Focus

Focus sur Frédéric Meurin autour de l’élevage des huitres

Pour beaucoup de rôlistes, au delà des parties plus ou moins régulières, il est une aspiration qui revient souvent… Travailler dans le Jdr.
Tout le monde en parle à un moment ou un autre, mais « relativement » peu y parviennent.
Comment, qui, pourquoi eux et pas nous ?
Mais quelle injustice criante nous frappe au point que les 124 concepts révolutionnaires qui sont dans les tiroirs… restent dans les tiroirs ?
Souvent, la réponse tient en peu de mots… IL FAUT BOSSER !
Ok, bosser donc. Par là dessus, il faut également guetter les opportunités et se jeter dessus quand elles se présentent, ce que j’ai bien intégré puisque je profite honteusement de l’arrivée imminente du prochain financement des suppléments pour la V2 de Vampire : Le Requiem pour arracher une interview à Frédéric Meurin, responsable de la com’ autour du projet et auteur de Jdr…
Prenez en de la graine et aiguisez vos canines, ça va saigner.


Salut Frédéric et merci de prendre un peu de ton temps pour répondre à mes quelques questions.
Bon alors, j’ai cru comprendre que depuis quelque temps, ton activité dans l’édition de Jdr s’était pas mal intensifiée… Entre 7e Mer¹, Vermine 2047², Valérian³ ou encore Tiny⁴, tu as de quoi t’occuper.
Tu peux nous en dire un peu plus sur ton parcours pro dans le Jdr et comment les choses se sont mises en place ?

Salut Barthus et bonjour à toutes celles et ceux qui nous lisent !
Tu as pas mal résumé la situation, ça bouge de tous les côtés.
J’ai découvert le JdR comme beaucoup dans les années 90, au lycée. Certains ont persisté et sont passés pro, pour ma part c’est à la fin des années 2010 que j’ai mis le pied de l’autre côté. Le Studio Agate⁵ cherchait des relecteurs pour la toute fraîche 2e édition de 7e Mer, et de là les choses se sont enchaînées. Relecture pour Vampire : Le Requiem 2e Edition⁶, toujours chez Agate, rédaction des suppléments Le Coffre à jouets et du Bestiaire des cauchemars pour Tiny chez Jdr Editions⁷, de scénarios pour 7e Mer, participation à Valérian chez LETO⁸, au premier supplément pour Oreste⁹ chez Elder Craft¹⁰… 2020 a été très riche en rencontres et en opportunités, chaque travail ouvrant presque la porte d’un autre !

Et 2021 promet de ne pas être en reste avec comme tu l’as dit, de gros morceaux de rédaction et de coordination éditoriale sur Vermine 2047, plus d’autres projets donc je ne peux pour le moment pas parler.

Toutes ces participations à droite à gauche semblent faire de toi une sorte de mercenaire de l’édition. C’est un choix délibéré, une question d’opportunités, un réel besoin de se diversifier ? Dans tous les cas, ça te permet de “voir” le fonctionnement de différents éditeurs et leurs méthodes de travail. Tu dois t’ajuster aux différentes exigences de chacun ou telle une rock star tu poses tes conditions et advienne que pourra ? 

Ouh là, c’est me faire trop d’honneurs ! Et je ne crois pas que quiconque ait les moyens d’imposer ses conditions dans le petit milieu du JdR, les budgets n’ont rien à voir avec une tournée de Beyoncé.
Quant au mercenariat, cela reste finalement très limité : je n’ai travaillé qu’avec quatre éditeurs entre 2019 et 2020. J’ai des copains qui bossent pour bien plus de monde (d’ailleurs, je me demande quand ils dorment) ! Là encore, c’est pour beaucoup une réalité économique. Cette passion – de l’écriture, du jeu de rôles ou des deux – peine à faire vivre les auteurs et les autrices en France, par manque d’un statut et d’une meilleure reconnaissance dans la chaîne du livre.
Donc cette relative diversité visait clairement un objectif : celui de me professionnaliser, ce que je viens de concrétiser. J’ai pas mal décroché mon téléphone ou mes mails, rencontré du monde sur des salons, répondu à des annonces – ça existe ! Il fallait franchir un certain volume pour oser abandonner mon boulot en CDI et devenir saltimbanque option écriture.
Des opportunités, un peu d’insistance pour “mettre le pied dans la porte” et beaucoup de chance m’ont donc permis de travailler sur des projets très divers dans les circonstances très particulières que nous avons tous connues avec les confinements à répétition. C’est parfois compliqué de switcher entre la SF space-opera-réaliste d’Oreste, celle beaucoup plus pulp de Valérian ou celle encore différente de Projet-secret-je-ne-dirai-rien. D’autant qu’au-delà de l’ambiance, le cahier des charges change du tout au tout : Sébastien Moricard¹¹ a une vision très précise de son univers, et il t’invite à l’enrichir tout en gardant un cap aussi bien pour son jeu que pour les joueurs qui vont l’explorer. Pour Valérian, les albums constituent une bible incontournable. C’est une mine d’informations, donc tu ne veux rien oublier sans trop pouvoir broder, de peur d’exploser le signage ou pire, de voir les ayants-droits retoquer ta copie. Le vide intersidéral n’offre pas toujours la même marge de manœuvre !
Après, c’est un lieu commun, et pourtant une réalité : “de la contrainte nait la créativité”.
Ces cadres permettent justement de travailler l’imaginaire et d’explorer des voies très variées avec comme tu le dis, des méthodes de travail très différentes.
Cela reste très enrichissant d’un point de vue créatif et méthodologique : le niveau d’exigence s’en trouve souvent relevé et on prend le meilleur de chaque méthode pour l’appliquer à chaque commande. S’inspirer et améliorer, mhm, ouais, j’ai peut-être encore quelques réflexes de ma vie d’informaticien d’avant ! 

Ton travail au sein du Studio Agate ne s’arrête pas à la rédaction et à la coordination puisque tu es aussi chargé de la com autour de la gamme Vampire le Requiem. C’est une part de l’édition souvent problématique pour pas mal de monde, du coup comment tu gères ça et en quoi ce travail consiste exactement ?

Tel que je le vois du petit bout de ma lorgnette, et de ce que j’entends de mes collègues d’ici et d’ailleurs, le petit monde du JdR français arrive à un moment charnière. Les difficultés qui ont frappé le secteur, avec les confinements, les boutiques qui ont dû fermer, les clubs qui ont interrompu leurs activités et une année ou plus de conventions et salons annulés, obligent un peu tout le monde à se réinventer. La concurrence reste cordiale mais elle existe bien évidemment, donc il faut sortir son épingle du jeu (pun intended). Les concours de circonstances, encore eux, font que l’essentiel de mon activité se fait désormais sous les couleurs d’Agate – avec encore un peu de temps pour les jouets de Tiny.
Cela comporte pour le Studio la mise en œuvre de (progressivement) tous les aspects communication. L’actualité du Studio pour 2021 est très dense, avec beaucoup de très gros projets qui arrivent à leur conclusion à la rentrée – ou plutôt qui arrivent à la fin de leur phase une, un peu comme le MCU¹². Je pense bien sûr à la Tétralogie Dragons¹³, à Melwan¹⁴ et Romantisme Noir¹⁵ pour Esteren¹⁶, dont les livraisons vont avoir lieu si tout se passe bien à l’automne. C’est une très grosse étape et les pôles logistique et fabrication du studio mettent les bouchées doubles pour conclure ces projets très attendus (avec en plus Démon : La Damnation¹⁷, Sociétés secrètes pour 7e Mer, et la prochaine précommande de Vampire : Le Requiem qui se tiendra du 5 au 19 juillet 2021).
Nous nous devons de tenir nos souscripteurs au courant de l’avancée de ces travaux, et surtout de préparer la suite.


Parce qu’il n’y pas de phase une sans une belle phase deux, et celle-ci promet d’être extrêmement riche. Les gammes Dragons et Esteren vont poursuivre leur développement, Vermine 2047 va perdre son E final pour traverser l’Atlantique, d’autres projets sont en cours de réalisation, et nous préparons d’ores et déjà deux beaux projets pour la rentrée.
Le premier consistera en une grande campagne originale pour 7e Mer, de création 100% française, afin de compléter notre offre de scénarios pour ce jeu. Et si les aficionados de la V1 regrettaient n’avoir “que” quatre nouveaux scénarios à se mettre sous la dent en plus de ceux repris de la première édition, cette fois, ils auront de quoi emmener leurs Héros de la Théah aux quatre coins du monde ! Les textes sont intégralement rédigés, les illustrations prêtes à 80%, et l’été promet d’être très studieux pour ceux qui bossent sur ce projet pour qu’il arrive sur Ulule¹⁸ le plus finalisé possible.
Le deuxième concrétisera une annonce faite par le Studio il y a bientôt un an et concerne Brancalonia¹⁹. Il s’agit d’un jeu indépendant motorisé par la 5e, édité en Italie par Acheron Games²⁰. Plutôt que de sauver le monde, ce cadre original propose aux joueurs de réaliser rapines, escroqueries et autres coups pendables : ici pas de Héros, juste des Canailles, dans le plus pur esprit des westerns spaghettis. Si vous avez toujours rêvé de jouer Tuco plutôt que Blondin dans Le Bon, La Brute et Le Truand²¹, ce jeu est pour vous ! Par contre, il se peut qu’à un moment, on vous rappelle que le monde se divise en deux, ceux qui savent lancer Boule de feu, et ceux qui creusent… et que vous, vous creusiez !  La traduction est finalisée – autant pour le livre de base que le kit d’initiation et plein de belles surprises sont là aussi en cours de préparation pour un Ulule haut en couleurs dans le courant de l’automne.
Et pour répondre à ta question : voilà en quoi consiste mon travail de communication pour le studio. Donner envie et teaser ! Blague à part, cela comporte beaucoup d’échanges avec la presse, les chaînes Youtube et plus encore avec les passionnés comme toi. Sans flagornerie, votre enthousiasme et votre soutien nous aident beaucoup à faire connaître nos créations, parce que malgré leur puissance, les rézosociaux ne font pas tout !

Comme beaucoup dans ce milieu, tu as également un job en dehors de l’édition.
C’est une question de confort, de sécurité, une réelle nécessité ?

A vrai dire, ce n’est plus une question ! J’ai franchi le pas en juin 2021. Cela reste un pari un peu osé, cependant assez calculé pour me dire que je ne devrai pas vendre un rein pour manger à la fin de l’année.

Alors, écriture de scénarios, relecture, roman, coordination, com… ça c’est fait.
Pour la suite, tu nous as prévu quoi ? Charleston, ébénisterie, élevage d’huîtres ?

Si je te dis que je m’essaye à la lutherie de guitare quand je n’en joue pas, tu me crois ? Bon ok c’est plus de la bricole, mais c’est pourtant vrai. Et j’essaye de remplir mon potager, mais là non plus c’est pas encore ça.

Et du coup, c’est quelle tâche parmi tout ça qui a ta préférence ? (et ne me dis pas l’élevage d’huîtres hein, c’est une catégorie à part)

C’est très injuste pour les huîtres qui sont des créatures sensibles, souvent incomprises parce que dépourvues de caractéristiques permettant l’identification anthropomorphique. Les Shoggoth²² souffrent du même problème.

Frédéric dans ses œuvres de crustaço-thérapie entre deux scénars

Le soin psychologique des mollusques à part, ma préférence demeure à l’écriture créative au sens large du terme. D’ailleurs en ce moment, il me tarde de retrouver un peu de temps pour me retourner à l’écriture de mon troisième roman.

Pour en revenir à Requiem, comme il s’agit d’une traduction, les apports du studio sur la gamme sont fatalement plus limités que sur d’autres jeux (comme Vermine 2047 par exemple)… Pour le coup, tu y trouves quand même ton compte ? 

Requiem reste un projet très intéressant parce qu’il s’inscrit dans une même volonté du studio de faire vivre des histoires aux gens. Ce que vivront les joueurs et leurs personnages de Vampire : Le Requiem se déroulera dans un contexte très différent de Vermine 2047 ou de Dragons, mais le dénominateur commun demeure les personnages. Ce qu’ils vivent, ce qu’ils ressentent, pourquoi ils font ces choix. Bien sûr dans Dragons, la dimension “tourment intérieur” est moins marquée mais un cadre épique pose aussi des questions sur la nature humaine (vous vous souvenez d’un certain roi du Gondor qui doit choisir ou non de prendre un petit bijou ?).
Alors, oui, nous sommes plus limités dans l’aspect créatif. Cela ne nous empêche pas d’apprécier pourquoi nous avons voulu traduire cette gamme et l’offrir au public français : pour offrir une proposition de jeu qui nous semblait pertinente et riche de possibilités.

Tu peux nous teaser un peu sur le financement à venir, ce qui est prévu, les délais approximatifs de livraison ?

Très volontiers, je suis venu ici pour ça !
Cette précommande se déroule sur Ulule du 5 au 19 juillet 2021. Elle permettra d’acquérir les versions papier du Guide de la Nuit et de Semi-Damnés, pour Vampire : Le Requiem 2e Edition
C’est une précommande, et pas un financement participatif : la traduction, le maquettage et les relectures ont déjà été réalisés. D’ailleurs les PDF correspondants ont été envoyés ou sont en passe de l’être pour les souscripteurs du précédent financement de la gamme (qui portait sur Un millénaire de nuit et Le Secret des Ligues). Il n’y a donc pas de paliers à débloquer, de bonus à obtenir : une fois que la précommande aura atteint cinquante ouvrages de chaque, nous pourrons lancer l’impression.
Plusieurs raisons nous ont poussé à ce choix : d’abord, nous souhaitons aller vite. Là, avec les ouvrages prêts en numérique, il ne reste que les délais d’impression – – et connaître les volumes à commander auprès de notre partenaire situé en Europe. Cela nous permet de viser une livraison à l’automne. Nous ne voulions pas compromettre cette rapidité avec des bonus qui auraient peut-être retardé le moment où les gens tiendront le livre en main.
Ensuite, ces deux ouvrages font partie pour les Chroniques des Ténèbres de la phase une évoquée plus tôt. Quand celle-ci sera terminée, notamment avec la livraison des souscriptions Démon : La Damnation, du Guide de la Nuit, de Semi-Damnés et des autres gammes évoquées auparavant, le Studio pourra se poser et évoquer la suite des Chroniques des Ténèbres.
Mener une précommande courte et rapide, pour assurer les impressions au meilleur coût comporte cela dit plusieurs avantages pour les souscripteurs. S’ils ont participé à l’un des précédents financements participatifs du Studio, parmi Démon, Dragons, 7e Mer – Sociétés secrètes, EsterenMelwan ou Romantisme noir, l’envoi du Guide de la Nuit ou de Semi-Damnés n’occasionnera pas de frais de port supplémentaires. Nous combinerons les envois pour une livraison à la rentrée scolaire 2021.
Sachant que durant cette précommande, vous pourrez aussi acquérir n’importe quel ouvrage des Chroniques des Ténèbres (donc oui, aussi des intégrales Démon ou des intégrales Vampire voire les deux !), la ristourne peut devenir conséquente.
D’ailleurs, autre petit bonus de cette précommande, achetées ensemble, les versions collector du Guide de la Nuit et de Semi-Damnés seront au même tarif que la version standard. C’est donc vraiment l’occasion pour compléter sa gamme à moindre coût.

Ok, alors précommande et délais courts c’est parfait comme démarche (d’ailleurs de plus en plus d’éditeurs tendent à fonctionner comme ça, n’est-ce-pas Arkhane Asylum23), mais au-delà de ça, le Guide de la Nuit et Semi-Damnés, c’est quoi exactement ?

Le Guide de la Nuit pourrait presque s’intituler : 138 pages d’idées pour Conteurs de Vampire. Ce livre regorge d’inspirations et de conseils sur comment mener sa Chronique, à quelle époque, comment faire intervenir les Ligues, comment complexifier les rapports au sein et entre coteries, et comment mélanger tout ça pour trouver le cocktail qui vous convient. Il y a bien sûr quelques mécaniques supplémentaires : des Styles, des Dévotions et même un système de joute verbale qui permettra d’enrichir le roleplay et de restituer cet aspect primordial pour beaucoup de Vampire qu’est la réputation.
Bien sûr tout cela reste très libre : ce ne sont que des suggestions. Chaque Conteur, chaque joueur, pourra venir y piocher pour enrichir sa Chronique ou son Requiem. À titre personnel, c’est un de mes aspects préférés de ce jeu : il affirme haut et fort quelque chose qui est trop souvent passé sous silence. “Vous avez acheté ces livres, désormais c’est votre jeu et vous en faites ce que vous voulez !” Cela laisse une grande latitude aux Conteurs pour animer leur Chronique : si un aspect leur déplaît, ils peuvent le laisser de côté.
Semi-Damnés va aller lorgner du côté des goules, des revenants et des dhampirs. Les premiers sont généralement bien connus. Ce sont des humains drogués à la Vitae, généralement par un Vampire qui va s’en servir pour faire quelque chose dont il est incapable : marcher en plein soleil. Ils ont en VO leur propre supplément, pour mettre en scène des serviteurs PNJ et des antagonistes. Ici, ils seront jouables en tant que personnages. Les défis d’une telle interprétation sont multiples. Incarner un serviteur totalement soumis n’a que peu d’intérêt, mais imaginez un peu jouer une goule dont le Vampire a été éliminé. Comment trouvez-vous votre dose de Vitae ? Une autre idée : vous jouez dans le Monde des Ténèbres, mais au lieu d’incarner un Vampire ou un Démon, et de profiter de l’arsenal de pouvoirs qui va avec… vous êtes une goule. Pas aussi faible qu’un bête humain, mais quand même, pas au même niveau de puissance. Pas du tout au même niveau. Quels trésors d’inventivité allez-vous déployer pour accomplir la mission que vous a donnée votre maître ? De quoi bien réinventer le jeu, surtout que la goule a sa propre vie, ses propres relations avec des vivants et donc ses propres tourments – et cette soif, bon sang, cette soif !
Les revenants étaient jusque là présentés comme des accidents regrettables, des négligences de vampires peu précautionneux, qui compromettaient par leur soif inextinguible la mascarade. Et si vous en jouiez un ? Un résidu d’Étreinte ratée, un infant non-désiré, un buveur de sang inachevé qui subit tous les inconvénients de l’immortalité, sans aucun avantage – pas de clan, pas de ligue, juste la solitude d’un être condamné à la nuit… et à la compagnie de ses semblables. Sentez-vous cette colère ? Cette puissance ? La bête ? Mais qu’elle vienne, si votre “sire” peut y goûter, ça lui apprendra peut-être à assumer !
Les dhampirs enfin, sont bien souvent les moins connus des Semi-Damnés. Pourtant eux aussi ont leur supplément en VO, où ils sont là encore présentés comme PNJ et comme adversaires. Les dhampirs sont nés d’un parent humain et d’un autre vampire. Il y en existe un très connu dans le monde de la BD qui a même eu son adaptation au cinéma. Alors autant vous prévenir tout de suite : les dhampirs sont moins badass que le daywalker24 et leur existence beaucoup plus dramatique. Vampire le Requiem oblige, les personnages dhampirs devront composer avec une ascendance mystérieuse et condamnable, et leurs pouvoirs les feront passer par des hauts et des bas. D’ailleurs, êtes-vous un humain avec des pouvoirs de vampire, ou un presque vampire avec des résidus d’humanité ? Là encore, dans le Cercle du bout de la Nuit, peu de chance que votre place soit très enviable par son côté bâtard.

Je t’avouerai que j’avais beaucoup hésité à me lancer dans Requiem… Échaudé par la politique éditoriale du White Wolf25 des années 90, je redoutais une énième gamme à rallonge qui s’empilerait jusqu’au plafond, enchaînant les rumeurs contradictoires jusqu’à plus soif (comment ça Mascarade j’écris ton nom ?).
Tu peux me rassurer là-dessus parce qu’il commence à y avoir quelques bouquins déjà et j’aimerais continuer à croire à un contexte maîtrisé pour ce jeu (du style un ou deux suppléments de plus et basta) ?

Nous, chez White Wolf, on aime bien aller à l’essentiel !

C’est amusant que tu parles de ça, parce que nous venons de publier sur notre blog dédié aux Chroniques des Ténèbres une explication du comment et pourquoi White Wolf a édité Requiem après avoir arrêté Mascarade. (ici)
Je ne vais pas ré-écrire ce long article ici, mais en résumé, Mascarade était un jeu à storyline, à l’époque où le Vampire était LA figure de pop-culture dominante. Aujourd’hui ce serait peut-être le zombie (encore que ça me parait déjà passé de mode), mais c’est moins fun de jouer un cadavre qui grogne “cerveau” qu’un prédateur aux dents longues. Le succès de Mascarade était tel que White Wolf publiait quasi un supplément par mois à partir 1995, avec les soucis de coordination que ça peut impliquer : rapidement, celle-ci était… bon, on sait tous ce que ça a donné – et perso, je trouve que ça a plus dérapé du côté des garous que de Vampire.
Quand ils sortent Gehenna, qui est à la fois un très bon et très mauvais supplément, ils appuient clairement sur le bouton “Self destruct” de leur monde, au moins pour les Vampires.
Et ils décident de sortir Requiem, qui ne comprendra pas de storyline : un souci de moins ! Le fait que le jeu sorte en 2004, à une époque où le JdR peine face aux MMORPG et aux jeux de cartes, ralentit le rythme de publication. Ces problèmes deviennent au final des avantages pour les joueurs : la gamme reste plus ramassée, et les suppléments sont mieux coordonnés. De plus Requiem est envisagé comme un jeu-bac à sable. Pas dans le sens jardin d’enfants, au contraire, ses thématiques sont beaucoup plus sombres et tourmentés que son prédécesseur. Bac à sable dans le sens “construisez votre Chronique”. Chaque table explore les aspects qu’elle veut de cette version plus intimiste et plus désespérée de Vampire. Là où le jeu de 1991 explorait une conspiration de créatures surnaturelles qui cherchent à dominer le monde pendant qu’une super-menace risque de leur tomber dessus (la fameuse Géhenne), Vampire : Le Requiem parle de deuil, de mort et de sacrifice, dans un cadre très politique. L’immortalité c’est long, surtout vers la fin, alors que faire pour repousser la Torpeur ?
Les jeux ne s’adressent pas aux mêmes publics et c’est très bien comme ça. En terme technique, la puissance brute des personnages de Requiem l’emporte quand on les crée… mais plus le jeu avance, plus cette force de frappe passe au second plan derrière le rapport à l’humanité, la lutte contre la Bête et les relations entre Clans et Ligues.
Pour répondre donc à ta question : la gamme Requiem s’enrichit en France (le Guide de la Nuit et Semi-Damnés seront les quatrième et cinquième suppléments) sans devenir “indéchiffrable”. Il en existe d’autres en VO, cependant ces suppléments ne sont pas près de se contredire. Il y a par contre de fortes chances que l’interprétation du Monde des Ténèbres change d’une table à l’autre avec Vampire : Le Requiem. Comme dans n’importe quel JdR, me diras-tu; certes, juste, c’est ici dans l’ADN du jeu.

Bon, finalement mes étagères ne me maudiront pas sous le poids d’une gamme interminable, c’est cool

Et une fois tout ça bouclé, c’est quoi tes projets à plus ou moins long terme en matière d’écriture ?

Actuellement, je mets la main à la pâte sur deux scénarios pour Tiny, qui devraient être publiés pour la fin d’année – je laisse les collègues de JdR Editions vous en dire plus à l’occasion.
Après Vampire, nous avons “quelques” projets avec le Studio Agate, pour lesquels j’ai aussi bien de la rédaction que la coordination éditoriale à assurer. Mais je ne peux rien dire avant la rentrée.
Bon, allez, quand même : il se pourrait que je sois chargé de rédiger des aventures supplémentaires enrichissant la campagne 7e mer, en mode “l’aventure en plus”. Ok, vous allez me dire que ça j’en ai presque déjà parlé, et c’est pas faux.
Le reste… le reste, non, vraiment je ne peux rien dire. Sauf que j’espère bien réussir à reprendre mon roman !
D’ici là, je retourne préparer la précommande pour Le Guide de la Nuit et Semi-Damnés !

Hé bien voilà, comme quoi on peut à la fois jardiner, faire de la musique, se soucier du bien-être de nos amis les mollusques et travailler dans le monde du jeu de rôle… La morale de cette histoire semble être qu’il faut savoir enfoncer les portes et ne rien lâcher être polyvalent pour y arriver et surtout, faire preuve d’une belle motivation.
Merci Frédéric pour cet entretien et bonne chance pour la suite (même si à priori, quand on bosse, la chance n’a plus grand chose à voir là dedans).
De mon côté, je vais filer relire Requiem pour me remettre dans le bain avant la précommande et compter les jours qui me séparent encore des livraisons de Dragons et Melwan 🙂

Propos de Frédéric Meurin recueillis par David Barthélémy

Notes et Références :

le site de Frédéric : https://www.frederic-meurin.com

1 7ème Mer
2 Vermine 2047
3 Valérian
4 Tiny
5 Studio Agate
6 Vampire : Le Requiem
7 Jdr Editions
8 LETO : Les Editions du Troisième Œil
9 Oreste
10 Elder Craft
11 Sébastien Moricard
12 MCU
13 Dragons
14 Melwan
15 Romantisme Noir
16 Esteren
17 Demon : La Damnation
18 Ulule
19 Brancalonia
20 Acheron Games
21 Le Bon, la Brute et le Truand
22 Shoggoth
23 Arkhane Asylum
24 Daywalker : Référence au Personnage principal dans Blade
25 White Wolf


Focus

Focus Hong Kong – Les Chroniques de l’Étrange (article initialement publié sur le blog « Cultures de l’imaginaire »)

Chères toutes, chers tous, 

Nous allons aujourd’hui découvrir un phénomène rare pour un Focus, avec l’observation d’une entité bicéphale, responsable d’un projet de jeu de rôle baptisé « Hong Kong – les Chroniques de l’Étrange ».

Pour celles et ceux qui s’intéressent aux littératures dites « de genre », ce nom ne semblera pas tout à fait inconnu puisqu’il vient d’une série de romans nous faisant découvrir le quotidien de Johnny Kwan, exorciste de son état, dans la très exotique (du moins pour nous) ville de Hong Kong (d’où le titre 🧐… y’en a là-dedans hein ! 😁)

Sans plus attendre et sous vos yeux ébahis, après Laurel et Hardy… Behold :

Lameire-d’Huissier (rien à voir avec la Mère Miche…non, allez, j’arrête)

couverture du jdr par Xavier Colette

1 : Salut Romain (d’Huissier), salut Cédric (Lameire) 👋… bon, je déboule un peu en catastrophe pour vous passer à la question, en rapport notamment avec Hong Kong – les Chroniques de l’Étrange, qui est en financement participatif jusqu’au 4 décembre… il était temps, me direz-vous à raison !

Si l’on passe sur mon sens du timing des plus déplorable, que reste-t-il à dire sur Hong Kong – les Chroniques de l’Étrange qui ne l’ait déjà été par le FIX1 ou le podcast Ind1002 (dur d’arriver après la guerre…) ?

[Romain] Peut-être peut-on dresser un bilan de ce financement avant la dernière ligne droite ? Dans l’idée de convaincre les derniers indécis. 

C’est en plus l’occasion pour moi de rendre hommage à Antre Monde3. Récapitulons donc.

Tout d’abord, les diverses offres restent tout à fait raisonnables : un pack tout PDF, une possibilité de ne prendre que le livre de base, une offre classique permettant de se procurer ce dernier avec l’écran et enfin la dernière proposition donne en plus de cela l’opportunité d’acquérir la trilogie de romans. En parallèle, quelques options – dont certaines se révèlent bien utiles (le dice tray avec le diagramme Ng Hang, notamment). Et voilà ! Pas de surenchère inutile ou de bonus à faible intérêt ludique risquant de mettre le projet en retard. Le cœur de ce financement, c’est le jeu et rien que le jeu.

Et afin que le public puisse se familiariser avec Hong Kong – les Chroniques de l’Étrange – et décide alors s’il est tenté ou pas par le financement –, l’éditeur propose un kit de découverte très complet (quatre-vingt-dix pages, quand même) et fort illustré. Résumé de l’univers, système, scénario et cinq personnages prétirés permettent en effet de tester sur quelques séances le potentiel de l’univers, ainsi que les règles originales du jeu. Et puis la bande-annonce du jeu – avec musique, voix off, animation ! – a de quoi donner envie de découvrir tout cela.

Il n’aura échappé à personne que le financement a débuté en plein confinement et qu’Antre Monde a alors pris la mesure de l’importance du jeu de rôle en ligne, qui gagne en puissance. Aussi a-t-il été proposé successivement pour faciliter l’utilisation du kit sur internet : une macro Dice Parser pour Discord, une fiche pour Let’s Rôle et une fiche pour Roll20 – à ma connaissance, aucun éditeur n’en a jamais fait autant. Rajoutons qu’Antre Monde s’est engagé à ce que l’un des Taonet (suppléments PDF débloqués durant le financement) sorte avant la livraison du jeu, pour permettre aux rôlistes de prolonger l’utilisation du kit (dans le même ordre d’idée, une petite surprise devrait arriver durant la semaine à venir). 

Tout cela s’accompagne d’actual play et de vidéos explicatives ainsi que de la création de salons Discord dédiés pour répondre à toutes les éventuelles questions. Un effort important a donc été accompli pour que Hong Kong – les Chroniques de l’Étrange soit un projet le plus transparent possible et que son kit de découverte ait une durée de vie suffisamment longue pour faire patienter les participants jusqu’à l’arrivée du jeu ! 

2 : Cédric, aussitôt arrivé dans l’industrie du jeu de rôle professionnel (tremble, Arcelor Mittal !) avec ton boulot sur Knight4, tu enchaînes avec Romain sur rien de moins qu’une adaptation de son univers en objet ludique… Pas trop intimidant de bosser avec Monsieur Brigade chimérique5, ça se passe comment ?

[CEDRIC] Cela se fait avec beaucoup de passion, de travail et un peu d’humour aussi ! Romain et moi, nous avons une méthode de travail basée sur l’échange. Nous avons découvert au cours de ces échanges qu’il y a une réelle complémentarité entre nos différents talents. 

Effectivement, je débute en tant qu’auteur. C’est une chance de pouvoir profiter de l’expérience et de conseils de l’équipe d’Antre Monde et de travailler avec Romain. Une chance que je ne me voyais pas laisser filer ! J’ai simplement fait ce qui me plaisait, avec l’énergie et la persévérance qui me caractérisent. 

Je ne suis pas vraiment néophyte en ce qui concerne le jeu de rôle en tant que hobby. Je suis tombé dedans quand j’étais petit – et c’était il y a longtemps ! J’ai toujours eu envie d’écrire du jeu de rôle. J’avais fait quelques essais en amateur étant étudiant, mais les moyens de se faire publier n’étaient pas les mêmes à l’époque. Pouvoir le faire aujourd’hui m’enchante. 

Mais bien sûr qu’il y a de la pression, la peur de décevoir ou simplement de commettre des erreurs, en travaillant désormais parmi les pros. 

[Romain] Au départ, c’est moi qui ai demandé à Antre Monde de me trouver un coauteur un peu pointu sur la technique. Car je voulais que les règles de Hong Kong – les Chroniques de l’Étrange soient vraiment travaillées, en accord avec les concepts de l’univers. 

Et le contact avec Cédric a immédiatement été fructueux et détendu. On travaille ensemble de façon très naturelle et sa précision compense largement mes lacunes ! 

3 : Romain, ça faisait quelque temps que tu t’étais mis un peu en retrait du monde dujeu de rôle (hormis quelques participations par le biais d’articles ou de scénarios dans des recueils à droite à gauche) au profit de l’écriture de romans… et là pouf, coup sur coup on te retrouve avec Les Partisans6 (pour Hexagon Universe⁷) qui vient d’être livré et le portage des Chroniques de l’Étrange⁸… tu boudais ou c’était juste reculer pour mieux sauter ?

[Romain] Ni l’un ni l’autre ! En réalité, cette impression de « désertion » n’est que le reflet du temps éditorial. Par exemple, j’ai écrit les Partisans avec Yohan Odivart en 2019 – mais financement et livraison de ce projet ont eu lieu en 2020. Donc pendant que je bossais, on pouvait imaginer que je ne faisais rien. De même, on travaille avec Antre Monde et Cédric sur Hong Kong – les Chroniques de l’Étrange depuis septembre 2019 en réalité. 

Et si l’on remonte, on voit que j’ai produit Mythic Battles: Pantheon⁹ (2017) alors que j’écrivais encore ma trilogie de romans (écrite entre 2014 et 2018) – ainsi que les suppléments Aventuriers & Seigneurs de la Jungle (2015) et Rois des Profondeurs (2016) pour Hexagon Universe. Je n’ai pas vraiment de raisons de rougir de ma production.

Donc en réalité, je mène vraiment écriture littéraire et écriture ludique de front sans jamais mettre de côté l’une au profit de l’autre. C’est simplement qu’il faut le temps pour produire des textes et que ceux-ci ne sortent pas immédiatement après leur achèvement. 

une petite soupe d’anguille pour se requinquer ?

4 : À moins d’écrire pour un guide touristique du moustachu qui balade son sac à dos depuis maintenant une paire d’années, Hong Kong n’est pas une « ville » connue du grand public au point de la retranscrire aisément autour d’une table de jeu (je m’y suis déjà frotté avec Feng Shui¹⁰… c’était chaud 😅). Vous vous y prenez comment pour en transmettre l’ambiance si particulière et en extirper une trame ludique exploitable… disons… par moi (au pif), qui ne vais plus en ville que pour acheter le lait des petits (et quand je dis ville, je parle de cinq milles habitants 😅) ?

[CEDRIC] À mon avis c’est un faux problème. Je vais citer quelques grandes villes du monde réel telles que Seattle, Chicago ou Tokyo (qui sont utilisées dans certains jeux de rôle assez célèbres) ou quelques grandes villes de mondes imaginaires comme Mos Eisley¹¹ ou Minas Tirith¹² dont vous reconnaitrez sans doute la provenance. Puis je vous pose la question : avez-vous eu besoin d’être des « experts » de ces villes pour y faire jouer des aventures palpitantes à vos PJ ? Moi j’avoue n’avoir jamais mis les pieds à Seattle ou Chicago et ne pas être suffisamment expert de Tolkien pour prétendre connaître Minas Tirith. Et pourtant, en jeu ça fonctionne bien.

À la base, je connaissais un peu le Japon mais pas du tout la Chine quand j’ai lu les romans de Romain. Je suis loin d’être un spécialiste de Hong Kong mais j’ai lu des romans, j’ai vu des films et à moins d’avoir un PJ qui a visité Hong Kong à la table, l’illusion est possible comme elle l’est avec n’importe quel autre décor de jeu qui ne se passe ni à Lille, ni à Lens (pour citer des villes que je connais… d’ailleurs, vous avez déjà essayé de jouer dans une ville que vous connaissez vraiment bien ? Personnellement, je n’y arrive pas : le dépaysement n’y est pas…).

[Romain] Comme le dit Cédric, l’illusion ludique doit primer sur la vraisemblance pour évacuer ce souci. D’ailleurs, mon travail de documentation pour les romans m’a permis de bien connaître la ville et je me suis aperçu à la vision de plusieurs films hongkongais que leurs réalisateurs n’hésitaient pas à tordre la géographie de leur propre cité dans un but cinématographique ! Par exemple, une poursuite en voiture qui passe d’un quartier à un autre en un virage, lesdits quartiers ne se trouvant même pas sur la même île ! Si des Hongkongais n’ont aucun complexe à ce niveau, autant dire que des joueurs français ne devraient pas avoir à s’en faire à ce sujet…

Selon moi le plus important, c’est de transcrire une ambiance – l’âme de Hong Kong, en quelque sorte. Que le lecteur comprenne ses spécificités (son mélange occident / Chine, sa modernité côtoyant le traditionnel, etc.), celles qui lui donnent son identité et font qu’il s’agit d’une cité unique qui ne peut se comparer à aucune autre dans le monde. 

Une fois ceci fait, on peut se plonger d’un peu plus près dans ses rues – mais là encore, sans forcément avoir de souci de réalisme total ou de connaissance encyclopédique. Dans le livre de base, notre description de Hong Kong mêle ainsi des lieux réels et assez iconiques (le Bouddha géant de Lantau, le quartier de Mongkok, le temple de Wong Tai Sin…) à des endroits que nous avons inventés (Chez Lau, par exemple). Et tout est bien sûr passé au filtre « Chroniques de l’Étrange » : ce qui fait que même les lieux connus sembleront différents, imprégnés de magie et de mystère.

Que le meneur de jeu comprenne qu’il peut tout à fait créer ses restaurants, ses temples, ses triades, ses îles même ! S’il comprend comment y injecter l’ADN de Hong Kong – de notre Hong Kong –, alors il sera dans l’esprit.

la trilogie aux éditions Critic

5 : Quand on adapte un univers existant pour permettre à des geeks lambdas d’y faire vivre leurs propres personnages, quels sont selon vous les pièges à éviter afin de ne pas les enfermer dans le carcan du matériau originel ? (je pense notamment à des jeux comme le Trône de Fer¹³ ou, de mon point de vue très personnel, Star Wars qui ont des enjeux tellement marqués dans la fiction qu’il semble difficile d’y trouver sa place)

[CEDRIC] Nous avons pris le parti de ne pas présenter les personnages des romans sous forme de statistiques de jeu, ni de figer les évènements qui s’y déroulent comme canoniques. C’est bien le même univers, la même ambiance et les mêmes saveurs, mais les meneurs de jeu et joueurs sont invités à écrire leurs propres histoires et à décider par eux-mêmes de la place des romans dans tout cela. 

[Romain] Voilà, tout à fait. Les romans qui mettent en scène Johnny Kwan et ses amis ne constituent pas une storyline particulière. Il s’agit de l’aventure de ces personnages littéraires et elle ne change pas le cadre du jeu (là où la fin de la saga d’Elric¹⁴ voit la destruction de son monde). Un meneur de jeu peut même s’emparer de la trame de la trilogie et l’adapter en campagne pour ses joueurs (bon, il faut qu’ils n’aient pas lu les bouquins !). 

Les héros du jeu de rôle Hong Kong – les Chroniques de l’Étrange, ce sont les PJ des joueurs et personne d’autre. Peut-être croiseront-ils Ann Lung ou Helena Shiu mais uniquement pour le clin d’œil ou s’il y a besoin d’un PNJ de leur style – et ces PNJ ne résoudront pas les scénarios à leur place ! 

Au final, les romans doivent être vus comme une source d’inspiration où puiser plein de détails ou de PNJ secondaires, mais pas une chronologie contraignante. 

6 : Cédric, en terme de gamedesign, tu as (semble-t-il à mes yeux de profane) une approche assez différente de ce qu’a pu présenter Romain dans ses jeux précédents (on peut difficilement comparer les mécaniques de Knight à celles de la Brigade chimériqueou d’Hexagon Universe)… Vous avez fait comment pour trouver un terrain d’entente ? Y a-t-il eu du sang, de la sueur et des larmes ou ça s’est fait assez naturellement ?

[CEDRIC] En fait quand on a constitué l’équipe, Romain ne me connaissait pas du tout mais moi, j’avais déjà lu pas mal de jeux sur lesquels il avait travaillé ou dont il était l’auteur ou un des auteurs. Je savais donc que j’appréciais son boulot, au-delà des romans et de leur univers spécifique. Je précise aussi que je n’ai pas conçu le système COMBO de Knight : c’est le travail de Simon & Coline¹⁵-¹⁶. Je me le suis très bien approprié et j’œuvre aujourd’hui un peu en tant qu’expert dudit système, mais c’est parce que j’aime les belles mécaniques !

La toute première proposition de système que j’avais faite à Romain pour les Chroniques de l’Étrange ne l’a pas vraiment convaincu. J’étais arrivé avec quelque chose de plutôt classique. En fait, je n’avais pas osé en faire « trop ». Nous avons eu un échange à ce sujet et je me suis rendu compte qu’on ne s’était pas compris sur ce qu’il recherchait. C’était un échange un peu magique. Plus il expliquait ce qu’il voulait, plus j’avais de nouvelles idées. De fil en aiguille, les premières bases du système actuel ont été posée lors de cette très longue discussion.

Depuis, il y a eu de nombreuses autres discussions fleuves. Nous échangeons sans langue de bois dans une atmosphère agréable de co-construction, sur tous les sujets. J’interviens au-delà du système – sur des lieux, des personnages, des scénarios. Il y a une vision commune du jeu dans son ensemble, que Romain et moi partageons à présent. Tout cela se fait très naturellement. 

7 : Petite question qui s’éloigne un peu de l’univers des Chroniques de l’Étrange et du jeu en lui-même… Ça se gère comment un financement participatif, en termes d’investissement des auteurs ? Vous êtes au taquet, plutôt relax 😎 ?

[CEDRIC] Alors autant j’étais prêt à travailler dur pour devenir un auteur pro après y avoir gouté dans le cadre de Knight, en ayant une vision très claire de ce qu’il fallait faire pour m’améliorer et y parvenir, autant j’ai été surpris par la partie financement, en effet ! Je ne m’attendais pas du tout à devoir répondre à des interviews, faire des vidéos Youtube ou me poser la question de gérer des actual play

Toute la promotion et toute l’organisation du financement, c’est l’œuvre et l’expérience de notre éditeur, en fait. J’avoue être beaucoup plus à l’aise pour écrire des pages et des pages de jeu que pour passer devant une caméra. 

[Romain] Pour ma part, j’ai aussi été surpris par l’implication que cela m’a demandé. Sans même parler de construire le kit de découverte (un vrai travail !), il a fallu assurer une promotion sur un temps assez long : faire jouer un actual play filmé, répondre à pas mal d’interviews sur divers formats, mener une démo durant Octogône, répondre à de multiples questions… Et puis ce petit cœur qui s’accélère le soir quand je regarde la progression du financement, que je la compare aux paliers qui restent à débloquer, etc. 

Mais d’un autre côté, Cédric a raison : c’est Antre Monde qui a vraiment mouillé la chemise afin de promouvoir le jeu du mieux possible. Je ne pouvais pas faire moins car après tout, c’est mon univers que porte cet éditeur ! 

8 : Il reste encore quelques jours pour faire avancer les choses sur la page du financement, toutefois c’est déjà une belle réussite (312 souscripteurs à l’heure à laquelle j’écris ces lignes) – surtout quand on voit la quantité de projets sur les deux derniers mois… En dehors d’un ou deux tristes sires étalant leur amertume sur internet (blink blink 😜), l’accueil semble plutôt bon… Alors, vous êtes du genre à faire la danse du slip devant la concrétisation de la chose ou à ronger les angles de la table basse, serrant les fesses en fixant le compteur jusqu’à la dernière seconde ?

[CEDRIC] Moi, je garde un œil sur le compteur et je fais un petit hakka jouissif à chaque fois qu’un palier est franchi. 

[Romain] Ha ha, moi je suis un gros anxieux nanti d’un terrible syndrome de l’imposteur. Donc oui, je surveille le financement d’un œil angoissé. Je regarde ces gens qui nous font confiance au point de payer avec un an d’avance un produit et je redoute de les décevoir… alors je redouble d’efforts, je cherche de nouvelles idées pour les satisfaire, je relis et corrige ce qui a été fait tout en réfléchissant à ce qui reste à faire. Pas bon du tout pour mon stress, tout ça ! 

Visuel de l’écran de jeu par William Bonhotal

9 : Bon, on a parlé textes et mécanique, mais dans un jeu de rôle l’univers graphique fait également beaucoup… Pour le coup, vous êtes servis entre les couvertures de Xavier Collette¹⁷ (qui se chargeait déjà d’illustrer les romans chez Critic¹⁸) ou l’écran de William Bonhotal¹⁹ (bien connu des lecteurs de Knight)… Ça fait quoi de voir son imaginaire transcrit en image par des gens de talent ? Et quelle part de liberté ont-ils eu pour s’approprier les choses à leur tour ?

[CEDRIC] Voir nos idées et nos écrits devenir de splendides illustrations, c’est extrêmement gratifiant. 

[Romain] Xavier Collette avait réalisé les couvertures de la trilogie chez Critic et afin de bien démontrer que jeu de rôle et romans ont une égale importance à mes yeux, il me semblait important qu’il illustre aussi la couverture du jeu. Quant aux autres illustrateurs, ils sont en effet bluffants ! J’adore voir ces visions d’artistes divers sur mon univers, car elles nourrissent la perception que j’en ai à mon tour, la transforment en y ajoutant un imaginaire qui n’est par définition pas le mien mais qui l’enrichit grandement.

Pour la réalisation de ces illustrations, nous donnons des directives puis laissons les artistes se débrouiller avec ces instructions pas forcément très précises. Le but étant justement qu’ils apposent leur marque sur l’univers et l’étendent ainsi au-delà de ce qu’il est dans ma tête.

10 : Les éditions Antre Monde semblent prendre soin de leurs auteurs tout en leur laissant une belle part de liberté sur les projets portés… Alors Cédric, tu les fréquentais déjà de par ton travail sur Knight mais toi Romain, ça s’est passé comment ce premier chantier en commun ?

[Romain] Je pense que l’interview est assez claire à ce sujet : bosser avec Antre Monde est une expérience gratifiante. Comme déjà précisé, cet éditeur s’est énormément impliqué pour rendre le projet le plus accessible possible pour son potentiel public – avec un financement bien pensé et riche de cadeaux. 

Dès le départ, Antre Monde a compris le potentiel ludique de l’univers des Chroniques de l’Étrange et a mis à ma disposition tout le nécessaire (ouais, Cédric fait partie du nécessaire – mais aussi les auteurs invités comme Julien Moreau²⁰, Antoine Bauza²¹ ou Yohan Odivart²² et les illustrateurs.) pour le concrétiser à mon idée, sans pour autant me laisser sans encadrement ou soutien. On discute, on propose, on décide ensemble et je sais que je peux me fier à lui et à son expérience – en témoigne le succès rencontré sur Knight.

Je resigne avec Antre Monde quand il veut.

11 : un petit quickie sur l’imaginaire en général :– Si vous étiez un livre (roman / BD…) :

[CEDRIC] SILO de Hugh Howey²³

[Romain] Planetary de Warren Ellis²⁴- Si vous deviez cosplayer quelqu’un :

[CEDRIC] Dark Vador (il porte un masque)

[Romain] Johnny Kwan- Si vous étiez un jeu (de rôle / vidéo…) :

[CEDRIC] Exalted²⁵ (pour le côté dragonballzedesque)

[Romain] En ce moment, je me sens très Meute²⁶ (il faudra vraiment que je le mène un jour…)- Si vous étiez une période historique :

[CEDRIC] Antiquité (j’aime les jupettes)

[Romain] Dynastie Ming- Si vous étiez un univers fantastique :

[CEDRIC] celui d’Altered Carbon²⁷

[Romain] Je triche un peu, mais ce serait l’univers cinématographique de la Shaw Bros²⁸

Et pour conclure, la question vache… Selon vous, quelle est la place de l’imaginaire dans la culture (qu’elle soit populaire ou autre) et comment vous positionnez-vous dans ce vaste tableau ? 

[CEDRIC] Le monde réel est beau mais pas toujours très sympa. Pour ne pas dire souvent très dur. L’imaginaire, c’est le monde intérieur. C’est un monde infini. Je crois avoir un imaginaire très riche. Et il s’est enrichi toute ma vie avec les romans, les livres, les films, etc. que j’ai pu voir ou lire. Le jeu de rôle m’a donné le goût du fantastique, de la science-fiction, mais aussi de l’histoire, et me donne, je crois, un regard plus ouvert sur la culture en général. Savoir se mettre à la place des autres et savoir imaginer des mondes différents, c’est quelque-chose d’incroyablement enrichissant. 

Pour moi le jeu fait partie de la culture. C’est peut-être de la « pop » culture pour certains, mais pour moi c’est de l’évasion et du bonheur au quotidien. Et c’est aussi la source de nombreuses pistes de réflexions très sérieuses, utiles pour le réel. Je suis reconnaissant de tout ce que le jeu de rôle en particulier et l’imaginaire en général m’apportent dans la vie. 

[Romain] Je ne sais jamais trop quoi répondre à ce genre de questions. Je produis de l’imaginaire de façon professionnelle, cela constitue une partie de mes revenus – c’est mon métier. Impossible de faire cela si l’on n’est pas passionné (car la rémunération des auteurs…) et surtout persuadé d’avoir un impact sur le monde – même à une échelle minuscule. Les quelques milliers de personnes qui ont joué à mes jeux ou lu mes romans y ont pris du plaisir, j’espère : cela a pu les distraire, les faire réfléchir, leur faire découvrir une culture ou un genre – voire leur donner à leur tour envie de produire de l’imaginaire. Et c’est pour cela qu’on le fait : on renferme une flamme qui réchauffe l’âme et tout ce que l’on veut, c’est qu’elle se répande pour apporter aux autres cette chaleur et leur donner envie de la nourrir et de la partager à leur tour.

J’ai conscience que tout ça sonne un peu pété voire pédant mais il s’agit de ma conviction personnelle – l’art, l’imaginaire, les histoires sont des éléments essentiels de l’esprit humain et plus il y en a, mieux se porte le monde. 

Et voilà pour aujourd’hui… Merci à nos deux auteurs pour ces réponses (pas si pétées que ça 😉)  et en leur souhaitant toute la réussite possible pour ce projet (je vous mets le lien vers la page de financement dessous si tout ça vous a donné envie, comme à moi, de participer à l’effort de guerre).

Pour ma part, ayant fortement apprécié la trilogie de romans, je suis impatient de faire déguster des xialongbao à mes joueurs entre deux exorcismes (allez, en cuisine feignasse, tu as un an pour apprendre à ne pas empoisonner tes invités).

Slurp 🍜🥠

Yum… les bons dim sum

Propos recueillis par David Barthélémy

Liens utiles :

Le projet :

https://www.gameontabletop.com/cf428/hong-kong-les-chroniques-de-l-etrange.html

Romain d’Huissier

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Romain_d%27Huissier

Cédric Lameire

http://www.legrog.org/biographies/cedric-lameire

Références :

¹http://lefix.di6dent.fr/

²https://www.youtube.com/c/Ind100Podcast

³https://antre-monde.com/

http://knight-jdr.fr/

http://www.legrog.org/jeux/brigade-chimerique

https://www.unificationfrance.com/spip.php?page=pages_mobiles&squelette_mobile=mobile/article&id_article=62369&lang=fr

http://www.legrog.org/jeux/hexagon-universe

https://www.babelio.com/livres/dHuissier-Les-chroniques-de-letrange-tome-1–Les-81-freres/778322

http://www.legrog.org/jeux/mythic-battles-pantheon/mythic-battles-pantheon-fr

¹⁰http://www.legrog.org/jeux/feng-shui

¹¹https://starwars.fandom.com/fr/wiki/Mos_Eisley

¹²https://jrrtolkien.fandom.com/fr/wiki/Minas_Tirith_(Gondor)

¹³http://www.legrog.org/jeux/trone-de-fer

¹⁴https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Cycle_d%27Elric

¹⁵http://www.legrog.org/biographies/simon-gabillaud

¹⁶http://www.legrog.org/biographies/coline-pignat

¹⁷https://www.xaviercollette.com/

¹⁸https://editions.critic.fr/

¹⁹https://www.artstation.com/william-bonhotal

²⁰http://www.legrog.org/biographies/julien-moreau

²¹https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Antoine_Bauza

²²https://data.bnf.fr/fr/16595475/yohan_odivart/

²³https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Silo_(roman)

²⁴https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Planetary

²⁵http://www.legrog.org/jeux/exaltes

²⁶http://www.legrog.org/jeux/meute/meute-fr

²⁷https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Carbone_modifi%C3%A9

²⁸https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Shaw_Brothers

Focus

Focus sur Julien Heylbroeck (article initialement publié sur le blog « Cultures de l’imaginaire »)

Fans de littératures de genre ou de jeu de rôle, amateurs de catch mexicain et de totalitarisme rouge, le tout sur fond d’afro beat des 70’s et avec toujours une pointe d’humour, ce focus est pour vous.

« This is ground control to major Tom »… c’est parti.

1 : Bonjour mon grand, alors dis moi, comment tu t’appelles ?

Julien Heylbroeck. J’ai pas mal sévi sur les forums de jeux de rôles sous le pseudo de Wyatt Scurlock (un mélange de deux légendes de l’Ouest car j’aime bien les westerns). Et il m’est aussi arrivé d’écrire avec les alias : Green Tiburon, Degüellus et Julian C Hellbroke. Voilà, voilà. Je crois que c’est bon, j’ai tout dit sur les noms.

2 : C’est un joli prénom ça…et lorsque tu étais en âge qu’on te pose la question, tu savais ce que tu voudrais faire quand tu serais grand ?

Pas vraiment, mais j’ai toujours aimé l’histoire, alors je pense que ça explique un peu pas mal de choses. Donc du coup, j’ai embrayé sur des études d’histoire, logique. Et puis en cours de route, je me suis dit que j’allais faire coller mes études avec mes engagements politiques donc je suis allé du côté de la socio, j’ai fait un stage dans une asso à thématique sociale pour les besoins de mon mémoire de recherches et j’ai abandonné l’université pour le travail social.

3 : Allé, j’arrête les « Martineries » pour attaquer les choses sérieuses.

La première fois que j’ai croisé ton nom dans des bouquins, c’était en lisant le jeu de rôle WarsaW¹, peu de temps après sa sortie… ce n’était pas une thématique « facile » pour un début (je sais je sais, il y a eu Kuro² avant, mais WarsaW m’a toujours parût plus « personnel ») …en général on démarre par des elfes un peu fachos et des nains bourrus qui s’engueulent avec des paladins non ?

WarsaW aux éditions John Doe

Alors avant même Kuro, il y a eu Humanydyne³, toujours en compagnie de Willy Favre⁴. Et même avant ça, des productions en amateur. WarsaW était effectivement mon premier vrai projet perso, qui a germé pendant un long moment dans ma cervelle. Toujours avec Willy, j’ai pu développer cet univers et John Doe⁵ a permis de le proposer sous une forme idéale. Résultat : j’ai pu travailler sur tout ce que j’aime : un jeu court, qui laisse de la place au MJ, avec un système de règles adapté à la tension de cet univers, sur mes obsessions du moment et avec un rendu graphique somptueux.

4 : On a vu, au titre de tes obsessions, un Staline ressuscité dans WarsaW, après quoi tu as abordé avec Luchadores⁶ le monde coloré de la Lucha Libre, joyeusement mêlé à beaucoup de pulp et une grosse touche de fantastique… il ne manquerait pas un jeu sur les rats et un autre sur Bowie pour faire bonne mesure ?

C’est vrai que j’ai quelques thématiques de référence auxquelles je m’accroche et que j’aime à caser un peu partout. C’est parfois un peu comme un défi. Après je ne force pas si je vois que c’est vraiment incongru. Mais ouais, j’adore caser des rats, c’est une bestiole que j’adore. L’univers de la lucha libre, je suis tombé dedans il y a une dizaine d’années, c’est un monde passionnant et très proche de ce que j’aime dans la culture populaire. Et l’horrible totalitarisme stalinien, c’est assez fascinant, dans le sens presque morbide du terme, une telle emprise sur l’ensemble de la société, à l’échelle d’un continent (voire davantage). 

David Bowie, bon, j’évite d’en parler, sinon, je vais avoir la larme à l’œil et je ne veux pas que tu me vois pleurer, cher lecteur.

5 : Snif, je comprends…passons prudemment à autre chose.

C’est en 2012 au Utopiales de Nantes que j’ai découvert que tu étais passé du jeu de rôle à l’écriture de romans, en me faisant dédicacer « Stoner Road »⁷ (bon collectionneur que je suis), un Road Trip sous acides que j’ai beaucoup apprécié… qu’est ce qui t’as fait basculer dans cet autre pan de l’imaginaire en délaissant le jeu de rôle ?

Stoner Road aux éditions actusf

Le fait de bosser sur l’adaptation en jeu de rôle de l’univers de la Brigade Chimérique⁸ a été déterminant. Je ne peux que remercier Romain d’Huissier⁹ de m’avoir embrigadé (huhu) dans ce projet. J’y ai découvert tout un pan de notre littérature populaire avec des personnages plus grands que nature, des monstres, des voyages spatiaux, des pouvoirs psy, tout un univers décomplexé, inventif, d’une richesse impressionnante. Moi qui avais déjà un peu envie de me lancer dans un récit un peu pulp, ça m’a conforté dans cette voie en nourrissant mon imaginaire comme jamais.

Ça et également le fait d’avoir l’impression d’un cheminement inconscient qui se faisait petit à petit dans ma tête, en me goinfrant de films de série B, de romans de fantastique. A un moment, comme quand tu mets de l’essence, le pistolet de la pompe remonte pour te dire que c’est bon, le plein est fait. Ça a été pareil avec la volonté d’écrire. Je me suis enfin senti prêt d’un coup et ensuite, j’ai écrit une douzaine de romans d’affilé en quelques années. Et puis, un dernier truc : j’avais envie que mes scénarios amoureusement concoctés se passent comme j’aimerais qu’ils se passent. En gros, j’en avais assez de prêter mes jouets à d’autres pour qu’ils s’amusent avec et je voulais en profiter moi !  C’est purement égoïste, en fait.

6 : Sur la liste de tes passions (fort nombreuses au demeurant),on peut ajouter la musique et le gore… Dis moi un peu, comment tout ça alimente ton écriture ? Car quand je te lis, je ne peux m’empêcher de sentir la musique derrière chaque paragraphe (après, je projette surement beaucoup de mes attentes… mais quand même 😅)

C’est vrai que dès que j’aime quelque chose, je farfouille à fond dans le truc, parce que je veux tout savoir ou presque. Alors la musique, c’est simple, je peux difficilement écrire sans. En gros, j’ai toujours une sorte de sélection d’albums pour chaque projet, qui s’affine au fur et à mesure de l’écriture. D’ailleurs, je cite systématiquement ces inspis musicales désormais.

7 : Tu as publié quelques fascicules au Carnoplaste¹⁰, tous plus barrés les uns que les autres et notamment les Green Tiburon, très étroitement liés à Luchadores, de même que « Cartel de sang »¹¹ (qui initie ta série El hijo del Hierofante)…en fait,tu as du sang mexicain qui coule dans tes veines, non ?

Alors effectivement, et c’était pas prémédité. Je veux dire : je ne me sentais pas vraiment attiré par ce pays en particulier avant d’y découvrir la lucha libre et tout le folklore et la culture associées. Désormais, je suis un peu tombé amoureux du Mexique et j’aimerais y aller un jour. Mais je sais bien que j’en ai une vision très formatée par le prisme de mes passions.

8 : Dans « Le dernier Vodianoï »¹¹ (qui chronologiquement serait ton premier roman 🧐), on embarque pour une URSS sous Staline, mélangeant créatures étranges, grandes figures historiques et agence gouvernementale à la Hellboy¹². Au delà de l’aspect littérature de genre, ça sent bon l’amour de l’Histoire et du folklore, alors…une passion de plus ?

Le Dernier Vodianoï aux éditions OVNI

Oui, c’est bien mon tout premier roman, fascicules de Green Tiburon exceptés. Alors, le folklore, pour être honnête, pas vraiment, même si le folklore slave regorge de créatures cheloues, velues et plutôt effrayantes et donc intéressantes. L’histoire, par contre, à fond ! En fait, je n’y connaissais pas grand-chose à l’URSS avant de bosser WarsaW. A l’époque, je me suis documenté et j’ai découvert cette période, que j’évoque brièvement plus haut et là, paf, je me suis dit : c’est, par certains côtés, une espèce d’enfer bureaucratique, anonyme et flippant (attention, je généralise pas sur l’époque, mais disons qu’il y a de quoi piocher pour dépeindre des temps plutôt difficiles à vivre quand même), qui fera un pendant « merveilleux » à un monde féérique bien glauque. Je voulais faire mon labyrinthe de Pan à moi, je suis rien qu’un gros copieur, en fait. Après, quand j’ai commencé à reconnaître tous les gens dans les photos autour de Staline, dans les bouquins, je me suis un peu fait peur et je suis passé au Mexique !!

9 : J’ai surpris sur ta page Facebook plusieurs « teaser » de ton prochain livre à paraître (dont le WIP de la couverture figurant des rats qui m’ont l’air plutôt teigneux… Haha !)… Tu peux nous en dire un peu plus ou c’est top secret ?

Garbage Rampage aux éditions OGMIOS

Alors en fait, c’est une réédition d’un roman édité chez Trash¹³. J’ai voulu écrire une sorte de série B comme on pouvait en trouver dans les vidéoclubs de mon enfance, entre Bad Taste et Hellraiser. Avec ce New York bien craspec des eighties, des rats (ben oui, forcément), des mutations, un duo de flics antagonistes, un clochard qui sait… Du cliché mais en respectant le genre. Du coup, ce roman, c’est comme si vous vous aventurez dans un vidéoclub désaffecté et qu’il reste une pauvre cassette dans un rayon vide et poussiéreux et qu’il y a la petite jaquette cartonnée glissée dans le plastique pour signaler qu’elle est dispo. Normalement, c’est aussi le premier volume d’une espèce de trilogie « Rampage » dont je ne veux pas trop parler pour garder une certaine aura mystérieuse.

10 : Je te soupçonne d’avoir des projets plein les tiroirs pour les années à venir, tu comptes nous surprendre avec de nouvelles thématiques ( de nouveaux supports peut être ) ou creuser plus avant tes univers déjà établis ?

Je me lasse très vite. A mon grand dam, comme on dit. Du coup, des suites, pour moi, c’est compliqué, vu que je pars de suite sur un projet totalement différent. Sauf pour Hierofante, dont j’aimerais proposer le dernier épisode dans pas longtemps. Là, je suis sur un très gros projet SF-médiévalo-craspeco-lovecrafto-futuristo-apocalyptique. Je veux moi aussi écrire un pavé SF dans lequel j’évoque tout plein de thématiques qui me donneront l’air intelligent en dédicaces !

11 : un petit quickie sur l’imaginaire en général :

  • Si tu étais un livre (roman/bd,…) :

C’est pas vraiment un roman mais Hommage à la Catalogne¹⁴ de George Orwell, mon idole (avec David).

  • Si tu devais cosplayer quelqu’un :

Je ne suis pas assez beau pour cosplayer Ziggy Stardust. Trop vieux, trop gras, je serais ridicule. Même si j’aime le look post apo, je crois pour autant que je choisirais The Dude. Ce serait l’occasion de faire sa feignasse en sirotant des white russians et l’idée est séduisante. Et puis c’est physiquement moins exigeant.

  • Si tu étais un jeu (de rôle/vidéo,…) : 

Alors là, forcément, ça fait prétentieux, mais j’aimerais bien être Luchadores car j’aimerais franchement pouvoir y jouer une petite campagne en tant que PJ. Sinon, j’aime beaucoup Miles Christi¹⁵ (vous connaissez pas, gamins ?).

  • Si tu étais une période historique : 

Le Moyen Âge m’a toujours terrifié, les années 30 aussi. Alors je les adore mais j’aimerais pas les « être ». Par contre, les années 70, c’était vraiment spécial : c’est le moment où la musique, les voitures, les films, tout est le plus mieux. Y’a aussi des aspects difficiles à cette époque, c’est sûr mais voilà, je choisis les années 1970. 

  • Si tu étais un univers fantastique : 

Star Wars. J’aime les jawa, l’idée d’aller sur des planètes différentes, l’esprit d’aventure qu’il y a dans chaque plan.

Et pour conclure, selon toi, quelle serait la place de l’imaginaire dans la culture (qu’elle soit populaire ou autre) et comment te positionnes tu dans ce vaste tableau ? (rhaaa, elle est vache celle là hein ?) 

La place de l’imaginaire dans la culture ? Pour moi, elle est plus que prépondérante, elle est la base, en quelque sorte. Comme disait l’autre, à la base de toute création, il y a une négation. Et c’est cette négation qui est comme la mèche de l’imaginaire. Et j’ai construit ma culture autour de piliers de l’imaginaire. Du coup, tout ce qui est littérature blanche, ciné d’auteur rive gauche, tout ça, m’est totalement étranger et ne m’attire guère. 

Ma place dans tout ça, elle est plutôt claire pour moi. Je me vois comme un artisan. Je n’aime pas parler d’écrivain, encore moins d’artiste. Artisan, ça me va, vu que perso, ma démarche est de recycler mes obsessions du moment en les mélangeant pour en tirer des histoires que j’essaie de produire comme les plus efficaces possibles. Je me vois comme un gars qui fait une commode qui sera la plus belle et la plus pratique possible mais moi, je ponce des pages, pas des tiroirs.

Et voilà pour aujourd’hui, n’hésitez pas à jeter un oeil sur les « commodes » de Julien, artisan passionné (qui va jusqu’à utiliser de jolis tampons thématiques pour ses dédicaces) et passionnant des littératures de genre.

Merci à toi pour toutes ces réponses et ton amour des « freaks »…

… … Scary monsters, super creeps

Keeps me running, running scared… …

Propos recueillis par David Barthélémy

Liens utiles :

Biographie et bibliographies :

https://www.moutons-electriques.fr/julien-heylbroeck

http://www.legrog.org/biographies/julien-heylbroeck

Blog :

http://loeilcannibale.blogspot.com/?m=1

Références :

¹http://www.legrog.org/jeux/warsaw

²http://www.legrog.org/jeux/kuro

³http://www.legrog.org/jeux/humanydyne

http://www.legrog.org/biographies/willy-favre

https://johndoe-rpg.com/

http://www.legrog.org/jeux/luchadores

https://www.editions-actusf.fr/a/julien-heylbroeck/stoner-road

http://www.legrog.org/jeux/brigade-chimerique

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Romain_d%27Huissier

¹⁰https://www.lecarnoplaste.fr/

¹¹https://www.actusf.com/detail-d-un-article/le-dernier-vodianoi

¹²https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Hellboy_(comics)

¹³http://trasheditions.blogspot.com/?m=1

¹⁴https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Hommage_%C3%A0_la_Catalogne

¹⁵http://www.legrog.org/jeux/miles-christi

Focus

Focus sur Olivier « Akae » Sanfilippo (article initialement publié sur le blog « Cultures de l’imaginaire »)

Si vous avez ouvert un livre de jeu de rôle de production française sur, disons les cinq dernières années et rêvé devant une carte détaillée de votre région d’aventure favorite, ou encore bavé devant une superbe couverture mêlant tons sépias et vert électrique, alors vous avez certainement déjà croisé le travail d’ Olivier… 

Princesse Yukihime « l’Empire des cerisiers »

1 : Salut Olivier, ça va bien ?

Et bien Salut David! ca va super bien! merci beaucoup!

2 : Depuis quelques années maintenant, tu deviens un illustrateur incontournable du petit monde du jeu de rôle…dis voir, il reste encore des gens ici (la France notamment) avec qui tu n’as pas travaillé et souhaiterais le faire ?

Incontournable je ne suis pas certain, mais oui je commence à avoir quelques participations à pas mal de projets c’est certain. J’ai bossé avec pas mal de monde, mais oui il y a encore des personnes avec qui je n’ai pas travaillé. Après si parmi certains d’entre eux j’aimerais travailler avec? En fait, je t’avoue je n’y ai pas réfléchis. Je m’éclate déjà actuellement, du coup j’ai pas nécessairement besoin d’aller chercher ailleurs. Pour le reste je fais en fonction des rencontres, des affinités et des projets. J’ai eu des demandes de certains collègues et amiEs avec qui je n’ai pas encore travaillé, après c’est plus là une question de disponibilités que d’opportunité de travailler avec ou pas.

3 : Mon premier contact avec ton travail remonte à Antheas¹ (un univers injustement méconnu à mon sens) et depuis, bien du chemin a été parcouru (c’est le moins que l’on puisse dire)…alors, coup de pot, bête de travail ou puissante magie vaudou pour arriver où tu en es aujourd’hui ?

Rhaaaa Anthéas! C’était l’une de mes toutes premières publications, ma toute première éditée professionnellement même. Ca avait été une super expérience avec les copains Denis et Fabien! Franchement un super univers qui à mon sens mériterait une nouvelle édition! Le jeu est sorti en 2008, donc oui pas mal de chemin parcouru depuis! A part la magie, sinon je pense que c’est un mélange de plein de chose qui m’a mené là aujourd’hui. Des rencontres formidables, du travail bien entendu, un entourage exceptionnel, des amiEs qui vous soutiennent, de la remise en question et oui du hasard, des coups de pots probablement. Bref, plein plein de chose. Mais bon le chemin devant est encore plus long que ce que je viens de parcourir. On va voir où il me mènera, mais en tous les cas je suis super bien là où je suis aujourd’hui et c’est le plus important à mon humble avis.

4 : Quand on parle de cartographie ludique (pardonne moi le terme), c’est bien souvent synonyme de Akae…d’où te vient cet amour du terrain ? (Réelle passion, hasard des commandes, … ?)

Village de Kokoro-Mura « l’Empire des cerisiers »

J’avoue la cartographie à fait exploser mon carnet de commandes! Alors l’amour des cartes ça me vient de tout petit et des atlas et bouquins d’histoire de mon Grand-Père. Je passais des heures à m’imaginer des histoires et des aventures en suivant du doigts les routes, chemins, et autres éléments cartographiques. Il y a je pense aussi toute cette dimension fantastique autour de la mythique “carte au trésor”. Un truc de gosse, mais qui pour moi avait un impact réel sur mon imaginaire et sur ma perception du monde. J’ai continué à aimer cartographier mes premières parties de JDR et par la suite quand j’ai opté pour un cursus universitaire en Histoire, les cartes sont restées pour moi un média très important pour ce qu’elles disent mais aussi ce qu’elles ne disent pas. Bref j’ai continué à baigner dans la cartographie historique, qui plus est vu mon sujet de thèse de doctorat qui traitait des échanges entre l’Europe et l’Asie au XVIIe et de fait des hommes qui faisaient les échanges et leurs déplacements, etc. Bref la carte est restée un élément important. Toutefois sur le plan de l’illustration je réservais le plus souvent la cartographie pour mon propre plaisir ou mes parties et univers perso. Il n’y avait pas encore le développement de ces 5 dernières années avec des “cartographes” à proprement parler dans le milieu. Le plus souvent un illustrateur s’y collait sans que ça le définisse véritablement comme un cartographe. La première grosse carte de cité que j’ai réalisé, ce fut pour le supplément que j’ai co-écrit avec Aldo Pappacoda, pour L5R, Sunda Mizu Mura² (La Voix de Rokugan/AEG/Edge) Finalement c’est avec les Ombres d’Esteren³ (Agate RPG) que la donne a changé. Je me suis retrouvé à faire des plans de lieux puis Nel m’a proposé de réaliser des cartes géantes des cinq cités les plus importantes du jeu. J’ai dis ok… et j’ai pleuré (rires)! Le boulot s’est étalé sur un an et demi. J’ai conçu et réalisé les cinq cités à la main pour toute les lignes encrées. J’ai pas mal appris, notamment sur les choses à ne plus faires, une des cartes mesurant au final plus de 2m00 sur 2m00 de dimension… bref au final ce chantier assez monstre s’est soldé par une récompense à la GenCon avec un Ennie Award en Gold dans la catégorie Best Cartography. C’était pour moi incroyable, j’ai eu du mal à réaliser d’abord qu’on avait été nommé, alors en plus quand on a remporté ce prix là, c’était exceptionnel! J’étais vraiment super content. C’était en 2016 et en fait dans les semaines qui ont suivi ce prix, j’ai été contacté par de nombreux éditeurs pour bosser sur diverses cartographies. Aujourd’hui j’ai un sacré paquet de réalisations cartographiques au compteur et des projets énormes!!!

5 : Tu as sauté le pas récemment en tant qu’auteur de ton propre univers (après le travail de créa pour la voix de Rokugan) et l’accueil du projet (rappelons le, l’Empire des cerisiers⁴ {l’EdC}, pour les trois du fond collés au radiateur qui ne suivent pas) a été plutôt chaleureux par la frange de rôlistes qui suivent les différents Financements Participatifs…ça doit pas mal changer du travail de commande, ça fait quel effet, pas trop de pression ?

Ouais l’accueil qui a été réservé au projet était énorme! Encore merci à tous ceux qui ont fait de ce Financement un succès et surtout une expérience humaine formidable! Alors oui très clairement ça change radicalement du travail de commande. C’est à la fois génial, très clairement on va là où on veut aller et là dessus, Mathieu, mon éditeur (Mathieu Saintout – Arkhane Asylum Publishing), m’a laissé une liberté totale. Mais c’est aussi un autre degré de pression. Donc oui j’ai eu de gros moments de stress, des moments de doutes, par paquets, beaucoup d’appréhension et c’est toujours le cas. J’ai un mal fou à prendre du recul sur mon travail, je doute énormément, que ce soit un travail de commande ou pas. Et même quand je sais très bien que j’ai rendu quelque chose de bien, j’attend les retours avec pas mal d’angoisse. Je crée bien entendu pour moi, parce que créer c’est pour moi vital, mais ma création n’a de sens que si elle est partagée, de fait le regard de l’autre sur celle-ci est très important. Concrètement, et c’est certainement très égocentré, j’aimerais que mon taf plaise à tout le monde. Mais, outre le fait que j’ai encore tellement de progrès à faire, je me doute bien que ça voudrait dire sacrifier une part de ce que je suis ou de ce que je veux transmettre. Et ça c’est hors de question. J’ai parfois des choses à dire, des choses à mettre dans mon travail, et sur certaines, il n’y a pas de concessions envisageables. Et cette conviction s’est affirmée avec le temps et à mesure que j’évolue. Du coup on s’expose c’est certain, et de fait on attend la critique bonne ou mauvaise avec attention, beaucoup d’intérêt et ouais un peu de crainte c’est sûr (rires).

Après pour revenir sur le projet de l’EdC, j’ai eu la chance d’être entouré d’une équipe formidable tant humainement que techniquement et le projet est ce qu’il est grâce à elles toutes et tous. C’est hyper important d’être bien entouré dans un projet comme ça surtout qu’il y a une masse de travail énorme. Je les en remercie encore mille fois!  

6 : Du coup, des projets de développement autour de l’EdC ?

(Je suis tombé via ta page Facebook sur une illustration clairement orientée Space op’, ou à tout le moins SF…peut on espérer un autre jeu, ou un supplément inscrit sur une Time Line commune mais plus lointaine ?)

Ha ha! L’EdC dans les étoiles! En fait, c’est une idée qui m’est venue naturellement, mais c’était un délire très personnel. J’adore la Space Fantasy du coup j’ai improvisé à mon épouse un solo et j’ai pris comme cadre l’EdC que j’ai projeté en avant en terme de Timeline. Mais mes envies de Space Op/Fantasy étaient déjà là avant, l’envie d’y inclure une dimension japonaise aussi et je ne suis pas le seul à m’y être intéressé. D’ailleurs on retrouve très souvent des éléments issus de la culture japonaise dans la science-fiction. Bref c’était un délire et j’en ferai probablement quelque chose de finalisé. Quant à savoir la forme que ça prendra (supplément type spin-off ou autre), ça c’est une autre question. L’important actuellement c’est de continuer et terminer la gamme prévue 🙂

7 : Quand je vois tout ton boulot sur l’EdC, je me prends à rêver d’une série de bd sur le thème (ou pour le moins un one shot, comme a pu le faire l’équipe des Ombres d’Esteren avec Melwan⁵ et Emmanuel Roudier)…c’est un domaine qui t’attirerait ?

Alors, je suis un consommateur de BD en tout genre (franco-belge, manga, comics, etc.). J’aime beaucoup ça en tant que lecteur, mais pas du tout à réaliser. C’est un taf à part entière, on ne s’improvise pas auteur de BD comme ça, même si on est illustrateur. C’est aussi un taf monstre et je ne sais pas si j’aurais le courage et les compétences sur ce format là pour mener à terme un tel chantier. Mais bon après si des personnes sont intéressées pour réaliser une BD (ou pourquoi pas d’autres types de médias et de projets) dans l’univers, personnellement je suis ouvert à toutes les discussions <3

8 : Je suis assez admiratif quant au fait que tu aies réussi à imposer (le terme n’est peut être pas idéal) les différentes teintes de rose de ton travail dans un paysage qui se revendique traditionnellement d’une imagerie plutôt « virile » (cf warhammer, add, cyber punk et consorts) … C’était une sorte de défi personnel ou ça s’est fait naturellement ?

Tu penses que ça marque une évolution dans le monde du Jdr ?

Paysage de Sakura-Shima « l’Empire des Cerisiers »

Si tu savais ce que j’en pense que l’imagerie plutôt “virile” (Rires)! J’aime la couleur rose (j’adore même), je voulais du rose, j’ai mis du rose. Bref on a mis du rose tout naturellement. On a eu le droit à quelques commentaires du genre “mais la bande sur la couverture elle va vraiment rester rose?”… mais franchement c’est resté très light et rare. On va pas tourner cent fois autour du pot, je dois très certainement être catégorisé par une poignée de grincheux de fond de cave dans les SJW, les Paladins Chatoyants, les khmers roses (tiens d’ailleurs du rose, c’est cool), etc. Personnellement ça me va, même si je ne pense pas en être digne (rires). En fait, je m’en contrefous, ça me fait rire parfois. Si des personnes ont besoin de suivre un code couleur pour se sentir “viriles” (ce que ce mot sonne idiot), à part les plaindre que veux tu que je leur dise? Plus sérieusement, le milieu professionnel évolue positivement on voit des productions qui aujourd’hui repensent les codes, jouent avec, et les cassent pour offrir et intégrer des évolutions sociales qui sont nécessaires dans un milieu, pour un média qui se veut profondément social, profondément lié à notre société (si il fallait le rappeler, le jeu de rôle c’est avant tout un jeu de société). C’est important de ne laisser personne sous prétexte qu’on ne veut pas changer ses petites habitudes. Moi-même j’ai changé, en profondeur, le rôliste, l’Olivier d’aujourd’hui, ce n’est plus le même que celui d’il y a 2 ans et je ne te parle pas de celui que j’étais il y a 10 ans. Bref, je pense qu’aujourd’hui on peut continuer à jouer comme on le souhaite, si on reste ancré dans un certain traditionalisme, personne ne va venir vous fliquer pour savoir comment vous jouez, mais pour les nouvelles générations, les minorités, les genres, etc. un peu plus d’inclusivité et des produits qui correspondent à toutes et tous c’est une très bonne chose. Bon je me suis peut être éloigné de ta question, mais je réagissais à l’aspect tradi “virile” et au fait que ma démarche paraisse étonnante. Non, tu n’as pas à être admiratif, vraiment, j’ai juste mis du rose dans mon jeu (et franchement je n’y ai pas mis que ça ^^)!

9 : Tu ne penses pas qu’il faudrait mettre à jour ta biographie sur le grog 😜🧐?

Ha ha!!! (Rires) Ma femme m’a dit la même chose il y a quelques jours et une collègue aussi! Ouais il faudrait… Mais j’aime bien cette bio. J’ai l’impression que c’était hier que je l’écrivais et franchement je suis toujours le même gamin qui a des paillettes dans les yeux et qui aujourd’hui a la joie de bosser sur des jeux qui l’ont fait rêver ado. C’est juste fou. Et du coup j’aime bien cette bio du tout début de ma carrière.

10 : Tu as un planning plutôt chargé, un petit tour d’horizon des projets en cours et à venir ?

Ouch!!! beaucoup! Actuellement je boucle la carte de Célestopol⁶ pour Emmanuel Chastelière. J’ai aussi rendu en juillet le plan pour le prochain roman de Maxime Chattam, L’Illusion⁷ (Albin Michel). Sinon je continue la suite de l’Empire des Cerisiers bien entendu. J’ai particulièrement bien avancé sur le prochain supplément qui traitera des yôkai. Je travaille en ce moment sur GODS⁸ (Arkhane Asylum Publishing). J’ai bouclé déjà depuis un petit moment mon travail sur la prochaine édition de Maléfices⁹. Je travaille aussi sur METRO 2033¹⁰ ( toujours avec Arkhane Asylum Publishing). Je continue aussi mon travail avec Chaosium, notamment sur RuneQuest¹¹ et il y a des parutions pour l’Appel de Cthulhu¹² qui devraient sortir prochainement. J’ai aussi toute une série de projets personnels (qui ont déjà un éditeur) et d’autres importants, mais dont je ne peux pas parler pour le moment, mais y’a du lourd ^^!

11 : un petit quickie sur l’imaginaire en général :

  • Si tu étais un livre (roman/bd,…) :

 Allez j’en cite deux!!! l’Affaire Caïus¹³. Je l’ai lu enfant et il est resté gravé à la fois comme une super aventure dans le cadre antique et comme un exemple de comment il est possible de jouer avec l’Histoire. Comment l’Histoire, les sciences, le savoir, etc. sont des matériaux extraordinaires pour créer de la fiction et nourrir son imaginaire. Je ne l’ai plus lu depuis le collège et pourtant il reste très présent. J’avoue j’ai peur de le relire aujourd’hui et d’y perdre les sensations et le plaisir que j’avais eu à l’époque! Un autre livre, c’est la découverte du roman Les contes du magatama : La Fille de l’eau¹⁴, de Noriko Ogiwara. Je l’ai découvert en pleine écriture de l’EdC. C’est mon éditeur qui me l’a commandé et donné car mes choix sur la manière de réinterpréter et de me servir de la matière mythologique, folklorique, historique japonaise avait certains points communs avec le travail de Noriko Ogiwara sur son roman. Il m’a dit : “il faut que tu le lises”. En plus, c’est lui qui l’avait édité auparavant… si c’était pas une bonne coïncidence! J’ai de fait découvert une oeuvre considérée comme le premier roman de fantasy japonaise et une autrice de talent. Son roman est vraiment sublime et l’emploi qu’elle fait des références japonaises m’a conforté dans ma propre approche avec l’Empire des Cerisiers. D’ailleurs je le conseille à tous ceux qui ne le connaissent pas.

  • Si tu devais cosplayer quelqu’un : 

Bah là je crois que je vais pas pouvoir échapper au costume du Tanuki¹⁵… Mais si je devais être un cosplay? Hauru (Le Château Ambulant¹⁶). J’aime énormément ce personnage, il me parle beaucoup et je retrouve certain morceaux de moi en lui. Tant sur ce qu’il est que sur ses faiblesses qui font sa force et inversement. bref j’aime énormément ce personnage. Y’a bien Nausicaa¹⁷ (quel personnage fabuleux) aussi ou encore Sailor Moon¹⁸!

  • Si tu étais un jeu (de rôle/vidéo,…) :

 En jeu de rôle? Bah je crois que l’Empire des Cerisiers c’est clairement un vrai morceau de moi. mais bon ça compte pas non? Du coup je dirais Legend of the Five Rings¹⁹. Il a eu lui aussi tellement d’impact sur ma carrière, un tas de choix professionnels, et même universitaires. Sans compter le paquet d’années et les folles campagnes que j’y ai mené avec mes amiEs, la Voix de Rokugan et tout ce que ça m’a apporté!

  • Si tu étais une période historique : 

Alors étrangement, je suis un fan d’Histoire, j’ai un amour sincère pour cette matière, j’en ai même fait mes études, de la recherche, etc., je m’y plonge continuellement pour me documenter et pour le plaisir. Mais, je n’ai jamais voulu être une autre période que celle que je vis. Je n’ai pas cette nostalgie d’une époque révolue. Peut-être un regret de ne pas pouvoir voir quelles autres avancées l’humanité va faire dans les siècles à venir, comment nous allons évoluer, nous adapter. J’aurais rêvé être un voyageur spatial, embarquer les gens que j’aime et partir à la découverte de l’univers à travers les étoiles! Notre Histoire d’aujourd’hui et celle que l’on construit me fascinent et me stimulent au plus haut point. Du coup te donner une période historique que je pourrais être c’est dur.

  • Si tu étais un univers fantastique : 

C’est tellement difficile ces questions. Je suis incapable de savoir ce que je serais en fait. Probablement parce que j’ai du mal à me définir clairement et parce qu’il y a tellement de choses qui viennent à l’esprit, repartent, etc. je citerais peut-être l’Harmonde²⁰, conçu par Mathieu Gaborit, et son rapport à l’inspiration, les Muses, les arts, etc.? Je rêve d’une nouvelle édition en jeu de rôle (avec un autre système plus en adéquation avec la poésie qui se dégage de cet univers). 

Et pour conclure, selon toi, quelle est la place de l’imaginaire dans la culture (qu’elle soit populaire ou autre) et comment te positionnes tu dans ce vaste tableau ? (rhaaa, elle est vache celle là hein ?) 

La culture est pour moi essentielle au développement d’une société et l’imaginaire y occupe une place centrale. C’est un moyen, un cadre de projection, de dépassement et de renouvellement permanent, c’est injecter le rêve dans la culture, dans la société. Après, je suis forcément parti pris et peu objectif sur la question. En fait, pour moi l’imaginaire fait sens tout autant que le réel, voir me permet de mettre en relief ce dernier et les deux se nourrissent mutuellement. Personnellement je ne me positionne nulle part en particulier dans ce tableau. J’existe, je suis un petit rouage au milieu de tant d’autre. Tout au plus je laisse les autres me placer là où ils pensent qu’il est nécessaire de me placer, de mon côté j’avance tranquillement, je crée mon petit quota de culture et je partage ma petite part d’imaginaire.

Et voilà,ce sera (hélas) tout pour aujourd’hui.

Je tiens à remercier chaleureusement Olivier pour avoir accepté de se prêter à mes petites questions et vous encourage à suivre son travail de près, l’homme n’ayant pas fini de faire parler de lui et de ses univers 😁

Propos recueillis par David Barthélémy

Liens utiles :

Biographie d’Olivier sur le grog :

http://www.legrog.org/biographies/olivier-akae-sanfilippo

Site internet :

https://shosuroakae.wixsite.com/sanfilippo

Références :

¹http://www.legrog.org/jeux/antheas

²https://www.voixrokugan.org/sunda-mizu-mura/

³http://www.legrog.org/jeux/shadows-of-esteren

https://www.arkhane-asylum.fr/lempiredescerisiers

https://mobile.ulule.com/esteren-melwan/

http://www.emmanuel-chastelliere.com/celestopol

https://club-stephenking.fr/maximechattam-lillusion

https://mobile.ulule.com/gods-jdr/?lang=fr

http://www.legrog.org/jeux/malefices

¹⁰https://mobile.ulule.com/metro-2033/?lang=fr

¹¹https://fr.m.wikipedia.org/wiki/RuneQuest

¹²http://www.legrog.org/jeux/appel-de-cthulhu

¹³https://www.babelio.com/livres/Winterfeld-Laffaire-Caius/55358

¹⁴https://www.babelio.com/livres/Ogiwara-Les-contes-du-Magatama-tome-1–La-fille-de-leau/623516

¹⁵https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Tanuki

¹⁶https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Le_Ch%C3%A2teau_ambulant

¹⁷https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Nausica%C3%A4_de_la_Vall%C3%A9e_du_Vent_(film_d’animation)

¹⁸https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Sailor_Moon

¹⁹http://www.legrog.org/jeux/livre-des-cinq-anneaux

²⁰https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Cat%C3%A9gorie:L%27Harmonde