mes bouquins – je vais au bout de ce que j’ai à dire et de ce dont j’ai besoin, puis je passe à autre chose qui me fait envie.
Je ne sais pas si c’est tellement modeste comme approche, en fait. C’est juste que je ne m’embête pas tellement avec ce qu’on peut penser de moi – sauf des rares personnes qui comptent vraiment. Je suis plus intéressé par ce qu’on peut dire de mon boulot. Quand j’ai commencé de manière professionnelle dans le JdR, j’avais déjà fait toutes mes expériences de désillusion et d’échec – et de leur non-importance pour continuer à avancer. J’imagine qu’en vieillissant, on s’attache de moins en moins à ces choses.
D’un autre côté, intérieurement, ce qui m’intéresse, c’est de faire “oeuvre” – de produire plein de bouquins, de développer des trucs, de laisser quelque chose. J’espère que quelques-uns passeront à la postérité, mais ce n’est pas à moi de dire – je peux très bien être le Sainte-Beuve de ma génération. Pas grave – je ne serai plus là pour m’en désoler. Et en attendant, j’ai juste à faire du mieux que je peux (et surtout du bon boulot – merci Laurent). Fac et Spera.

En parcourant tes jeux, notamment depuis Les Mille Marches17, j’ai l’impression que tu t’es lancé dans une sorte de quête du système de jeu « ultime », ou du moins de ton système de jeu « ultime », remettant sur l’ouvrage des mécaniques d’un jeu à l’autre et les affinant ou les poussant de côté au fil du temps.
En ce sens, Oltree !18 (que j’apprécie tout particulièrement) m’a toujours semblé faire office de phylactère contenant une grande part de tes réflexions ludico-narratives (bouhou, nan mais sortez-le avec ses grands mots) … il y a de ça ou bien ?

Oltree ! un jeu qu’il est bien, un jeu qu’il est beau !

J’écris les jeux et je développe les mécaniques dont j’ai besoin pour ma table. C’est moins vrai pour les traductions, qui sont toujours des coups de cœur mais qui ne proviennent que rarement d’une nécessité. L’essentiel des jeux que j’ai écrits l’ont été pour ma table de jeu, selon mes besoins ou les envies de mes joueuses. Généralement, je me pose des questions sur la manière dont je mène, sur les outils dont j’ai besoin, sur les mécaniques de gamedesign qui seraient utiles pour améliorer l’expérience ou pour amener les joueuses à jouer de telle ou telle manière. Toutefois, j’essaie de ne pas passer mon temps à réinventer l’eau froide.
Quand un outil semble fonctionner, je l’utilise et je le réemploie à chaque fois que j’ai besoin, ajoutant de nouveaux outils à ma panoplie, les affinant aussi. Parfois, il y a des outils mécaniques qui finissent par ne plus être que des conseils – des principes de jeu à garder dans un coin de l’esprit mais qu’on peut gérer de manière plus informelle.
Là, j’ai passé pas mal de temps à réfléchir aux mécaniques de l’improvisation, au player’s skill, à la manière dont l’esprit de la maîtresse de jeu fonctionne quand elle invente ou rebondit sur les inventions des joueuses. Je commence à avoir quelques pistes que je transforme en principes ou en mécaniques.
Plus tard, quand ça sera digéré, je passerai sans doute à autre chose, mais ça sera toujours là quelque part. Je présume que c’est ça qui donne une impression de continuité dans mon travail. Il n’est jamais détaché de ma pratique, y compris quand je me foire.
Ensuite, et c’est peut-être un souci, j’ai aussi toujours peur de me répéter et de remplir mes bouquins avec des évidences déjà rabachées. Il y a des choses qu’on va trouver dans d’anciens bouquins mais pas dans les nouveaux alors que ce sont des choses que j’emploie en permanence à ma table, quel que soit le jeu. Je dois penser que c’est intégré par mes lecteurs et qu’il n’y a pas forcément besoin d’y revenir…

Au moment de se lancer sur un nouveau jeu, tu pars le plus souvent sur un concept bien particulier, des illustrations évocatrices ou des points de règles que tu souhaiterais mettre en situation ? Et sinon, tu es plutôt du genre à avoir besoin d’une vision globale des choses avant de te lancer, ou risque-tout fonçant au gré des idées pour voir où ça le porte ?

Il n’y a pas de méthode particulière. Certains jeux naissent en quelques heures ou jours – le matin pour le soir presque si j’ai une ouverture pour faire jouer ; d’autres ont nécessité des mois de boulot et de tests.
Les idées peuvent provenir de plein de choses – en fait, la plupart du temps, je ne sais même pas trop comment ça peut naître : après une sieste, en montant l’escalier pour aller me coucher, en voiture, en discutant avec les potes, en reposant un bouquin… Des fois c’est un thème, d’autres fois une mécanique – presque jamais des images ou des illustrations, sauf peut-être des plans et des cartes.
Ensuite, j’ai un processus d’élaboration et de maturation assez particulier : je bosse sur un projet donné pendant quelques jours parce que ça m’amuse ; parfois il avance bien, des fois non ; et puis je passe à autre chose, qui avance à son tour, avant de laisser sa place à un autre projet – j’en ai toujours une quinzaine d’ouverts sur mon bureau. De temps en temps, un projet arrive suffisamment à maturation pour que je sente qu’un dernier coup de rein peut le faire aboutir. Là, je vise la parution et je boucle aussi vite que possible, en rentrant dans une sorte de zone exclusive assez intense.
C’est, en fait, ce qui explique la productivité. Je ne bosse pas sur un truc mais sur dix et je laisse l’inspiration faire son boulot. C’est seulement que je bosse tous les jours et que je peux passer d’un truc à un autre, des fois dans la même journée.
C’est parfois compliqué quand je bosse en collaboration, pour le coup, parce qu’il m’est difficile de livrer quand je suis sur autre chose, que je n’ai pas d’inspiration ou d’idées pour le projet en collab, que mon cycle de travail m’a emmené vers d’autres projets, que j’ai l’esprit ailleurs ou que je suis à fond sur une finition de bouquin. Alors bon, maintenant j’essaie de ne plus faire faux bond en ne disant plus oui aux projets extérieurs (ou le moins possible), histoire de ne plus me fâcher avec personne.
Dernièrement, avec la nécessité du gratuit mensuel pour le patreon, j’ai commencé à aborder les choses avec un peu plus de discipline qu’avant. Il y a désormais au moins un truc que je dois absolument boucler chaque mois.

Ça ressemble à quoi une journée de travail du Grümph ?

Levé entre 6h et 9h la plupart du temps, selon l’état du sommeil ou l’heure du réveil de ma femme. Un peu de glandouillage devant les mails, les forums, discord, youtube, en prenant le tidéj et puis boulot jusqu’à l’heure de se mettre au lit entre minuit et deux heures du mat. Entre les deux, j’ai du temps pour les courses, ma part des tâches ménagères, la cuisine quand c’est mon tour, une petite sieste (toujours), pour jouer de la musique, faire des trucs avec la famille et jouer avec les copains.

Hé bien oui, tout le monde doit faire le ménage !

C’est un peu fonction des jours.
Mais dans l’ensemble, j’ai entre 6 et 12 heures de bon boulot tous les jours, sept jours sur sept, sans vraiment de vacances (les gens autour de moi ont des vacances, mais je continue toujours à passer du temps à écrire, à concevoir, etc. ne serait-ce qu’avec un carnet ou un cahier – ou alors serait-ce que je suis toujours en vacances ?). Tout ça, ça occupe une vie, tranquillement et sans stress.

Et d’ailleurs, en toute indiscrétion, tu bosses sur quoi en ce moment ?

Plein de choses. Le temps que l’article paraisse, je serais sur d’autres trucs encore et une partie de ce sur quoi je bosse aujourd’hui sera peut-être sortie. Mais j’ai largement de quoi m’occuper.

Quelques bruits de couloir trainent concernant une V2 de Oltree, ainsi qu’un jeu de plateau du même nom.
A moins qu’une certaine top secrétitude ne soit de rigueur, mon petit doigt m’a dit qu’une V2 du Exil d’Emmanuel Gharbi reposant sur certaines mécaniques abordées dans N.YX19 pourrait bien être sur le feu du côté de John Doe … Tu en es ?

Le magnifique écran de la V1 de Exil

Oltréé² est dans les tuyaux depuis plus d’un an. Les divers confinements ont arrêté les tests en plein vol et il est très difficile de jouer en distanciel, avec les cartes et les accessoires. Mais c’est très avancé. Je reprendrai quand j’aurai l’envie et la possibilité de jouer.
Antoine Bauza sort effectivement un jeu de plateau Oltréé, chez Studio H20, illustré par Vincent Dutrait21. ça envoie du bois grave ! Le jeu est magnifique, les mécaniques au top. C’est du coopératif, avec plein d’histoires à jouer et une ambiance fidèle au JdR.
Pour Exil2, je ne sais pas ce qu’il en est du secret autour du projet. On vient juste de lancer des tests de trucs avec la Dream Team et effectivement, le système de N.Y.X a l’air de trouver un écho favorable autour de la table. Dans tous les cas, ça va être très bien…

Et puisqu’on est sur les V2, c’est quoi l’intérêt et les difficultés quand on reprend un jeu qu’on connaît bien pour en proposer une relecture ?

Une V2 c’est l’occasion d’affiner des points, de virer des scories, de lisser l’écriture en profitant d’années d’expérience en tant qu’auteur – et de relire un jeu comme si on ne l’avait jamais écrit soi-même. On ne fait plus les choses de la même manière. On n’attache plus la même importance aux mêmes choses. Certaines deviennent secondaires, d’autres gagnent en force. On ne tient plus le même discours non plus. C’est assez intéressant de se relire (avec horreur) et de tenter d’être plus fin, plus subtil.

Si tu avais un conseil à donner à un jeune auteur qui veut se lancer, le genre de truc que tu aurais aimé qu’on te donne à tes débuts, ça serait quoi ?

Alors, attention aux TMS. Une bonne position de travail, c’est juste le truc le plus important qui soit. Sinon, c’est lumbago, sciatiques, tendinites, et tout ce qu’on veut comme douleurs dans tous les sens. Et pourtant, si on a le bon poste de travail, on peut s’éviter tout ça. Donc surtout, surtout, ne bossez pas sur une table à la con avec la première chaise venue. Travaillez l’ergonomie de votre espace et réévaluez-le aussi souvent que nécessaire.
Et épousez un.e fonctionnaire.

Je le disais dans l’introduction, mais tu es plus que discret dans les différents médias rôlistes, c’est un choix, une malédiction ?

Je ne sais pas. Je ne suis pas un communicant. D’une part, je n’ai pas le temps et le goût pour ça. ça m’emmerde de devoir me vendre. Je trouve ça limite indigne. Mon boulot c’est de créer et d’inventer, pas de convaincre le monde que je suis un génie. D’autre part, j’estime, à tort sans doute, que c’est le boulot des journalistes que d’aller chercher les infos, pas juste d’attendre des communiqués de presse.
D’un autre côté, c’est pas comme si la presse rôliste existait pour de vrai. Il y a des revues et des sites, mais les gens qui y écrivent n’ont pas le temps pour tout lire, tout critiquer, tout citer – c’est bien normal. Et qu’ils lisent et critiquent en priorité les trucs qui leur plaisent, c’est normal aussi. Du coup, je suis assez détaché de ça. Je suis content des articles et des critiques sur mes jeux, je réponds aux questions qu’on me pose, j’aime bien participer aux tables rondes et aux conférences, mais je ne cours pas après. Je préfère prouver mon existence par mes jeux que par ma gueule sur Youtube
De toute manière, c’est la malédiction des auteurs. On a entre 1 et 3% de retours sur ce qu’on publie, gratuitement ou non. Les gens suivent, lisent, s’intéressent, mais c’est pas non plus leur boulot que de faire des retours ou de pondre des critiques. Du coup, moi je regarde seulement les chiffres de vente. C’est un bon indicateur. Et puis, pour le reste, il y a quand même les discussions sur Discord ou les forums.

D’un jeu à l’autre, tu peux totalement changer d’approche dans tes illustrations. Si l’on compare Les Cahiers du Vastemonde22 à Aux seuil d’Abysses très anciens23 ou Technoir24, on se rend bien compte des différences.
Je ne suis pas illustrateur (en fait, je suis à peu près incapable de reproduire Peppa Pig sans papier calque), mais en tant que musicien, je vois bien l’effort que ça demande de passer mettons du blues au métal ou au funk, tout en restant convaincant. Tu opères comment tes transitions d’un style à un autre ?

Ouiiii, alors je ne dessine pas très bien… Nan mais ho… il suffit hein !

En fait, je suis terriblement limité techniquement. Je fais bien comme je peux. J’essaie seulement de coller à l’esprit du jeu en essayant de trouver des solutions graphiques que je peux tenir. Un vrai musicien, c’est quelqu’un qui peut tout jouer – pour ça, il faut à la fois des compétences techniques monstrueuses et d’autre part un feeling et une ouverture d’esprit incroyable (genre Thomas Gansch25, le trompettiste). Un vrai illustrateur, c’est pareil, il peut tout faire – genre Moebius26 ou Uderzo27. Moi je fais ce que je peux. Je cherche beaucoup pour trouver les approches intéressantes. J’ai juste quelques tours dans mon sac – savoir bien composer une image, un encrage pas trop foireux et puis remplacer le talent par le remplissage avec des tas de détails qui font trop genre. C’est le principe d’un bon prestidigitateur : regardez ici et vous ne verrez pas l’illusion.

Une petite dernière pour la route ?
Qu’est-ce que tu penses du marché du JDR en France ? Il y a plein de « nouveaux » auteurs qui arrivent, dont pas mal qui s’inscrivent dans une démarche similaire à la tienne en terme d’indépendance (je pense à des gens comme James Tornade28, Anthony Combrexelle29, Vivien Féasson30 ou encore Romaric Briand31)… Tu suis un peu le travail de certains ou pas le temps ?
Tu penses que c’est ça l’avenir du Jdr (au moins chez nous) ?

Non, l’indépendance n’est pas sale… Vous pourriez même y trouver quelques jolies pépites

Même à l’époque où le JdR était mort, personne n’avait réclamé le corps et tout le monde continuait comme si de rien n’était. C’était l’époque bénie de la CDJRA ou de la Cour d’Obéron32. Mine de rien, pas mal d’auteurs (ou même d’éditeurs actuels) viennent de cette scène-là – y compris des “nouveaux” que tu cites et qui sont quand même dans le coin depuis longtemps, comme Yno ou Romaric.
Dans tous les cas, la scène française a toujours été bouillonnante. Ce n’est pas récent. Dans les années 90, j’appartenais à un club où chacun avait son ou ses petits mondes maison, avec un système commun au club, etc.
Et pas loin, on avait Finrod33 qui éditait son fanzine Arkenstone. C’était déjà bouillonnant, mais dans notre coin, parce que les canaux de diffusion n’existaient pas tellement.
Avec la CDJRA, ça partait dans tous les sens.
Ensuite, pas mal de gens ont maintenu cette activité – en écrivant des jeux, en podcastant, en bossant pour des éditeurs installés – tout le monde n’a pas le goût de l’indépendance et c’est très bien aussi. Et des nouveaux n’ont jamais arrêté de se mêler de ça non plus, en amenant de nouvelles choses. Moi je suis juste content de durer un peu au sein de cette scène, de ne pas devenir trop vite dépassé et vieux-jeu.
D’une manière générale, j’essaie de rester au taquet avec les sorties et la production. Je ne lis pas tout, mais je reste informé et puis pas mal d’auteurs sont des potes ou au moins des relations – Johan Scipion34, Romaric, Melville35, Thomas Munier36, Koba37, les Lapins Marteaux38, Mangelune39, etc.
Il y a toute une partie de cette production avec laquelle je suis moins en phase – les storygames, les PbtA, les jeux à drama, et ainsi de suite – parce que c’est pas mon kif de joueuse, mais je les lis et je trouve ça très intéressant, a minima pour évaluer ce que j’aime et ce que je n’aime pas, ce à quoi j’ai envie de jouer ou les domaines dans lesquels j’ai encore des trucs à dire. Je dois certainement rater plein de monde, forcément, notamment plein de trucs qui sortent sur itchio40.
Ceci étant, je teste réellement très peu de choses en dehors de mes productions, sauf les créations des joueuses à ma table (qui vont bientôt arriver) ou quand on organise un one-shot de quelque chose. Mais je suis super content de cette variété, de ces recherches, de toute l’énergie qui existe.

Et voilà qui conclura notre entretien. Vous l’aurez compris, être auteur de jdr n’est pas simple et demande de nombreuses concessions en plus d’une passion certaine, mais quand on s’en donne les moyens … quel bonheur.
On notera également qu’une vie existe en dehors des maisons d’édition (c’est d’ailleurs à mon sens là qu’il se passe le plus de choses) et qu’il est important de donner plus de visibilité à celles et ceux qui font le pari de mener leur barque en dehors de ces grands canaux, ne serait-ce que pour qu’ils aient un retour sur leur travail (et parce qu’ avouons-le, un minimum de reconnaissance fait toujours du bien quand on doit se lever le matin pour aller ramer à contre-courant).
Un très grand merci à John Grümph pour ses réponses à mes questions, en dépit d’un emploi du temps bien rempli et pour tous les jeux qu’il continue inlassablement de mettre à la disposition de ce public turbulent (ayant de surcroit souvent la dent dure) que constituent les rôlistes
de France et de Navarre.

Et pour toujours plus de Grümphitude, revenez vite nous voir pour le très imminent « Dossier Grümph part Two »TATATAAAAA !!!

Propos de John Grümph recueillis par David Barthélémy

Notes et Références :

1 : Magic l’Assemblée
2 : John Grümph
3 : Ballon Taxi
4 : John Doe
5 : Chibi
6 : Henry Ford
7 : Chamourai
8 : Emmanuel Gharbi
9 : Exil
10 : CDJRA
11 : Antoine Bauza
12 : Pierrick May
13 : Edge Entertainment (UbIk, la maison d’édition de Exil a fusionné avec Edge en 2008)
14 : Sans-Détour
15 : Bibliothèque Interdite
16 : Swiss Army Man
17 : Les Mille Marches
18 : Oltréé !
19 : N.YX
20 : Studio H
21 : Vincent Dutrait
22 : Les Cahiers du Vastemonde
23 : Au Seuil d’Abysses Très Anciens
24 : Technoir
25 : Thomas Gansch
26 : Moebius
27 : Uderzo
28 : James Tornade
29 : Anthony « Yno » Combrexelle
30 : Vivien Féasson
31 : Romaric Briand
32 : La Cour d’Obéron
33 : Finrod et Fanzine Arkenstone
34 : Johan Scipion … P.S. achetez Sombre … Sombre c’est bon, mangez-en !
35 : Melville
36 : Thomas Munier
37 : Kobayashi
38 : Les Lapins Marteaux
39 : Mangelune : Vivien Féasson
40 : itch.io