Avant la sortie

Entretien avec Arthur Camboly autour de Brancalonia

Hohoho !!!

Ces six lettres assemblées au mois de décembre imposent tout de suite à l’esprit une intonation particulière, synonyme de cadeaux à la pelle, d’illuminations, de neige (mouais) et d’indigestion potentielle… Cette année, je vais faire le choix de surtout retenir l’aspect cadeaux, avec la livraison prévue pour Noël de mon pledge Dragons¹ (nul doute que les enfants seront jaloux de la place qu’il occupera sous le sapin). Je n’ai jamais été fan des grosses licences en jdr, comme Cthulhu², Star Wars³ ou Donjons et Dragons⁴… Et pourtant, contre toute attente, j’ai été conquis par la mouture proposée par le Studio Agate⁵ (bon ce n’est pas un secret, j’ai déjà parlé ici de Aventuriers et Le Grimoire en termes élogieux) de la cinquième édition de l’ancêtre (il va falloir réfléchir à une autre image pour évoquer D&D, celle-ci commence à me paraître usée).
Je m’étais penché sur le guide du joueur officiel à sa sortie par curiosité et histoire de ne pas rester ignorant, pour me dire que oui, ça avait l’air de mieux faire le job en allégeant pas mal les dernières itérations, mais n’en avait pas été plus émoustillé que ça… J’avais jeté un œil (pour les mêmes raisons) sur Héros & Dragons⁶, sans adhérer non plus.
Ensuite, j’ai levé les yeux au ciel à chaque nouveau projet estampillé « 5e compatible », effaré par la foultitude de campagnes surfant sur le succès de cette nouvelle édition (ben oui, pour faire du chiffre, faites du D&D… Enfin, c’est surtout valable dans la langue de Shakespeare). Et puis, le temps aidant, j’ai finis par reconnaître qu’il pouvait y avoir du bon dans tout ça, notamment par la faute de Neverland⁷, un magnifique setting Peter Panesque aux doux relents d’osr (très fortement axé hexcrawl) présenté sous la forme d’un immense bac-à-sable. 
Et c’est là qu’arrive Brancalonia⁸, venant souffler un vent de fraîcheur sur les propositions habituelles. Cette fois, exit l’osr, tout se joue sur la tonalité offerte par le contexte qui va se dérouler dans les pages du bouquin. Et c’est donc le Studio Agate qui va se charger de la version française de ce cadre de jeu « un peu particulier »… 
Plutôt que de continuer ma diatribe en solo, quoi de mieux que de laisser la parole à quelqu’un qui saura vous en parler d’expérience, le bien nommé Arthur Camboly, coordinateur/traducteur de la gamme au sein du Studio Agate

Salut Arthur et merci de venir nous parler un peu de ce beau bébé au fort accent italien qu’est Brancalonia. Alors dis-moi, avant de rentrer dans le vif du sujet, tu pourrais nous présenter un peu ton parcours de rôliste et comment tu en es venu à officier au sein du Studio Agate ?

Merci à toi pour ton invitation ! Difficile exercice que celui de l’introspection. J’ai jamais aimé ça, mais bon, pour toi, je vais faire un effort !
Comme dirait l’autre, je suis tombé dans la marmite du JdR lors de mes années fac : joueur puis MJ, j’ai fait mes armes sur DD 3.5 et Prophecy⁹ ; aujourd’hui, je joue à Dragons (tiens donc), 7e Mer¹⁰, Tales from the Loop¹¹ et Trophy¹², notamment. Mon truc, c’est l’univers, la narration, le drama : j’adore créer des histoires en collaboration. À mes yeux, le facteur “cool” prévaudra toujours sur les règles.
Quant au pourquoi du comment j’en suis arrivé là, eh bien c’est surtout le fruit d’un beau hasard ! Un ami (qui se reconnaîtra s’il lit ces lignes (et que je remercie encore une fois)) m’a prévenu qu’Agate embauchait des traducteurs pour les suppléments de 7e Mer Seconde édition (la boucle, toussa). Plutôt que de continuer à traduire des sous-titres pour des séries un peu bof-bof, j’ai tenté ma chance : bien m’en a pris, puisque les petits gars de chez Agate m’ont confié la moitié de Nations de Théah vol. 2¹³. Comme premier projet, y a pire !

Donc, Brancalonia arrive bientôt dans nos contrées et ça s’annonce plutôt cool. Pour avoir lu le kit d’intro, ça fait clairement envie. Comme je suis une grosse feignasse et qu’après tout je t’ai sous la main, tu nous en ferais un petit pitch, histoire de faire saliver celles et ceux qui n’auraient pas eu vent de ce que renferme la bête ?

Un petit avant goût de l’ambiance

Vache. Sont compliquées, tes questions ! Alors… Grosso modo, Brancalonia, c’est une Italie fantastico-médiévale pleine de crasse et de vin. On y joue les traîne-savates de l’aventure, de joyeux troufions et autres fripouilles sympathiques qui vont de corvée en corvée pour se payer bringues et festins.
C’est donc un univers très parodique et humoristique qui est proposé, avec moult ajouts de règles pour restituer cette ambiance si particulière la table : espèces et archétypes propres à la Brancalonie, rixes et jeux de tripots, Chemins qui ne mènent nulle part, prophéties, armes et magie de mauvaise qualité…
Si tu aimes interpréter des truands qui ne sont ni très gentils ni tout à fait méchants, qui opèrent en marge de la société, et qui veulent à tout prix trouver LE magot qui leur assurera une retraite pépère… alors Brancalonia est fait pour toi !

Il n’y a pas si longtemps que ça, j’aurais crié au scandale quant à un énième supplément (fusse-t-il l’émanation d’une boîte autre que Wizard of the Coast¹⁴) tournant sous la 5ÈME édition de D&D, tant j’abhorre la démarche dite du « système générique », que je trouve très proche d’une forme de paresse intellectuelle (voir éditoriale) venant scléroser le milieu de la création de jdr… Or il se trouve que là, j’ai trouvé ça plutôt bien pensé au final (comme quoi).

Ma question va par conséquent se décomposer en trois points :

  • Tu en penses quoi toi, des aménagements apportés par Brancalonia pour coller à son propos ?
  • Compatible 5E certes, mais quid d’une compatibilité plus spécifique avec Dragons et les options qu’il propose lui-même par rapport à D&D ?
  • Quand je parle de paresse intellectuelle, rapport aux systèmes « génériques », tu bondis au plafond ou c’est un aspect de la création de jdr qui t’as déjà chiffouillé ?

Je vais tâcher de répondre à tes questions dans l’ordre et sans trop me disperser !
Je parlais plus haut des propositions de règles : Brancalonia étant un supplément pour la 5e édition, il est entièrement compatible avec Dragons, qui est une traduction de cette dernière. Si nous n’avons pas modifié le propos des auteurs italiens en ajoutant des règles propres à Dragons (tel que le système modulaire), on peut très bien imaginer des aventures dans le monde de Brancalonia avec des espèces et des archétypes issus des ouvrages du studio. Voire, pourquoi pas, faire en sorte que les héros d’Eana¹⁵ traversent un portail ateak¹⁶… et se retrouvent en plein État-lie !
Enfin, concernant paresse intellectuelle et système générique, je suis clairement mal placé pour te répondre puisque je ne suis pas un grand consommateur de JdR. En gros, je lis et j’achète les jeux auxquels je joue ou vais jouer, à quelques exceptions près. De fait, ma connaissance des systèmes génériques est très limitée. Cependant, je dirais que, comme dans toute discipline, il faut savoir raison garder. Certains JdR qui utilisent un système générique font ça très bien et avec respect pour le matériau d’origine, comme City of Mist¹⁷ (un PbtA¹⁸, bientôt en financement VF !), ou encore Trophy Dark, qui reprend les règles de Cthulhu Dark¹⁹ et les agrémente à sa sauce. C’est, je pense, le cas de l’éditeur italien Acheron Games²⁰, qui a bâti les bases du jeu sur les règles de la cinquième et nous a sorti un univers véritablement inédit.

Soyons francs, le folklore italien n’est pas forcément le mieux maîtrisé dans nos contrées et ce en dépit de la proximité du pays. Finalement, sorti de Pinocchio (dont le générique de la série tv réussissait l’exploit de mêler extrême glauquitude et mélodie entraînante) quand j’étais enfant et des western spaghettis, on maîtrise assez mal le sujet. Alors comment selon toi, Brancalonia réussit l’exploit de paraître familier et accessible tout en étant aussi rafraîchissant ?

Haaa cette musique… Et la fée Bleue 😍

Je dirais que le public français dispose d’un avantage majeur dans l’appréhension de cet univers picaresque : ses racines latines. L’Italie, après tout, n’est pas un pays si lointain. En creusant un peu, on se rend compte qu’on en sait plus qu’on le croit sur nos voisins : il y a Pinocchio, certes, mais aussi toute l’Antiquité romaine et la Renaissance italienne, Rome et la Sicile, Socrate et Michel-Ange, Dante et Machiavel, Sergio Leone²¹ et Ennio Morricone²², la gastronomie, la musique, les arts, le rayonnement culturel. Sans parler de la langue ! Combien de mots utilisons-nous au quotidien qui ont traversé les Alpes pour atterrir chez nous ? Adagio, piano, pizza, mais aussi perruque et grotesque (pour ne citer qu’eux) qui nous viennent tout droit d’Italie.
Tiens, on connaît tous la fée bleu de Pinocchio, pas vrai ? Eh bien, Brancalonia en fait une espèce à part entière ! Pareil pour le bestiaire : qu’est-ce qu’un margutte²³, sinon l’ogre vorace qui figure dans tous les contes pour enfants ? Qu’est-ce qu’un malacoda²⁴, sinon un diable faustien tout droit issu de la Divine comédie²⁵ ? Ce qui fait la force de Brancalonia, c’est le traitement de ses idées.

À plusieurs reprises en parcourant le bouquin, je me suis dit « tiens, mais c’est Bud Spencer²⁶ ! »… et juste un peu après de me faire la réflexion que niveau générationnel, il risquait de manquer certaines clés aux plus jeunes rôlistes (lire les moins de quarante ans) pour se projeter dans cet univers. Donc au-delà du simple aspect culturel et des multiples clins d’œil que nous fait le livre, comment on opère pour s’approprier l’ambiance ? Il y a des outils, des listes de références pour celles et ceux qui n’ont pas connu les Raiders²⁷ aux goûtés des sorties scolaires (oui vous, si vous ne savez pas de quoi je parle) ?

Il y a effectivement toute une liste de références en début d’ouvrage pour aider les joueurs à s’approprier les codes du genre. Si t’es du genre à faire des tas de recherches sur un univers avant de lancer ta campagne, tu seras servi ! Des aides ponctuent également la lecture sur les différentes ambiances qu’il est possible d’insuffler dans sa partie : dark fantasy, parodique, merveilleux, tragicomédie… Même sans tout ça, le livre n’est pas si différent de n’importe quel autre bouquin de JdR : la description de l’univers a lui seul devrait te donner une bonne idée du genre de provinces qui constituent la Brancalonie, des peuples qui l’habitent, des menaces et des créatures qu’on y trouve… En plus, le tout est servi par une pléthore d’illustrations qui, au premier feuilletage, plongent tout de suite dans l’ambiance.

Pour en revenir à Bud Spencer et Terence Hill²⁸, Brancalonia colle vraiment au genre avec ses règles de Bagarre (les rixes) tout droit sorties d’un Trinita²⁹ ou Pair Impair³⁰ (haaa ces baffes légendaires distribuées à tour de bras). Je ne m’en rendais pas vraiment compte quand j’étais gosse, mais cette violence non létale participait vraiment au style granguignolesque des films du duo… On se castagne, mais ça reste bon enfant. C’est osé pour du 5e édition qui se veut majoritairement très héroïque et où les armées de gobelins et autres vilaines bestioles sont habituées à  tomber sous les coups impitoyables de héros à fortes tendances psychopathes. 
Alors à ton avis, c’est juste lié au style du jeu ou ça dénote d’un symptôme comme quoi on aurait besoin d’aller vers quelque chose de plus léger que « mon épée dans ta tronche et vas-y que ça saigne » ?

Des baffes, des tavernes… et toujours Bud Spencer

Un peu des deux, mon colonel ? À mon sens, l’intention des auteurs était clairement de se détacher des poncifs associés à la fantasy. Ça passe par des combats moins épiques, plus “gritty”, où tous les coups sont permis, mais également plus légers. J’y vois clairement une volonté de faire dans l’originalité et, surtout, de servir aux joueurs un système de jeu connu dans une ambiance novatrice. J’ignore si c’est révélateur d’un symptôme ou d’un besoin en particulier, mais dans mes cercles, on n’est clairement pas nombreux à s’adonner au jeu du “mon épée dans ta tronche”. ^^

Bon alors, c’est bien beau tout ça, mais quand on parle d’un jeu Italien (ou Norvégien, ou Tchèque…), on se questionne sur la traduction. J’ai cru comprendre que tu avais traduit à partir du texte en anglais pour arriver à cette version française. Du coup, comment est-ce qu’on travaille pour rester au plus proche du texte original sans trahir les particularités de la langue ? (Ça peut paraître con comme question, un texte étant un texte. Toutefois étant plus jeune je regardais pas mal d’animés japonais et on distinguait tout de suite ceux dont la traduction était faite sur la base des sous-titres anglais de ceux reposant sur les dialogues japonais).

Oui ben piano sur le Chianti les traducteurs, on vous a à l’œil hein !

Déjà, comprends bien que traduire, c’est trahir. Forcément. On peut être plus ou moins fidèle au texte source, on peut être plus ou moins bon traducteur, mais trahison il y aura toujours. Ben oui, le traducteur n’est pas l’auteur, et l’italien n’est pas le français. Certains termes n’ont pas d’équivalence ; telle phrase sera difficilement compréhensible pour le lecteur VF à moins d’en remanier complètement la tournure ; des idées et concepts inhérents à la culture italienne ne le sont pas forcément à la culture française. Tiens, prends le mot “culaccino” : en italien, ça désigne à la fois l’extrémité d’un saucisson… mais aussi la trace circulaire laissée par un verre ou une tasse sur une table ! Bon courage pour rendre un tel concept en français en un seul mot !
Et c’est ça, le défi qu’on s’est lancé avec Brancalonia : livrer une VF qui fasse ressortir toute “l’italienneté” du texte original en trahissant le moins possible son propos. Pour ça, j’ai travaillé à partir de la version anglaise et de la version italienne. Derrière, on a eu plusieurs consultants en italien pour nous donner des suggestions sur telle ou telle référence, tel ou tel jeu de mot. Ça a été un travail de longue haleine, de croiser les informations sur trois documents différents, mais Gianni, Julien, Thomas et Marie ne se sont pas laissés abattre par l’ampleur de la tâche !
Enfin, dans certains cas, comme il était impossible de traduire certains termes sans embrouiller le lecteur français, on a fait le choix de les conserver en italien. Comme ça on évite la perte de sens due à la traduction, et en plus on renforce l’immersion.

Le financement pour la vf démarrera le 4 janvier prochain, si j’ai bien suivi les news. 
Techniquement, vous en êtes où dans l’avancement du projet ? Selon toi, on pourra espérer avoir tout le matos en 2022 pour lancer nos Canailles sur les routes du Royaume d’Etat-Lie ?

Chacun sa route, chacun son chemin… chacun son rêve, chacun son destin 😃

On est dans les phases finales de relecture/maquettage ! À l’heure où j’écris ces lignes (mardi 28 décembre à 11h50 très précisément), le livre de base est enfin terminé. Le kit de découverte est prêt depuis longtemps, les accessoires sont prêts. Il ne nous reste plus qu’à maquetter le Macaronicon (premier supplément de la gamme) et à le relire. Note que les PDF seront livrés sitôt le financement terminé, à une semaine près (un peu plus pour le Macaronicon, du coup). À moins d’un contrordre indépendant de la volonté du studio (#crisedupapier) tout devrait sortir en 2022.

D’ailleurs, maintenant que l’on parle du financement, j’ai vu que cela concernait un livre de base et un supplément (le Macaronicon, dont tu nous parlais juste au-dessus) ainsi que d’éventuels bonus additionnels… un petit teasing sur le supplément peut-être ?

Ouais ben non… j’y vais pas moi… ou alors vraiment vite fait…

Ah là là, qu’avez-vous tous à demander des infos ! C’est comme si le projet vous intéressait, diantre !
Je ne peux pas trop en révéler à moins de te gâcher la surprise, mais puisque tu insistes… On a préparé de belles choses exclusives à la VF de Brancalonia. Déjà, on vous réserve un petit truc sympa en partenariat avec une chaîne YT. Et ensuite, j’ai hâte qu’on dévoile les cou–aaah, au secours ! Une viloupère enragée m’attaque ! Vite, la réponse à ta question se trouve au château de *glaaargh

Le livre de base de Brancalonia nous propose sept scénarios prêts à jouer (c’est pour le moins généreux ça) et le livret d’initiation un de plus. Ça nous donne le ton de la gamme et des futures sorties (à savoir un jeu à « jouer » plutôt qu’un jeu encyclopédique) ou c’est pour qu’on ait de la matière à disposition en attendant éventuellement des suppléments ?
Et puisqu’on en est là, y’a une suite de prévue ?

Tu as mis le doigt dessus : Brancalonia est pensé pour être prêt à jouer ! Aujourd’hui, on n’a plus le temps de rien. Alors quand ton livre de base te propose des règles, un cadre de campagne ET une campagne prête à jouer, toi, que tu sois une Canaille impatiente ou un Condottiere retors, tu es content, non ? Et quand tu es content, tu… tuuuu…
Ahem. Plus sérieusement, je pense qu’il y a déjà de quoi faire rien qu’avec le kit de découverte et le livre de base. Si ça ne suffit pas, le Macaronicon compte six scénarios supplémentaires. Le dyptique livre de base + Maca est très complet et promet déjà des heures de jeu en perspective.
À terme, on compte également publier d’autres contenus, comme les gazettes qui contiennent des accroches scénaristiques, des profils de monstres, des infos supplémentaires sur le Royaume, etc. Et si ce premier financement est un succès, il y a fort à parier qu’on continuera sur notre lancée en publiant la campagne de jeu The Empire Whacks Back³¹ !

Pour finir, je te cède la parole si tu as quelque chose à ajouter qui te tient à cœur et qu’on aurait négligé jusque-là…

Il est gentil le Vilou à son papa… NAN NAN ! LÂCHE LE BRAS À PAPA !!!

Oui, comme je le disais plus haut avant d’être grossièrement aplati par une viloupère en manque de gratouilles, j’ai hâte qu’on dévoile les couvertures alternatives qu’on a préparées pour le livre de base et le supplément !
En tout cas, merci de m’avoir proposé cette interview ! Et qui sait : dans le futur, peut-être aurons-nous le plaisir d’arpenter la Brancalonie le temps d’une partie ?

Allez, sus aux primes, Canailles !

Bon, tutti va bene… amis truands et bandits de grands chemins, je ne sais pas vous, mais moi ça me dit bien de monter des coups foireux à travers le royaume d’État-lie tout en ayant la maréchaussée aux trousses parce que j’aurais volé un panettone à la mauvaise personne (bien que je ne me fasse pas trop d’illusions quant au fait que finalement ce soit moi qui me colle à la maîtrise du jeu dans mon groupe 😭😭😭). Les souscripteurs des derniers projets du Studio Agate ont eu la chance de recevoir la version imprimée du kit de découverte et les autres pourront bientôt se jeter dessus pour avoir un aperçu de ce que propose cet univers haut en couleur. Donc si vous en avez assez de Greyhawk³² ou voulez oublier un peu les habituels contrées de D&D (bad joke inside), rendez-vous le 4 janvier afin de prendre votre ticket pour la Brancalonie.

Allé, Hue Rossinante, nous avons des baffes à  distribuer et de splendides échecs à mettre en scène… Et bien sûr, merci Arthur pour cet entretien sur le pouce, du coup suis impatient aussi de voir les versions collector, c’est malin (et bravo hein, Madame va bénir ton nom pour m’avoir parlé de ça).

Le lien vers le kit de démo ici

Propos de Arthur Camboly recueillis par David Barthélémy

Notes et Références :

¹ Dragons
² L’Appel de Cthulhu
³ Star Wars
Donjons et Dragons
Studio Agate
Héros & Dragons
Neverland
Brancalonia
Prophecy
¹⁰ 7th Sea
¹¹ Tales from the Loop
¹² Trophy
¹³ Nations de Théah Vol.2
¹⁴ Wizards of the Coast
¹⁵ Eana : univers de jeu de la gamme Dragons du Studio Agate
¹⁶ Portail Ateak : nom de Portails anciens ouvrant sur d’autres plans
¹⁷ City of Mist : Le financement de la VF démarre le 10 janvier
¹⁸ PbtA
¹⁹ Cthulhu Dark
²⁰ Acheron Games
²¹ Sergio Leone
²² Ennio Morricone
²³ Margutte : Géant nain, écuyer de la “Morgante” de Luigi Pulci
²⁴ Malacoda
²⁵ La Divine Comédie
²⁶ Bud Spencer
²⁷ Raiders
²⁸ Terence Hill
²⁹ Trinita
³⁰ Pair Impair
³¹ Empire Whacks Back
³² Greyhawk

Focus

Focus sur Frédéric Meurin autour de l’élevage des huitres

Pour beaucoup de rôlistes, au delà des parties plus ou moins régulières, il est une aspiration qui revient souvent… Travailler dans le Jdr.
Tout le monde en parle à un moment ou un autre, mais « relativement » peu y parviennent.
Comment, qui, pourquoi eux et pas nous ?
Mais quelle injustice criante nous frappe au point que les 124 concepts révolutionnaires qui sont dans les tiroirs… restent dans les tiroirs ?
Souvent, la réponse tient en peu de mots… IL FAUT BOSSER !
Ok, bosser donc. Par là dessus, il faut également guetter les opportunités et se jeter dessus quand elles se présentent, ce que j’ai bien intégré puisque je profite honteusement de l’arrivée imminente du prochain financement des suppléments pour la V2 de Vampire : Le Requiem pour arracher une interview à Frédéric Meurin, responsable de la com’ autour du projet et auteur de Jdr…
Prenez en de la graine et aiguisez vos canines, ça va saigner.


Salut Frédéric et merci de prendre un peu de ton temps pour répondre à mes quelques questions.
Bon alors, j’ai cru comprendre que depuis quelque temps, ton activité dans l’édition de Jdr s’était pas mal intensifiée… Entre 7e Mer¹, Vermine 2047², Valérian³ ou encore Tiny⁴, tu as de quoi t’occuper.
Tu peux nous en dire un peu plus sur ton parcours pro dans le Jdr et comment les choses se sont mises en place ?

Salut Barthus et bonjour à toutes celles et ceux qui nous lisent !
Tu as pas mal résumé la situation, ça bouge de tous les côtés.
J’ai découvert le JdR comme beaucoup dans les années 90, au lycée. Certains ont persisté et sont passés pro, pour ma part c’est à la fin des années 2010 que j’ai mis le pied de l’autre côté. Le Studio Agate⁵ cherchait des relecteurs pour la toute fraîche 2e édition de 7e Mer, et de là les choses se sont enchaînées. Relecture pour Vampire : Le Requiem 2e Edition⁶, toujours chez Agate, rédaction des suppléments Le Coffre à jouets et du Bestiaire des cauchemars pour Tiny chez Jdr Editions⁷, de scénarios pour 7e Mer, participation à Valérian chez LETO⁸, au premier supplément pour Oreste⁹ chez Elder Craft¹⁰… 2020 a été très riche en rencontres et en opportunités, chaque travail ouvrant presque la porte d’un autre !

Et 2021 promet de ne pas être en reste avec comme tu l’as dit, de gros morceaux de rédaction et de coordination éditoriale sur Vermine 2047, plus d’autres projets donc je ne peux pour le moment pas parler.

Toutes ces participations à droite à gauche semblent faire de toi une sorte de mercenaire de l’édition. C’est un choix délibéré, une question d’opportunités, un réel besoin de se diversifier ? Dans tous les cas, ça te permet de “voir” le fonctionnement de différents éditeurs et leurs méthodes de travail. Tu dois t’ajuster aux différentes exigences de chacun ou telle une rock star tu poses tes conditions et advienne que pourra ? 

Ouh là, c’est me faire trop d’honneurs ! Et je ne crois pas que quiconque ait les moyens d’imposer ses conditions dans le petit milieu du JdR, les budgets n’ont rien à voir avec une tournée de Beyoncé.
Quant au mercenariat, cela reste finalement très limité : je n’ai travaillé qu’avec quatre éditeurs entre 2019 et 2020. J’ai des copains qui bossent pour bien plus de monde (d’ailleurs, je me demande quand ils dorment) ! Là encore, c’est pour beaucoup une réalité économique. Cette passion – de l’écriture, du jeu de rôles ou des deux – peine à faire vivre les auteurs et les autrices en France, par manque d’un statut et d’une meilleure reconnaissance dans la chaîne du livre.
Donc cette relative diversité visait clairement un objectif : celui de me professionnaliser, ce que je viens de concrétiser. J’ai pas mal décroché mon téléphone ou mes mails, rencontré du monde sur des salons, répondu à des annonces – ça existe ! Il fallait franchir un certain volume pour oser abandonner mon boulot en CDI et devenir saltimbanque option écriture.
Des opportunités, un peu d’insistance pour “mettre le pied dans la porte” et beaucoup de chance m’ont donc permis de travailler sur des projets très divers dans les circonstances très particulières que nous avons tous connues avec les confinements à répétition. C’est parfois compliqué de switcher entre la SF space-opera-réaliste d’Oreste, celle beaucoup plus pulp de Valérian ou celle encore différente de Projet-secret-je-ne-dirai-rien. D’autant qu’au-delà de l’ambiance, le cahier des charges change du tout au tout : Sébastien Moricard¹¹ a une vision très précise de son univers, et il t’invite à l’enrichir tout en gardant un cap aussi bien pour son jeu que pour les joueurs qui vont l’explorer. Pour Valérian, les albums constituent une bible incontournable. C’est une mine d’informations, donc tu ne veux rien oublier sans trop pouvoir broder, de peur d’exploser le signage ou pire, de voir les ayants-droits retoquer ta copie. Le vide intersidéral n’offre pas toujours la même marge de manœuvre !
Après, c’est un lieu commun, et pourtant une réalité : “de la contrainte nait la créativité”.
Ces cadres permettent justement de travailler l’imaginaire et d’explorer des voies très variées avec comme tu le dis, des méthodes de travail très différentes.
Cela reste très enrichissant d’un point de vue créatif et méthodologique : le niveau d’exigence s’en trouve souvent relevé et on prend le meilleur de chaque méthode pour l’appliquer à chaque commande. S’inspirer et améliorer, mhm, ouais, j’ai peut-être encore quelques réflexes de ma vie d’informaticien d’avant ! 

Ton travail au sein du Studio Agate ne s’arrête pas à la rédaction et à la coordination puisque tu es aussi chargé de la com autour de la gamme Vampire le Requiem. C’est une part de l’édition souvent problématique pour pas mal de monde, du coup comment tu gères ça et en quoi ce travail consiste exactement ?

Tel que je le vois du petit bout de ma lorgnette, et de ce que j’entends de mes collègues d’ici et d’ailleurs, le petit monde du JdR français arrive à un moment charnière. Les difficultés qui ont frappé le secteur, avec les confinements, les boutiques qui ont dû fermer, les clubs qui ont interrompu leurs activités et une année ou plus de conventions et salons annulés, obligent un peu tout le monde à se réinventer. La concurrence reste cordiale mais elle existe bien évidemment, donc il faut sortir son épingle du jeu (pun intended). Les concours de circonstances, encore eux, font que l’essentiel de mon activité se fait désormais sous les couleurs d’Agate – avec encore un peu de temps pour les jouets de Tiny.
Cela comporte pour le Studio la mise en œuvre de (progressivement) tous les aspects communication. L’actualité du Studio pour 2021 est très dense, avec beaucoup de très gros projets qui arrivent à leur conclusion à la rentrée – ou plutôt qui arrivent à la fin de leur phase une, un peu comme le MCU¹². Je pense bien sûr à la Tétralogie Dragons¹³, à Melwan¹⁴ et Romantisme Noir¹⁵ pour Esteren¹⁶, dont les livraisons vont avoir lieu si tout se passe bien à l’automne. C’est une très grosse étape et les pôles logistique et fabrication du studio mettent les bouchées doubles pour conclure ces projets très attendus (avec en plus Démon : La Damnation¹⁷, Sociétés secrètes pour 7e Mer, et la prochaine précommande de Vampire : Le Requiem qui se tiendra du 5 au 19 juillet 2021).
Nous nous devons de tenir nos souscripteurs au courant de l’avancée de ces travaux, et surtout de préparer la suite.


Parce qu’il n’y pas de phase une sans une belle phase deux, et celle-ci promet d’être extrêmement riche. Les gammes Dragons et Esteren vont poursuivre leur développement, Vermine 2047 va perdre son E final pour traverser l’Atlantique, d’autres projets sont en cours de réalisation, et nous préparons d’ores et déjà deux beaux projets pour la rentrée.
Le premier consistera en une grande campagne originale pour 7e Mer, de création 100% française, afin de compléter notre offre de scénarios pour ce jeu. Et si les aficionados de la V1 regrettaient n’avoir “que” quatre nouveaux scénarios à se mettre sous la dent en plus de ceux repris de la première édition, cette fois, ils auront de quoi emmener leurs Héros de la Théah aux quatre coins du monde ! Les textes sont intégralement rédigés, les illustrations prêtes à 80%, et l’été promet d’être très studieux pour ceux qui bossent sur ce projet pour qu’il arrive sur Ulule¹⁸ le plus finalisé possible.
Le deuxième concrétisera une annonce faite par le Studio il y a bientôt un an et concerne Brancalonia¹⁹. Il s’agit d’un jeu indépendant motorisé par la 5e, édité en Italie par Acheron Games²⁰. Plutôt que de sauver le monde, ce cadre original propose aux joueurs de réaliser rapines, escroqueries et autres coups pendables : ici pas de Héros, juste des Canailles, dans le plus pur esprit des westerns spaghettis. Si vous avez toujours rêvé de jouer Tuco plutôt que Blondin dans Le Bon, La Brute et Le Truand²¹, ce jeu est pour vous ! Par contre, il se peut qu’à un moment, on vous rappelle que le monde se divise en deux, ceux qui savent lancer Boule de feu, et ceux qui creusent… et que vous, vous creusiez !  La traduction est finalisée – autant pour le livre de base que le kit d’initiation et plein de belles surprises sont là aussi en cours de préparation pour un Ulule haut en couleurs dans le courant de l’automne.
Et pour répondre à ta question : voilà en quoi consiste mon travail de communication pour le studio. Donner envie et teaser ! Blague à part, cela comporte beaucoup d’échanges avec la presse, les chaînes Youtube et plus encore avec les passionnés comme toi. Sans flagornerie, votre enthousiasme et votre soutien nous aident beaucoup à faire connaître nos créations, parce que malgré leur puissance, les rézosociaux ne font pas tout !

Comme beaucoup dans ce milieu, tu as également un job en dehors de l’édition.
C’est une question de confort, de sécurité, une réelle nécessité ?

A vrai dire, ce n’est plus une question ! J’ai franchi le pas en juin 2021. Cela reste un pari un peu osé, cependant assez calculé pour me dire que je ne devrai pas vendre un rein pour manger à la fin de l’année.

Alors, écriture de scénarios, relecture, roman, coordination, com… ça c’est fait.
Pour la suite, tu nous as prévu quoi ? Charleston, ébénisterie, élevage d’huîtres ?

Si je te dis que je m’essaye à la lutherie de guitare quand je n’en joue pas, tu me crois ? Bon ok c’est plus de la bricole, mais c’est pourtant vrai. Et j’essaye de remplir mon potager, mais là non plus c’est pas encore ça.

Et du coup, c’est quelle tâche parmi tout ça qui a ta préférence ? (et ne me dis pas l’élevage d’huîtres hein, c’est une catégorie à part)

C’est très injuste pour les huîtres qui sont des créatures sensibles, souvent incomprises parce que dépourvues de caractéristiques permettant l’identification anthropomorphique. Les Shoggoth²² souffrent du même problème.

Frédéric dans ses œuvres de crustaço-thérapie entre deux scénars

Le soin psychologique des mollusques à part, ma préférence demeure à l’écriture créative au sens large du terme. D’ailleurs en ce moment, il me tarde de retrouver un peu de temps pour me retourner à l’écriture de mon troisième roman.

Pour en revenir à Requiem, comme il s’agit d’une traduction, les apports du studio sur la gamme sont fatalement plus limités que sur d’autres jeux (comme Vermine 2047 par exemple)… Pour le coup, tu y trouves quand même ton compte ? 

Requiem reste un projet très intéressant parce qu’il s’inscrit dans une même volonté du studio de faire vivre des histoires aux gens. Ce que vivront les joueurs et leurs personnages de Vampire : Le Requiem se déroulera dans un contexte très différent de Vermine 2047 ou de Dragons, mais le dénominateur commun demeure les personnages. Ce qu’ils vivent, ce qu’ils ressentent, pourquoi ils font ces choix. Bien sûr dans Dragons, la dimension “tourment intérieur” est moins marquée mais un cadre épique pose aussi des questions sur la nature humaine (vous vous souvenez d’un certain roi du Gondor qui doit choisir ou non de prendre un petit bijou ?).
Alors, oui, nous sommes plus limités dans l’aspect créatif. Cela ne nous empêche pas d’apprécier pourquoi nous avons voulu traduire cette gamme et l’offrir au public français : pour offrir une proposition de jeu qui nous semblait pertinente et riche de possibilités.

Tu peux nous teaser un peu sur le financement à venir, ce qui est prévu, les délais approximatifs de livraison ?

Très volontiers, je suis venu ici pour ça !
Cette précommande se déroule sur Ulule du 5 au 19 juillet 2021. Elle permettra d’acquérir les versions papier du Guide de la Nuit et de Semi-Damnés, pour Vampire : Le Requiem 2e Edition
C’est une précommande, et pas un financement participatif : la traduction, le maquettage et les relectures ont déjà été réalisés. D’ailleurs les PDF correspondants ont été envoyés ou sont en passe de l’être pour les souscripteurs du précédent financement de la gamme (qui portait sur Un millénaire de nuit et Le Secret des Ligues). Il n’y a donc pas de paliers à débloquer, de bonus à obtenir : une fois que la précommande aura atteint cinquante ouvrages de chaque, nous pourrons lancer l’impression.
Plusieurs raisons nous ont poussé à ce choix : d’abord, nous souhaitons aller vite. Là, avec les ouvrages prêts en numérique, il ne reste que les délais d’impression – – et connaître les volumes à commander auprès de notre partenaire situé en Europe. Cela nous permet de viser une livraison à l’automne. Nous ne voulions pas compromettre cette rapidité avec des bonus qui auraient peut-être retardé le moment où les gens tiendront le livre en main.
Ensuite, ces deux ouvrages font partie pour les Chroniques des Ténèbres de la phase une évoquée plus tôt. Quand celle-ci sera terminée, notamment avec la livraison des souscriptions Démon : La Damnation, du Guide de la Nuit, de Semi-Damnés et des autres gammes évoquées auparavant, le Studio pourra se poser et évoquer la suite des Chroniques des Ténèbres.
Mener une précommande courte et rapide, pour assurer les impressions au meilleur coût comporte cela dit plusieurs avantages pour les souscripteurs. S’ils ont participé à l’un des précédents financements participatifs du Studio, parmi Démon, Dragons, 7e Mer – Sociétés secrètes, EsterenMelwan ou Romantisme noir, l’envoi du Guide de la Nuit ou de Semi-Damnés n’occasionnera pas de frais de port supplémentaires. Nous combinerons les envois pour une livraison à la rentrée scolaire 2021.
Sachant que durant cette précommande, vous pourrez aussi acquérir n’importe quel ouvrage des Chroniques des Ténèbres (donc oui, aussi des intégrales Démon ou des intégrales Vampire voire les deux !), la ristourne peut devenir conséquente.
D’ailleurs, autre petit bonus de cette précommande, achetées ensemble, les versions collector du Guide de la Nuit et de Semi-Damnés seront au même tarif que la version standard. C’est donc vraiment l’occasion pour compléter sa gamme à moindre coût.

Ok, alors précommande et délais courts c’est parfait comme démarche (d’ailleurs de plus en plus d’éditeurs tendent à fonctionner comme ça, n’est-ce-pas Arkhane Asylum23), mais au-delà de ça, le Guide de la Nuit et Semi-Damnés, c’est quoi exactement ?

Le Guide de la Nuit pourrait presque s’intituler : 138 pages d’idées pour Conteurs de Vampire. Ce livre regorge d’inspirations et de conseils sur comment mener sa Chronique, à quelle époque, comment faire intervenir les Ligues, comment complexifier les rapports au sein et entre coteries, et comment mélanger tout ça pour trouver le cocktail qui vous convient. Il y a bien sûr quelques mécaniques supplémentaires : des Styles, des Dévotions et même un système de joute verbale qui permettra d’enrichir le roleplay et de restituer cet aspect primordial pour beaucoup de Vampire qu’est la réputation.
Bien sûr tout cela reste très libre : ce ne sont que des suggestions. Chaque Conteur, chaque joueur, pourra venir y piocher pour enrichir sa Chronique ou son Requiem. À titre personnel, c’est un de mes aspects préférés de ce jeu : il affirme haut et fort quelque chose qui est trop souvent passé sous silence. “Vous avez acheté ces livres, désormais c’est votre jeu et vous en faites ce que vous voulez !” Cela laisse une grande latitude aux Conteurs pour animer leur Chronique : si un aspect leur déplaît, ils peuvent le laisser de côté.
Semi-Damnés va aller lorgner du côté des goules, des revenants et des dhampirs. Les premiers sont généralement bien connus. Ce sont des humains drogués à la Vitae, généralement par un Vampire qui va s’en servir pour faire quelque chose dont il est incapable : marcher en plein soleil. Ils ont en VO leur propre supplément, pour mettre en scène des serviteurs PNJ et des antagonistes. Ici, ils seront jouables en tant que personnages. Les défis d’une telle interprétation sont multiples. Incarner un serviteur totalement soumis n’a que peu d’intérêt, mais imaginez un peu jouer une goule dont le Vampire a été éliminé. Comment trouvez-vous votre dose de Vitae ? Une autre idée : vous jouez dans le Monde des Ténèbres, mais au lieu d’incarner un Vampire ou un Démon, et de profiter de l’arsenal de pouvoirs qui va avec… vous êtes une goule. Pas aussi faible qu’un bête humain, mais quand même, pas au même niveau de puissance. Pas du tout au même niveau. Quels trésors d’inventivité allez-vous déployer pour accomplir la mission que vous a donnée votre maître ? De quoi bien réinventer le jeu, surtout que la goule a sa propre vie, ses propres relations avec des vivants et donc ses propres tourments – et cette soif, bon sang, cette soif !
Les revenants étaient jusque là présentés comme des accidents regrettables, des négligences de vampires peu précautionneux, qui compromettaient par leur soif inextinguible la mascarade. Et si vous en jouiez un ? Un résidu d’Étreinte ratée, un infant non-désiré, un buveur de sang inachevé qui subit tous les inconvénients de l’immortalité, sans aucun avantage – pas de clan, pas de ligue, juste la solitude d’un être condamné à la nuit… et à la compagnie de ses semblables. Sentez-vous cette colère ? Cette puissance ? La bête ? Mais qu’elle vienne, si votre “sire” peut y goûter, ça lui apprendra peut-être à assumer !
Les dhampirs enfin, sont bien souvent les moins connus des Semi-Damnés. Pourtant eux aussi ont leur supplément en VO, où ils sont là encore présentés comme PNJ et comme adversaires. Les dhampirs sont nés d’un parent humain et d’un autre vampire. Il y en existe un très connu dans le monde de la BD qui a même eu son adaptation au cinéma. Alors autant vous prévenir tout de suite : les dhampirs sont moins badass que le daywalker24 et leur existence beaucoup plus dramatique. Vampire le Requiem oblige, les personnages dhampirs devront composer avec une ascendance mystérieuse et condamnable, et leurs pouvoirs les feront passer par des hauts et des bas. D’ailleurs, êtes-vous un humain avec des pouvoirs de vampire, ou un presque vampire avec des résidus d’humanité ? Là encore, dans le Cercle du bout de la Nuit, peu de chance que votre place soit très enviable par son côté bâtard.

Je t’avouerai que j’avais beaucoup hésité à me lancer dans Requiem… Échaudé par la politique éditoriale du White Wolf25 des années 90, je redoutais une énième gamme à rallonge qui s’empilerait jusqu’au plafond, enchaînant les rumeurs contradictoires jusqu’à plus soif (comment ça Mascarade j’écris ton nom ?).
Tu peux me rassurer là-dessus parce qu’il commence à y avoir quelques bouquins déjà et j’aimerais continuer à croire à un contexte maîtrisé pour ce jeu (du style un ou deux suppléments de plus et basta) ?

Nous, chez White Wolf, on aime bien aller à l’essentiel !

C’est amusant que tu parles de ça, parce que nous venons de publier sur notre blog dédié aux Chroniques des Ténèbres une explication du comment et pourquoi White Wolf a édité Requiem après avoir arrêté Mascarade. (ici)
Je ne vais pas ré-écrire ce long article ici, mais en résumé, Mascarade était un jeu à storyline, à l’époque où le Vampire était LA figure de pop-culture dominante. Aujourd’hui ce serait peut-être le zombie (encore que ça me parait déjà passé de mode), mais c’est moins fun de jouer un cadavre qui grogne “cerveau” qu’un prédateur aux dents longues. Le succès de Mascarade était tel que White Wolf publiait quasi un supplément par mois à partir 1995, avec les soucis de coordination que ça peut impliquer : rapidement, celle-ci était… bon, on sait tous ce que ça a donné – et perso, je trouve que ça a plus dérapé du côté des garous que de Vampire.
Quand ils sortent Gehenna, qui est à la fois un très bon et très mauvais supplément, ils appuient clairement sur le bouton “Self destruct” de leur monde, au moins pour les Vampires.
Et ils décident de sortir Requiem, qui ne comprendra pas de storyline : un souci de moins ! Le fait que le jeu sorte en 2004, à une époque où le JdR peine face aux MMORPG et aux jeux de cartes, ralentit le rythme de publication. Ces problèmes deviennent au final des avantages pour les joueurs : la gamme reste plus ramassée, et les suppléments sont mieux coordonnés. De plus Requiem est envisagé comme un jeu-bac à sable. Pas dans le sens jardin d’enfants, au contraire, ses thématiques sont beaucoup plus sombres et tourmentés que son prédécesseur. Bac à sable dans le sens “construisez votre Chronique”. Chaque table explore les aspects qu’elle veut de cette version plus intimiste et plus désespérée de Vampire. Là où le jeu de 1991 explorait une conspiration de créatures surnaturelles qui cherchent à dominer le monde pendant qu’une super-menace risque de leur tomber dessus (la fameuse Géhenne), Vampire : Le Requiem parle de deuil, de mort et de sacrifice, dans un cadre très politique. L’immortalité c’est long, surtout vers la fin, alors que faire pour repousser la Torpeur ?
Les jeux ne s’adressent pas aux mêmes publics et c’est très bien comme ça. En terme technique, la puissance brute des personnages de Requiem l’emporte quand on les crée… mais plus le jeu avance, plus cette force de frappe passe au second plan derrière le rapport à l’humanité, la lutte contre la Bête et les relations entre Clans et Ligues.
Pour répondre donc à ta question : la gamme Requiem s’enrichit en France (le Guide de la Nuit et Semi-Damnés seront les quatrième et cinquième suppléments) sans devenir “indéchiffrable”. Il en existe d’autres en VO, cependant ces suppléments ne sont pas près de se contredire. Il y a par contre de fortes chances que l’interprétation du Monde des Ténèbres change d’une table à l’autre avec Vampire : Le Requiem. Comme dans n’importe quel JdR, me diras-tu; certes, juste, c’est ici dans l’ADN du jeu.

Bon, finalement mes étagères ne me maudiront pas sous le poids d’une gamme interminable, c’est cool

Et une fois tout ça bouclé, c’est quoi tes projets à plus ou moins long terme en matière d’écriture ?

Actuellement, je mets la main à la pâte sur deux scénarios pour Tiny, qui devraient être publiés pour la fin d’année – je laisse les collègues de JdR Editions vous en dire plus à l’occasion.
Après Vampire, nous avons “quelques” projets avec le Studio Agate, pour lesquels j’ai aussi bien de la rédaction que la coordination éditoriale à assurer. Mais je ne peux rien dire avant la rentrée.
Bon, allez, quand même : il se pourrait que je sois chargé de rédiger des aventures supplémentaires enrichissant la campagne 7e mer, en mode “l’aventure en plus”. Ok, vous allez me dire que ça j’en ai presque déjà parlé, et c’est pas faux.
Le reste… le reste, non, vraiment je ne peux rien dire. Sauf que j’espère bien réussir à reprendre mon roman !
D’ici là, je retourne préparer la précommande pour Le Guide de la Nuit et Semi-Damnés !

Hé bien voilà, comme quoi on peut à la fois jardiner, faire de la musique, se soucier du bien-être de nos amis les mollusques et travailler dans le monde du jeu de rôle… La morale de cette histoire semble être qu’il faut savoir enfoncer les portes et ne rien lâcher être polyvalent pour y arriver et surtout, faire preuve d’une belle motivation.
Merci Frédéric pour cet entretien et bonne chance pour la suite (même si à priori, quand on bosse, la chance n’a plus grand chose à voir là dedans).
De mon côté, je vais filer relire Requiem pour me remettre dans le bain avant la précommande et compter les jours qui me séparent encore des livraisons de Dragons et Melwan 🙂

Propos de Frédéric Meurin recueillis par David Barthélémy

Notes et Références :

le site de Frédéric : https://www.frederic-meurin.com

1 7ème Mer
2 Vermine 2047
3 Valérian
4 Tiny
5 Studio Agate
6 Vampire : Le Requiem
7 Jdr Editions
8 LETO : Les Editions du Troisième Œil
9 Oreste
10 Elder Craft
11 Sébastien Moricard
12 MCU
13 Dragons
14 Melwan
15 Romantisme Noir
16 Esteren
17 Demon : La Damnation
18 Ulule
19 Brancalonia
20 Acheron Games
21 Le Bon, la Brute et le Truand
22 Shoggoth
23 Arkhane Asylum
24 Daywalker : Référence au Personnage principal dans Blade
25 White Wolf


Retour de lecture

Ce que j’en pense, Vermine 2047 : Kit de Survie

Saloperie de Rouge-Feu

Scrttt… crrr… crcrcr… Scrtttttt…
La fièvre semble retomber un peu.
Ça fait quoi… deux … trois… peut-être quatre jours que je suis coincé ici.
Saloperie de rouge-feu… Non, soyons honnête… saloperie de fatigue.
Si j’avais été reposé, j’y aurais pensé et ne me serais pas étendu à même le sol comme le premier bleu venu, au risque de me faire mordre par un rampant.
Allé, je ne suis pas encore mort, j’en prends bonne note et ne me ferai plus avoir.
J’ai soif… la gourde… Merde… vide.
J’ai dû tout boire pendant que je délirais… Merde !!!
Bon, arrête de râler, tu n’aurais pas bu, tu serais mort…
N’empêche, j’ai soif…
Allez, trouver de l’eau…
Haaa… merde… ma jambe… put’… cette saloperie ne m’a pas raté… l’eau attendra, il faut que je m’occupe de l’infection… Et j’ai faim… Monde de merde…

Salut à vous, amateurs de fin du monde… enfin, non, pas du monde, de la civilisation (car oui, le monde se passe très bien de nous quand il s’agit de poursuivre sa route).
Nous allons donc parler aujourd’hui de Vermine 2047, la nouvelle édition de ce jeu post-apo de Julien Blondel1.

Vous l’aurez sûrement vu fleurir sur vos réseaux sociaux favoris ces derniers temps, le financement est en cours jusqu’au 15 avril et connaît d’ores et déjà un très beau succès (on a passé les 115 000€ tout récemment).

Alors, Vermine 2047, c’est quoi ?

La Forme

Déjà, c’est une fort jolie boîte (je parle de la version « collector ») contenant un livre de 128 pages à couverture souple, un écran à trois volets format paysage (un vrai, tout beau tout dur, pas un bout de carton souple plié en quatre), six fiches cartonnées présentant chacune, sur une double page, l’un des persos prétirés, ainsi qu’une fiche vierge.

Du beau matériel pour une boite bien remplie

Après une double page contenant les crédits du jeu et un sommaire détaillé, Vermine va nous présenter la traditionnelle définition du jeu de rôle, quelques indications quant aux thèmes, types d’ambiances… et surtout, les trois différents modes de jeu qui sont proposés pour animer vos parties (survie, cauchemar et apocalypse).
Le livre détaille ensuite l’univers de jeu sur 25 pages au travers du récit d’Iza, une survivante des grands chamboulements qui auront mené au monde de 2047. Plus qu’un univers, c’est réellement l’ambiance du jeu qui nous est dépeinte au travers de ces pages et c’est très bien ainsi.
Le monde de Vermine est fait d’incertitude, l’ère de l’information étant révolue depuis maintenant longtemps. Tout n’est dorénavant plus que rumeurs et colportages…
La société telle qu’on la connaît a cessé d’exister, elle s’est effondrée au fil du temps, des changements climatiques et des épidémies.
Ce qui reste d’humanité s’est bien entendu déchiré, s’arrachant les dernières miettes d’un confort en déclin jusqu’à ce qu’il n’en reste plus une once. Les villes se sont transformées en tombeaux à ciel ouvert servant de repère aux prédateurs comme aux charognards et les campagnes ont fini de reprendre leur sauvage liberté, oubliant au passage d’y conserver une place pour l’homme qui lui, tend à redevenir ce qu’il était au départ… un simple maillon perdu au milieu d’une vaste chaîne alimentaire.

Les pages 25 à 71 vont nous présenter l’ossature du système de jeu (le système Totem) de manière simple et complète, décortiquant les composantes du personnage, la mécanique de résolution des actions, l’équipement, les soins, le combat, et conclure sur les spécificités des différents Totems.
Au nombre de dix (dont deux un peu particuliers), ils sont autant des guides de roleplay définissant la manière d’appréhender le monde qu’une option de personnalisation supplémentaire du personnage. Nous avons donc le Prédateur, le Symbiote, le Charognard, le Parasite, le Bâtisseur, la Ruche, la Horde et le Solitaire.
Ils sont tous caractérisés par des instincts (triompher, affaiblir, voler, partager, créer, survivre …), des interdits (fuir, s’apitoyer, négocier, saboter …) et un caractère (déterminé, calculateur, manipulateur …) qui serviront à poser des bases solides pour l’interprétation de vos alter égo. Chacun d’entre eux fournit également une liste de capacités spéciales, en fonction du mode de jeu retenu, capacités conférant des bonus pour résoudre des actions ciblées (seules celles concernant les personnages prétirés du kit sont ici décrites).

Quelques exemples de Totems

Les deux Totems particuliers sont l’Humain et l’Adapté. Ils se placent à part dans le sens où ils vont se greffer au Totem de prédilection de votre personnage, représentant le conflit permanent existant entre la part d’humanité en tout un chacun et la nécessité d’adopter certains comportements pour survivre et évoluer dans ce nouveau monde.
En plus des Totems individuels, Vermines propose de choisir un Totem de groupe, qui fixera les grandes tendances de votre équipe de Pjs et fonctionnera sur les mêmes principes.
Le groupe a toute son importance dans un jeu où la survie est l’un des enjeux principaux (si ce n’est l’enjeu principal tout court) et bénéficie d’une double page dédiée détaillant son fonctionnement et les capacités qu’il accorde aux personnages (bonus, réserves de dés, moral …), de manière assez succincte, format kit de découverte oblige.

Les pages 72 à 87 renferment les fiches des personnages prétirés ainsi que des conseils sur les derniers réglages à opérer avant de lancer votre partie (présenter Vermine, groupe, utilité des réserves de dés, objectifs, customisation des persos …).

La dernière partie du livre (pages 90 à 128) propose trois scénarios (le Village 14 pages, les Eoliens 8 pages et les Silencieux 8 pages), des règles d’expérience (individuelle et de groupe) et enfin, les règles de création de Pnj (humains ou créatures) avant de se conclure sur une page d’index.

Ne reste plus qu’à évoquer la qualité d’écriture du jeu (il y a quelques jolis noms qui participent au projet, allez voir sur la page de financement), qui permet de s’enfiler ça comme du petit lait, la mise en page soignée ou les illustrations toutes plus malaisantes les unes que les autres et hop, vous aurez une bonne idée de ce que contiennent les pages de ce livre.

Les règles

Le système Totem, sous des airs touffus est assez simple. On lance une poignée de dés à 10 faces contre une difficulté (de 3 évidente, à 10 impossible), un succès suffisant à accomplir l’action et les succès excédentaires servent à améliorer la réussite.
Les caractéristiques de vos persos sont à la base de votre pool de dés. Vous ajouterez ensuite éventuellement un à deux dés si vous possédez la compétence adéquate et suivant le niveau de cette dernière, vous pourrez même relancer un à deux résultats qui vous auraient déplu.
Il y a bien sûr des subtilités, comme les Handicaps qui rendent nécessaire l’obtention de succès supplémentaires à la réussite d’une action, l’utilisation des réserves (effort, sang-froid, de groupe), les dés conférés par l’usage des Totems, le Moral, le Matériel … Alors certes, ça parait chargé énoncé comme ça, mais c’est cohérent et ne nécessite qu’un peu de pratique pour être acquis, de plus, tout est bien résumé dans l’écran de jeu (ça c’est appréciable, vous n’aurez pas à faire des allers-retours permanents dans le livre de règles).

Le panneau central de l’écran reprenant clairement des règles utiles en jeu

Pour ce qui est du combat et des blessures, là vous allez souffrir !
En effet, le jeu se veut dur (lire punitif) et par conséquent, il ne sera pas anodin de se prendre un coup de machette ou une balle de fusil. Les soins seront d’autant plus importants qu’en cas d’infection des blessures, vos personnages ne vaudront rapidement plus grand chose. Si l’on ajoute à cela les conditions météorologiques, les chocs et les éventuelles morsures de bestioles, vous comprendrez aisément pourquoi on insiste tant sur la notion de Groupe dans le jeu.
Il parait très compliqué de jouer un héros solitaire à la Mad Max (forcément, quand on dit post-apo on pense à lui), si ce n’est suicidaire.
Le groupe est donc votre salut (au moins temporaire), avec tous les avantages/inconvénients que cela suppose. En cela, les règles fournissent tout ce qu’il faut pour amener des tensions à la Walking Dead2 par le biais des différents Totems des personnages qui devront cohabiter avec celui du groupe, au risque de le rendre dysfonctionnel et source d’ennuis.

Le Fond

Comme disait l’autre, « noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir » (damned, je ne pensais pas un jour citer ça en référence… !?!).
Comme je vous le disais plus haut, la civilisation n’est plus et ça, quand on doit survivre dans une nature redevenue globalement hostile… ben… ce n’est pas simple.
Les villes se sont transformées en pièges à rat (et maintenant, le rat… c’est vous), véritables mannes de cadavres, abris et terrains de chasse pour toutes sortes de bestioles. Les campagnes ne valent finalement guère mieux, offrant toutefois l’avantage de disperser les dangers potentiels sur une vaste zone, ce qui au final vous permettra (peut-être) de passer entre les gouttes.
Les seules menaces ne sont bien sûr pas qu’animales (ou insectoïdes) mais également très humaines.
Quand il est question de Survie (oui oui, avec un grand S), l’être humain n’est pas forcément très très enclin à la charité et à la bienveillance (surprenant n’est-ce pas ?) et bien souvent, tendra naturellement à prioriser sa propre personne face aux intérêts d’une autre.
Tribus cannibales, pillards organisés, familles dégénérées ou juste égoïstes survivalistes seront au programme, composant ainsi le quotidien de vos chers petits personnages (qui d’ailleurs pourront très bien appartenir à l’une des catégories susmentionnées), le tout entre fourmilières géantes, hordes de rats et autres joyeusetés offertes gracieusement par Dame Nature.

Ca donne bien le ton, on n’est pas là pour faire la fète !

Le système va donc vous proposer trois modes de jeu, qui définiront en grande partie la teneur de vos aventures.
Le mode Survie : ici, pas de mutants, de créatures gigantesques ou de pouvoirs hors du commun conférés par les Totems. Le monde se veut réaliste et dur, proposant déjà bien assez de difficultés pour tout individu désireux de mener une petite vie tranquille (hahaha), au travers de petits plaisirs simples comme la maladie, la faim, la soif, les infections diverses et les voisins un peu trop envahissants.
Le mode Cauchemar : Les bestioles deviennent soudainement plus grosses (et teigneuses), les gens plus sauvages (au moins certains), et les personnages ont accès à un panel plus fantaisiste de « pouvoirs ». Clairement, ici le fantastique vient interférer dans le récit, et rarement pour le bien de tous.
Le mode Apocalypse : Zombies mutants, scarabées de la taille d’une voiture, colonies de rats intelligents et malveillants… Tout devient possible, surtout le pire et là, le post-apo dark prend véritablement de l’ampleur, afin de maltraiter vos personnages de toutes les manières possibles et imaginables.

A vous de bien choisir ce vers quoi vous voulez tendre, sachant qu’il sera toujours possible d’aller dans le sens de l’escalade, passant du mode survie au mode cauchemar, voir apocalypse au gré des révélations survenant durant vos parties.
Il est à noter que Vermine n’est pas un jeu à secrets, l’un de ses gros points forts étant les rumeurs.
Ce sont les joueurs, qui par un système de vote, vont trancher sur la véracité ou non des rumeurs que le Mj fera courir durant ses scénarios. C’est malin, permet d’impliquer les joueurs et devrait apporter de jolies choses à vos tables selon comme vous choisirez de gérer la chose.

Conclusion

Vermine est un jeu que j’affectionne, par nostalgie (la première édition3 était déjà très chouette), mais aussi de par la liberté qu’il procure. Le choix de se placer dans un contexte familier (la France que vous connaissez presque, le village d’à côté…) mais en faisant un pas de côté vers l’effondrement consommé, permet de se placer tout de suite dans l’ambiance du jeu… à savoir… que c’est la dèche.
Vos personnages manqueront de ressources, de vivres, de confort, d’entrain parfois (souvent), de chaleur, bref… ils manqueront de tout. Je trouve cela intéressant, car ici on ne nous promet pas de grands héros dépourvus de défauts (… massacrant néanmoins leur prochain à tour de bras, et ce sans sourciller), mais des gens en situation de survie dans un monde qui ne veut clairement plus d’eux et luttant (ou pas) pour préserver une petite part d’humanité tout en évitant de sombrer dans la barbarie la plus profonde.
Bien sûr, en fonction du mode de jeu que vous choisirez, vous pourrez vous éloigner de la réalité pour aller vers des récits plus fantastiques, mais je trouve (très personnellement) que c’est passer à côté de ce qui fait la force du jeu.
Là où un Kult4 (dont la dernière mouture est également en cours de financement) vous proposera une horreur malsaine, fantastique et finalement très « romancée », Vermine tape là où ça fait mal, dans l’humain et l’absence de repères civilisationnels.

Kult, un excellent jeu d’horreur au demeurant, mais pas dans la même veine que Vermine

Que reste-t’il de nous une fois le vernis de la vie en société enlevé ?
Nous réduisons-nous à une somme d’instincts ou au contraire, allons-nous lutter pour rester « humains » et faire perdurer un vivre ensemble rendu fragile par un environnement hostile ?
Je pense que Vermine nécessite des joueurs matures afin d’en tirer la substantifique moelle et privilégierai pour ma part le mode survie, l’horreur étant à mon sens bien plus marquée (et marquante) lorsqu’elle vient principalement de nous.
Si vous êtes d’un naturel angoissé ou ne supportez pas la violence psychologique, passez votre chemin (ou misez à fond la carte du fantastique), mais sachez qu’une fois que vous aurez lu Vermine et réfléchi cinq minutes sur la portée éventuelle du retour au sauvage tel qu’il est décrit dans le livre, vous risquez de ne plus dormir sur vos deux oreilles pendant quelques jours avant de revenir à votre confortable quotidien.
Quant au kit en lui même, vous noterez que je n’ai pas évoqué les scénarios (à dessein) car ce serait gâcher la surprise pour celles et ceux qui liraient ce retour sans compter maitriser le jeu, mais qu’ils sont de très bonne facture et vous permettront de découvrir ce que la bête a dans le ventre en attendant la suite de la gamme (en financement jusqu’à demain soir, puis dans vos boutiques jusqu’à effondrement).
Bref, Vermine, ça pique et ça gratte, pas toujours de manière confortable, mais qu’est-ce que c’est bon (mangez-en avant que les petites bêtes ne vous mangent).

Notes et Références :

1 : Julien Blondel
2 : The Walking Dead
3 : Vermine v1
4 : Kult

Retour de lecture

Ce que j’en pense : Dragons, Le Grimoire

Je vous avais prévenu au moment du retour pour Aventuriers, la présentation sera donc plus courte qu’à l’accoutumée car il s’agit d’un livre complémentaire et non pas d’un livre-univers contenant des règles en plus du monde.
Si vous suivez un peu les articles qui passent par ici, vous aurez donc noté tout le bien que j’ai pensé du livre Aventuriers et ne serez probablement pas surpris de la tournure que prendra ce retour.
Tout d’abord, commençons par une petite piqure de rappel pour les anxieux … Dragons n’est pas concerné par les embrouilles juridiques qu’il y a pu avoir entre Wizard1, Gale Force 92 et Black Book Editions3 et qui se sont notamment soldées par l’arrêt de la gamme Héros & Dragons4, donc pas d’alarme, vous pourrez effectivement continuer d’arpenter Eana en toute sérénité.
Ceci étant évacué, revenons à nos moutons et penchons nous plus avant sur cet ouvrage.

Mais où sont les Fireballs ?

La Forme

Tout comme son prédécesseur dans la gamme Dragons, le Grimoire est un bon gros bouquin au format A4, couverture cartonnée et reliure cousue qui devrait tenir de nombreuses années sans finir par ressembler au grand livre des recettes de confitures de tata Lolo. Du haut de ses 320 pages (ça pousse vite à cet âge là), vous aurez tout ce qu’il vous faut pour créer, gérer, faire vivre la magie sur Eana.
Si j’avais trouvé la mise en page de Aventuriers aux petits oignons, il semblerait que l’on pouvait encore monter d’un cran dans ce domaine. Les fonds de pages, les cadres, les lettrines, toujours cet aspect parcheminé et cette fois une omniprésence des pastels font que même une page sans illustration a son identité propre.

Mes photos sont certes moches, mais n’empêche, la mise en page est là

Bon, les illustrations, comme d’habitude, il n’y a rien à en dire, si ce n’est : c’est beau.
On arrive à sortir du carcan des dragons menaçants et omniprésents pour se diriger vers quelque chose de plus mature dans la représentation d’un univers de fantasy, de plus sobre également … pas de déferlante de boules de feu en perspective, ni de grands mages ténébreux à qui l’on ferait bien de rappeler de moins se la péter avec leur d6 de vie.
Ici, on nous présente un ouvrage qui véhicule une impression d’érudition plutôt que de force brute, un émerveillement devant des forces capable d’autant de poésie que de destruction, à traiter avec respect. Je ne sais pas vous, mais personnellement, je trouve ça rafraichissant et sain pour les joueurs que d’aborder la magie autrement qu’en tant que machine à viander qui fait des étincelles. Bon, entendons nous bien, la grosse majorité des sorts reste là pour pourrir la vie des gens qui se mettraient en travers de votre route … mais pas que.

Alors, il est flippant mon Dra … … ha ben non, elle est belle ma grenouille hein

Donc pour ce qui est de l’aspect esthétique de la chose, il n’y a pas à tortiller … je me répète, mais si j’ai le choix entre lire D&D5, Héros & Dragons et Dragons, mon choix est vite fait.
Nous avons d’un côté des manuels de jeu (qui présentent bien certes, nous ne sommes plus dans les années 80) et de l’autre de vrais beaux livres qui ont à mon sens en plus le mérite d’être fonctionnels … encore une petite image à titre comparatif :

Hmmm, alors devinez qui est qui … si vous avez bien lu, vous ne devriez pas avoir trop de mal

Voilà pour ce qui est de l’apparence du bouquin. Je ne m’étendrai pas plus sur le sujet, ça reviendrait un peu à enfoncer des portes ouvertes. C’est la marque de fabrique du Studio Agate5 et indéniablement aux vues du résultat, ils auraient torts de se priver.

Le Contenu

Tout, tout, tout, vous saurez tout sur la magie (sur un refrain bien connu).
Bon, je continue dans les louanges ou vous avez votre dose ? Allé, vous en reprendrez bien un petit peu.
La première centaine de pages du Grimoire va prendre le parti de vous expliquer la magie, en partant de la base (apprentissage, niveau, sorts mineurs, rituels, lancé, composantes, sauvegarde, effets) pour évoluer vers des choses ensuite plus spécifiques, à savoir les différentes écoles ainsi que comment la faire évoluer. Une fois ceci fait, plusieurs couches de magie propre à Dragons arrivent, et là on commence à toucher à quelque chose de vraiment intéressant, à mon sens.

Tout d’abord, l’Eveil. En effet, pour pratiquer la magie, il faut y être éveillé, c’est à dire avoir vécu une sorte d’épiphanie durant laquelle vous vous ouvrez aux forces magiques environnantes avant de pouvoir les manipuler. En soi, rien de bien sorcier me direz-vous (fufufu) ? Hé bien non, certes. Là où c’est intéressant, c’est lorsque l’on envisage la possibilité de jouer l’avant Eveil, et d’un coup d’un seul, paf on peut enfin mettre en place des mécanismes équivalents aux « Quêtes initiatiques » couramment pratiquées dans la grande majorité des cycles de Fantasy romanesques. Il y a bien sûr des petites options prévues pour adoucir un peu le quotidien d’un mago privé de son principal atout, mais je trouve que c’est très loin d’être abusé et permettra vraiment de faire jouer différemment un personnage magicien (ou autre classe pratiquant la magie) consentant.

Hop hop hop ! C’est l’heure !


Vient ensuite la Géomagie, qui vous permettra d’envisager cette puissance comme vraiment vivante, fluctuante et pleine de surprises. Je ne m’étendrai pas sur le sujet pour ne pas spoiler d’éventuels joueurs sur les possibilités de se renouveler que cela offre aux MJ, mais les pratiquants d’Ars Magica6 pourront déjà se douter de ce que cela implique en terme de mécaniques de jeu. Vous pourrez revisiter pas mal de situations sous un prisme différent en usant de ce chapitre.
On poursuit avec les deux derniers éléments que sont la Folie (hé oui, jouer avec des forces qui vous dépassent ou se frotter régulièrement à des Horreurs sans nom ne va pas forcément sans conséquences) et la Corruption.
Cette fameuse corruption incarnée par le Chancre est un élément important de l’univers de Dragons et l’on vous donnera ici des pistes pour l’approche que vous souhaitez utiliser à votre table … Ennemi mystérieux, Menace omniprésente, bien connu ou au contraire agissant en coulisse, vous pourrez l’adapter à votre sauce, ,ainsi que l’impact qu’il pourra avoir sur votre groupe de joueurs (gniark gniark).
Avec ces différents éléments en main, l’air de pas y toucher, vous aurez très largement de quoi customiser votre univers de jeu pour coller au plus proche de vos attentes ainsi que celles de votre groupe.
C’est clair, concis, efficace et sait rester optionnel pour les ceux-ce qui préfèreraient rester sur un setting plus traditionnel à leur table, par exemple en tatanant joyeusement des dragons entre deux passages à l’auberge du coin.

Mais cachez-donc cette chaire que je ne saurais voir

L’autre gros morceau du livre est bien sûr le catalogue de sortilèges, ici classés par ordre alphabétique et rappelés en fin d’ouvrage par classes de personnage et par écoles de magie, le tout sur un peu plus de 170 pages. Je trouve la forme pratique, tout est très lisible et un système d’icônes accompagnant chaque sort permet de visualiser très rapidement ce que l’on a sous les yeux.
On peut donc dire que le job est fait, le tout avec une certaine sobriété qui me plait au plus haut point.

Conclusion

Hé bien, à moins d’être particulièrement obtus, vous aurez sans doute compris que je suis sous le charme de cette version particulière des règles de D&D 5.
Jusque là, je trouve que le travail fourni est d’une qualité assez irréprochable, proposant à la fois un jeu de type med-fan/high fantasy abordable par tous et des possibilités disons « moins traditionnelles » pour les plus aventureux d’entre vous.
La production est soignée, et l’on sent que les auteurs ont développés une réelle affection pour leur univers, ne se contentant pas de surfer sur la vague du « chouette une nouvelle édition de l’ancêtre » en se positionnant sur cette partie du marché du jdr.


Pour ce qui est du prix, le Grimoire est à 34€90 ce qui me parait plus que raisonnable pour un bouquin de cette qualité et promet de ne pas vous ruiner pour avoir un jeu cette fois complet. J’attendrai d’avoir lu le Bestiaire et l’Encyclopédie avant de me prononcer définitivement, mais toujours est-il que dans l’attente, je suis enthousiaste quant à ce qui a été produit.
Reste à attendre la suite, mais à priori et sauf invasion zombie impromptue, les deux derniers livres et l’écran devraient arriver cette année sur nos étagères … Vivement !
En bref, pour résumer : Dragons c’est bon, mangez-en !


Notes et références :
¹Wizards of the Coast
²Gale Force Nine
³Black Book Éditions
Héros & Dragons
Studio Agate
6Ars Magica

Retour de lecture

Ce que j’en pense : Aventuriers pour Dragons

Non non… en fait, on va plutôt rentrer à la maison hein 😅

La Forme

Beau gros livre au format A4, à reliure cousue (donc solide), il doit bien faire 2kg/2,5kg pour ses 388 pages… ce qui vous laisse présager de la qualité du papier.
Papier glacé, fonds de pages parcheminés parsemés d’effets de vieillissement (brulures, taches, craquelures, …), des encadrements de page tout en nuances fondus dans la trame du parchemin, des culs de lampe à profusion, des lettrines enluminées au début des chapitres, … Bon, si vous avez déjà eu des bouquins des Ombres d’Esteren¹ dans les mains, vous savez que chez le Studio Agate², on ne plaisante pas avec les livres… mise en page soignée, illustrations à tomber, papier de qualité… Quand j’ avais ouvert le livre de base des Ombres pour la première fois, je m’étais fait la réflexion qu’il s’agissait sans doute de l’un des plus beau bouquin de jdr que j’avais eu l’occasion de lire. Et bien depuis, le studio a gagné en expérience et ça se ressent sur Aventuriers (et je ne parle pas encore du Grimoire que je suis en train de lire).
Niveau mise en page, c’est clair et lisible (lire : vous , n’avez pas besoin de lunettes pour déchiffrer le texte, même si comme moi, vous avez passé quarante ans de quelques années), alternant des pages sur une colonne centrale occupant bien l’espace et les pages proposant deux colonnes, lorsqu’il y a plus d’informations à faire passer. Les illustrations (nombreuses) sont toujours parfaitement intégrées à la maquette et viennent agréablement souligner le texte, participant à l’aération des pages.

Quand je vous dis qu’il y a du boulot sur la maquette…


Après l’ours, le livre propose une table des matières sur quatre pages, détaillant les trois grandes parties du livre, à savoir :
– Une première partie création de personnage et évolution sur 252 pages, avec un exemple sur 10 pages, les espèces jouables (34 pages), les civilisations d’Eana (8 pages), l’histoire des personnages (40 pages), les Classes (138 pages), les langues (6 pages) et les options d’évolution (15 pages).
– Une seconde partie axée sur la vie quotidienne (56 pages), détaillant le Commerce (8 pages), le Niveau de vie (4 pages), les Ressources (4 pages), les Services (2 pages) et l’Equipement (37 pages).
– Une troisième et dernière partie concernant les Règles et Annexes (67 pages) où les points essentiels sont exposés.
Fonctionnement des Caractéristiques, avec résolution d’actions et utilisation des compétences qui leurs sont liées (14 pages).
L’Aventure et ses composantes, comme la gestion du temps, les déplacements, les interactions avec des objets, la vision, les dégâts dus à l’environnement, le Repos et la gestion de la vie entre deux parties (18 pages).
Le Combat (18 pages)
La Santé (10 pages)
Les Annexes, comportant une liste des états préjudiciables (4 pages), un glossaire technique (6 pages), une double page explicitant les différentes sections de la feuille de personnage et pour finir, la feuille de personnage à proprement parlé sur 5 pages (dont une page de grimoire).
L’ouvrage se conclut sur une page détaillant la licence d’exploitation du jeu.

Le Fond Enfin… Le papotage…

Me voilà bien embêté pour parler du fond (mon découpage des retours de lecture touche ici à ses limites), car nous sommes en présence d’un livre de règles, et pas d’un ouvrage traitant dans son intégralité d’un univers, avec son système, sa cosmogonie et un ou des scénarios… du coup je vais plutôt parler de la couleur de l’ouvrage.
Donc, cette couleur s’exprime tout d’abord au travers de la maquette. Les fonds parcheminés apportent tout de suite une ambiance teintée d’érudition et de mystère, que viendront renforcer les présentations des espèces et des différentes cultures d’Eana.

Rhooo… Ça donne envie de voyager


Un gros travail d’appropriation a visiblement été mené afin de ne pas se contenter de nous bombarder les sempiternels Nains bourrus (ici les Dvaergen), Elfes snobs et trop trop beaux ou Drakéides ultra bourrins. Toutes les espèces sont étroitement liées à l’histoire de leur peuple plutôt qu’à une suite de comportements archétypaux bêtements ânonnés (parceque… ben… c’est comme ça depuis cinq éditions quoi…), ce qui à mon sens vient leur donner tout de suite de la profondeur et suscite des idées de persos à jouer (qu’ils soient dans les clous de ce que l’on nous présente, ou au contraire en rupture complète avec la majorité) autour d’une table. Mention spéciale aux Tieffelins qui donnent terriblement envie et promettent de magnifiques moments dans un groupe de PJs, aussi bien en amenant du drame que de la surprise (pas forcément bonne pour les PJs d’ailleurs) dans les parties.
Au delà de ça, il n’est malgré tout pas évident de se faire une idée claire du monde, car comme je le disais, le découpage des livres fait qu’ici, c’est la partie « fonctionnelle » du jeu qui nous est présentée.
De nombreux passages font référence à des termes ou événements qui semblent cruciaux du monde d’Eana (comme le Chancre, totalement au hasard, qui semble être l’adversité centrale de cet univers), ce qui peut avoir un côté frustrant, mais j’y reviendrai dans ma conclusion (haha…suspens).
Les différentes cultures promettent tout le dépaysement que l’on peut souhaiter dans un jeu Med-Fan et les grands thèmes de l’aventure sont bien là (des jungles luxuriantes et pleines de mystères anciens, des steppes sauvages où tout peut basculer en l’espace d’un instant, une piraterie fière et bien présente, des traditions qui promettent de semer une certaine confusion chez les joueurs, …), ce qui permettra de varier les ambiances à l’envie en fonction des attentes des joueurs (et du MJ bien sûr).

Quoi, qu’est-ce qu’elle a ma culture, quelque chose à redire peut-être?


Au niveau des classes de personnage, c’est bien simple, toutes me semblent attrayantes (bon, peut-être avec un bémol pour le Paladin, mais c’est plus là une question de goûts personnels…les Paladins me saoulent depuis toujours… … , sauf peut-être dans les trilogies des Joyaux/Périls³ de David Eddings, mais c’est un cas particulier…)…
J’ai lu à droite à gauche que la classe de Lettré paraissait fade et je ne suis pas d’accord avec ça. Bien au contraire, pour une fois nous avons la possibilité d’avoir un personnage cultivé (c’est toujours utile lorsque l’on joue autre chose que du porte/monstre/trésor) qui sait toutefois se débrouiller sur les grands chemins et ça, je trouve, correspond bien avec l’idée que je me fais de Dragons, qui semble destiné à bien autre chose qu’une suite sans fin de chasses aux monstres et autre invasions de gobelins des familles.

Non, il n’y a pas, les lettrés ont la classe 😍


Chaque classe présente donc sur une page, une explication dans les grandes lignes, de sa fonction, de son positionnement dans l’univers de jeu, ainsi qu’une illustration pleine page, puis sur une page à nouveau, le descriptif des aptitudes offertes, sous la forme :
Points de vie
Maîtrises
Equipement
Tableau de progression récapitulatif
La pagination varie ensuite d’une classe à l’autre selon les différentes options (ou Voies) envisageables pour les personnages, les sorts, les Serments, …
Les Dons permettront encore de typer un peu plus votre aventurier, lui conférant ce « petit » détail qui fera la différence (ambidextre, compagnon animal, doigts de fée, héroïque, …), sous réserve de posséder les prérequis nécessaires, pour certains.

Les Règles

Alors, disons le tout de suite, je ne suis pas un grand expert de Donjons et Dragons. J’y ai joué certes (Ad&d, Ad&d 2, Donjons et Dragons 3 et 4) mais n’ai pas particulièrement suivi la cinquième édition (j’ai survolé le guide du joueur, hmmmm… pardon, le Player Handbook vf, mais n’ai pas plus que ça creusé la question, ayant trop de trucs à lire en dehors des « grands anciens »).
En conséquence, je serais bien en peine de vous dire qu’est-ce qui relève exactement de la licence ogl et qu’est-ce qui change fondamentalement (décidément, ça c’est du retour de lecture informatif). Je ne me risquerai donc pas à une comparaison point par point et vous livrerai juste les grands principes du système.
Déjà, pour moi le gros plus, c’est que les règles en elles-mêmes tiennent sur une trentaine de pages (je suis du genre à fuir Pathfinder⁴ en courant devant la masse d’informations nécessaire au moindre lancé de dés). Après les troisième et quatrième éditions, cela fait un bien fou.
On distinguera donc trois grands types de Tests :
Les Sauvegardes
Les tests de Caractéristique
Les test de d’Attaque
Bonne chose pour cette mouture des règles, tous fonctionnent de la même manière, c’est à dire qu’ils sont résolus en lançant 1D20 + modificateurs éventuels, contre une difficulté (pour les deux premiers) ou contre le score de l’adversaire pour les attaques.
Les modificateurs correspondent principalement aux points forts des personnages, c’est à dire les compétences (ou caractéristiques pour les sauvegardes) qui pourront bénéficier du bonus de Maîtrise (un bonus qui augmente en fonction du niveau des personnages), de par le fait de l’aisance du personnage dans ces domaines.
Les différentes maîtrises sont octroyées au court de la création de personnage, par la classe de personnage (chaque classe confère la maitrise de deux sauvegardes, de certaines armes et armures, éventuellement d’outils et de langues, ainsi que de une à quatre compétences) et l’historique (qui en ajoute deux supplémentaires au choix).
D’autres Maîtrises pourront être acquises par la suite, au fil de l’évolution du personnage, que ce soit lié au changement de niveau (au niveaux 4/8/12/16/19, il est possible de remplacer l’augmentation d’une caractéristique par le don « talent », entre autre, qui donne un pool de points à répartir pour de nouvelles compétences/outils/langues/sauvegardes,…), ou par l’apprentissage en jeu (compter 6 mois pour une nouvelle langue, à un an pour une nouvelle compétence).
L’autre mécanique permettant d’influencer les jets de dés est le principe des Avantages/Désavantages, à savoir le fait de lancer un deuxième D20 lors d’un test donné et de conserver le meilleur/pire résultat des deux en fonction de la situation (cela peut venir des circonstances entourant le jet, par exemple escalader une paroi rocheuse à mains nues sous la pluie relève du désavantage, là où escalader la même paroi par beau temps avec un équipement adéquat conférera un avantage), de certains dons ou de l’Inspiration

Moine en quête d’inspiration


HAHA… L’Inspiration… c’est le petit plus des aventuriers qui auront un bon roleplay, de bonnes idées, ou tout ce qui, au sens du MJ mérite d’être récompensé en jeu (je ne suis pas sûr que le fait d’amener les chips à la partie rentre dans cette catégorie… encore que…).
L’Inspiration permet donc au PJs de bénéficier d’un avantage sur un jet donné (sauvegarde, caractéristique, attaque), simplement en le signalant au MJ. Une fois utilisée, elle est perdue et devra être regagnée en jeu. On notera la possibilité pour PJ possédant l’Inspiration d’en faire profiter un autre à sa place, selon le même principe (par un mot d’encouragement par exemple, ou un coup de pouce dans la réalisation d’une action).
Il est à noter que le système propose une option intéressante (à mon sens) en cas d’égalité sur un jet en opposition, à savoir la possibilité d’engager une sorte de pari entre les protagonistes, sous la forme d’une « mise » en points de vie (qui représentent une combinaison de résistance physique, ténacité, chance et volonté du personnage) afin de les départager… celui qui l’emporte réussit l’action, au prix de sa « mise », l’autre devant ainsi en subir les conséquences.
Et voilà pour le cœur du système.
Il y a bien évidemment des subtilités en fonction des types d’actions (actions de combat, déplacements , …), mais l’essentiel est ici et suffira amplement à gérer les différentes actions de vos PJs.
Vous noterez que je ne parle pas ici de la Magie, … car celle-ci sera traitée en détail dans le Grimoire (retour à venir… se sont de gros livres et j’ai deux enfants qui n’ont guère de compassion à l’égard de leur papa rôliste ou de son temps de lecture disponible par jour).

Conclusion

Bien, à force, vous l’aurez compris, je parle ici essentiellement de jeux dont j’ai apprécié la lecture (voir la mise en pratique pour les plus chanceux d’entre eux) … donc, Dragons rentre allègrement dans cette catégorie.
C’est beau du début à la fin. Que cela soit au niveau des illustrations, de la mise en page, des culs de lampe et autres petits détails, tout y est soigné. Je n’ai pas relevé de coquilles particulières, ce qui tend à prouver que le travail de relecture n’a pas été pris à la légère (en fait, le seul soucis que j’ai identifié est un léger chevauchement entre texte et tableau de progression pour la classe des Druides) … et c’est très agréable de ne pas grincer des dents toutes les trois phrases en se disant que quand même, un texte lisible devrait être le minimum syndical dans un livre de règle.

Bon, il manque un espace… je trouve ça honnête sur 388 pages


Donc, à ce niveau là, pas de surprise, je n’en n’attendais pas moins et le contrat est rempli.
Pour ce qui est du contenu, les explications sont claires, le livre bien découpé et comme je le disais plus haut, on a vraiment la sensation qu’un vrai travail d’appropriation a été mené par rapport à la proposition initiale de Donjons & Dragons, afin de nous proposer un jeu ayant une identité propre, au delà d’un simple rhabillage.
Je dis bien l’impression, car si l’on se contente du livre de base en l’état, il manque beaucoup d’informations quant à la description du monde, de ses grands enjeux, du fonctionnement de la magie, …
Toutefois, si l’on creuse un peu la question, tout en gardant à l’esprit qu’il s’agit du premier volume d’une longue série, on constate que le Studio Agate met à disposition beaucoup de matériel sur le blog dédié à Dragons, et notamment un Guide du Joueur en téléchargement libre, qui apporte de nouvelles informations sur l’univers de jeu en plus de proposer les règles de créations de personnage. L’impression est donc belle est bien confirmée, et partant de ce principe, il suffira d’un peu de patience pour découvrir pleinement tout ça.
C’est à ce sujet d’ailleurs que le jeu fait polémique. De mon point de vue, ne faisant pas partie des souscripteurs originaux du projet de financement (j’avais à l’époque trouvé qu’il y avait trop de propositions simultanément autour de la cinquième édition de l’ancêtre, avec Dragons, Héros et Dragons⁵, et la très improbable annonce que DD5 ne serait pas traduit en français… d’ailleurs contredite quelques semaines plus tard par Black Book Editions⁶… et m’étais par conséquent abstenu), tout va très bien, et le jeu propose de belles choses.
Maintenant si l’on veut bien être honnête envers les souscripteurs, c’est un peu raide niveau délais (le projet datant de 2016) et les livres arrivent au compte goutte pendant que les kickstarter s’enchainent, venant renforcer l’impression de faire lanterner le public de la première heure.
Ce sont des choses que je comprends très bien (huhu, je fais partie de ceux qui ont attendu Pavillon Noir⁷ V2 pendant cinq ans, tout de même), mais qui à mon sens ne permettent pas de remettre en question la qualité des livres.
C’est un effet de bord des financements participatifs qui ne concerne quoiqu’on en dise qu’une partie somme toute assez minime de la population roliste francophone.

Ben oui, ça prend du temps de remplir un bouquin de trucs comme ça !



Petite digression autour des financements participatifs (FP) :
Alors, les FP c’est très bien dans le sens où cela permet à plein de monde de sortir des choses qui n’auraient pas pu voir le jour autrement (question de budget, de risque éditorial, de temps de travail, …) et une partie du public fait donc le choix de soutenir une démarche éditoriale en contrepartie (bien souvent) de certaines exclus, de l’assurance d’être dans les premiers servis, d’avoir des news régulières quant au développement du projet, etc.
Seulement voilà, ce qui était clair il y a quelques années est devenu de plus en plus flou pour pas mal de monde et la notion de travail éditorial s’efface dans l’esprit de beaucoup au profit de précommande avec des goodies. Nous avons donc d’un côté des porteurs de projets qui ne mettent plus assez en avant le fait qu’un financement peut être soumis aux aléas de l’édition, par peur de ne plus être assez attractifs (en sous estimant des délais de production, en choisissant de calculer des coûts selon une situation idéale, …) et de l’autre, une clientèle (j’utilise à dessein le terme clientèle plutôt que soutiens) qui s’attend à recevoir expresso un produit finit comportant son lot d’exclusivités, à des tarifs préférentiels.
Quand ces deux tendances se rencontrent, … … c’est le clash.
Attention, je ne dis pas que c’est toujours le cas, seulement que de plus en plus, c’est ce que je constate.
Si tous les partis prenaient la peine de regarder la situation avec, disons, une plus grande honnêteté quant à ce que sont un travail d’édition et une position de soutien au dit travail, les mauvaises surprises seraient moins nombreuses pour tout le monde.
Je viens de cette époque où quand tu faisais du jdr, tu ne savais jamais quand sortirait ton prochain jeu… bien souvent, la surprise s’opérait en magasin, quand une nouvelle référence poppait dans un rayon… En ces temps immémoriaux, personne (hors éditeurs et quelques shamans) n’avait idée du temps qu’il avait fallu pour permettre au livre de trouver le chemin du public, entre la gestation de l’idée (ou l’acquisition de la licence) et la concrétisation pour l’utilisateur final.
Ce sont des choses qui sont aujourd’hui à la portée de tout un chacun, mais que bien souvent on choisi d’oublier, confiant dans la pensée magique qui veut que « si on nous le propose, c’est que c’est prêt (ou presque) et sera livré dans la foulée ».
Donc dans cette histoire, les torts me semblent totalement partagés, entre excès de confiance d’un côté et attitude consumériste de l’autre… comme bien souvent, les choses sont grises, pas juste noires ou blanches.
Fin de l’aparté financement participatif (qui mériterait en soit des développements plus poussés, tant je schématise à l’extrême pour ne pas bouffer mon retour de lecture…)

Donc, de mon point de vue de non-souscripteur (pour une fois), je récupère à l’heure actuelle un beau bouquin (sans me soucier une seule seconde du processus de fabrication, puisque je ne l’attendais pas spécialement), bien écrit, magnifiquement illustré et maquetté, et qui me donne envie de jouer dans Eana. De plus, par rapport à la concurrence, rien à dire sur le prix (39€90 pour la base, 34€90 pour le Grimoire), si ce n’est : « cool »
La suite de la gamme devra encore venir confirmer mes premières impressions, mais je suis relativement confiant quant à la qualité finale de ce qui sera proposé (j’ai déjà tout Esteren à titre comparatif, et si la politique éditoriale me fait toujours me languir du fameux livre Secrets, je ne peux qu’admettre que c’est du beau matos et qu’on ne se fout pas de la gueule du client niveau contenu).

Une petite dernière pour la route ?

Je ne m’étendrai pas sur les redécoupages des livres initialement proposés lors du financement pour les mêmes raisons qu’invoquées plus haut, ce sont des histoires d’éditeurs (qui font leurs choix en tant que tels et ne me doivent rien… si ce n’est de beaux et bons bouquins afin que j’aie envie de les acheter…), et attendrai sagement de voir ce qui sera proposé avec le bestiaire, l’écran et les encyclopédies, une fois sur mes étagères.
Une remarque toutefois sur Aventuriers.
Un index eut été le bienvenu, c’est toujours pratique en partie, et même si les infos sont bien répartis dans le livre, quand on est dans le feu de l’action, gérant son intrigue et ses PNJs, on n’a pas toujours les « ressources cerveau » nécessaires à la recherche d’information en instantané (ou alors, c’est juste que je vieilli et suis déjà sur le déclin).
Donc suivant ce principe, je lance un appel de détresse aux créateurs et responsables de la gamme… s’il vous plait, envisagez la possibilité d’un « index général de gamme », dans la mesure du possible édité à part, permettant de recenser les infos réparties sur tous les ouvrages (ou au moins un index « technique » dans un premier temps), afin de rendre l’accès à la masse d’information que représenteront les différents bouquins aussi ergonomique que possible.
Voilà.
Dragons, c’est beau, ça m’a tout l’air d’être un jeu à même de mettre à mal la concurrence quand tout sera sorti et ça m’a redonné envie de jouer dans un univers high fantasy à la DD, alors que j’avais tendance à en être revenu depuis une paire d’années.
Si vous n’avez rien contre le fait de devoir attendre qu’une gamme se construise afin de profiter pleinement d’un univers qui a l’air très chouette, jetez vous dessus… (je pousse le trait, mais en l’état, avec le Guide du joueur en renfort d’Aventuriers et du Grimoire, il y a déjà moyen de remplir un paquet de belles soirées).

À suivre… avec un retour (plus rapide cette fois) sur le Grimoire

Notes et Références

¹ Les Ombres d’Esteren
² Studio Agate
³ Trilogie des Joyaux et trilogie des Périls de David Eddings
Pathfinder
Héros & Dragons
Black Book Editions
Pavillon noir V2