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Entretien avec Nicolas « Gulix » Ronvel

Nous poursuivons notre tour des indépendants du jdr avec aujourd’hui Nicolas “Gulix” Ronvel1, auteur de nombreux jeux au format court, traducteur et papa du tout récent Face au Titan2, un jeu sans meneur de son cru, disponible en pdf et en impression à la demande sur DrivethruRPG3.

Voilà, ça c’est un auteur heureux

Bonjour Nicolas. Attaquons avec ton actualité …
Jusqu’ici ta grande spécialité c’était plutôt les jeux courts (en une page, pour trop long ; pas lu4), les cadres de jeu pour Fiasco5 et Monster of the Week6 ou encore des traductions comme Mausritter7 ou Dino Island8.
Alors dis-moi, qu’est-ce qui a fini par te pousser à te jeter dans la création de Face au Titan (qui, rappelons-le, pèse tout de même ses 372 pages) ?

Alors, commençons par rétablir la chronologie de tout ça. Parce que si Face au Titan ne sort que maintenant, il a en fait émergé à l’été 2018. Et a pris forme et consistance autour de l’automne et l’hiver suivants. Alors que les traductions de Escape from Dino Island et Mausritter ne sont intervenues que plus tard, quand la grosse machinerie était lancée.

L’envie, elle est venue en créant justement des suppléments (pour Monster of the Week, Fiasco ou Dungeon World9) et aussi en traduisant des jeux (notamment pour la Caravelle10, comme A Single Moment11 ou Death of Legends12). J’avais cette envie de porter un projet, de porter ma vision et d’en faire un ouvrage complet. Pas juste un supplément.

J’aime l’exercice de création, et j’avais participé à des concours de création (GameChef13, 200-word RPG14, Trois fois forgé15 …) qui m’avaient mis l’eau à la bouche. J’avais un autre projet (sur lequel je reviendrai un jour) qui avait toute mon attention, sur lequel je réalisais des playtests, pour lequel j’avais même contacté des éditeurs. 

Et puis Face au Titan a débarqué sans prévenir. Une écriture estivale au camping, suite à des idées qui ont émergé de souvenirs lointains à propos d’une nouvelle dans un vieux supplément de Necromunda16. J’ai écrit pleins de trucs, trouvé cette idée de phases, et tout s’est enchaîné rapidement.

Les tests étaient concluants, et je me suis lancé dans cette aventure sans forcément bien savoir où cela allait me mener.

Pour celui-ci, tu as eu recours au financement participatif par la plateforme Kickstarter17, tu pourrais nous parler un peu de ce que ça a changé pour toi en tant qu’auteur (et du coup éditeur), dans la méthode, la conception du projet, ainsi que les avantages/inconvénients de la chose ?

Plus je travaillais sur le brouillon du jeu, plus je voulais en voir une version complète. Avec notamment des illustrations. Et comme je ne sais pas dessiner, il me fallait un illustrateur. Et donc le rémunérer. Je n’avais à l’époque pas les fonds, et aussi une volonté de ne pas perdre d’argent (autre que celui de mon temps) sur le projet. Donc, l’idée de monter une campagne de financement a germé très vite. Et puis j’étais curieux de l’envers du décor.

A côté de ça, Face au Titan est un jeu de rôle particulier, parce qu’il s’agit d’un jeu sans meneur, avec un système où la narration l’emporte sur le ludique. Pour traîner un peu dans les conventions et sur les réseaux rôlistes, je ne voyais pas comment le financer avec le seul marché francophone. Je me suis posé la question de la viabilité d’une traduction, et j’ai fait des tests. Ça m’a convaincu de me lancer dans la chose.

Et voilà un beau bébé de 372 pages arrivé bien à terme, félicitations aux heureux parents

Je pensais avoir bouclé une bonne partie du texte. Me restait la mise en page, ainsi que les quelques bonus. Je voyais ça bouclé en quelques mois. J’étais naïf. 

Déjà, j’étais tout seul. Grossière erreur. Une campagne, bien menée, c’est éprouvant. Une à deux heures quotidienne de suivi, pour répondre aux questions, rédiger les news, relancer la communication, faire le tour des réseaux. Pas mon métier. Pas ma passion. Mais nécessaire. Ça m’a vidé.

Et je n’ai pu reprendre le travail sur le brouillon que fin août, quand la campagne s’était terminée en mai. Parce que je n’arrivais plus à encadrer le jeu. Donc retard. Et des tests supplémentaires m’ont amené à réviser des choses, qui ont entraîné des réécritures. Bref, encore plus de retard. 

Par contre, de l’autre côté, j’ai pu touché plein de monde que je n’aurai même pas effleuré sans ça. Parce que Kickstarter lui-même est une grosse vitrine. J’ai pu entrer en contact avec des gens de communautés que je ne connaissais pas, et j’ai pu intégrer dans le jeu des gens dont les productions m’avaient influencé. J’ai aussi pu constater que Face au Titan attirait l’intérêt. Et c’est quand même bon pour l’ego. 

La page de financement a tout de même réuni 448 souscripteurs, ce qui est très honorable pour un premier projet de cette envergure, et t’as permis de toucher le marché anglo-saxon. Tu aurais des chiffres à nous donner quant à la proportion de souscripteurs version française/version anglaise ?

J’ai environ 40% de backers francophones. Ce qui est normal parce que c’est là que j’ai communiqué le plus. J’avais déjà une présence dans certaines communautés, je connaissais les médias à qui m’adresser, et j’avais des gens qui avaient testé le jeu qui en parlaient.

J’ai eu la bonne surprise d’avoir des contacts italiens et finlandais, en fin de campagne, qui m’ont demandé s’il était possible d’avoir le jeu en anglais et en français, pour raviver un français qu’ils avaient étudié et qu’ils souhaitaient rafraîchir.

Tu t’es donc fortement inspiré du système de Sword Without Master18 de Epidiah Ravachol19 pour motoriser ton jeu. C’est un choix qui s’est imposé de quelle manière ? Et surtout, comment t’y es-tu pris pour te l’approprier et lui faire servir le propos de ton jeu ?

La couverture de la vf de Swords Without Master par Guillaume Tavernier

Je suis un grand fan de Swords Without Master. C’est pour moi un des meilleurs jeux de rôle qu’il m’ait été donné de pratiquer. Et j’étais à fond dans la customisation du système sur un autre projet (les Orphelins du RadX20) quand l’idée de Face au Titan a débarqué. J’avais aussi lu Sorceress Bloody Sorceress21, qui reprend des mécaniques dans un jeu sans meneur. Et Face au Titan était au départ un hack de ce jeu, pour y jouer “une sorte” de Moby Dick22

Ca a vite dérivé, et j’ai commencé par établir ces Phases de jeu, avec leurs tons propres. Chaque phase avait ses propres règles (mais j’en suis revenu pour arriver à 5 phases/3 règles), et je me suis inspiré des phases de Swords Without Master, d’autres hacks (With Great Power23 notamment).

Le reste est venu assez naturellement, en essayant de donner un rôle aux dés et à chaque type de résultat, tout en gardant un rythme fluide à la partie. Les tests ont été cruciaux pour enlever l’inutile et réviser ce qui ne fonctionnait pas.

Le jeu propose plusieurs ajouts de Titans par des noms bien connus de la scène indépendante, comme Epidiah Ravachol, Melville24, Khelren25 ou Raffaele Manzo26 (dont je confesse ne pas connaître le travail, à mon plus grand désarroi).
Alors, tu l’as recruté comment ton casting ?

J’ai tout simplement dressé une liste de gens qui avaient influencé mon travail, et que je jugeais important dans ma construction d’auteur mais aussi dans ce qu’ils avaient amené à Face au Titan par ce biais.

Raffaele Manzo est un auteur italien que j’ai découvert via Enter the Avenger27, un jeu de rôle de vengeance publié dans Worlds Without Master. Une de mes premières traductions indépendantes pour un jeu méconnu (Vengeance Aveugle28). Et le contact lors de cette traduction était bien passé, et je ne voulais pas proposer que des Titans francophones. Comme il hésitait entre deux Titans, on est parti sur les deux (la campagne le permettait).

Epidiah, c’est parce que je voulais tout simplement intégrer l’auteur du jeu qui a permis à Face au Titan de voir le jour. Et j’adore les univers qu’il propose via ses jeux.

Melville, c’était une évidence pour moi. Sur les Frontières29 est un méga coup de coeur de ma part. Et on a pu se croiser quelques fois aux Utopiales30 (Nantes) ou à Eclipse31 (Rennes). Des discussions toujours très intéressantes. Je savais que les univers qu’el proposerait seraient assez différents des Titans plus classiques que j’avais proposé. El a accepté avec plaisir et quand j’ai vu arriver Tisseuse, qui prolonge l’univers de la trilogie Naëscence, j’étais aux anges. Et la proposition de Grisaille correspond parfaitement à ce que je recherchais en ouvrant à d’autres la création de Titans : des idées que je n’aurais pas eu. 

Enfin, Khelren m’avait contacté pendant la campagne pour me proposer un coup de main d’éditeur. Mais je n’avais pas le budget pour. Par contre, j’étais ravi de lui proposer un Titan. Sachant qu’il a traduit Swords Without Master en français et m’a donc permis de rencontrer ce jeu, c’était une boucle de bouclée. 

Le jeu se veut ouvert aux Hacks, que cela soient les tiens ou ceux d’autres auteurs … Histoire de nous faire saliver un peu plus, tu as déjà des pistes ou des propositions par des tiers ?

Je n’ai pas encore eu de propositions de hacks, mais j’ai pu discuter avec Nick Bate32, auteur de Stealing the Throne33, et Face au Titan a guidé certains de ses choix pour son jeu. Et ça fait grave plaisir !

J’ai des concepts de Titans qui n’ont pas fait le cut, mais que j’ai envie de pousser un peu pour voir. Par exemple une horde de zombie, la forêt de Millevaux34 de Thomas Munier35, le grand blanc des dents de la mer, un hommage à Pacific Rim. Mais aussi des idées de modification du jeu lui-même. Par exemple, une sorte de mode “campagne” pour enchaîner les Titans. Et aussi un ajout sur les personnages des joueurs, pour donner un côté plus ludique au jeu.

Mais j’attends surtout de voir les propositions des autres (s’il y en a). L’ouverture aux hacks, c’est parce que j’aime cette façon de faire, de prendre un jeu et d’en faire autre chose, de proposer une autre vision.

Les illustrations de Roger Heal36 sont vraiment très chouettes, porteuses d’ambiance et rendent très bien la démesure des forces auxquelles les joueurs vont être confrontés.
Lorsque je les ai vu pour la première fois, cela m’a fait penser à celles de l’ancêtre Donjons & Dragons, dans lesquelles un groupe d’aventuriers se trouve opposé à ces immenses cracheurs de feu …  et de là, à la réflexion que je me fais systématiquement, qui est qu’il faut être complètement cintré pour faire face à de pareilles créatures. Cela va, ce me semble, bien au-delà du simple héroïsme.
C’est une notion que tu abordes dans le jeu ? 

Pas frontalement. Mais c’est quelque chose qui émerge naturellement en jeu. Le jeu ne pose pas la question de “pourquoi on s’attaque au titan”, mais elle arrive naturellement sur la table au cours de la partie.

Certains choix, notamment dans la fin de partie, offrent également aux joueurs la possibilité de choisir leur réponse. Et pas de se la voir imposer. Quand un personnage est mis hors-jeu, son joueur peut en décider l’issue véritable. L’épilogue est une phase très importante du jeu, et elle permet notamment de rebondir sur tout le chemin parcouru pendant la partie, grâce aux Motifs et aux Echos. Il s’agit de ma phase préférée, car elle amène souvent de magnifiques conclusions.


Et pour le rendu graphique, tu avais un cahier des charges bien précis, tu as laissé carte blanche à l’illustrateur … ?

(Consulte ses notes) Un Titan par illustration, les Compagnons en silhouette. Une Montagne Vivante. Le Kraken. Une méduse magique éthérée avec des tentacules. Une grosse vache/sanglier/cerf.

Voilà pour le cahier des charges. Sur les Titans additionnels, notamment des autres contributeurs, il y avait un peu plus de matière (généralement, le texte relatif au Titan). Pour Tisseuse, j’ai intégré l’étoile qu’on retrouve dans les illustrations du Grümph37 pour la trilogie Naëscence (Sur les Frontières, Aux marches du Pouvoir38 et Monstres39).

Et puis, sur la couverture du jeu, j’ai mis mon nom et celui de Roger Heal. Parce qu’il a influencé mon travail sur les Titans. Certains éléments des Titans ont évolué suite à la réalisation des illustrations. Le cadre de Lofituina était par exemple inspiré de Vaïana40 (j’ai une fille qui est fan) au départ, mais quand il a intégré un bateau à vapeur dans l’illustration, j’ai revu tout ça. Pareil pour l’illustration du Mur, qui a complètement changé l’optique du cadre.

Et j’ai beaucoup aimé travailler comme ça. 

Je suis quelqu’un de très curieux des motivations des gens, alors dis-moi, l’indépendance c’est un choix délibéré de rester en dehors des circuits conventionnels du marché du jdr, un moyen d’avoir le contrôle total sur ce que tu produis, ou ça s’est fait comme ça, sans arrière pensée ?

J’aurai adoré travailler avec un éditeur. Mais franchement, dis-moi, quel éditeur francophone se positionnerait sur Face au Titan, même aujourd’hui ?

J’ai eu une touche, mais qui souhaitait accoler un élément qui ne me plaisait pas du tout et ne correspondait pas à ce que je voulais. Donc j’ai décliné.

En tant qu’auteur, sur ce projet comme sur d’autres, il y a des choses sur lesquelles je suis intransigeant, et d’autres où je suis prêt à laisser la main mise à quelqu’un d’autre. C’était d’ailleurs le cas sur les Orphelins du RadX dans mes contacts avec quelques éditeurs.

Si je devais refaire le projet aujourd’hui, je pense que j’essaierai de trouver un partenaire, ou une équipe pour mener le projet. Mais je n’avais pas forcément ces contacts, et le marché était différent il y a 2 ans.

Il y a des projets que j’ai où j’irai démarcher des éditeurs. D’autres projets que je mènerai de A à Z parce que ce sera le seul moyen qu’ils voient le jour.

En ces temps troublés et avec l’annulation pour ainsi dire de tous les événements culturels du type salons, conventions et autres festivités, il ne paraît pas évident d’assurer la promotion des nouveaux projets, voir de rencontrer d’éventuels collaborateurs … d’un autre côté, entre couvre-feu et confinements, les circonstances se prêtent plutôt bien à dégager du temps pour la création et l’outil internet tourne à plein régime. Ça se passe comment pour toi, ça change beaucoup de choses vis-à-vis de ta façon de travailler ou d’envisager de nouveaux projets ?

Ça change énormément de choses. J’avais des rendez-vous réguliers avec les conventions du grand ouest, j’envisageais d’en tester un peu plus loin, mais cela n’est plus possible pour l’instant, et ça me manque. Les discussions, les playtests, les rencontres, c’était un moment plus qu’agréable.

Il y a bien eu les conventions en ligne, mais je n’arrive pas à bien y participer. Parce que je ne suis pas très client du médium vidéo (je n’arrive pas à suivre une partie ou une émission sur twitch, par exemple). Je lui préfère l’écrit. Et j’ai donc aussi des lacunes à participer à ces réunions. J’ai aussi un problème d’organisation personnelle pour ces événements.

Un weekend de convention type Utopiales, je le prépare en famille. Pour voir quand ma femme s’occupera des enfants, s’il faut appeler les grands-parents pour une journée ou deux, et quels jours je peux m’accorder en attention totale à la convention. Je pars de la maison, je suis en mode 100% convention jusqu’à ce que je revienne.

Aaaaaahhh les Utopiales de Nantes … Nostalgie …

En convention en ligne, je suis à la maison. Et donc, automatiquement, l’attention n’est pas à 100%. Je n’arrive pas à m’immerger. Je suis devant mon PC, mais je vais aussi participer à la vie familiale. Si ma femme travaille, je ne suis plus en convention. Bref, la coupure n’est pas là, et j’ai adoré participé aux Cyber Conv’41, mais c’était vraiment pas pareil.

Pour le travail sur Face au Titan, ça a été horrible en fait. Parce que je travaille 8h par jour en télétravail sur le même PC qui me servait à écrire le jeu. Et donc, le soir, je ne pouvais plus le voir en face, ce PC. Donc, retards. J’ai changé de poste de travail maintenant, c’est plus facile. 

Je fais avec la situation, mais j’ai hâte de pouvoir remettre en mains propres le jeu.

De ton point de vue, la plus grosse difficulté quand on se lance dans le petit monde de la création de Jdr, c’est quoi ?

Le regard des autres. Celui qu’ils posent sur vous et celui qu’on imagine qui se pose sur vous. Je me suis souvent posé la question, avant de me lancer : est-ce que je suis légitime à lancer le jeu comme ça ? Est-ce que c’est pas un peu trop prétentieux ? Le fameux syndrome de l’imposteur.

Et puis, quand on fait du JDR indé sans meneur, sans préparation, à forte valeur narrative, y a tous les fameux “C’est pas du JDR !” qui viennent dans les dents. Ca fait mal au début, on se défend, on cherche à comprendre. Je suis passé à autre chose. Y a pas un JDR. On trouve des JDR. Comme pour le jeu vidéo, où on peut faire du FIFA, du Call of Duty, du OxenFree ou The Witness. Mais ça reste du jeu vidéo. Heureusement, il y a d’excellentes communautés, ouvertes à tous les JDR (comme C’est pas du JDR !42 justement).

Et pour conclure, qu’est-ce que tu penses de l’évolution de notre loisir ces dernières années, que ce soit concernant le monde de l’édition ou celui de l’indépendance ?

itch.io … une mine de jeux indépendants

Je trouve qu’on est dans une super époque. Les #ZineQuest43 permettent de découvrir des pépites tous les ans. La montée en flèche d’itch.io44 amène tous les mois de nouvelles idées géniales. Le jeu de rôle est de plus en plus accessible. Que ce soit via les Actual Play, le boulot des maisons d’édition, l’arrivée de nouveaux acteurs et formats (Pour la Reine45, pour ne citer qu’un exemple).

Les outils sont là pour que les indépendants puissent exister. Que ce soit en communication, en technique ou en distribution. Maintenant, tout va tellement vite qu’il est parfois dur d’exister. Il faut faire fonctionner le bouche à oreille, avoir le coup de pouce (ou de chance) qui va bien et parfois cravacher un peu trop. Mais on peut aussi juste vouloir écrire un jeu. Et le diffuser. Et voir ce qu’il va devenir. 

On a, je trouve, une communauté très ouverte qui accueille favorablement les débutants. Et il faut continuer à souffler sur ces braises-là plutôt que sur d’autres moins bienveillantes.

Comme le dit l’ami Gulix, il n’y a pas un, mais DES Jdr, et c’est justement ça qui fait la force de notre loisir.
Comme pour toute création, il y a autant de manières d’aborder le jeu que de personnes le pratiquant, et même si quelques grandes tendances se dégagent, la porte reste largement ouverte à de nouvelles expériences.
Que l’on soit orienté tradition ou porté sur des approches plus novatrices, il faut garder à l’esprit qu’une place existe pour tout le monde et que c’est en chérissant cet esprit d’aventure ludique au delà de la forme que l’évolution se poursuivra.
Sur ces paroles, certes pontifiantes (mais qui méritent d’être prononcées … enfin …écrites), je m’en vais de ce pas me procurer un exemplaire de Face au Titan et réunir un « suicide club » prêt à poutrer/négocier/comprendre/finalement fuir (barrer les mentions inutiles) ces grosses bestioles inquiétantes qui viennent obscurcir l’horizon, et passer un bon moment entre amis.

Un très grand merci à Nicolas « Gulix » Ronvel pour cet aperçu de ce qu’est aujourd’hui la création/propagation de jeux en dehors des grands circuits de distribution et les multiples pistes d’exploration évoquées au cours de cet entretien pour les plus curieux d’entre nousNul doute n’est permis quant à la présence d’autres pépites que je vais m’empresser d’aller déterrer pour mon/notre plus grand plaisir.

Taïaut hardis compagnons !

P.S. il est à noter qu’une partie de Face au Titan sera proposée par Mr Gulix himself (ainsi qu’une partie de Lore & Legacy46 par Julien Pirou47) lors de la prochaine session des Rencontres de l’Imaginaire48 le vendredi 23 avril … pour les intéressés, suivez le lien :

Parties de Face au Titan et Lore & Legacy

Propos de Nicolas « Gulix » Ronvel recueillis par David Barthélémy

Notes et Références :

1 : Nicolas « Gulix » Ronvel
2 : Face au Titan
3 : DrivethrughRPG
4 : trop long ; pas lu
5 : Fiasco
6 : Monster of the week
7 : Mausritter
8 : Escape from Dino Island
9 : Dungeon World
10 : La Caravelle
11 : A Single Moment
12 : Death of Legends
13 : Gamechef
14 : 200-word RPG
15 : Trois fois forgé
16 : Necromunda
17 : Kickstarter
18 : Sword without Master
19 : Epidiah Ravachol
20 : Les Orphelins du RadX
21 : Sorceress Bloody Sorceress
22 : Moby Dick
23 : With Great Power
24 : Melville
25 : Khelren
26 : Raffaele Manzo
27 : Enter the Avenger
28 : Vengeance Aveugle
29 : Sur les Frontières
30 : Les Utopiales de Nantes
31 : Éclipse
32 : Nick Bate
33 : Stealing the Throne
34 : Millevaux
35 : Thomas Munier
36 : Roger Heal
37 : John Grümph
38 : Aux Marches du Pouvoir
39 : Monstres
40 : Vaïana
41 : Cyber Conv
42 : C’est pas du JDR
43 : #ZineQuest
44 : itch.io
45 : Pour la Reine
46 : Lore & Legacy
47 : Julien Pirou
48 : Rencontres de l’Imaginaire

Retour de lecture

Ce que j’en pense : Dragons, Le Grimoire

Je vous avais prévenu au moment du retour pour Aventuriers, la présentation sera donc plus courte qu’à l’accoutumée car il s’agit d’un livre complémentaire et non pas d’un livre-univers contenant des règles en plus du monde.
Si vous suivez un peu les articles qui passent par ici, vous aurez donc noté tout le bien que j’ai pensé du livre Aventuriers et ne serez probablement pas surpris de la tournure que prendra ce retour.
Tout d’abord, commençons par une petite piqure de rappel pour les anxieux … Dragons n’est pas concerné par les embrouilles juridiques qu’il y a pu avoir entre Wizard1, Gale Force 92 et Black Book Editions3 et qui se sont notamment soldées par l’arrêt de la gamme Héros & Dragons4, donc pas d’alarme, vous pourrez effectivement continuer d’arpenter Eana en toute sérénité.
Ceci étant évacué, revenons à nos moutons et penchons nous plus avant sur cet ouvrage.

Mais où sont les Fireballs ?

La Forme

Tout comme son prédécesseur dans la gamme Dragons, le Grimoire est un bon gros bouquin au format A4, couverture cartonnée et reliure cousue qui devrait tenir de nombreuses années sans finir par ressembler au grand livre des recettes de confitures de tata Lolo. Du haut de ses 320 pages (ça pousse vite à cet âge là), vous aurez tout ce qu’il vous faut pour créer, gérer, faire vivre la magie sur Eana.
Si j’avais trouvé la mise en page de Aventuriers aux petits oignons, il semblerait que l’on pouvait encore monter d’un cran dans ce domaine. Les fonds de pages, les cadres, les lettrines, toujours cet aspect parcheminé et cette fois une omniprésence des pastels font que même une page sans illustration a son identité propre.

Mes photos sont certes moches, mais n’empêche, la mise en page est là

Bon, les illustrations, comme d’habitude, il n’y a rien à en dire, si ce n’est : c’est beau.
On arrive à sortir du carcan des dragons menaçants et omniprésents pour se diriger vers quelque chose de plus mature dans la représentation d’un univers de fantasy, de plus sobre également … pas de déferlante de boules de feu en perspective, ni de grands mages ténébreux à qui l’on ferait bien de rappeler de moins se la péter avec leur d6 de vie.
Ici, on nous présente un ouvrage qui véhicule une impression d’érudition plutôt que de force brute, un émerveillement devant des forces capable d’autant de poésie que de destruction, à traiter avec respect. Je ne sais pas vous, mais personnellement, je trouve ça rafraichissant et sain pour les joueurs que d’aborder la magie autrement qu’en tant que machine à viander qui fait des étincelles. Bon, entendons nous bien, la grosse majorité des sorts reste là pour pourrir la vie des gens qui se mettraient en travers de votre route … mais pas que.

Alors, il est flippant mon Dra … … ha ben non, elle est belle ma grenouille hein

Donc pour ce qui est de l’aspect esthétique de la chose, il n’y a pas à tortiller … je me répète, mais si j’ai le choix entre lire D&D5, Héros & Dragons et Dragons, mon choix est vite fait.
Nous avons d’un côté des manuels de jeu (qui présentent bien certes, nous ne sommes plus dans les années 80) et de l’autre de vrais beaux livres qui ont à mon sens en plus le mérite d’être fonctionnels … encore une petite image à titre comparatif :

Hmmm, alors devinez qui est qui … si vous avez bien lu, vous ne devriez pas avoir trop de mal

Voilà pour ce qui est de l’apparence du bouquin. Je ne m’étendrai pas plus sur le sujet, ça reviendrait un peu à enfoncer des portes ouvertes. C’est la marque de fabrique du Studio Agate5 et indéniablement aux vues du résultat, ils auraient torts de se priver.

Le Contenu

Tout, tout, tout, vous saurez tout sur la magie (sur un refrain bien connu).
Bon, je continue dans les louanges ou vous avez votre dose ? Allé, vous en reprendrez bien un petit peu.
La première centaine de pages du Grimoire va prendre le parti de vous expliquer la magie, en partant de la base (apprentissage, niveau, sorts mineurs, rituels, lancé, composantes, sauvegarde, effets) pour évoluer vers des choses ensuite plus spécifiques, à savoir les différentes écoles ainsi que comment la faire évoluer. Une fois ceci fait, plusieurs couches de magie propre à Dragons arrivent, et là on commence à toucher à quelque chose de vraiment intéressant, à mon sens.

Tout d’abord, l’Eveil. En effet, pour pratiquer la magie, il faut y être éveillé, c’est à dire avoir vécu une sorte d’épiphanie durant laquelle vous vous ouvrez aux forces magiques environnantes avant de pouvoir les manipuler. En soi, rien de bien sorcier me direz-vous (fufufu) ? Hé bien non, certes. Là où c’est intéressant, c’est lorsque l’on envisage la possibilité de jouer l’avant Eveil, et d’un coup d’un seul, paf on peut enfin mettre en place des mécanismes équivalents aux « Quêtes initiatiques » couramment pratiquées dans la grande majorité des cycles de Fantasy romanesques. Il y a bien sûr des petites options prévues pour adoucir un peu le quotidien d’un mago privé de son principal atout, mais je trouve que c’est très loin d’être abusé et permettra vraiment de faire jouer différemment un personnage magicien (ou autre classe pratiquant la magie) consentant.

Hop hop hop ! C’est l’heure !


Vient ensuite la Géomagie, qui vous permettra d’envisager cette puissance comme vraiment vivante, fluctuante et pleine de surprises. Je ne m’étendrai pas sur le sujet pour ne pas spoiler d’éventuels joueurs sur les possibilités de se renouveler que cela offre aux MJ, mais les pratiquants d’Ars Magica6 pourront déjà se douter de ce que cela implique en terme de mécaniques de jeu. Vous pourrez revisiter pas mal de situations sous un prisme différent en usant de ce chapitre.
On poursuit avec les deux derniers éléments que sont la Folie (hé oui, jouer avec des forces qui vous dépassent ou se frotter régulièrement à des Horreurs sans nom ne va pas forcément sans conséquences) et la Corruption.
Cette fameuse corruption incarnée par le Chancre est un élément important de l’univers de Dragons et l’on vous donnera ici des pistes pour l’approche que vous souhaitez utiliser à votre table … Ennemi mystérieux, Menace omniprésente, bien connu ou au contraire agissant en coulisse, vous pourrez l’adapter à votre sauce, ,ainsi que l’impact qu’il pourra avoir sur votre groupe de joueurs (gniark gniark).
Avec ces différents éléments en main, l’air de pas y toucher, vous aurez très largement de quoi customiser votre univers de jeu pour coller au plus proche de vos attentes ainsi que celles de votre groupe.
C’est clair, concis, efficace et sait rester optionnel pour les ceux-ce qui préfèreraient rester sur un setting plus traditionnel à leur table, par exemple en tatanant joyeusement des dragons entre deux passages à l’auberge du coin.

Mais cachez-donc cette chaire que je ne saurais voir

L’autre gros morceau du livre est bien sûr le catalogue de sortilèges, ici classés par ordre alphabétique et rappelés en fin d’ouvrage par classes de personnage et par écoles de magie, le tout sur un peu plus de 170 pages. Je trouve la forme pratique, tout est très lisible et un système d’icônes accompagnant chaque sort permet de visualiser très rapidement ce que l’on a sous les yeux.
On peut donc dire que le job est fait, le tout avec une certaine sobriété qui me plait au plus haut point.

Conclusion

Hé bien, à moins d’être particulièrement obtus, vous aurez sans doute compris que je suis sous le charme de cette version particulière des règles de D&D 5.
Jusque là, je trouve que le travail fourni est d’une qualité assez irréprochable, proposant à la fois un jeu de type med-fan/high fantasy abordable par tous et des possibilités disons « moins traditionnelles » pour les plus aventureux d’entre vous.
La production est soignée, et l’on sent que les auteurs ont développés une réelle affection pour leur univers, ne se contentant pas de surfer sur la vague du « chouette une nouvelle édition de l’ancêtre » en se positionnant sur cette partie du marché du jdr.


Pour ce qui est du prix, le Grimoire est à 34€90 ce qui me parait plus que raisonnable pour un bouquin de cette qualité et promet de ne pas vous ruiner pour avoir un jeu cette fois complet. J’attendrai d’avoir lu le Bestiaire et l’Encyclopédie avant de me prononcer définitivement, mais toujours est-il que dans l’attente, je suis enthousiaste quant à ce qui a été produit.
Reste à attendre la suite, mais à priori et sauf invasion zombie impromptue, les deux derniers livres et l’écran devraient arriver cette année sur nos étagères … Vivement !
En bref, pour résumer : Dragons c’est bon, mangez-en !


Notes et références :
¹Wizards of the Coast
²Gale Force Nine
³Black Book Éditions
Héros & Dragons
Studio Agate
6Ars Magica

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Ce que j’en pense : Thanatos

La Forme :

Thanatos se présente sous la forme d’un cahier à spirale d’environ 170 pages. Papier glacé suffisamment épais pour ne pas en faire redouter la manipulation, noir et blanc. La grande majorité des illustrations est réalisée par l’auteur (JYP, Jean Yves Pattus¹), ce qui confère une belle unité graphique à l’ouvrage, dans un ton très gothique qui vient bien poser l’ambiance du bouquin. Personnellement, j’adore… après, ça plait ou ça ne plait pas, question de goûts, mais dans tous les cas, il y a une identité forte qui se dégage de l’ensemble. Les dernières pages de l’ouvrage proposent des marques pages à découper 😱😱😱, récapitulant sommairement l’interprétation des cartes (car oui, le jeu se pratique avec un tarot) ainsi que quelques points de mécanique utiles en jeu.

Exemple de Faucheur

Le Fond :

Le jeu est sous titré « jeu tragique de drames et d’horreurs médiévales »… et c’est exactement ça 😀 Les joueurs vont incarner des Faucheurs, des individus à priori lambdas, qui ont été marqués par l’un des visages de Thanatos après une rencontre avec un non-mort. Or donc, Thanatos est le dernier dieu ancestrale du royaume d’Haltdörf, dans lequel vont se dérouler les « aventures » des pj. C’est un dieu de colère et de justice, de création et de destruction, aux multiples facettes (il possède quatre visages pour refléter ces aspects : Borrh, Satyr, Skragg et Yul), qui n’est pas des plus commode.

Satyr, un visage de Thanatos 😍

Il a donc fait des pj ses émissaires dans le royaume, leur conférant certains pouvoirs, mais surtout des obligations, notamment chasser les non-morts… Histoire que les choses ne soient pas trop simples (ce n’est pas un dieu très communicatif), les pj auront pour seul guide un familier (qui lui, représente une autre force d’importance dans le jeu : les seigneurs bètes) et qui peut plus ou moins communiquer avec eux, ainsi que leur octroyer certains pouvoirs. Petite précision quant aux familiers… ils ne sont pas acquis d’emblée aux personnages, la relation les unissant va devoir se travailler afin d’évoluer dans le bon sens (ou pas) et sont donc là non pas juste pour aider les pj, mais avant tout pour les surveiller, les aiguiller, et rapporter au tribunal des bètes leurs agissements… Effectivement, si vos pj abusent de leur pouvoirs, ne respectent pas certaines règles tacites, ou sombrent dans la violence gratuite, ils seront jugés… et là, ça craint pour eux 😅 Ne vous attendez donc pas à vivre de grandes aventures épiques et colorées, peuplées de féérie, de joyeux repas autour d’un feu de camp ou de grandes fètes de village… vos Faucheurs ne sont et ne seront pas des héros… tout est fait pour leur conférer un destin tragique, au service d’un dieu ingrat (comme tous les dieux), et les faire évoluer dans un monde qui ne veut pas d’eux. Dans le meilleur des cas, ils seront perçu avec une sorte de crainte respectueuse, mais leur lot commun sera surtout d’être ostracisés par une population qui redoute leur venue au moins autant qu’elle l’espère… en effet, c’est une vie de vagabonds qui vous guette, guidés par votre familier vers des endroits hantés, des communautés déchirées et des situations dramatiques… Non contents de chasser les non-morts, vous devrez aussi parfois servir de passeur pour les âmes des mourants (ou du moins, ceux appelés à mourrir 😅), et bien souvent, vous devrez vous salir les mains pour « aider » les personnes désignées par votre dieu à partir, ce qui n’aidera pas à redorer votre blason auprès des familles concernées.

Yul… un autre visage…un peu moins avenant

L’ambiance :

Le monde est dark, injuste et cruel… en lisant le livre, je n’ai cessé de visualiser des soirées orageuses, des nuits profondes, de la crasse et de la misère… bien sûr, le jeu ne se résume pas à cela (la nature sauvage étant l’une des grandes forces en présence), mais quand même… Le gros de l’action tourne autour des non-morts, qui viennent hanter des communautés (vampires, revenants, nécromanciens, …), communautés qui bien souvent auront elles mêmes généré le drame qui conduit à la naissance d’un non-mort. Les personnages vont donc venir remuer tout ça pour en tirer la substantifique (ou plutôt l’horrifique) moelle et si possible régler la situation sans y passer. Le jeu se veut mature, horrifique et viscéral, ne convenant pas forcément à toutes les tables.

Le Système :

Un Seigneur Bête

Le jeu tourne autour du tarot et de sa symbolique. De la création à la résolution des actions, tout passe par les cartes. Même si la mécanique est simple (tirage de carte et comparaison de la valeur avec une compétence afin de calculer une marge de réussite), ça va demander pas mal de boulot au mj comme aux joueurs, car l’auteur étant un grand fan de « tarologie », il charge bien au niveau symbolique. Si comme moi vous n’êtes pas expert en la matière, il va falloir se pencher sérieusement sur la chose, au risque de passer à côté d’une part essentielle de l’ambiance du jeu, ce qui serait franchement dommage. Pour ce qui est des aventures, qui sont appelé ici des Drames, la recommandation de l’auteur est de générer des « zones de chasse », autrement dit, des bacs à sables dans lesquels on prévoit différents facteurs de jeu, comme un ou des non-morts, des communautés, la géographie de la zone, le seigneur bète qui chapeaute l’endroit, etc. Une fois tout ceci posé, on lâche les pj dans la zone et advienne que pourra. C’est une approche qui me plait bien car pas ou peu dirigiste et que ça permet d’éviter le sempiternel « vous êtes dans une auberge », tout en donnant l’illusion de la liberté alors que comme pour un scénario standard, les choses sont balisées (et en partie scriptées).

Conclusion :

Ben c’est très chouette, hautement évocateur en peu d’espace et original dans l’approche. Il y a des conseils pour étendre cela à d’autres périodes historiques, mais l’ambiance crasse du moyen âge convient à merveille au propos du jeu. Je ne sais trop pourquoi (enfin, si un peu quand même), mais j’y vois comme une sorte de Hurlement² bien glauque, coupé avec du Sorceleur³ (je parle exclusivement de celui des premiers livres, qui pour moi relevait bien plus du cradingue désespéré que ce qui fut proposé ensuite avec jeu vidéo et série ou jdr). Bref, un très bon jeu, une très bonne surprise que j’ai envie de faire jouer plutôt que de juste le ranger sur l’étagère 😁

Ps, le jeu coute dans les 17€ sur lulu pour l’édition 2020 (c’est celle que j’ai)

https://www.lulu.com/en/gb/shop/jean-yves-pattus/thanatos/paperback/product-78pk44.html?page=1&pageSize=4

Notes et références :

¹ Jean Yves Pattus : https://www.lulu.com/search/?adult_audience_rating=00&contributor=Jean+Yves+Pattus&page=1&pageSize=10

² Hurlements : http://www.legrog.org/jeux/hurlements

³ Le Sorceleur : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Le_Sorceleur

Focus

Focus Hong Kong – Les Chroniques de l’Étrange (article initialement publié sur le blog « Cultures de l’imaginaire »)

Chères toutes, chers tous, 

Nous allons aujourd’hui découvrir un phénomène rare pour un Focus, avec l’observation d’une entité bicéphale, responsable d’un projet de jeu de rôle baptisé « Hong Kong – les Chroniques de l’Étrange ».

Pour celles et ceux qui s’intéressent aux littératures dites « de genre », ce nom ne semblera pas tout à fait inconnu puisqu’il vient d’une série de romans nous faisant découvrir le quotidien de Johnny Kwan, exorciste de son état, dans la très exotique (du moins pour nous) ville de Hong Kong (d’où le titre 🧐… y’en a là-dedans hein ! 😁)

Sans plus attendre et sous vos yeux ébahis, après Laurel et Hardy… Behold :

Lameire-d’Huissier (rien à voir avec la Mère Miche…non, allez, j’arrête)

couverture du jdr par Xavier Colette

1 : Salut Romain (d’Huissier), salut Cédric (Lameire) 👋… bon, je déboule un peu en catastrophe pour vous passer à la question, en rapport notamment avec Hong Kong – les Chroniques de l’Étrange, qui est en financement participatif jusqu’au 4 décembre… il était temps, me direz-vous à raison !

Si l’on passe sur mon sens du timing des plus déplorable, que reste-t-il à dire sur Hong Kong – les Chroniques de l’Étrange qui ne l’ait déjà été par le FIX1 ou le podcast Ind1002 (dur d’arriver après la guerre…) ?

[Romain] Peut-être peut-on dresser un bilan de ce financement avant la dernière ligne droite ? Dans l’idée de convaincre les derniers indécis. 

C’est en plus l’occasion pour moi de rendre hommage à Antre Monde3. Récapitulons donc.

Tout d’abord, les diverses offres restent tout à fait raisonnables : un pack tout PDF, une possibilité de ne prendre que le livre de base, une offre classique permettant de se procurer ce dernier avec l’écran et enfin la dernière proposition donne en plus de cela l’opportunité d’acquérir la trilogie de romans. En parallèle, quelques options – dont certaines se révèlent bien utiles (le dice tray avec le diagramme Ng Hang, notamment). Et voilà ! Pas de surenchère inutile ou de bonus à faible intérêt ludique risquant de mettre le projet en retard. Le cœur de ce financement, c’est le jeu et rien que le jeu.

Et afin que le public puisse se familiariser avec Hong Kong – les Chroniques de l’Étrange – et décide alors s’il est tenté ou pas par le financement –, l’éditeur propose un kit de découverte très complet (quatre-vingt-dix pages, quand même) et fort illustré. Résumé de l’univers, système, scénario et cinq personnages prétirés permettent en effet de tester sur quelques séances le potentiel de l’univers, ainsi que les règles originales du jeu. Et puis la bande-annonce du jeu – avec musique, voix off, animation ! – a de quoi donner envie de découvrir tout cela.

Il n’aura échappé à personne que le financement a débuté en plein confinement et qu’Antre Monde a alors pris la mesure de l’importance du jeu de rôle en ligne, qui gagne en puissance. Aussi a-t-il été proposé successivement pour faciliter l’utilisation du kit sur internet : une macro Dice Parser pour Discord, une fiche pour Let’s Rôle et une fiche pour Roll20 – à ma connaissance, aucun éditeur n’en a jamais fait autant. Rajoutons qu’Antre Monde s’est engagé à ce que l’un des Taonet (suppléments PDF débloqués durant le financement) sorte avant la livraison du jeu, pour permettre aux rôlistes de prolonger l’utilisation du kit (dans le même ordre d’idée, une petite surprise devrait arriver durant la semaine à venir). 

Tout cela s’accompagne d’actual play et de vidéos explicatives ainsi que de la création de salons Discord dédiés pour répondre à toutes les éventuelles questions. Un effort important a donc été accompli pour que Hong Kong – les Chroniques de l’Étrange soit un projet le plus transparent possible et que son kit de découverte ait une durée de vie suffisamment longue pour faire patienter les participants jusqu’à l’arrivée du jeu ! 

2 : Cédric, aussitôt arrivé dans l’industrie du jeu de rôle professionnel (tremble, Arcelor Mittal !) avec ton boulot sur Knight4, tu enchaînes avec Romain sur rien de moins qu’une adaptation de son univers en objet ludique… Pas trop intimidant de bosser avec Monsieur Brigade chimérique5, ça se passe comment ?

[CEDRIC] Cela se fait avec beaucoup de passion, de travail et un peu d’humour aussi ! Romain et moi, nous avons une méthode de travail basée sur l’échange. Nous avons découvert au cours de ces échanges qu’il y a une réelle complémentarité entre nos différents talents. 

Effectivement, je débute en tant qu’auteur. C’est une chance de pouvoir profiter de l’expérience et de conseils de l’équipe d’Antre Monde et de travailler avec Romain. Une chance que je ne me voyais pas laisser filer ! J’ai simplement fait ce qui me plaisait, avec l’énergie et la persévérance qui me caractérisent. 

Je ne suis pas vraiment néophyte en ce qui concerne le jeu de rôle en tant que hobby. Je suis tombé dedans quand j’étais petit – et c’était il y a longtemps ! J’ai toujours eu envie d’écrire du jeu de rôle. J’avais fait quelques essais en amateur étant étudiant, mais les moyens de se faire publier n’étaient pas les mêmes à l’époque. Pouvoir le faire aujourd’hui m’enchante. 

Mais bien sûr qu’il y a de la pression, la peur de décevoir ou simplement de commettre des erreurs, en travaillant désormais parmi les pros. 

[Romain] Au départ, c’est moi qui ai demandé à Antre Monde de me trouver un coauteur un peu pointu sur la technique. Car je voulais que les règles de Hong Kong – les Chroniques de l’Étrange soient vraiment travaillées, en accord avec les concepts de l’univers. 

Et le contact avec Cédric a immédiatement été fructueux et détendu. On travaille ensemble de façon très naturelle et sa précision compense largement mes lacunes ! 

3 : Romain, ça faisait quelque temps que tu t’étais mis un peu en retrait du monde dujeu de rôle (hormis quelques participations par le biais d’articles ou de scénarios dans des recueils à droite à gauche) au profit de l’écriture de romans… et là pouf, coup sur coup on te retrouve avec Les Partisans6 (pour Hexagon Universe⁷) qui vient d’être livré et le portage des Chroniques de l’Étrange⁸… tu boudais ou c’était juste reculer pour mieux sauter ?

[Romain] Ni l’un ni l’autre ! En réalité, cette impression de « désertion » n’est que le reflet du temps éditorial. Par exemple, j’ai écrit les Partisans avec Yohan Odivart en 2019 – mais financement et livraison de ce projet ont eu lieu en 2020. Donc pendant que je bossais, on pouvait imaginer que je ne faisais rien. De même, on travaille avec Antre Monde et Cédric sur Hong Kong – les Chroniques de l’Étrange depuis septembre 2019 en réalité. 

Et si l’on remonte, on voit que j’ai produit Mythic Battles: Pantheon⁹ (2017) alors que j’écrivais encore ma trilogie de romans (écrite entre 2014 et 2018) – ainsi que les suppléments Aventuriers & Seigneurs de la Jungle (2015) et Rois des Profondeurs (2016) pour Hexagon Universe. Je n’ai pas vraiment de raisons de rougir de ma production.

Donc en réalité, je mène vraiment écriture littéraire et écriture ludique de front sans jamais mettre de côté l’une au profit de l’autre. C’est simplement qu’il faut le temps pour produire des textes et que ceux-ci ne sortent pas immédiatement après leur achèvement. 

une petite soupe d’anguille pour se requinquer ?

4 : À moins d’écrire pour un guide touristique du moustachu qui balade son sac à dos depuis maintenant une paire d’années, Hong Kong n’est pas une « ville » connue du grand public au point de la retranscrire aisément autour d’une table de jeu (je m’y suis déjà frotté avec Feng Shui¹⁰… c’était chaud 😅). Vous vous y prenez comment pour en transmettre l’ambiance si particulière et en extirper une trame ludique exploitable… disons… par moi (au pif), qui ne vais plus en ville que pour acheter le lait des petits (et quand je dis ville, je parle de cinq milles habitants 😅) ?

[CEDRIC] À mon avis c’est un faux problème. Je vais citer quelques grandes villes du monde réel telles que Seattle, Chicago ou Tokyo (qui sont utilisées dans certains jeux de rôle assez célèbres) ou quelques grandes villes de mondes imaginaires comme Mos Eisley¹¹ ou Minas Tirith¹² dont vous reconnaitrez sans doute la provenance. Puis je vous pose la question : avez-vous eu besoin d’être des « experts » de ces villes pour y faire jouer des aventures palpitantes à vos PJ ? Moi j’avoue n’avoir jamais mis les pieds à Seattle ou Chicago et ne pas être suffisamment expert de Tolkien pour prétendre connaître Minas Tirith. Et pourtant, en jeu ça fonctionne bien.

À la base, je connaissais un peu le Japon mais pas du tout la Chine quand j’ai lu les romans de Romain. Je suis loin d’être un spécialiste de Hong Kong mais j’ai lu des romans, j’ai vu des films et à moins d’avoir un PJ qui a visité Hong Kong à la table, l’illusion est possible comme elle l’est avec n’importe quel autre décor de jeu qui ne se passe ni à Lille, ni à Lens (pour citer des villes que je connais… d’ailleurs, vous avez déjà essayé de jouer dans une ville que vous connaissez vraiment bien ? Personnellement, je n’y arrive pas : le dépaysement n’y est pas…).

[Romain] Comme le dit Cédric, l’illusion ludique doit primer sur la vraisemblance pour évacuer ce souci. D’ailleurs, mon travail de documentation pour les romans m’a permis de bien connaître la ville et je me suis aperçu à la vision de plusieurs films hongkongais que leurs réalisateurs n’hésitaient pas à tordre la géographie de leur propre cité dans un but cinématographique ! Par exemple, une poursuite en voiture qui passe d’un quartier à un autre en un virage, lesdits quartiers ne se trouvant même pas sur la même île ! Si des Hongkongais n’ont aucun complexe à ce niveau, autant dire que des joueurs français ne devraient pas avoir à s’en faire à ce sujet…

Selon moi le plus important, c’est de transcrire une ambiance – l’âme de Hong Kong, en quelque sorte. Que le lecteur comprenne ses spécificités (son mélange occident / Chine, sa modernité côtoyant le traditionnel, etc.), celles qui lui donnent son identité et font qu’il s’agit d’une cité unique qui ne peut se comparer à aucune autre dans le monde. 

Une fois ceci fait, on peut se plonger d’un peu plus près dans ses rues – mais là encore, sans forcément avoir de souci de réalisme total ou de connaissance encyclopédique. Dans le livre de base, notre description de Hong Kong mêle ainsi des lieux réels et assez iconiques (le Bouddha géant de Lantau, le quartier de Mongkok, le temple de Wong Tai Sin…) à des endroits que nous avons inventés (Chez Lau, par exemple). Et tout est bien sûr passé au filtre « Chroniques de l’Étrange » : ce qui fait que même les lieux connus sembleront différents, imprégnés de magie et de mystère.

Que le meneur de jeu comprenne qu’il peut tout à fait créer ses restaurants, ses temples, ses triades, ses îles même ! S’il comprend comment y injecter l’ADN de Hong Kong – de notre Hong Kong –, alors il sera dans l’esprit.

la trilogie aux éditions Critic

5 : Quand on adapte un univers existant pour permettre à des geeks lambdas d’y faire vivre leurs propres personnages, quels sont selon vous les pièges à éviter afin de ne pas les enfermer dans le carcan du matériau originel ? (je pense notamment à des jeux comme le Trône de Fer¹³ ou, de mon point de vue très personnel, Star Wars qui ont des enjeux tellement marqués dans la fiction qu’il semble difficile d’y trouver sa place)

[CEDRIC] Nous avons pris le parti de ne pas présenter les personnages des romans sous forme de statistiques de jeu, ni de figer les évènements qui s’y déroulent comme canoniques. C’est bien le même univers, la même ambiance et les mêmes saveurs, mais les meneurs de jeu et joueurs sont invités à écrire leurs propres histoires et à décider par eux-mêmes de la place des romans dans tout cela. 

[Romain] Voilà, tout à fait. Les romans qui mettent en scène Johnny Kwan et ses amis ne constituent pas une storyline particulière. Il s’agit de l’aventure de ces personnages littéraires et elle ne change pas le cadre du jeu (là où la fin de la saga d’Elric¹⁴ voit la destruction de son monde). Un meneur de jeu peut même s’emparer de la trame de la trilogie et l’adapter en campagne pour ses joueurs (bon, il faut qu’ils n’aient pas lu les bouquins !). 

Les héros du jeu de rôle Hong Kong – les Chroniques de l’Étrange, ce sont les PJ des joueurs et personne d’autre. Peut-être croiseront-ils Ann Lung ou Helena Shiu mais uniquement pour le clin d’œil ou s’il y a besoin d’un PNJ de leur style – et ces PNJ ne résoudront pas les scénarios à leur place ! 

Au final, les romans doivent être vus comme une source d’inspiration où puiser plein de détails ou de PNJ secondaires, mais pas une chronologie contraignante. 

6 : Cédric, en terme de gamedesign, tu as (semble-t-il à mes yeux de profane) une approche assez différente de ce qu’a pu présenter Romain dans ses jeux précédents (on peut difficilement comparer les mécaniques de Knight à celles de la Brigade chimériqueou d’Hexagon Universe)… Vous avez fait comment pour trouver un terrain d’entente ? Y a-t-il eu du sang, de la sueur et des larmes ou ça s’est fait assez naturellement ?

[CEDRIC] En fait quand on a constitué l’équipe, Romain ne me connaissait pas du tout mais moi, j’avais déjà lu pas mal de jeux sur lesquels il avait travaillé ou dont il était l’auteur ou un des auteurs. Je savais donc que j’appréciais son boulot, au-delà des romans et de leur univers spécifique. Je précise aussi que je n’ai pas conçu le système COMBO de Knight : c’est le travail de Simon & Coline¹⁵-¹⁶. Je me le suis très bien approprié et j’œuvre aujourd’hui un peu en tant qu’expert dudit système, mais c’est parce que j’aime les belles mécaniques !

La toute première proposition de système que j’avais faite à Romain pour les Chroniques de l’Étrange ne l’a pas vraiment convaincu. J’étais arrivé avec quelque chose de plutôt classique. En fait, je n’avais pas osé en faire « trop ». Nous avons eu un échange à ce sujet et je me suis rendu compte qu’on ne s’était pas compris sur ce qu’il recherchait. C’était un échange un peu magique. Plus il expliquait ce qu’il voulait, plus j’avais de nouvelles idées. De fil en aiguille, les premières bases du système actuel ont été posée lors de cette très longue discussion.

Depuis, il y a eu de nombreuses autres discussions fleuves. Nous échangeons sans langue de bois dans une atmosphère agréable de co-construction, sur tous les sujets. J’interviens au-delà du système – sur des lieux, des personnages, des scénarios. Il y a une vision commune du jeu dans son ensemble, que Romain et moi partageons à présent. Tout cela se fait très naturellement. 

7 : Petite question qui s’éloigne un peu de l’univers des Chroniques de l’Étrange et du jeu en lui-même… Ça se gère comment un financement participatif, en termes d’investissement des auteurs ? Vous êtes au taquet, plutôt relax 😎 ?

[CEDRIC] Alors autant j’étais prêt à travailler dur pour devenir un auteur pro après y avoir gouté dans le cadre de Knight, en ayant une vision très claire de ce qu’il fallait faire pour m’améliorer et y parvenir, autant j’ai été surpris par la partie financement, en effet ! Je ne m’attendais pas du tout à devoir répondre à des interviews, faire des vidéos Youtube ou me poser la question de gérer des actual play

Toute la promotion et toute l’organisation du financement, c’est l’œuvre et l’expérience de notre éditeur, en fait. J’avoue être beaucoup plus à l’aise pour écrire des pages et des pages de jeu que pour passer devant une caméra. 

[Romain] Pour ma part, j’ai aussi été surpris par l’implication que cela m’a demandé. Sans même parler de construire le kit de découverte (un vrai travail !), il a fallu assurer une promotion sur un temps assez long : faire jouer un actual play filmé, répondre à pas mal d’interviews sur divers formats, mener une démo durant Octogône, répondre à de multiples questions… Et puis ce petit cœur qui s’accélère le soir quand je regarde la progression du financement, que je la compare aux paliers qui restent à débloquer, etc. 

Mais d’un autre côté, Cédric a raison : c’est Antre Monde qui a vraiment mouillé la chemise afin de promouvoir le jeu du mieux possible. Je ne pouvais pas faire moins car après tout, c’est mon univers que porte cet éditeur ! 

8 : Il reste encore quelques jours pour faire avancer les choses sur la page du financement, toutefois c’est déjà une belle réussite (312 souscripteurs à l’heure à laquelle j’écris ces lignes) – surtout quand on voit la quantité de projets sur les deux derniers mois… En dehors d’un ou deux tristes sires étalant leur amertume sur internet (blink blink 😜), l’accueil semble plutôt bon… Alors, vous êtes du genre à faire la danse du slip devant la concrétisation de la chose ou à ronger les angles de la table basse, serrant les fesses en fixant le compteur jusqu’à la dernière seconde ?

[CEDRIC] Moi, je garde un œil sur le compteur et je fais un petit hakka jouissif à chaque fois qu’un palier est franchi. 

[Romain] Ha ha, moi je suis un gros anxieux nanti d’un terrible syndrome de l’imposteur. Donc oui, je surveille le financement d’un œil angoissé. Je regarde ces gens qui nous font confiance au point de payer avec un an d’avance un produit et je redoute de les décevoir… alors je redouble d’efforts, je cherche de nouvelles idées pour les satisfaire, je relis et corrige ce qui a été fait tout en réfléchissant à ce qui reste à faire. Pas bon du tout pour mon stress, tout ça ! 

Visuel de l’écran de jeu par William Bonhotal

9 : Bon, on a parlé textes et mécanique, mais dans un jeu de rôle l’univers graphique fait également beaucoup… Pour le coup, vous êtes servis entre les couvertures de Xavier Collette¹⁷ (qui se chargeait déjà d’illustrer les romans chez Critic¹⁸) ou l’écran de William Bonhotal¹⁹ (bien connu des lecteurs de Knight)… Ça fait quoi de voir son imaginaire transcrit en image par des gens de talent ? Et quelle part de liberté ont-ils eu pour s’approprier les choses à leur tour ?

[CEDRIC] Voir nos idées et nos écrits devenir de splendides illustrations, c’est extrêmement gratifiant. 

[Romain] Xavier Collette avait réalisé les couvertures de la trilogie chez Critic et afin de bien démontrer que jeu de rôle et romans ont une égale importance à mes yeux, il me semblait important qu’il illustre aussi la couverture du jeu. Quant aux autres illustrateurs, ils sont en effet bluffants ! J’adore voir ces visions d’artistes divers sur mon univers, car elles nourrissent la perception que j’en ai à mon tour, la transforment en y ajoutant un imaginaire qui n’est par définition pas le mien mais qui l’enrichit grandement.

Pour la réalisation de ces illustrations, nous donnons des directives puis laissons les artistes se débrouiller avec ces instructions pas forcément très précises. Le but étant justement qu’ils apposent leur marque sur l’univers et l’étendent ainsi au-delà de ce qu’il est dans ma tête.

10 : Les éditions Antre Monde semblent prendre soin de leurs auteurs tout en leur laissant une belle part de liberté sur les projets portés… Alors Cédric, tu les fréquentais déjà de par ton travail sur Knight mais toi Romain, ça s’est passé comment ce premier chantier en commun ?

[Romain] Je pense que l’interview est assez claire à ce sujet : bosser avec Antre Monde est une expérience gratifiante. Comme déjà précisé, cet éditeur s’est énormément impliqué pour rendre le projet le plus accessible possible pour son potentiel public – avec un financement bien pensé et riche de cadeaux. 

Dès le départ, Antre Monde a compris le potentiel ludique de l’univers des Chroniques de l’Étrange et a mis à ma disposition tout le nécessaire (ouais, Cédric fait partie du nécessaire – mais aussi les auteurs invités comme Julien Moreau²⁰, Antoine Bauza²¹ ou Yohan Odivart²² et les illustrateurs.) pour le concrétiser à mon idée, sans pour autant me laisser sans encadrement ou soutien. On discute, on propose, on décide ensemble et je sais que je peux me fier à lui et à son expérience – en témoigne le succès rencontré sur Knight.

Je resigne avec Antre Monde quand il veut.

11 : un petit quickie sur l’imaginaire en général :– Si vous étiez un livre (roman / BD…) :

[CEDRIC] SILO de Hugh Howey²³

[Romain] Planetary de Warren Ellis²⁴- Si vous deviez cosplayer quelqu’un :

[CEDRIC] Dark Vador (il porte un masque)

[Romain] Johnny Kwan- Si vous étiez un jeu (de rôle / vidéo…) :

[CEDRIC] Exalted²⁵ (pour le côté dragonballzedesque)

[Romain] En ce moment, je me sens très Meute²⁶ (il faudra vraiment que je le mène un jour…)- Si vous étiez une période historique :

[CEDRIC] Antiquité (j’aime les jupettes)

[Romain] Dynastie Ming- Si vous étiez un univers fantastique :

[CEDRIC] celui d’Altered Carbon²⁷

[Romain] Je triche un peu, mais ce serait l’univers cinématographique de la Shaw Bros²⁸

Et pour conclure, la question vache… Selon vous, quelle est la place de l’imaginaire dans la culture (qu’elle soit populaire ou autre) et comment vous positionnez-vous dans ce vaste tableau ? 

[CEDRIC] Le monde réel est beau mais pas toujours très sympa. Pour ne pas dire souvent très dur. L’imaginaire, c’est le monde intérieur. C’est un monde infini. Je crois avoir un imaginaire très riche. Et il s’est enrichi toute ma vie avec les romans, les livres, les films, etc. que j’ai pu voir ou lire. Le jeu de rôle m’a donné le goût du fantastique, de la science-fiction, mais aussi de l’histoire, et me donne, je crois, un regard plus ouvert sur la culture en général. Savoir se mettre à la place des autres et savoir imaginer des mondes différents, c’est quelque-chose d’incroyablement enrichissant. 

Pour moi le jeu fait partie de la culture. C’est peut-être de la « pop » culture pour certains, mais pour moi c’est de l’évasion et du bonheur au quotidien. Et c’est aussi la source de nombreuses pistes de réflexions très sérieuses, utiles pour le réel. Je suis reconnaissant de tout ce que le jeu de rôle en particulier et l’imaginaire en général m’apportent dans la vie. 

[Romain] Je ne sais jamais trop quoi répondre à ce genre de questions. Je produis de l’imaginaire de façon professionnelle, cela constitue une partie de mes revenus – c’est mon métier. Impossible de faire cela si l’on n’est pas passionné (car la rémunération des auteurs…) et surtout persuadé d’avoir un impact sur le monde – même à une échelle minuscule. Les quelques milliers de personnes qui ont joué à mes jeux ou lu mes romans y ont pris du plaisir, j’espère : cela a pu les distraire, les faire réfléchir, leur faire découvrir une culture ou un genre – voire leur donner à leur tour envie de produire de l’imaginaire. Et c’est pour cela qu’on le fait : on renferme une flamme qui réchauffe l’âme et tout ce que l’on veut, c’est qu’elle se répande pour apporter aux autres cette chaleur et leur donner envie de la nourrir et de la partager à leur tour.

J’ai conscience que tout ça sonne un peu pété voire pédant mais il s’agit de ma conviction personnelle – l’art, l’imaginaire, les histoires sont des éléments essentiels de l’esprit humain et plus il y en a, mieux se porte le monde. 

Et voilà pour aujourd’hui… Merci à nos deux auteurs pour ces réponses (pas si pétées que ça 😉)  et en leur souhaitant toute la réussite possible pour ce projet (je vous mets le lien vers la page de financement dessous si tout ça vous a donné envie, comme à moi, de participer à l’effort de guerre).

Pour ma part, ayant fortement apprécié la trilogie de romans, je suis impatient de faire déguster des xialongbao à mes joueurs entre deux exorcismes (allez, en cuisine feignasse, tu as un an pour apprendre à ne pas empoisonner tes invités).

Slurp 🍜🥠

Yum… les bons dim sum

Propos recueillis par David Barthélémy

Liens utiles :

Le projet :

https://www.gameontabletop.com/cf428/hong-kong-les-chroniques-de-l-etrange.html

Romain d’Huissier

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Romain_d%27Huissier

Cédric Lameire

http://www.legrog.org/biographies/cedric-lameire

Références :

¹http://lefix.di6dent.fr/

²https://www.youtube.com/c/Ind100Podcast

³https://antre-monde.com/

http://knight-jdr.fr/

http://www.legrog.org/jeux/brigade-chimerique

https://www.unificationfrance.com/spip.php?page=pages_mobiles&squelette_mobile=mobile/article&id_article=62369&lang=fr

http://www.legrog.org/jeux/hexagon-universe

https://www.babelio.com/livres/dHuissier-Les-chroniques-de-letrange-tome-1–Les-81-freres/778322

http://www.legrog.org/jeux/mythic-battles-pantheon/mythic-battles-pantheon-fr

¹⁰http://www.legrog.org/jeux/feng-shui

¹¹https://starwars.fandom.com/fr/wiki/Mos_Eisley

¹²https://jrrtolkien.fandom.com/fr/wiki/Minas_Tirith_(Gondor)

¹³http://www.legrog.org/jeux/trone-de-fer

¹⁴https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Cycle_d%27Elric

¹⁵http://www.legrog.org/biographies/simon-gabillaud

¹⁶http://www.legrog.org/biographies/coline-pignat

¹⁷https://www.xaviercollette.com/

¹⁸https://editions.critic.fr/

¹⁹https://www.artstation.com/william-bonhotal

²⁰http://www.legrog.org/biographies/julien-moreau

²¹https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Antoine_Bauza

²²https://data.bnf.fr/fr/16595475/yohan_odivart/

²³https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Silo_(roman)

²⁴https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Planetary

²⁵http://www.legrog.org/jeux/exaltes

²⁶http://www.legrog.org/jeux/meute/meute-fr

²⁷https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Carbone_modifi%C3%A9

²⁸https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Shaw_Brothers

Retour de lecture

Ce que j’en pense : Contes de Minuit

La forme :

Solide bouquin de 238 pages au format A5, dos carré/collé et couverture cartonnée en dur. On verra sur la durée si ça tient bien, pour l’instant pas de soucis malgré pas mal de manipulations (il semblerait que lulu s’améliore sur sa colle).
L’intérieur est en noir et blanc, ce qui cadre tout à fait avec l’ambiance du jeu. C’est donc l’auteur, Yno1 qui s’occupe des textes (bien sûr 😅), mais aussi des illustrations et de la mise en page, ce que je trouve toujours mieux pour être au plus proche de l’intention du texte (bon, sauf si c’est moi qui illustre, auxquels cas je dirais « fuyez pauvres fous »).
Les illustrations sont relativement peu nombreuses, mais c’est compensé par une mise en page soignée et aérée, ainsi que les très nombreux culs de lampe qui parsèment le texte.
Niveau mise en page, le texte est sur une large colonne centrale et est émaillé tout du long de petits « encarts » (je mets entre guillemets car se sont des encarts sans cadre 😁) précisant certains points du texte adjacent, apportant des notes d’ambiances, ou encore des pistes/rumeurs utiles pour le jeu.

les fameux encadrés sans cadre 😀


Là où la maquette et pour moi très réussie (on sent bien tout le boulot qu’il y a eu derrière), c’est qu’à six exceptions près (oui oui, j’ai compté), vous n’aurez pas à tourner de page pour finir une phrase, les textes étant répartis pour apparaître entier sur chaque double page… Cela ne parait pas grand chose énoncé comme ça, mais c’est vraiment hyper confortable à la lecture 👍
Clairement, les textes ont été usinés et poncés pour un résultat assez irréprochable (je n’ai relevé que deux ou trois coquilles sur l’ensemble, ce qui est une belle performance pour 240 pages), à croire que l’auteur a passé de nombreuses années dessus (on me glisse à l’oreille que c’est le cas et que l’ensemble fut enfanté dans la douleur, en dépit de l’amour pour le projet).

Le Fond :

La ville de Minuit s’élève sur l’île de Sèche noire, perdue au milieu d’un océan infini (ou du moins présumé comme tel) et dont elle recouvre l’entière superficie (une douzaine de kilomètres de diamètre), s’étendant verticalement du fait de la place limité.
L’autre particularité de l’endroit, c’est qu’il existe dans une nuit permanente, le soleil et les étoiles ayant disparus depuis plus longtemps que l’on ne peux s’en souvenir. Seule une Lune perpétuellement pleine habite les cieux, baignant l’île d’une lumière diaphane et observant la ville de son visage souriant (les reliefs observables à sa surface composant sa figure), sans jamais se déplacer.
La mer est peuplée de créatures étranges et parfois titanesque, que les habitants de l’île pêchent/chassent régulièrement pour se nourrir ou certaines propriétés étranges que leur consommation procure.
Les habitants en question, les Nocturnes, sont divisés en deux catégories, à savoir les « humains » et les Comtes et Comtesses, dont le corps présentent des aspects que l’on peut qualifier sans hésiter, de fantastique (hommes scarabés, loup-garous et vampires, cerveau flottant dans un bocal, femme araignée, …), toutes les fantaisies étant permises (voir encouragées).
Une troisième frange de la population serait les Fées, dont la poudre est très prisée par le reste des Nocturnes, leur permettant des effets magiques tous plus improbables les uns que les autres ou encore de masquer leurs traits de Comtes et Comtesses pour apparaître »humains » (car une certaine discrimination sévit, entre la noblesse humaine et le reste de la population). L’obtention de cette poudre nommée l’Ether, se fait bien sûr au détriment de la santé des fées, les amenant à vivre cachées de tous afin de perdurer.
L’ambiance générale se place quelque part entre fantastique Victorien et révolution industrielle sale, le tout vécu part le prisme d’une agence de détectives privés sise au 221b Baker Street2, ce qui a le mérite d’être parlant quant à la tonalité des parties.
Toutes les fantaisies sont permises au niveau des intrigues et la Directrice (mj incarnant l’invisible directrice du 221 Baker Street) est encouragée par l’auteur à ne pas toujours se soucier de vraisemblance afin d’insister sur l’aspect fantastique et baroque des Affaires (les scénarios) ce qui est bienvenu considérant la richesse de l’univers et la variété possible des décors et intrigues.
La ville et ses quartiers, comme les factions qui l’animent, sont abondamment décrits dans le livre, mais fort heureusement, pas sous une forme encyclopédique.
Chaque quartier (il y en a 13 plus le monde sous terrain) est traité dans un chapitre dédié, nous présentant l’ambiance générale y régnant, quelques bâtiments notables et des habitants marquants de l’endroit. Ce n’est pas un guide à proprement parler, mais plutôt une boîte à outil géante, tant chaque paragraphe recèle un scénario potentiel et des idées pour le moins dépaysantes, aussi n’espérez pas saisir la ville dans son ensemble en une seule lecture, c’est tout bonnement trop riche (et c’est tant mieux).

Minuit, dans le jardin du bien et du mal

Le système :

Alors, évacuons tout de suite les angoisses éventuelles, la mécanique du jeu est très simple. Nous sommes sur la base d’un pool de dés 6 dont les résultats affichant 4, 5 ou 6 sont comptabilisés comme des succès (1, 2 et 3 étant bien entendu…des… échecs, il y en a qui suivent).
Le rôle de la Directrice se borne donc à établir des difficultés en fonction du nombre de succès nécessaires à la réussite de l’action entreprise (que j’aime les jeux où le mj ne jette pas de dés).
Par là dessus, les joueurs peuvent utiliser différentes ressources pour modifier leurs résultats, comme l’Adrénaline ou l’Ether.
Les personnages seront donc tous des détectives du 221 Baker Street et seront typés par leurs Particularités (sont ils humains ou Comtes et Comtesses), leurs Motivation (l’argent, le pouvoir, la vengeance, la curiosité, …), leur Quête (retrouver un parent disparu, faire tomber un réseau de criminel, …), leurs Aspects (force, perception, puissance, réflexion) et leurs Expertises (sociales, académiques, pratiques et de combat).
Les scores d’Expertise sont liés à une forme d’attrition lorsque utilisés pour résoudre une action et vont donc diminuant au long de la partie. Pour en récupérer l’usage, les joueurs vont devoir définir une recharge (concept familier aux joueurs de Dying Earth3), qui variera selon les domaines (par exemple, pour recharger une expertise sociale utilisée pour obtenir des informations, le PJ devra passer une soirée dans un salon à discuter des dernières nouvelles de la citée en bonne compagnie ou pour une Expertise de combat, s’entraîner pendant trois heures avec un partenaire dans une salle d’exercice).
Cela crée du jeu de manière simple et élégante, en forçant à mettre en scène la vie des PJ en dehors des affaires, ce qui est toujours bien vu.

Sobre, efficace et lisible, que demande le peuple ?


Reste ensuite le lieu de vie des PJ et leur relations, qui vont à nouveau permettre d’enrichir les personnages tout en leur donnant des billes pour faire vivre l’univers.
La Directrice de son côté bénéficie de points de tension à investir dans les actions qu’elle souhaite corser. Le pool de départ correspond au nombre de joueurs x6, mais une fois cette réserve épuisée, elle peut tout de même continuer à en distiller. Les points excédentaires ainsi utilisés vont venir s’ajouter aux « points d’expérience » qui seront ensuite répartis entre les PJ à la fin du scénario (une fois de plus, c’est bien vu et reflète bien la dangerosité des évènements vécus par les personnages).
Là dessus vient se rajouter le 221 Baker Street, qui dispose de sa propre fiche, que vous allez faire vivre et évoluer au même titre qu’un personnage commun au groupe. C’est très sympa dans l’idée et vous octroiera des ressources supplémentaires exploitables durant les enquêtes ainsi qu’un point de chute commun au groupe.

Conclusion :

Hé bien voilà encore un très bon jeu, avec une ambiance riche en dépaysement, farfelue à souhait, mais permettant de flirter aussi bien avec la féerie que l’enquête traditionnelle, voir l’horreur ou le drame.
Niveau couleur du jeu, ça m’a beaucoup évoqué des décors à la Cités des enfants perdus4, ce qui n’est pas un mal tant l’identité de ce flim permettra à vos joueurs les moins imaginatifs de se représenter le décor… entrecoupez tout ça de références à De cape et de crocs5 ou à certaines illustrations de Florence Magnin6, sur fond de révolution industrielle et le tour est joué.
Le bouquin se conclu sur trois Affaires prêtes à jouer qui vous guideront bien dans la prise en main de l’univers.
Enfin, un petit conseil… Ne cherchez pas à tout exposer trop vite, ce n’est pas possible. Voyez vraiment ce livre comme une super boite à outils pour poser les choses par petites touches.
À mon sens, le meilleur moyen de découvrir Minuit est de choisir un quartier, si possible celui où se trouve le 221 Baker Street (ou un quartier adjacent) et de l’explorer tranquillement avant de chercher à voir ailleurs.
Donc si vous aimez les ambiances décalées, Sherlock Holmes ou une féérie parfois un peu crade (Le labyrinthe de Pan7 est cité dans les inspirations) et ne souhaitez pas un jeu aux mécaniques lourdes et encombrantes, ce livre est fait pour vous.

25€ en couverture dure, 20€ en couverture souple ou 10€ en pdf sur Lulu https://www.lulu.com/en/en/shop/anthony-combrexelle/contes-de-minuit-couverture-dure/hardcover/product-58rrd7.html?page=1&pageSize=4

Notes et Références :

1 Yno : Anthony « yno » Combrexelle, auteur de Jdr/Roman, vous pouvez trouver son travail par là : http://www.misterfrankenstein.com/wordpress/

2 221 Baker street : l’adresse  « historique » du légendaire Sherlock Holmes

3 Dying Earth : adaptation en jeu de l’univers de Jack Vance par Robin D. Laws chez Pelgrane Press http://www.legrog.org/jeux/dying-earth-la-vieille-terre

4 La cité des enfants perdu : film fantastique (ou fantastique film, c’est selon) de Caro/Jeunet https://youtu.be/XZUkwd2a0s8

5 De cape et de Crocs : superbe série de bande dessinée par le duo Ayroles/Masbou https://www.bedetheque.com/serie-3-BD-De-Cape-et-de-Crocs.html

6 Florence Magnin : illustratrice française, notamment connue pour sa mise en image du cycle d’Ambre de Roger Zelazny chez Denoel https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Florence_Magnin

7 Le labyrinthe de Pan : film fantastique de Guillermo Del Toro https://youtu.be/ZRDzfPFIsDE