Retour de lecture

Accessoires : le Tarot

Aujourd’hui, petite disgression autour d’un accessoire fétiche des amateurs de jeu de rôle, le Tarot.

Ce n’est pas innocent que je vous parle de cela, puisqu’en lien direct avec mon précédent retour de lecture sur Thanatos. Or donc, suite à ce retour, je me suis penché sur la question, car Thanatos étant à mon sens un jeu d’ambiance, autant la soigner et jouer la carte (huhuhu) thématique jusqu’au bout. J’ai donc entrepris de fouiller mes armoires en quête de l’accessoire idéal pour instiller la touche macabre/dépressive/morbide désirée à mes futures tables… Et là… C’est le drame.

En effet, mon principal tarot est celui de Florence Magnin¹, réalisé pour Ambre² et que tous les collectionneurs s’arrachent 😜

Haaa Florence, Florence…

Aussitôt, un amer constat s’impose à moi. J’ai beau adorer le travail de Florence (pardon pour cette familiarité), cela ne correspond pas vraiment à l’atmosphère des drames à venir pour nos Faucheurs… Dommage me direz-vous à raison, son interprétation est superbe et très riche au niveau symbolique des cartes; juste trop de couleurs, trop de « positivisme » et de féérie pour faire le job que j’en attendrais. Suivant.

Le tarot pour Jadis

Du coup je fouille encore un peu, persuadé qu’au fil des foulancements de ces dernières années, j’ai quand même dû en accumuler quelques uns. Hé bien non. Le seul qui me vienne à l’esprit est le Tarot de Dame Fortune, magnifiquement réalisé par Nicolas Fructus³ pour la parution de Jadis⁴, un très bel univers entre magie et mécanique improbable où tout s’avère finalement moins « pur » que dans les productions habituelles pour ce style. Là on commence à tenir quelque chose, même si au fond, l’ambiance reste trop propre à mon goût pour coller à ces allées boueuses de nuit d’orage que m’avait imposé la lecture de Thanatos. Par bien des aspects, le côté décalé de certaines illustrations nous rapproche du « malaise » recherché dans l’utilisation à une table de jeu, mais toujours, ce petit côté renaissance nous éloigne trop du moyen âge obscur dépeint comme cadre de jeu dans Thanatos.

Rhooo mais c’est joli ça Monsieur

Damned ! L’auteur, dans les annexes en fin d’ouvrage nous confie qu’il aime à utiliser le tarot de Mage l’Ascension⁵… Hélas je ne l’ai pas et comme qui dirait, on ne le trouve pas sous le sabot de la première mule venue. Le hasard faisant bien les choses, je découvre quelque jours plus tard l’existence d’un tarot Kult Divinity Lost⁶, issu de la gamme suédoise du sulfureux jeu d’horreur glauque éponyme.

J’adore Kult, mais trop moderne pour l’usage que je veux en faire…

Là encore, il brille par son absence sur mes étagères et souffre d’un mal certes moins grave que celui de Mage (la rareté) mais tout de même handicapant : il n’est plus disponible que chez l’éditeur (Modiphius⁷), au doux prix de 25£ plus frais de port 😱 et de surcroît présente trop d’illustrations mettant en avant des éléments contemporains…  Pris d’un espoir insensé (après tout, à défaut de jouer avec, faisons confiance à dame fortune), je décide d’égréner les quelques 600 pages de recherche sur Vinted⁸ contenant le terme tarot et là, suis amené à réaliser plusieurs choses :

1 : je vais y passer deux jours
2 : ma connaissance de la langue est plus limitée que je ne le pensais, le mot tarot servant apparemment à désigner aussi bien un jeu de cartes (quel qu’il soit), qu’un collier, un cabochon, une petite voiture, une paire de bas, un peigne ancien ou encore une vieille soupière 🤔
3 : l’offre est pléthorique en dépit des inévitables redites et des improbabilités linguistiques.

Ni une, ni deux, j’enfile mon monocle et passe à l’action. Je vous en épargnerai les détails, sachez seulement que ce fut long et fastidieux, parsemé d’embûches (damned, à quelle page en étais-je…? 😬🤬🤬🤬 de téléphone qui m’actualise le navigateur sans se soucier de mon consentement) et de franches rigolades (ne serait-ce pas la main de Monsieur sur les fesses de Madame, là dans le reflet du miroir, pour cette annonce de tarot en dentelle sexy ?). Tout ça pour un résultat des plus désolant… Ni Tarot Mage, ni Tarot Kult. Fort dépité (même si d’entrée mon espoir était très diffus), j’en aurai tout de même retiré deux ou trois petites choses qui me font penser que je n’aurai pas non plus totalement perdu mon temps.

Cela m’aura effectivement permis de découvrir l’existence d’un tarot pour Jrtm⁹ en français (traduction et adaptation d’une belle boîte américaine avec des cartes à la tranche dorée du plus bel effet en VO… hélas, pas de dorures en vf…ni de belle boite…) datant de 1999 chez Cartamundi¹⁰ qui m’a fait hésiter, le doigt prêt à cliquer sur la souris, avant que je ne me ressaisisse dans un élan de lucidité (tu ne t’en serviras jamais…tu ne t’en serviras jamais…). A réserver donc aux vrais fans de Tolkien.

Les deux versions (vo/vf) du tarot Seigneur des anneaux… Une différence de traitement ? Où ça ? 😅

Deuxième point intéressant, n’achetez pas vos tarots d’occasion sur vinted, à moins de vraiment y connaître quelque chose. Je m’explique. En continuant ma fouille, je suis donc tombé sur deux ou trois jeux qui auraient pu coller à l’imagerie que je recherchais pour Thanatos. Hop, sélection faite et passage à l’étape examen des prix… hmmm, avec une moyenne de 20/30€ pour des jeux ayant l’air neufs/proches du neuf, ça ne parait pas exagéré… Mais, car il y a un mais… La fin du mois approchant, les viles considérations pécuniaires sont à prendre en compte… Vais-je mettre 40€ dans deux jeux de cartes qui ne me serviront pas avant plusieurs mois (confinement ou couvre-feu et allergie aux parties en ligne obligent) ?

Sur cette saine pensée, un éclair de lucidité me frappe de plein fouet… Nos amis chinois n’auraient-ils pas un équivalent bon marché à proposer ? Ali Express¹¹ me voici… Et là, sous mes yeux ébahis, une foultitude de jeux s’offre à moi. A nouveau quelques dizaines de pages de catalogues plus loin, je me félicite de ma démarche avec une petite sélection dans mon panier, pour le prix d’un seul exemplaire d’occasion sur Vinted. Le plus drôle ? Ce sont les mêmes 😮

Haaa, la Chine pays merveilleux

Ce qui m’amène à la réflexion suivante : il y a quand même de beaux escrocs qui font de la vente sur ce genre de site. On commande des jeux à 7€ pièce port compris sur Ali Express et paf, dans la foulée on les vends entre 20 et 40€ pièce sur Vinted. Donc à moins de savoir très exactement ce que vous recherchez, évitez autant que possible de vous faire avoir par ce profil de vendeur (dans les commentaires typiques de ces annonces, on retrouve évidemment des arguments type : jeu rare en excellent état, affaire à saisir, et j’en passe).

Deux semaines plus tard, je reçois donc mes exemplaires et au final, en suis plutôt satisfait. Les cartes sont entre le format standard cartes à jouer et celui du beau Tarot habituel, mais soit… Vu le prix, je ne m’en plaindrai pas (environ 7€ pièce donc).

Nous avons donc : The Light Visions Tarot, 79 cartes illustrées par James.R.Eads¹², qui n’est autre qu’une copie bon marché de celui que l’auteur propose à 45$ sur sa boutique et qui dans sa version d’origine est livré dans un joli coffret, tranche des cartes dorée et avec livret d’une centaine de pages.

Voici un prétendant sérieux au titre de tarot pour Thanatos

Il est superbe niveau illustrations et petit plus sympathique, chaque couleur (ici bâton, coupe, épée et pentacle) forme une fresque lorsque les cartes sont posées côte à côte dans l’ordre croissant des valeurs. C’est très très chouette et le ton des illustrations est vraiment dans l’ambiance pour Thanatos (à quelques détails près, dont le « chariot », qui me fait malgré tout hésiter sur l’emploi ou non que j’en ferai).

Damned, cette Austin Mini vient me casser mon immersion !

Et en second, The Wild Woods Tarot, une copie cette fois de celui de Mark Ryan et John Matthews¹³ (la troisième édition, hélas épuisée en original) qui, bien que moins sulfureux et plus coloré, cadre bien avec cet autre aspect important de Thanatos qu’est la nature, avec les familiers des joueurs et les Seigneurs Bêtes.

Ha ha !!! Le grand vainqueur du jour

Les illustrations sont ici plus « riches » en détails et le côté paganisme va bien dans le sens de ce que je recherche. Comme pour le précédent, s’agissant d’une copie, les cartes sont en « petit » format, mais restent très lisibles, ce qui est pratique pour les tables de jeu encombrées de chips et autres denrées fort salissantes au demeurant, pour les belles cartes de collection.

En dépit des couleurs, on est bien dans le ton

Voilà voilà… Tout ça pour dire que si vous n’êtes pas un puriste de la tarologie (comme moi), ne vous faites pas avoir sur les sites d’occasion et privilégiez d’autres circuits de distribution, cela vous évitera de grincer des dents devant les taches de café/de gras de chips et ménagera vos deniers pour plutôt acheter des livres (ou des pâtes, ou des couches, ou …).

Et sur ces bonnes paroles, je retourne à mes lectures (et fouilles d’internet, car maintenant que je sais qu’un tarot Kult existe, je n’aurai de cesse de l’avoir trouvé à prix raisonnable 😅… Gosh !)

Notes et références :

¹ Florence magnin
² Cycle d’Ambre
³ Nicolas Fructus
Jadis
Mage l’ascension
Kult Divinity Lost
Modiphius
Vinted
Jrtm
¹⁰ Cartamundi
¹¹ Ali Express
¹² James.R.Eads
¹³ Mark Ryan et James Matthews

Retour de lecture

Ce que j’en pense : Thanatos

La Forme :

Thanatos se présente sous la forme d’un cahier à spirale d’environ 170 pages. Papier glacé suffisamment épais pour ne pas en faire redouter la manipulation, noir et blanc. La grande majorité des illustrations est réalisée par l’auteur (JYP, Jean Yves Pattus¹), ce qui confère une belle unité graphique à l’ouvrage, dans un ton très gothique qui vient bien poser l’ambiance du bouquin. Personnellement, j’adore… après, ça plait ou ça ne plait pas, question de goûts, mais dans tous les cas, il y a une identité forte qui se dégage de l’ensemble. Les dernières pages de l’ouvrage proposent des marques pages à découper 😱😱😱, récapitulant sommairement l’interprétation des cartes (car oui, le jeu se pratique avec un tarot) ainsi que quelques points de mécanique utiles en jeu.

Exemple de Faucheur

Le Fond :

Le jeu est sous titré « jeu tragique de drames et d’horreurs médiévales »… et c’est exactement ça 😀 Les joueurs vont incarner des Faucheurs, des individus à priori lambdas, qui ont été marqués par l’un des visages de Thanatos après une rencontre avec un non-mort. Or donc, Thanatos est le dernier dieu ancestrale du royaume d’Haltdörf, dans lequel vont se dérouler les « aventures » des pj. C’est un dieu de colère et de justice, de création et de destruction, aux multiples facettes (il possède quatre visages pour refléter ces aspects : Borrh, Satyr, Skragg et Yul), qui n’est pas des plus commode.

Satyr, un visage de Thanatos 😍

Il a donc fait des pj ses émissaires dans le royaume, leur conférant certains pouvoirs, mais surtout des obligations, notamment chasser les non-morts… Histoire que les choses ne soient pas trop simples (ce n’est pas un dieu très communicatif), les pj auront pour seul guide un familier (qui lui, représente une autre force d’importance dans le jeu : les seigneurs bètes) et qui peut plus ou moins communiquer avec eux, ainsi que leur octroyer certains pouvoirs. Petite précision quant aux familiers… ils ne sont pas acquis d’emblée aux personnages, la relation les unissant va devoir se travailler afin d’évoluer dans le bon sens (ou pas) et sont donc là non pas juste pour aider les pj, mais avant tout pour les surveiller, les aiguiller, et rapporter au tribunal des bètes leurs agissements… Effectivement, si vos pj abusent de leur pouvoirs, ne respectent pas certaines règles tacites, ou sombrent dans la violence gratuite, ils seront jugés… et là, ça craint pour eux 😅 Ne vous attendez donc pas à vivre de grandes aventures épiques et colorées, peuplées de féérie, de joyeux repas autour d’un feu de camp ou de grandes fètes de village… vos Faucheurs ne sont et ne seront pas des héros… tout est fait pour leur conférer un destin tragique, au service d’un dieu ingrat (comme tous les dieux), et les faire évoluer dans un monde qui ne veut pas d’eux. Dans le meilleur des cas, ils seront perçu avec une sorte de crainte respectueuse, mais leur lot commun sera surtout d’être ostracisés par une population qui redoute leur venue au moins autant qu’elle l’espère… en effet, c’est une vie de vagabonds qui vous guette, guidés par votre familier vers des endroits hantés, des communautés déchirées et des situations dramatiques… Non contents de chasser les non-morts, vous devrez aussi parfois servir de passeur pour les âmes des mourants (ou du moins, ceux appelés à mourrir 😅), et bien souvent, vous devrez vous salir les mains pour « aider » les personnes désignées par votre dieu à partir, ce qui n’aidera pas à redorer votre blason auprès des familles concernées.

Yul… un autre visage…un peu moins avenant

L’ambiance :

Le monde est dark, injuste et cruel… en lisant le livre, je n’ai cessé de visualiser des soirées orageuses, des nuits profondes, de la crasse et de la misère… bien sûr, le jeu ne se résume pas à cela (la nature sauvage étant l’une des grandes forces en présence), mais quand même… Le gros de l’action tourne autour des non-morts, qui viennent hanter des communautés (vampires, revenants, nécromanciens, …), communautés qui bien souvent auront elles mêmes généré le drame qui conduit à la naissance d’un non-mort. Les personnages vont donc venir remuer tout ça pour en tirer la substantifique (ou plutôt l’horrifique) moelle et si possible régler la situation sans y passer. Le jeu se veut mature, horrifique et viscéral, ne convenant pas forcément à toutes les tables.

Le Système :

Un Seigneur Bête

Le jeu tourne autour du tarot et de sa symbolique. De la création à la résolution des actions, tout passe par les cartes. Même si la mécanique est simple (tirage de carte et comparaison de la valeur avec une compétence afin de calculer une marge de réussite), ça va demander pas mal de boulot au mj comme aux joueurs, car l’auteur étant un grand fan de « tarologie », il charge bien au niveau symbolique. Si comme moi vous n’êtes pas expert en la matière, il va falloir se pencher sérieusement sur la chose, au risque de passer à côté d’une part essentielle de l’ambiance du jeu, ce qui serait franchement dommage. Pour ce qui est des aventures, qui sont appelé ici des Drames, la recommandation de l’auteur est de générer des « zones de chasse », autrement dit, des bacs à sables dans lesquels on prévoit différents facteurs de jeu, comme un ou des non-morts, des communautés, la géographie de la zone, le seigneur bète qui chapeaute l’endroit, etc. Une fois tout ceci posé, on lâche les pj dans la zone et advienne que pourra. C’est une approche qui me plait bien car pas ou peu dirigiste et que ça permet d’éviter le sempiternel « vous êtes dans une auberge », tout en donnant l’illusion de la liberté alors que comme pour un scénario standard, les choses sont balisées (et en partie scriptées).

Conclusion :

Ben c’est très chouette, hautement évocateur en peu d’espace et original dans l’approche. Il y a des conseils pour étendre cela à d’autres périodes historiques, mais l’ambiance crasse du moyen âge convient à merveille au propos du jeu. Je ne sais trop pourquoi (enfin, si un peu quand même), mais j’y vois comme une sorte de Hurlement² bien glauque, coupé avec du Sorceleur³ (je parle exclusivement de celui des premiers livres, qui pour moi relevait bien plus du cradingue désespéré que ce qui fut proposé ensuite avec jeu vidéo et série ou jdr). Bref, un très bon jeu, une très bonne surprise que j’ai envie de faire jouer plutôt que de juste le ranger sur l’étagère 😁

Ps, le jeu coute dans les 17€ sur lulu pour l’édition 2020 (c’est celle que j’ai)

https://www.lulu.com/en/gb/shop/jean-yves-pattus/thanatos/paperback/product-78pk44.html?page=1&pageSize=4

Notes et références :

¹ Jean Yves Pattus : https://www.lulu.com/search/?adult_audience_rating=00&contributor=Jean+Yves+Pattus&page=1&pageSize=10

² Hurlements : http://www.legrog.org/jeux/hurlements

³ Le Sorceleur : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Le_Sorceleur