la Forme
Livre au format A4, reliure à dos carré collée de 168 pages, couverture cartonnée, intérieur noir et blanc, disponible sur Lulu en impression à la demande.
Le bouquin est solide (même si mon édition date de la sortie du jeu et que lulu a fait des progrès depuis 2017) et tient bien la route. L’illustration de couverture nous présente un archer au visage dans l’ombre qui pourrait aussi bien être Robin que n’importe lequel de vos joueurs, ce qui est plutôt bien vu pour se mettre dans l’ambiance.
Par curiosité, je serais presque tenté de re commander un exemplaire à titre de comparaison pour voir ce qui a changé dans les méthodes d’impression de Lulu.
En effet, mon exemplaire est doté d’une couverture légèrement mal centrée (en hauteur), du coup le sous-titre « le jeu de rôle » est à l’extrême limite de la tranche inférieure du bouquin, ce qui fait qu’une fois le livre debout, il donne l’impression d’être rogné.
Rien de grave, mais je m’interroge sur le fait de savoir si ce défaut a été corrigé pour les versions qui sortent de presse aujourd’hui.

La mise en page sur deux colonnes est bien aérée et très lisible, intégrant ça et là des encadrés sur fond gris qui viennent présenter des points de détails, remarques ou conseils de l’auteur, sans être envahissants. Le corps de texte n’impose pas le port de lunettes pour être déchiffré, ce qui est un sérieux plus passé deux heures du matin.
Les illustrations sont pour la plupart issues du domaine public et donnent bien le ton des récits qui seront développés au cours des parties. Certaines sont un peu pâles (notamment les cartes), mais une fois encore, rien de gênant quant à l’usage que l’on en fera en jeu.
On enchaine avec les parties création de personnages et règles (pages 13 à 82) qui vont nous permettre de construire, puis faire évoluer notre joyeuse bande de voleurs.
Pour ce qui est du cadre dans lequel tout ceci va prendre forme, les pages 83 à 117 nous fourniront tout ce dont nous avons besoin : une petite page de dates détaillant le contexte historique, puis la présentation de la société féodale de l’époque (roture, noblesse, lieux emblématiques, coût de la vie) avant de conclure sur la bande des Joyeux Compagnons et son fonctionnement.
Les pages 118 à 142 détaillent les rencontres (lire pnj), avec 10 pages sur les Alliés (oui, vous aurez la fiche de Robin), 8 pages pour les Opposants, 6 pages de Bestiaire à proprement parler et pour conclure une page de tables de rencontres (avec deux tables : rencontres standards et rencontres fantastiques).
Le livre se termine sur deux scénarios (14 pages), quelques conseils au MJ (bien pensés, surtout pour des MJ/Joueurs débutants (7 pages) et la feuille de personnage (1 page).

Le Fond
Une fois n’est pas coutume, cette partie de mon retour risque d’être assez brève. En effet, l’énoooooorme avantage de Sherwood est de proposer un contexte avec lequel une très grande majorité de rôlistes (ou non d’ailleurs) sera déjà familiarisée. Si je dis Robin, Lady Marianne, Petit Jean, Frère Tuck, Le Roi Jean, Nottingham1 ou fort justement Forêt de Sherwood, je ne prends pas de gros risques en assumant que c’est déjà tout un univers visuel qui se met en place dans la tête de l’auditoire. Que ce visuel soit associé à Walt Disney2, Kevin Costner3, Eroll Flynn4 ou Russel Crowe5, le fond reste le même… On pense Croisades, Tournoi d’archerie, voleurs au grand coeur et oppression du peuple par une noblesse souvent dépravée, tout ça sur fond de paysages forestiers. et de châteaux forts.
L’auteur a toutefois pris le partis de proposer un « léger » twist autour du personnage de Robin, qui sert d’articulation à tout le cadre de jeu. Je ne spoilerai pas votre lecture en vous révélant de quoi il s’agit, mais cela permet d’ajouter une touche de merveilleux et de revisiter le mythe à moindre coût de manière subtile.
Vos joueurs incarneront donc des membres de la bande des Joyeux Compagnons, au nombre approximatif de 150 (ce qui fournit une bonne réserve de pnj, persos de secours), qui entoure Robin et se cache dans la forêt de Sherwood, vivant de rapines et autre braconnages sanctionnés par la loi royale. Ces gentils truands suivent un code de l’honneur propre à la bande, instauré par Robin et luttent quotidiennement contre l’oppression, dirigée par le Sheriff de Nottingham et son séides Guy de Gisbourne.

La touche fantastique vient enrichir ce contexte déjà bien fournit et propose des angles d’attaque pour vos scénarios qui vous permettront d’alterner entre séquences de lutte « révolutionnaire » et événements magiques plus spécifiquement liés à l’exploration de la forêt, donc à la vie quotidienne de vos personnages. Elle reste optionnelle, mais il serait à mon sens dommage de se contenter de la base du mythe, tant cela peut servir efficacement à renouveler vos parties, sans nécessairement devenir envahissant.
Les deux scénarios en fin d’ouvrage vous proposent donc un avant goût de ces deux lectures du mythe, avec pour le premier une mission « typique » de sauvetage, du type scène finale de Robin des bois prince des voleurs, que l’auteur qualifie d’introduction idéale au jeu (ce qui n’est pas faux, mais pour ma part, j’avais opté pour faire jouer un incident entre les personnages et des collecteurs d’impôts dans leur village d’origine, suivi de leur intronisation dans la bande, histoire de bien leur faire ressentir toute la frustration et la rancœur qu’ils pouvaient/devaient concevoir à l’égard du pouvoir en place, avant d’enchainer sur la mission de libération, qui devenait en quelque sorte leur baptême du feu), et pour le second une sombre affaire de disparition de membres de la bande, qui va venir nuancer les relations entre brigands, peuple, oppresseurs et présence fantastique, faisant bien comprendre que la menace ne viendra pas toujours de là où on l’attends.
Le Système
Pour commencer, évacuons tout de suite que je ne suis pas un grand fan de Savage World6, sur lequel est basé Sherwood. Je le trouve beaucoup trop chargé pour prétendre vraiment au « fast, fun, furious » que nous promet le sous-titre du jeu… ajoutez à ça une expérience laborieuse de création de personnages sur le thème des super-héros et des incohérences « logiques » dans le système (comment ça, tu es sérieux quand tu dis que mon personnage qui possède un d12 en intelligence va devoir se contenter d’un d4 accompagné d’un malus parce qu’il n’a pas la compétence « mathématiques appliqués » alors qu’ il est un physicien de renom… ?!?) et vous comprendrez avec quelle appréhension j’ ai attaqué la lecture de ce chapitre.
Fort heureusement, l’auteur a ici opéré un remarquable travail de dégraissage, pour ne conserver que le squelette du système et enfin le rendre, à mon sens, efficace.
Les personnages seront donc mécaniquement définis par leurs Attributs (Force, Agilité, Esprit, Sens, Charisme, représentant l’inné) et leurs Talents (Guerrier, Filou, Forestier, Lettré, pour l’acquis, le vécu du pj), auquels seront à chaque fois associés des valeurs de dés (D4, D6, D8, D10, D12, …).
Les joueurs choisiront leur archétype parmi une liste de profils types (archer, bandit, chevalier, éclaireur, guerrier, mage, moine, noble, paysan, barde, voleur) qui leur donnera les valeurs d’attributs/talents, ainsi qu’une liste d’atouts (leurs spécialités) et un équipement de départ.

Le système de résolution des actions fonctionne de la sorte : lorsqu’il demande un Test, le MJ défini le seuil de difficulté, le couple Attribut/Talent correspondant à l’action, puis le joueur lance ses deux dés (s’il possède le Talent adéquat, sinon il ne lancera que le dé d’attribut) et conserve le meilleur résultat.
Les dés sont « explosifs », c’est à dire que si la valeur maximale du dé sort, le joueur peut choir de relancer et additionner le résultat au premier tirage.
Donc pour un D6 par exemple, sur un 6 on relance et additionne : 6 + relance affichant 4 = score de 10.
Mais c’est la fête me direz-vous… Hé bien il y a tout de même une « petite nuance ».
Lors d’une relance, si c’est le 1 qui sort, on ne retient plus que celui-ci… 6 sur le d6, je relance… encore 6… je suis joueur et relance encore… 1… Moralité, je ne fais pas un score de 13 (6+6+1), mais de 1… et arglll, c’est un échec lamentable à mon jet de préparation du
frichti. J’empoisonne par conséquent mes petits camarades qui auront tous la courante pendant deux jours (elle avait pourtant l’air délicieuse cette fricassée de champignons sauvages au hérisson 🤔).
Pour les jets en opposition (comme lors d’un combat par exemple, totalement au hasard), le meilleur résultat l’emporte, et la marge de succès (par paliers de 4 points) permettra d’infliger des dégâts supplémentaires ou des conditions (étourdis, désarmé, désavantagé, …). Voilà voilà… Si vous avez compris ça, vous avez tout bon et pouvez commencer à jouer, la messe et dite. Il y a bien sûr quelques détails supplémentaires, comme les protections, les boucliers, ainsi que les Atouts (qui permettent de bénéficier d’avantages ou de modification des règles), mais rien d’excessivement lourd à l’usage.
Par là dessus, nous rajouterons l’usage de points d’Espoir/Ombre qui sont l’équivalent ici des points d’héroïsme de nombre de jeux et permettront de relancer un test, ajouter un degré de réussite à un jet, ou encore regagner un point de vie. Il est à noter que cette réserve de points sera fluctuante, au gré des actions des PJ (et se restore à chaque nouveau scénario, ou remonte sur une bonne idée, un acte héroïque, …).
En effet, le code de l’honneur imposé par Robin servira de mètre étalon quant à l’héroïsme/vilénie des personnages. Tuer gratuitement quelqu’un fera perdre des points d’espoir, tout comme profiter honteusement de personnes en situation de faiblesse, abandonner ses amis, …
Cela permet de garder les joueurs sur les rails du récit aventureux sans avoir à intervenir sans cesse sur la manière d’interpréter les personnages, car s’ ils venaient au fil du jeu à réduire leur score d’espoir à zéro, puis passer en négatif, ils basculeraient du côté des vilains et par conséquent, ne seraient plus jouables.

Enfin, je ne m’étendrai pas sur la Magie à destination des joueurs (il y a des sorts à disposition) car, question de goûts, je ne trouve pas souhaitable qu’ils y aient activement accès (autant du coup, éviter de leur mettre l’eau à la bouche s’ils lisent ces lignes), cela donnerait au final une teinte trop « fantasy » là où il vaut mieux (toujours à mon sens) préserver le côté « de capes et d’épées ». Pour les vilains et un ou deux pnj, admettons, mais pas chez les joueurs.
Conclusion
Première chose à clarifier d’entrée : Sherwood ne se veut pas être un jeu historique. Nous sommes clairement dans un contexte de capes et d’épées, qui est taillé pour en respecter les codes. Des héros flamboyants, charismatiques ou de gentilles crapules, face à des vilains très vilains, corrompus et égoïstes… Et c’est très bien.
Attention, grosse parenthèse : (autant le manichéisme m’agace dans la plupart des univers de fantasy ou de S-F, autant je trouve cela hautement approprié dans le récit de genre… cela me replonge dans les Thierry la Fronde7, Lagardère8 ou autres vieilleries avec Errol Flynn, c’est à dire dans une enfance à laquelle l’absence de nuance dans le caractère des héros et des méchants convenait à merveille.
C’est un monde d’archétypes qui a un indéniable petit gout de madeleine pour moi et que finalement, après tous ces jeux, toutes ces fictions, toujours plus matures ou démoralisantes de normalité, je trouve hautement rafraichissant.
Merci de nous sauver du syndrome Trône de Fer9, où en définitive, tout le monde est sale, tout le monde est périssable et en demi-teinte…
Je le concède volontiers, cela a fait du bien à la fantaisie et lui a permis (il y a déjà 25 ans de cela) de se renouveler, mais au final, appliqué à nombre d’œuvres sorties depuis, cela vient « désenchanter » ce qui devrait rester « merveilleux » et nous enfonce simplement dans de « nouveaux » clichés plus déprimant les uns que les autres)
Sherwood nous permettra donc de positiver à nouveau le récit aventureux, alliant un système simple et efficace à des codes narratifs clairement définis.
Je trouve que le choix du thème est intelligent et particulièrement adapté à de l’initiation, car comme je le disais plus haut, tout le monde possède les références pour situer le contexte en deux secondes vingt quatre et se concentrer rapidement sur l’histoire que vivront les personnages.
Les règles en elles même sont simples et efficaces, et à défaut de me reconcilier avec Savage World, me paraissent réellement y être une alternative intéressante… ce que l’auteur a bien compris de son côté, vu qu’il a produit ensuite F.A.C.E.S10, qui est un moteur générique reprenant le système de Sherwood, donnant ainsi la possibilité de le transposer à différents types d’univers (j’y reviendrai plus en détail dans un prochain retour de lecture).

Les conseils, références, listes d’inspirations prennent la place qu’il faut et tapent juste, rendant le propos clair et concis…bref, vous l’aurez compris sans mal, je n’ai guère que du bien à dire de Sherwood (que je trouve au final plus intéressant que Brigandyne11, du même auteur, alors qu’il aura beaucoup moins fait parler de lui… dommage).
A la limite, il aurait gagné à bénéficier d’un traitement graphico/esthétique plus léché comme c’est le cas pour F.A.C.E.S, même si je trouve qu’au final cela lui donne un petit côté old school qui n’est pas pour me déplaire.
Donc voilà, Sherwood, c’est bon, mangez en.
Un jeu de James Tornade, disponible sur LULU en version pdf, couverture souple ou couverture cartonnée (celle que j’ai)
P.S. un écran est également disponible en version pdf, toujours sur lulu.
P.P.S. Je vous mets dans les commentaires la critique de Guillaume HATT, avec son aimable permission 😁
notes et références :
1 Robin, Lady Marianne, …
2 Walt Disney
3 Kevin Costner
4 Eroll Flynn
5 Russel Crowe
6 Savage Worlds
7 Thierry la Fronde
8 Lagardère
9 Le Trône de Fer
10 F.A.C.E.S
11 Brigandyne